SECTION II : LA PERFORMANCE HOSPITALIERE
II.1 LES DIMENSIONS DE LA PERFORMANCE HOSPITALIERE
II.1.1 La performance verticale
L'organisation n'est pas neutre, et son action dépend
des individus qui la composent et des grandes orientations de ces
dernières. Entre contraintes et marges de manoeuvre,
l'organisation se révèle facilitante autant que contraignante.
Ceci est d'autant plus vrai dans l'organisation hospitalière,
caractérisée par de nombreuses règles contraignants
les actions humaines et marquée par la complexité des processus
et la pluralité des parties prenantes. Ce qui engendre d'importantes
zones d'incertitude et des marge de manoeuvre aux acteurs.
Tableau 21 : Organisation hospitalière, enjeux,
défis et dilemmes
Enjeux
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Ambitions : assurer la
compétitivité (le plus haut niveau de qualité et de
sécurité
au coût le plus bas), répondre aux attentes des
patients et satisfaire les stakeholders.
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Marge de main oeuvre : utilisation d'outils,
techniques et processus de
management et coordination entre les différents centres
de décision.
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Contraintes : rareté des ressources,
montée en puissance du consumérisme,
applicabilité des techniques managériales à
l'hôpital et divergence des cultures des
stakeholders.
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Défis
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Réactivité, innovation, modernisation et
rationalisation de l'hôpital afin de garantir
la qualité et la sécurité des soins au
moindre coût.
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Dilemmes
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Multiplicité des visions de la performance et divergence
des intérêts des
stakeholders.
Clivage organisationnel. Enjeux de pouvoir.
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L'organisation hospitalière se distingue des
entreprises appartenant à d'autres secteurs
d'activité : elle englobe un nombre incertain
d'établissements distincts et elle contient différents
niveaux d'analyses (nationaux, régionaux et locaux).
Si l'entreprise se trouve confrontée à des
contraintes extérieures, elle définit elle même ses
objectifs et sa structure. Si l'entreprise doit s'inscrire dans le
système économique, elle a des mécanismes de
marché pour évaluer son positionnement. L'hôpital
lui, ne dispose pas des mécanismes traditionnels de marché
pour évaluer son action au sein du système de
santé d'une part, il est aussi contraint sur l'ensemble des
paramètres de son organisation d'autre part. L'hôpital
s'inscrit dans un système plus large de santé, augmentant
le nombre de
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dimensions de sa performance et complexifiant d'autant sa
gestion en ce qui concerne la
définition de ses priorités et sa contribution
à l'amélioration de la performance du système de
santé dans son ensemble.
La performance verticale fait donc
référence à la capacité des établissements
de soins à
s'inscrire dans les orientations du système de
santé et à converger vers les objectifs globaux
de la société . La quête de la performance
verticale oblige les établissements à repenser leurs objectifs et
leur mode de faire.
II.1.2 La performance latérale
L'intégration de l'organisation hospitalière
repose sur la convergence des objectifs dans le sens de la performance
définie socialement. La différenciation repose sur un
environnement distinct aux quels sont confrontés les acteurs. En
effet, l'hôpital est marqué par une forte
différenciation sur la base des disciplines et des techniques
médicales et non sur la base des différents besoins des
patients. L'hôpital doit se différencier en fonction des
patients qu'il prend en charge pour répondre à leurs
besoins et non en fonction des caractéristiques des
professionnels. Pour cela l'hôpital doit être capable d'identifier
les différents types de patients qui font l'objet de son
activité.
« les individus exercent les fonctions de
prestataires, de consommateurs, de bailleurs de fonds et d'administrateur
général tout au long de leur vie active, mais c'est à
n'importe quel moment, de leurs naissances à leurs décès,
qu'ils peuvent jouer le rôle de malade »130.
Il est important de préciser les différentes
caractéristiques de l'individu dans le système de soins car les
critères de performance retenus implicitement par l'individu
dépendent de sa position par rapport à ce dernier.
Dans cette perspective on note une différence de
nomenclature pouvant signaler des différences de traitements,
découlant indirectement du statut éthique attribué
à l'individu en question :
Citoyen : « membre d'une
communauté politique organisée131 ». Le
citoyen participe à la
vie politique par le régime démocratique. Il
fait des choix et des arbitrages. Le terme citoyen dans le système de
santé émerge notamment avec la volonté de faire participer
les individus aux réflexions concernant les orientations du
système.
130 OMS, « Rapport sur la performance des
systèmes des systèmes de santé dans le monde »,
Genève, 2000, p.57.
131 A. REY, « Dictionnaire historique de la
langue française », Le Robert, 1993.
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Usager : ce mot correspond à la
personne utilisant un service public. L'usager dans la
structure médicale, n'est pas strictement le patient, ce
peut être un parent qui use pour un tiers des services d'un
médecin. L'usager use d'un service public, se trouvant souvent en
situation
de monopole. (utilisé en Allemagne, Angleterre pour
qualifier le malade).
Consommateur : l'idée de consommateur
repose sur la réappropriation par l'individu d'un pouvoir d'action
directe sur une trajectoire de soins. Cette réappropriation est
fondée sur une limitation de transfert, non seulement de
compétence, mais aussi de responsabilité, qualifiant
le rapport entre un patient et son médecin.
(Utilisé aux Etats-Unis pour qualifier le malade).
Patient : est celui qui souffre. Le patient
est identifié par son passage d'un état normal à un
état pathologique, l'hôpital a alors pour charge et
responsabilité de remédier à cette transgression.
Le mot patient suffit à qualifier l'état de dépendance
à l'égard de la structure médicale. Il ne reconnaît
l'individu que dans la mesure stricte de cette dépendance.
(Utilisé en France et au Canada pour qualifier le malade).
Client : par analogie à
l'économie de marché, un client a trois
caractéristiques132 : il paye
toujours, il est libre et il représente une forme
d'altérité, c'est à dire l'autre. ( utilisé
pour
qualifier les malades fréquentant un établissement
privé).
La tendance naturelle des professions médicales est de
parler de patient. Ce mot ne met pas
sur pied d'égalité celui qui exerce le
métier et celui à qui on rend le service.
Par conséquent la performance
latérale désigne la capacité de
l'hôpital à répondre aux besoins des malades s'adressant
à lui, mais aussi aux attentes des salariés, des financeurs du
système, et des citoyens d'une manière générale.
II.1.3 La performance horizontale
L'hôpital doit trouver une forme d'organisation,
lui permettant à la fois une bonne intégration des
finalités des acteurs du système (performance
verticale) et une forte différenciation des réponses aux
besoins de la population (performance latérale). L'organisation
réticulaire représente aujourd'hui la forme d'organisation la
plus adaptée pour concilier ces deux exigences (performance
horizontale).
132 S. DEMICHEL, « Client, patient, usager
: le sujet de la santé publique », Papier de recherche
Graphos, Janvier 2001.
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En effet, la qualité de la prise en charge des patients
est confrontée au cloisonnement des
établissements de soins. La spécialisation
des professionnels est de plus en plus forte et l'ensemble des
compétences médicales sont rarement réunies sur un
même lieu géographique. Par conséquent l'organisation
réticulaire doit être envisagée de manière
explicite et formalisée.
Le réseau peut être défini comme un
ensemble de relations qu'une entité entretien avec d'autres
entités et ce indépendamment de l'entité concernée,
de la nature de la relation, de la fonction de la relation et des
caractéristiques de cette relation133.
Le recours aux réseaux, s'explique par plusieurs objectifs
liés à l'organisation de la prise en
charge, aux connaissances et compétences des acteurs et
à la réduction des coûts.
En effet , le réseau permet de diminuer les coûts
de transaction liés aux risques d'aléa moral d'une situation
d'échange ponctuelle sur un marché et les coûts
engendrés par la rigidité d'une organisation où toutes
les activités sont internalisées.
Par conséquent, la performance horizontale
désigne la capacité de l'hôpital à
combiner son activité avec les autres entités du système
de soins pour assurer la qualité de la prise en charge dans ses
dimensions, technique (le juste équipement), médicale (le juste
acte), de soin
(les justes compétences), organisationnelles
(le juste délai, le juste temps et la juste
information), sociale (le juste lieu) et psychologique ( la
juste attention et la juste communication).
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