Contribution à la règlementation des conditions de travail des femmes et des enfants dans une économie informelle. Cas de la République du Bénin.( Télécharger le fichier original )par Samuel Habib Adékulé Sagbohan Université d'Abomey-calavi - Diplôme du cycle I de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature filière "Administration du Travail et de la Sécurité Sociale 2004 |
B- Définition par la notion de travailleurUne autre difficulté à laquelle on se heurte est la définition du terme « travailleur » dans l'économie informelle. L'OIT a dressé une liste permettant de regrouper les travailleurs du secteur informel en fonction de leurs activités : coiffeurs, cambistes, plombiers, mécaniciens, réparateurs de montres, vendeurs, travailleurs domestiques etc. Une telle définition permet de découvrir la diversité d'activités des travailleurs du secteur informel et peut être utile à tout syndicat qui souhaiterait fédérer les travailleurs en fonction de leur domaine d'activité. Cependant la liste varie d'un pays à un autre et ne fournit que très peu d'informations sur les conditions de travail que doivent subir les travailleurs informels. C'est pourquoi une autre définition consiste à diviser les travailleurs en trois catégories : Les dirigeants de micro - entreprises (Owners or employers of micro entreprises) : ils possèdent leur propre structure et emploient peu de travailleurs ou d'apprentis du fait de leur petite taille ; Les travailleurs indépendants (Own account workers) : c'est dans cette catégorie que le secteur informel est le plus fréquent (7(*)). Ces travailleurs qui sont souvent des femmes, exercent une activité seule ou avec des employés pas toujours rémunérés (apprentis, membres de leur famille). Leurs besoins sont nombreux : ils manquent, de crédit pour de petits investissements, de formation, d'accès aux matières premières, d'accès aux marchés et d'accès aux différents services tels que le logement, l'eau, l'électricité ; Les travailleurs dépendants : Ils travaillent pour le compte d'autrui sans contrat de travail adéquat. Ils comprennent les sous-traitants, les travailleurs saisonniers, les travailleurs à domicile et les employés domestiques. Cette catégorie n'a souvent pas d'accès à la formation, à la protection sociale, à un niveau de revenu suffisant, à une sécurité de l'emploi. Dans cette catégorie, les femmes et les enfants sont sur- représentés ( 8(*)). Cette classification plus analytique ne reflète cependant pas la complexité de la situation dans la mesure où, il existe une forte mobilité des travailleurs entre le secteur formel et le secteur informel. Mais elle a le mérite de montrer que la dualité patron-travailleur est loin d'être nette dans l'informel. Les statuts sont variables et l'emploi salarié ne représente pas la norme. Au Bénin, par exemple en 1996, seuls 3,1% des personnes actives dans le secteur étaient des salariés permanents et 3,3 % des salariés occasionnels. Même datant de quelques années, les résultats du tableau ci-après sont éclairants. TABLEAU N°2
Source : Analyse des résultats de l'enquête des unités économiques du secteur informel urbain au Bénin, BIT- PNUD, INSAE, 1996. Il n'est donc pas possible de fournir une définition claire et nette d'une réalité tellement floue. La conférence internationale des statisticiens du travail l'a tentée en 1993, sans pouvoir éviter d'énumérer des critères. Pour ces spécialistes du chiffre, le secteur informel est considéré comme un ensemble d'unités produisant des biens et services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées. Ces unités ayant un faible niveau d'organisation, opérant à petite échelle de manière spécifique, avec peu ou pas de division entre le travail et le capital en tant que facteurs de production. Les relations d'emploi lorsqu'elles existent, sont surtout fondées sur l'emploi occasionnel, les liens de parenté ou les relations personnelles et sociales plutôt que sur les accords contractuels comportant des garanties en bonne et due forme. Tout y est presque, mais sans être nécessairement d'une grande unité opérationnelle : · La très petite taille des entreprises sauf exception ; · Les relations de travail personnalisées ; · La confusion des rôles ; · La faiblesse des investissements et l'importance du facteur travail ; · La précarité des statuts de travailleurs. Dans la suite de cette étude, nous considérons l'informel comme un ensemble d'activités hétérogènes, qui partagent en général trois caractéristiques. D'abord, échapper - pas nécessairement volontairement - à bon nombre de législations, notamment celles relatives au travail. Ensuite, fournir des emplois à des personnes sans contrat formel et dans des conditions de travail et de salaire souvent précaires, sans protection sociale systématique. Enfin être répartie en (très) petites unités telles que définies ci-dessus, dont l'organisation est faible, où les relations employeurs - travailleurs sont souvent personnalisées, et qui confondent souvent le patrimoine personnel avec celui de l'entreprise. En fin de compte, comme le montre Bénédicte FONTENEAU (9(*)), les mots secteur, économie et informel, bien que couramment utilisés, sont incapables de rendre la nature exacte du phénomène, qui présente plusieurs facettes. C'est en fonction de la facette que l'on privilégie qu'on sera tenté d'utiliser un terme plutôt qu'un autre pour définir le secteur informel. Au-delà des mots, il est donc nécessaire de comprendre à quel mécanisme, à quelle logique, l'existence d'un tel secteur répond. A présent, il nous faut apprécier l'état actuel de la législation sociale sur le secteur Section 2 : Les normes juridiques du travail informel La législation du travail en vigueur au Bénin ne s'applique pas de façon stricte à la situation d'emploi dans l'économie informelle qui pour la plupart sont des emplois irréguliers ou atypiques. La législation du travail a été conçue uniquement pour protéger les salariés c'est à dire lorsqu'il existe des relations d'employeurs et d'employés et non les travailleurs dans son sens le plus large. Il est par conséquent évident que les principes et droits fondamentaux au travail (paragraphe 1) sont pour la plupart du temps ignorés dans l'économie informelle au Bénin. Pour l'OIT, ces droits fondamentaux ont la même importance dans l'économie informelle que dans l'économie formelle (10(*)). Il existe également d'autres normes hormis celles fondamentales, qui devraient être appliquées aux situations d'emplois informels (paragraphe 2) Paragraphe1 : Les normes fondamentales Fonctionnant en dehors de la loi, le travail en secteur informel pose la question du droit applicable à une relation qui juridiquement n'existe pas. Il faut donc distinguer, à ce stade-ci, reconnaissance des droits des travailleurs et mise en oeuvre de ces droits. On peut considérer que les principes à la base des normes fondamentales doivent régir toutes formes de travail formalisé ou non. C'est aussi le point de vue de l'OIT dont bon nombre d'instruments s'appliquent non seulement aux « employés » dans le cadre d'un contrat, mais également aux « travailleurs ». Il n'est pas exact que les normes de l'OIT valent seulement pour ceux qui sont actifs dans l'économie formelle où la relation employeur - employé est claire (11(*)). Il s'agit essentiellement de la liberté syndicale et du principe d'égalité (A), puis de l'interdiction du travail forcé et celui des enfants (B). A- La liberté syndicale et le principe d'égalitéLa convention n° 87 de l'OIT (1948) pose le principe de la liberté syndicale et de la négociation collective. Ce texte garantit aux travailleurs et aux employeurs, le droit de constituer des associations de leur choix et le droit de s'y affilier sans autorisation préalable des pouvoirs publics. Implicitement le droit de ne pas s'affilier est aussi garanti. Cette convention traduit un droit humain plus global : la liberté d'association. Elle a été ratifiée par le Bénin le 12 Décembre 1960. C'est le 16 mai 1968 que le Bénin a ratifié la convention n°98 de 1940.Elle permet aux associations d'employeurs et de travailleurs, non seulement d'exister librement, mais aussi d'agir. Elle interdit les actions de discrimination anti-syndicale, encourage la négociation collective et protège les organisations contre les ingérences extérieures, gouvernementales par exemple. Quant à l'égalité et la non discrimination, elle a été ratifiée par le Bénin le 16 mai 1968 pour la convention n°100 (égalité de rémunération) puis le 22 mai 1961 pour la convention n°111(discrimination emploi et profession). La première impose aux Etats qui la ratifient d'appliquer une politique d'égalité de rémunération pour les hommes et les femmes pour un travail d'égale valeur et s'applique à tous les travailleurs sans exception, y compris aux travailleurs indépendants comme l'indique la commission d'expert ayant élaboré le rapport VI soumis à la 90è conférence internationale du travail de juin 2002 à Genève. La seconde impose aux états qui la ratifient de proclamer et d'appliquer une politique nationale qui vise à promouvoir l'égalité des chances et à éliminer dans l'emploi et la profession, toutes les formes de discrimination fondées sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale. L'expression « emploi et profession » inclut les travailleurs indépendants et à leur compte et ne se limite pas à l'économie formelle (12(*)). L'informel se doit de respecter aussi l'interdiction du travail forcé et de celui des enfants. B - Le travail forcé et celui des enfants Le travail des enfants est un phénomène presque exclusif de l'économie informelle. Les instruments de base qui en traitent sont la convention n°138 sur l'âge minimum de 1973 (ratifiée par le Bénin le 11 juin 2001) et la convention n°182 sur les pires formes de travail des enfants de 1999 (ratifiée par le Bénin le 06 novembre 2001). La première est un instrument général qui entend se substituer à des conventions antérieures sur l'âge minimum d'admission à l'emploi qui ne doit pas être inférieur à l'âge de fin de la scolarité obligatoire. Il prévoit des exceptions. En vertu de la convention n° 182, les pays s'engagent à éliminer dans les plus brefs délais, les pires formes de travail des enfants qui sont regroupées en quatre catégories. Par ailleurs, l'interdiction du travail forcé figure à la convention n°29 de 1930 (ratifiée par le Bénin le 12 décembre 1960) puis à la convention n°105 de 1957 (ratifiée par le Bénin le 22 mai 1961). Pour la première, sauf exceptions telles que le service militaire, les prisons et certaines traditions communautaires, elle veut abolir la pratique du travail forcé ou obligatoire y compris l'esclavage. Le texte a été rédigé en priorité pour les pays en développement. La seconde complète la première en visant particulièrement le travail forcé au titre de sanction (discipline au travail, éducation politique). Seulement il n'y a pas que les normes fondamentales qui doivent être appliquées à l'informel, mais il y en a aussi beaucoup d'autres. Paragraphe 2 : Les autres instruments applicables au secteur D'autres normes parmi celles élaborées par l'OIT devraient aussi pouvoir êtres appliquées au secteur informel, malgré les difficultés d'identification des travailleurs concernés. Au delà des droits fondamentaux, il est nécessaire pour s'attaquer plus pleinement aux déficits de travail décent dans l'économie informelle, d'élargir les normes de base minimales à des questions importantes telles que les conditions de travail, la sécurité et la santé, la sécurité du revenu et l'emploi des groupes vulnérables ( 13(*)). S'agissant d'étendre ces droits à l'économie informelle, plusieurs aspects méritent d'être pris en considération. D'une part, les raisons de l'applicabilité des instruments internationaux du travail à cette situation d'emploi (A).D'autre part, l'énumération desdites conventions (B). * (7) : CMT : Rapport annuel sur les droits des travailleurs : Travailler dans l'informel, une chance, un risque, un défi. Juin 2002, Chapitre1, p.2 * ( 8) : ibidem p.4 * (9) : CMT : Dans le syndicat et le secteur informel, 1998, pp. 10-12. * (10) : BIT : Rapport VI, Travail décent et économie informelle, conférence internationale du travail, 90ème session. Genève. BIT. 2002, p.50 * (11): BIT: Loc. cit. * (12): Ibidem p. 48 * (13): Ibid. p. 50 |
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