SECTION II : LE MANAGEMENT HOSPITALIER EN TUNISIE
En Tunisie, le management des organisations publiques de
soins diffère du management pratiqué dans les organisations
de soins privées. Ces différences résident dans le
degré d'autonomie et d'indépendance dans la prise de
décision, l'investissement et le financement.
En effet, le management de l'hôpital public cherche
à satisfaire les objectifs du principal financeur à savoir, le
gouvernement. Ces objectifs politiques peuvent donc, ne pas converger avec les
objectifs de profit. Le management de l'organisation privée de
soins consiste à répondre aux besoins de la clientèle
qui s'y adresse, par des produits de meilleure qualité, tout
en assurant une marge profit. Le management de ces
entités est plus flexible, épousant la
logique de l'entreprise marchande.
II.1 LA REFORME DE LA GESTION HOSPITALIERE EN TUNISIE
II.1.1 La situation du secteur hospitalier avant la
réforme
Avant la réforme de 1991, les
établissements composant le système sanitaire tunisien
avaient le statut d'établissement public administratif (EPA)
à l'exception de l'hôpital H.Thameur qui avait le statut
d'établissement public industriel et commercial (EPIC).
Cette situation de l'hôpital public était
préoccupante en raison de son régime juridique et
des dispositions statuaires, financières et
réglementaires qui le régissent. En effet les hôpitaux
75
n'étaient ni des EPIC, ni des EPA, ni des
services administratifs déconcentrés de
l'administration générale.
En 1991, le ministère de la santé publique
a entrepris un projet de réforme hospitalière ayant pour
objectifs :
§ L'amélioration de la qualité des
soins, la rationalisation des modes de gestion et
l'optimisation des coûts, c'est à dire
accroître l'efficacité des hôpitaux universitaires.
§ L'élaboration, la mise en oeuvre et le
développement d'un système d'évaluation des
activités et des coûts subis.
§ Réaménager les modalités de
partage des charges financières du secteur entre les principales
sources de financements (l'Etat, les caisses et les organismes d'assurance et
de sécurité sociale et les ménages).
La concrétisation de ces objectifs passe par la
réhabilitation de la structure institutionnelle
et organisationnelle des hôpitaux.
II.1.2 Les Etablissements Publics de Santé
(E.P.S)
L'Etablissement public de santé est une
entité autonome dotée d'une personnalité civile,
régie par la législation commerciale,
administrée par un conseil d'administration, dirigée par
un directeur général et soumise à
la tutelle de l'Etat. Les attributions du conseil
d'administration et du directeur général sont fixées par
décret.
La réforme hospitalière concerne les
établissements à vocation universitaire dont la
transformation en Etablissements Publics de Santé (EPS) a
été progressive et échelonnée sur quatre ans : un
premier lot de 3 établissements, un second de 8, un
troisième de 5 et un quatrième de 3 établissements.
Cette réforme n'a concerné que les hôpitaux
universitaires pour les raisons suivantes :
- Ils regroupent 48% des lits hospitaliers ;
- Ils assurent pratiquement la moitié des activités
des structures publiques ;
76
- Ils consomment un peu plus de la moitié des
budgets de fonctionnement de toutes les
structures et la portion majeure des budgets
d'investissement réservés aux structures
publiques ;
- Ils emploient la majorité du personnel du
ministère de la santé publique et présentent un terrain de
formation de la quasi - totalité du personnel de santé.
Ces établissements comptent ainsi des gisements
de productivité importants qui devront être exploités
grâce à une gestion efficiente des ressources disponibles,
d'une part et à une meilleure allocation des ressources
additionnelles, d'autre part.
Tableau 27 : EPA/EPS, critères de convergence et
de divergence169
|
EPA
|
EPS
|
Nature
|
Etablissement public
|
Etablissement public
|
Intérêt
|
Public
|
Public
|
Prérogatives
|
Puissance publique
|
Puissance publique
|
But
|
Non lucratif
|
Non lucratif
|
Personnalité morale
|
Capacité juridique
|
Capacité juridique
|
Autonomie
|
Financière
|
Financière
|
Patrimoine
|
Source publique
|
Source publique
|
Biens
|
Insaisissables
|
Insaisissables
|
Tutelle
|
Ministère de la santé publique
|
Ministère de la santé publique
|
Prestations
|
Directes
|
Directes
|
Tarifs
|
Réglementés
|
Réglementés
|
Marchés
|
Publics
|
Publics
|
Personnel
|
Soumis au SGFP170
|
Soumis au SGFP
|
Contentieux d'annulation
|
Juridiction administrative
|
Juridiction administrative
|
Contentieux de responsabilité
|
Juridiction du droit commun
|
Juridiction du droit commun
|
Organes de direction
|
Directeur
|
Directeur général
|
Organes de gestion
|
Conseil de santé
|
Conseil d'administration
|
Organes consultatifs
|
Conseil scientifique et commission administrative
|
Comité médical
|
Ressources financières
|
Recettes propres + subventions de
l'Etat
|
Recettes propres + budget
d'équilibre
|
Régime comptable et fiscal
|
Règles de comptabilité et des finances publiques
|
Règles de comptabilité commerciale
|
Relations avec les tiers
|
Réglementaire
|
Réputation commerciale
|
Contrôle des dépenses
|
Régime de la comptabilité publique
|
Contrôle financier d'Etat
|
Sur le plan opérationnel, le projet d'appui
à la réforme hospitalière, a pour objectif
d'améliorer l'efficacité et la qualité
des services du sous secteur hospitalier, ainsi que d'alléger le
fardeau que les plus grands hôpitaux faisaient peser sur les ressources
de l'Etat.
169 Ce tableau est extrait de : Mongi SDIRI, «
Organisation, règlement intérieur des structures sanitaires
publiques et statut du personnel paramédical dans la
fonction publique », Ministère de la santé publique,
Octobre
2000, p.19.
170 Statut général de la fonction
publique
77
Plus précisément, le projet visait à aider
le programme de réforme du Gouvernement tunisien
à atteindre deux objectifs principaux171 :
§ Accroître l'efficacité interne des
grands hôpitaux généraux, instituts
spécialisés et maternités, contenir les coûts et
améliorer la qualité des services ;
§ fournir les informations relatives aux
activités et aux coûts des structures hospitalières
pour permettre un réaménagement des modalités de
partage des charges financières du secteur, par une meilleure
articulation entre l'utilisation effective des services hospitaliers
et la contribution financière des patients assurés
et payants
Ce projet comprend deux parties subdivisées en composantes
:
1 - Amélioration de l'organisation et de la gestion
des hôpitaux, qui comprend les aspects
suivants :
- Renforcement des capacités administratives et de gestion
de la tutelle ;
- Préparation et mise en oeuvre d'un manuel de gestion
financière, d'une base de données de gestion financière et
d'un système informatisé de gestion ;
- Formation des cadres et des employés des
hôpitaux pour renforcer leurs capacités dans les domaines de
l'organisation, de la gestion, de la maintenance et du
développement du système informatisé de gestion ;
- Aménagement et rénovation des locaux
administratifs et d'accueil des malades ;
- Préparation du plan de développement à
moyen terme de la capacité hospitalière.
2 - Amélioration des installations techniques et des
équipements des hôpitaux comprenant les aspects suivants :
- Renouvellement et entretien des installations techniques ;
- Fourniture d'équipements médicaux en vue
d'améliorer les capacités de diagnostic et de
traitement ;
- Renforcement des équipements des unités de
maintenance dans les hôpitaux concernés.
C'est dans ce cadre qu'un manuel uniforme des procédures
standardisées de gestion a été
élaboré, testé et mis en application. Les
logiciels informatiques sont en majorité déjà
conçus
et opèrent selon la programmation adoptée, dans les
EPS concernés.
171 Hédi ACHOURI et Claire VOLTAIRE,
« RAPPORT D'ACHEVEMENT, PROJET D'APPUI A LA
REFORME HOSPITALIERE », Tunis, décembre 1999,
pp.4-8.
78
A terme, ce système permettra de cerner toutes les
activités des EPS, la gestion de leurs
stocks et de leurs immobilisations et la
détermination des coûts de soins. En outre, en confrontant
les données d'activités et de coûts, à celles des
pathologies prises en charge, le système d'information permettra la
mise en place et le suivi d'indicateurs de performances qui seront
utilisés dans les processus de budgétisation et de
planification à court et à moyen terme.
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