Le mercenariat en Afrique au sud du Sahara : approche endoscopique et perspectives( Télécharger le fichier original )par Ylliass Destin Lawani Université d'Abomey Calavi - Diplôme du Cycle I de l'ENA en Diplomatie et Relations Internationales 2004 |
A- L'ONUAu cours des 20 dernières années, l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social et la Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies ont adopté plus de 100 résolutions condamnant les activités des mercenaires et ceux qui ont recours à ces derniers. Une étape a été franchie en 1989 avec l'adoption par l'Assemblée générale de la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires. C'est un sujet qui suscite de vifs sentiments d'indignation et de réprobation dans les instances internationales, car le mercenariat touche des questions fondamentales qui ont accaparé l'attention de la communauté internationale depuis l'adoption de la Charte des Nations Unies en 1945 telles que l'égalité souveraine, l'indépendance politique et l'intégrité territoriale des États, le non-recours à la force dans les relations internationales, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, les droits de l'homme et le comportement à tenir dans des situations de conflit armé ou de violence organisée. Il s'agit donc d'un sujet très sensible pour les États membres de l'ONU à divers niveaux qui ne laisse aucune région du monde indifférente. Le rôle dévolu aux mercenaires à l'occasion de la décolonisation, dans les années 60 pour lutter contre les mouvements de libération nationale et empêcher les peuples se trouvant sous domination coloniale d'exercer leur droit à l'autodétermination et pour déstabiliser les États nouvellement indépendants, était considéré comme inacceptable et a été largement condamné par les organes de l'Organisation des Nations Unies. C'est ainsi que par Résolution 1987/16, la Commission des droits de l'homme a nommé un rapporteur spécial chargé d'étudier la question des mercenaires, le péruvien Enrique Bernales Ballesteros. Son dernier rapport (après 16 années d'exercice) propose un nouvelle définition juridique du mercenaire, face aux lacunes que présentent la Convention internationale de l'ONU ( entrée en vigueur en 2001) et le Droit international28(*). B- La FranceLa France a longtemps eu vis à vis du mercenariat une position ambiguë (voir ses attitudes vis à vis des agressions dont ont été victimes le Bénin29(*) et les Comores avec le légendaire Bob Denard). Cependant depuis 2003, elle a adopté « une législation ferme et équilibrée »30(*), laquelle législation consiste « à encadrer le phénomène du mercenariat en sanctionnant ses manifestations les plus condamnables, mais sans entraver toute possibilité de renforcer la protection des Etats »31(*). La loi française permet l'incrimination non seulement des personnes physiques, mais aussi des personnes morales qui participent à l'organisation d'activités mercenaires. Selon celle-ci, « est passible de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende » toute personne qui a été « spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé » en échange d'une forte rémunération, sans être ressortissante ou membre des forces armées de l'un des pays engagés dans ledit conflit32(*). Mais la France n'entend certainement pas se priver d'un outil de politique étrangère essentiel, et qui va encore prendre de l'importance dans les années à venir. Les participants au débat parlementaire n'étaient d'ailleurs pas dupes. Guy Teissier, le président de la commission de la Défense nationale, a souligné que « les services de renseignements préfèrent parfois recourir à des personnels spécialement rémunérés plutôt qu'à leurs propres éléments pour accomplir certaines missions ». On comprend mieux la suppression du terme « officiel » dans la définition du type de mission effectuée par le mercenaire. Ne seront pas poursuivis ceux qui pourront se prévaloir d'une protection de l'État lors de « chantiers » à l'étranger, qu'ils soient publics ou non33(*). On peut dès lors conclure que pour les autorités françaises, pas de multinationales de sécurité militaire et privée si ce n'est avec l'aval du gouvernement. Paragraphe 2 : La vision anglo-saxonne A-La Grande Bretagne La Grande Bretagne développe une approche particulière du mercenariat. Elle est le berceau historique de la forme moderne du mercenariat dont elle a toujours su tirer des bénéfices pour ses propres objectifs de politique étrangère Plusieurs cas d'implication directe des « entreprises de sécurité », qui y sont implantées, dans des conflits armés en Angola, Sierra Leone, Papouasie-Nouvelle-Guinée ou en Croatie, ont défrayé la chronique britannique depuis 1995. Le peu de motivation du gouvernement anglais à légiférer sur la question des mercenaires et la prolifération des firmes de sécurité sur son sol (telles que DSL, CRG, Gurkhas, Sandline, pour ne citer que celles-là ...) sont révélateurs de la permanence d'un état d'esprit pragmatique en la matière. Les autorités britanniques tendent à considérer le travail des Sociétés Internationales de Sécurité comme naturel et allant de soi. Elles estiment que le recours à des sociétés militaires privées , professionnelles, responsables, bien réglementées, peut, dans certaines circonstances, contribuer à établir ou maintenir une relative stabilité, en aidant des gouvernements encore fragiles à garantir un niveau minimal de sécurité. * 28 . Rapport ( référencé E/CN.4/2004/15) de Enrique B. Ballesteros sur la question de l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Commission des Droits de l'Homme, 24 décembre 2003, par.47. * 29. Emmanuel E. OHIN, Influence de l'agression du 16 janvier 1977 sur les relations internationales du Bénin, mémoire de fin de formation du cycle II, ENA, 1989, pp. 78-80 * 30 Michèle Alliot-Marie, Ministre de la Défense française, lors des débats sur le projet de loi relatif à la répression de l'activité mercenaire. * 31. http ;//www.senat.fr/seances/s200302/s.200030206/s20030206004.html ,p.2. * 32 . Sandra FONTAINE, « Des chiens de guerre aux entreprises de guerre », L'intelligent France, 13 avril 2003. Cet article est disponible à l'adresse Internet http://www.jeuneafrique.com/gabarits/articleJAI_online.asp?art_cle=LIN13043descherreug0# * 33 . Sandra FONTAINE, idem. |
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