Le face à face dans totalité et infini d'Emmanuel Levinas: Essai de lecture du rapport entre le retraitant et Dieu dans les Exercices spirituels de saint Ignace( Télécharger le fichier original )par Jean-Luc Malango Kitungano Faculté de philosophie saint Pierre Canisius - baccalauréat philosophie programme spécial 1 2006 |
0.3. Le face - à - faceLe face-à-face, chez Levinas, se démarque de la signification habituelle. Dire que deux personnes sont face-à-face, peut recouvrir une multitude de significations : il peut s'agir d'un face-à-face vécu comme défiance ou d'un face-à-face vécu comme complicité, mieux, vécu comme fusion des sentiments. Le face-à-face chez Levinas ne renvoie pas à ces acceptions. Pour saisir le face-à-face, selon Levinas, plaçons-nous dans la perspective de la mise en question de la liberté. Il s'agit ici d'un point de vue éthique et plus particulièrement de la critique de l'ontologie. La philosophie occidentale est fondée sur l'exercice de la raison, sur l'exercice de la liberté qui se donne comme « conscience de... ». Ainsi, la liberté dénote la façon où le Même demeure dans l'Autre. Le Même, reconnaît Levinas, dans De Dieu qui vient à l'idée, peut faire l'expérience d'Autrui, « observer » son visage et l'expression de ses gestes comme un ensemble des signes qui renseigneraient sur les états d'âme de l'autre homme. Mais dans cette conception de la relation à Autrui, l'altérité indiscernable d'Autrui est précisément manquée8(*). Le savoir où l'étant se donne comme objet de connaissance par l'entremise de l'impersonnel n'offre pas une mise en question de la totalité du Même. Pour mettre en question le Même, il faut une réversibilité - c'est-à-dire une situation où le Même perd sa place au profit de l'autre, la situation ou il est en face de l'autre homme. Or dans la relation métaphysique, cette mise en question n'est pas admise car cette relation exige que les termes en présence aient une communauté de « genre » ou la même nature. Levinas pose alors que, pour qu'une relation asymétrique soit possible, il faut que, d'une part, le Même soit immanent et l'Autre transcendant et que d'autre part, l'Autre entre dans la relation sans violenter le Même. Le face-à-face propre à la relation éthique tranche sur toute relation de totalisation, de synthétisation, de réduction. Le face-à-face9(*) entre le Même et Autrui se présente sans nier le Même. Mais au lieu de blesser la liberté du Même, il l'appelle à la responsabilité et l'instaure. Le face-à-face comme relation éthique, comme épiphanie du visage de l'autre, signifie que c'est la transcendance d'autrui qui rend compte de la liberté du Même. * 8 DQVI, Ibid., pp. 243-244 * 9 « Mais cet en face du visage dans son expression - dans sa mortalité - m'assigne, me demande, me réclame...la mort de l'autre homme me met en cause et en question ... c'est dans cette mise en question, qu'autrui est prochain. » Ibid., p. 245 |
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