0. INTRODUCTION
Les firmes multinationales, auxquelles a toujours
été attribuée, à tort ou à raison, la
capacité de prolonger l'exploitation de leurs activités à
l'étranger, ne sont plus, malheureusement, les seuls acteurs
économiques à s'affectionner l'épithète
d'international. En d'autres mots, elles ne sont plus les seules à
pouvoir tirer avantage de l'élargissement des marchés, ni
à se buter aux obstacles, toujours aussi inhérents à la
mondialisation. Engin de collusion et de recentrage des intérêts
entre plusieurs acteurs, la mondialisation, comme le fait remarquer
l'économiste nigérian, OKIGBO P. (1999, pp. 101-102), est
évidemment, un processus qui plonge ses racines dans les temps les plus
anciens. Il ne faut pas avoir le regret de caserner les conquêtes de
César, à travers ses nombreux combats, à la fois glorieux
et parfois ternes, dans la recherche de ce qui rapprocherait le monde, à
commencer par l'espace européen. César a donc tracé les
jalons de ce que les économistes de l'école
néo-libérale allaient exploiter et mener à bien, à
savoir, la mondialisation. Le sport, spécialement, «le sport
professionnel n'échappe pas au mouvement de globalisation et de
mondialisation qui touche le monde économique »,
écrivent BAYLE Emmanuel et DURAND Christophe (2000, p.154). Bien plus,
renseigne Jean Jacques GOUGUET (2000, p.5), même si
« l'activité sportive a acquis de longue date une dimension
internationale (les jeux olympiques par exemple), mais les formes nouvelles de
la mondialisation sont entrain de bouleverser radicalement les modalités
d'organisation du spectacle sportif », surtout le mariage
sport-entreprises multinationales.
En fait, les relations entre les firmes multinationales et le
sport, souvent discrètes, mais toujours présentes, ne sont pas
qu'anciennes. BOURG et GOUGUET (2000), parlent d'une « interaction
entre des firmes multinationales, d'un côté, et le mouvement
sportif, de l'autre ». Elles se sont aussi resserrées de plus
belle, ces derniers temps, au point de transformer l'univers de spectacle en un
monde d'affaires, tout aussi prospère que rentable. Pour qualifier cet
effort de conversion du spectacle en business,
l'expression «métamorphose » n'est pas du tout
exagérée.
C'est vrai que certaines entreprises multinationales se sont
fait un nom dans la fabrication et la commercialisation des équipements
sportifs, et ce, à travers la planète : ADIDAS, NIKE,
REEBOOK, pour ne citer qu'elles, passent pour celles qui avaient su exploiter
depuis, et à temps, la bague de noces, encore vierge, entre sport et
business.
Actuellement, aux côtés de cette
catégorie, plusieurs autres expérimentent et consolident leur
percée dans l'univers commercial. Car, ce dernier a fini par hanter,
sans grand effort de résistance de leur part, les clubs et
fédérations sportifs, et avoir raison d'eux, à l'instar de
l'irrésistible pesanteur, impitoyable en face de tout objet en surface.
Comment ne pas prêter attention à cette évolution, quand,
comme l'indique ANDREFF Wladimir (2000), «cotation des clubs en bourse,
transformation des structures juridiques des clubs professionnels en
entreprises commerciales, ouverture du capital des clubs aux opérateurs
extérieurs au sport, diversification des produits des
clubs(merchandising) et privatisation du financement des clubs » sont
très usités par les milieux sportifs !
Le sport a, ainsi, cessé d'être l'exclusif
effaceur, qu'il était depuis lors, de la soif ludique et spectaculaire
des athlètes d'une part, et des spectateurs d'autre part. En attendant
de trouver une cause à ce revirement, l'on pense déjà que
l'entrée des privés dans le mouvement sportif et les rentes
financières qu'elle serait capable de générer ne sont
pas étrangères à la métamorphose du football
spectacle en football business. BAYLE et DURAND (Ibidem),
précités, renchérissent que «cette tendance
à la privatisation du sport professionnel, qu'elle s'accompagne d'une
prise de pouvoir formelle ou d'une pression telle qu'elle confère
à l'opérateur extérieur un contrôle très
large du système, constitue un élément de l'organisation
et du financement du sport professionnel ».
C'est donc, sans ambages, qu'analysant lucidement le
phénomène, BOURG (1998) esquisse que « le sport
est devenu l'objet d'enjeux financiers considérables liant quatre
acteurs majeurs à un niveau international : sponsors, diffuseurs,
fabricants, agences de marketing ».
Les années '80 du siècle dernier sont
décisives dans la façon dont le sport, en général
et le football, en particulier vont se comporter. Le football, va continuer
à s'adosser sur ses principes, en se frayant, en même temps, le
chemin lucratif, guère, lui imputable.
Mais, parler du sport est un sujet, certes, attrayant,
seulement qui risque de paraître trop large et trop vague en fin des
comptes. Il existe tout un arsenal de disciplines sportives, auquel il faudra
à la longue, consacrer de nombreuses et riches études. Cependant,
dans le cadre de la présente analyse, nous nous limitons au football,
aux stratégies de son internationalisation et à ce que celle-ci
pourrait être à même d'apporter au développement des
pays en développement d'Afrique, eux qui semblent constituer un des
itinéraires les plus prisés des opérations
d'internationalisation du sport sous examen. Quelques raisons président
ainsi à ce choix.
Tout d'abord, le football reste l'un des sports les plus
populaires et les plus spectaculaires au monde. Ensuite, même dans des
pays où sa signification était réduite au simple spectacle
des quartiers moins fréquentés par certaines classes sociales,
aux Etats-Unis par exemple, il acquiert de plus en plus de l'ampleur. Le
déroulement de la phase finale du mondial 1994 en terre
américaine n'en est qu'un des signes éloquents.
Enfin, l'infiltration des milieux d'affaires privés lui
imprègne une dimension à la fois sociale et
économico-financière non négligeable. Ses instances
veillent journellement à l'expansion de sa pratique, sans trop faire
apparaître l'aspect financier qui lui colle certainement et manifestement
à la peau. Le choix du Japon et la Corée du sud, auxquels
pourrait se joindre la Corée du Nord serait un pas vers « la
terre promise d'affaires du XXIème siècle »,
à savoir, la Chine populaire.
La preuve est donnée par l'hyper-médiatisation
dont il est l'objet et l'attention particulière qui lui est
accordée de la part des autorités aussi bien que de la part des
populations. En effet, le moindre constat possible qui puisse encore frapper
fait état de ce que depuis les années '80, le football est devenu
un phénomène socio-économique et financier indiscutable,
auquel des études sont de plus en plus consacrées. Cette tendance
vers une recherche appliquée au football n'est cependant pas encore
proportionnelle à la promotion médiatique dont il
bénéficie.
La télévision, par exemple, dessine chaque jour
les contours de ses idylles avec le sport, et le football en particulier.
Captivant le souffle des téléspectateurs, de plus en plus
nombreux, elle s'évertue à longueur des journées, à
chasser, puis à livrer au public, à des heures d'audience
massive, des images et des sujets d'actualités du football :
résultats des championnats nationaux, des matches des ligues, des
matches de qualification pour des compétitions internationales, le
mouvement des transferts des joueurs et la chronique de leurs montants, le
hooliganisme et aussi le dopage de quelques-uns.
A première vue, la spécialisation en la
matière de certaines chaînes de télévision
privées laissait indifférents même les passionnés du
football, sans qu'apparût en clair le vaste commerce qui s'y
déroulait. Datant de plusieurs années aux Etats-Unis, ce commerce
avait réussi à prouver ses prouesses. QUIRK J. et FORT R.D, que
citent Bayle et Durand (2000, p. 152) montraient également que "le
glissement de la propriété historique des
associations (sportives) vers des opérateurs privés est une
tendance perceptible en Europe qui a, à l'inverse, toujours primé
aux Etats-Unis ".
Aujourd'hui, la passion qui endiablait autrefois les fans du
football a débordé ce contexte de plus en plus
rétréci et caricatural, pour pavoiser et atteindre les
politiques, les financiers et les industriels de ce monde.
Certes, le sport fait partie intégrante de la
société, même si son évolution de ces
dernières années donne l'impression de lui ôter son
rôle social, pour ne lui en reconnaître que celui de politique
économique et financière.
A plus d'un titre, il est acquis, comme l'écrivent
ILLKA Vuori et al, (1995, p. 15), que « le sport peut être
directement un facteur de bien-être social en procurant des loisirs, en
améliorant la forme physique et en favorisant l'insertion des individus
dans la société et leur maintien en bonne santé. D'autre
part, l'élan économique qu'apporte le sport contribue à la
consommation, au revenu, à l'emploi et au développement
économique local, régional», pourquoi pas continental !
Cela étant, la crainte que l'infestation du milieu des affaires dans le
sport, sans possibilité de sauver la face éthique «ne se
traduise par une perte de la souveraineté du pouvoir sportif »
(Bourg et Gouguet, 2000), ne semble pas moins préoccupante.
Si les transformations du football réjouissent autant
qu'elles inquiètent d'autres continents, comme l'Europe, moins
devraient-elles être écartées des analyses dans le
contexte africain. Ce continent a un tel retard de développement de ses
habitants qu'il a, vis-à-vis des générations à
venir, un véritable défi à lancer. (KAMANDA wa KAMADA,
1976). Le football, un des éléments banaux, pourrait, sans
vraiment avoir rang de panacée, contribuer à sa manière au
relèvement de ce défi, car, autrement reviendrait à se
demander avec Axelle KABOU (1991) « si l'Afrique refusait le
développement », ne serait que sur cet aspect. Même si,
ailleurs, les efforts à entreprendre sont énormes,
développement de grands projets économiques, avec la preuve que
l'Afrique ne cesse de donner sur ses performances, en matière de
football, il y a lieu de croire, véritablement, à une dimension
de « l'anti-dérive de l'Afrique en désarroi »
(NDESHYIO Oswald et al, 1985).
Le sujet intéresse donc les pays en
développement, spécialement ceux d'Afrique qui regorgent de
milliers et de milliers de jeunes gens, sans travail mais pétris de
talent dans le football, lequel, du reste, pourrait seul, leur offrir les
perspectives d'une dignité et d'une vie pleine de sens et de
vitalité.
En fait, parlant de l'Afrique, M. KOFFI Anan (1998, p. 26)
constatait que bien que « tous les pays appartiennent
désormais à un système commercial
international ...nombre d'entre eux y sont mal intégrés et
d'autres restent trop vulnérables face à son instabilité.
En Afrique, le maintien d'une croissance soutenue à long terme
dépendra pour une large part de la capacité qu'auront les pays de
diversifier leurs exportations ». A mesure que le football, à
l'instar de tous les sports, peut être comptabilisé et faire
l'objet de calcul dans la balance commerciale des Etats, il mérite toute
l'attention des dirigeants politiques et économiques pour le canaliser,
ainsi que toute l'activité économique qui en résulte, vers
cette diversification.
« L'Afrique est à la croisée des
chemins, observait Alassane OUATTARA (1999, p. 2), mais elle doit
s'intégrer pleinement au village universel qu'est devenue notre
planète...elle doit aussi redoubler d'efforts pour
accélérer la croissance en stimulant l'investissement
privé par une ouverture plus grande des marchés et des
échanges commerciaux ».
L'investissement privé présente, en Afrique, un
bilan controversé. A commencer par la réduction crescendo des
flux naguère lui réservés, particulièrement
« le faible niveau des flux des investissements étrangers
directs vers l'Afrique » (CNUCED, 1998, p. 11). Il a, dans les
secteurs pétrolier et minier, souvent été
considéré comme source des conflits civils et d'appauvrissement
des populations locales. Les accusations par le mouvement pour la survie du
peuple Ogoni (MOSOP) contre la Royal Dutch Shell au Nigeria ou celles
formulées par les populations de la République
Démocratique du Congo et de la République du Congo,
respectivement contre Chevron-Gulf-oil company, Elf et les multinationales
américaines sont du genre à attester l'acception. La
République Démocratique du Congo subit une atroce guerre qui la
rend simplement victime de ses richesses minières.
Il n'est pas pourtant évident de conclure ainsi avec
l'investissement privé, déjà possible et perceptible dans
le monde de football. C'est l'un des rares domaines où les Africains ne
se voient pas fermer le chemin de l'étranger en tant que travailleurs.
Le football prend un peu le contre-pied de ce que « les pays
développés ont souvent fermé leurs marchés aux
produits africains compétitifs. » (KOFFI Anan, 1998, p.
26).
Puisque notre étude voudrait s'inscrire dans le droit
fil des arguments optimistes, il s'avère pertinent de se demander si
cela ne paraît pas illusoire, tant que les indicateurs
macro-économiques surtout à l'ère de la globalisation,
notamment sur le continent africain ne sont pas de bon
augure : « 85% du commerce mondial se fait dans la
triade : Union européenne, Etats-Unis et Japon. La part de
l'Afrique est en dessous des 4% et n'a jamais été aussi
basse. »(Isabelle PLUVINAGE, 1999, p. 9). Il est beaucoup plus
réjouissant de voir les choses autrement.
0.1. METHODOLOGIE.
Les sciences sociales n'ont pas de méthodes qui soient
obligatoires, si l'on voulait mener telle ou telle autre étude.
« La méthode de travail ne se présentera jamais comme
une simple addition de techniques qu'il s'agirait d'appliquer telles quelles
mais bien comme une démarche globale de l'esprit qui demande à
être réinventée pour chaque travail. » Ainsi,
dans le domaine de recherche en sciences sociales, « les
dispositifs d'investigation varient considérablement d'une recherche
à l'autre ». ( QUIVY Raymond et CAMPENHOUDT Luc Van, 1988, pp.
3-5). Cela étant, il va sans dire que la nôtre, présente,
s'inscrit dans le schéma du raisonnement analytique d'un
phénomène nouveau, à savoir l'internationalisation
économique du football business. Nous nous efforcerons de décrire
le fait et de le comparer à la démarche des entreprises
multinationales.
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