1.5.b.2°. L'internationalisation économique
des clubs européens comme conséquence de
l'arrêt Bosman( C-415/93 du 15 décembre
1995).
L'arrêt Bosman renvoie au nom du joueur belge, qui, en
1990, à la fin de son contrat de joueur au Royal Football Club de
Liège, se vu refuser la liberté de porter le maillot de son
nouveau club, en l'occurrence, le Club français de Dunkerque, par son
ancien club, par ce qu'il rejeta une offre de ce dernier club de continuer de
jouer moyennant un salaire inférieur à celui qu'il gagnait quand
le contrat était encore en vigueur.
Bosman porta l'affaire devant les cours et tribunaux belges
devant lesquels, il alléguait l'illégalité du
système des transferts des joueurs en fin de contrat, et donc sa
contradiction avec le traité de Rome, constitutif de l'actuelle Union
européenne.
Devenu, comme l'écrit le professeur Késenne
(2000, p. 95), la victime d'un boycott mondial par les
fédérations de football belge et internationale, Jean Marc Bosman
dût attendre pendant de longues années de misère, la
décision de la cour européenne de Justice, en réponse
à la question préjudicielle lui soumise par la Cour d'Appel de
Liège tendant à savoir s'il était possible d'appliquer les
règles du droit communautaire européen au sport.
La réponse de la Cour européenne rappelant la
nature économique de l'activité du sport, et donc sa soumission,
sauf en ce qui concerne, le cas où le sport joue un rôle purement
sportif, à tout l'arsenal juridique déjà en vigueur,
conduisit à l'abolition des indemnités des transferts, notamment
pour les joueurs fin- contrat et donc, la proclamation, même dans le
domaine sportif, du principe de la libre circulation des joueurs ressortissants
de l'union dans l'espace européen, comme c'était
déjà le cas pour les autres travailleurs.
Mais, en quoi, cet arrêt devait-il avoir une incidence
décisive sur le transfert, et particulièrement sur
l'internationalisation de cette pratique dans le football ?
Pour bien appréhender la portée de la question
et de la réponse qui s'en suivra, il y a lieu de rappeler la distinction
notable que font BOURG et GOUGUET (1998, pp-129-132), entre les clubs
maximisateurs de profits et les clubs maximisateurs de performances
sportives.
Les premiers ont la structure juridique de
sociétés commerciales, car ils accomplissent, à travers
toutes les opérations sportives, des actes réputés
commerciaux par les lois conséquentes de leurs pays respectifs. Bien
plus, quand bien même ils auraient l'apparence statutaire d'associations
sans but lucratif, la pratique constante et répétée
d'actes qualifiés commerciaux par la loi ne leur conférerait pas
moins l'attribut de sociétés commerciales. De tels clubs
jouissent d'une grande liberté en matière de transfert sur un
marché à caractère commercial. Ils achètent et
vendent les joueurs sur le marché des transferts, et les talents se
concentrent dans des clubs riches. Les clubs sont donc maîtres des
joueurs et ils payent ces derniers en tenant compte des autres joueurs non
réellement transférables, mais qui rendent d'énormes
services au club. Il s'agit du genre des clubs américains. En Europe,
par contre, les clubs sont surtout préoccupés par la recherche du
succès, car, continuent les auteurs précités, suite
à la nature des groupements sportifs ( pour la plupart à but non
lucratif), à l'existence de déficits récurrents dans de
nombreux championnats et à une culture traditionnelle d'unité du
sport (amateur et professionnel) fondant une éthique, les clubs
s'attachent à constituer la meilleure équipe possible de
façon à gagner le plus grand nombre de rencontres. Pour ce faire
et, dans la limite du budget, une politique de recrutement des meilleurs
talents est mise en oeuvre, bien plus que dans l'hypothèse de
maximisation des profits.
Or, il se fait qu'avec l'interpénétration du
football business en Europe, les clubs misaient d'abord à
préserver et à conforter leur succès, mais en même
temps, ils ont réalisé que le football procurait au-delà
du succès, quelques retombées financières qui, du coup,
devenaient, de plus en plus, leur préoccupation. La découverte de
cette nouvelle donne qui se testait notamment par l'achat des joueurs et leur
revente, dans l'espoir, souvent atteint des plus-values financières
importantes connaît un frein avec l'arrêt Bosman, qui prône
la libre circulation des joueurs européens fin contrat,
c'est-à-dire, l'absence de toute indemnité de transfert pour
cette catégorie de joueurs.
Mais, l'Europe n'étant pas le seul espace pourvoyeur de
jeunes joueurs, les clubs ont vite pensé à l'Afrique où
l'acquisition des joueurs ne leur coûte pas beaucoup d'argent, et
à l'Amérique Latine, où, la raison
précédente s'applique mutatis mutandis et dont le succès
de certains ressortissants en championnats européens n'a pu inspirer que
confiance et recours. Cela, parce que les dirigeants de ces clubs savent que
pour des sujets non européens, les dispositions du droit et de la
jurisprudence communautaires
ne leur sont pas opposables, comme le faisait savoir davantage
M. David H. WILL
(1999, p. 7) ( The fédérations viewpoint on the
new transfer rules, in Késenne S., Jeanrenaud C., op. cit., p.
7) : « this is something that we in Europe tend to forget,
Bosman does apply only in Europe, and only to a part of Europe ; the rest
of the football world continues virtually unaffected by it ».
De la sorte, puisque «beaucoup de clubs de football en
Europe ont toujours incorporé la valeur de transfert de leurs joueurs
comme un actif et ont utilisé cet actif comme garantie en banque pour
leurs emprunts » (Késenne S., 2000, p. 97), actuellement, ces
clubs ont déplacé simplement le contexte d'application de la
logique. Au lieu de le faire pour les sujets européens, pour qui le
transfert n'est pas plus avantageux qu'il ne l'était autrefois, ils le
font pour les jeunes sportifs venus d'en dehors de l'Europe des Nations, dans
la mesure où, en sus de l'abolition de l'ancien système des
transferts, la Cour européenne de justice établit la
nullité de la clause de nationalité, qui limitait le nombre des
joueurs étrangers dans les clubs européens à au plus
trois. Donc, l'intensification des opérations de transferts
internationaux,
entraîne aussi l'augmentation de la mobilité
internationale du travail, laquelle, comme le fait observer le professeur
Késenne (ibidem), constitue un mécanisme d'équilibrage
naturel auquel tous les secteurs doivent faire face avec la globalisation
croissante de l'économie. Au demeurant, il se constate que la force des
transferts est tributaire de l'efficacité de son marché : le
mercato.
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