UFR Lettres - Sciences Humaines et Sociales Département de
Sociologie - Nancy
M2 PRIS 2022-2023
Concilier sport de haut niveau et études
Enquête sur les étudiants sportifs de haut
niveau de l'Université de
Lorraine
Mémoire de Master 2 de Sociologie
Teva FAKATAULAVELUA
Mémoire rédigé sous la direction de Mme.
Elsa MARTIN, Maîtresse de conférences à
l'Université de Lorraine à Nancy et membre du
Laboratoire Lorrain de Sciences Sociales.
2
Remerciements :
Je souhaite remercier, en premier lieu, ma directrice de
mémoire Elsa Martin, qui m'a accompagné tout au long de ce
travail. Merci de l'investissement, de l'enthousiasme et du soutien durant ce
travail de mémoire.
Je tiens également à remercier les autres
professeurs du département pour leurs conseils et leur
dévouement. Grâce à eux, j'ai pu acquérir des
connaissances méthodologiques, théoriques et des
compétences pratiques, je suis reconnaissant pour l'aide qui a
été apporté.
Je souhaite aussi remercier ma famille pour m'avoir aidé
et soutenu tout au long de l'année. Je tiens à les remercier pour
ce soutien inconditionnel.
Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à mes
camarades de promotion, en particulier Irsam ABDOURAHAMANE, Lara PARISOT et
Sambarou KANDE. Leur présence à mes côtés fut une
expérience importante et enrichissante.
Je remercie les étudiants sportifs de haut niveau qui
m'ont permis de réaliser cette étude en collaborant à
cette recherche. Sans la collaboration de mes informateurs, ce travail n'aurait
jamais pu voir le jour. Un grand merci à eux.
3
Table des matières :
Remerciements .2
Table des matières 3
INTRODUCTION .4
Chapitre I - Questionnement sociologique et
présentation de l'étude 8
Partie I - Question de départ,
problématisation du sujet 8
12
- Hypothèses de recherche
Partie II - Méthodologie, terrain, explication
14
.14
- 1. La méthodologie et terrain d'enquête
21
- 2. L'explication de la méthodologie d'analyse
Chapitre II - Analyse et résultats
.....24
Partie I - Devenir et être sportif de haut niveau
24
24
- 1. Les vecteurs premiers de la mise en pratique du sport : un
entourage décisif
- 2. Un statut particulier qui permet des ressources et des
financements souvent avantageux...31
.35
- 3. Des opportunités d'encadrement et de soutien
variables entre ESHN
42
- 4. Une planification et une organisation quasi militaire : une
discipline de fer ?
Partie II - Concilier le sport et les études : une
priorité donnée aux études ? ..48
48
- 1. Réussir dans les études pour s'épanouir
dans le sport
- 2. Mais des sports plus fortement rémunérateurs :
entre passion et opportunité financière 54
.56
- 3. Des perspectives professionnelles en lien avec le sport
Partie III - Un soutien inégal des pairs pour les
ESHN 61
61
- 1. Dans le champ sportif, des acteurs multiples qui n'exercent
pas la même influence
.71
- 2. Dans le champ universitaire, des enseignants et des
camarades conciliants ?
Partie IV - La reconnaissance peu valorisée des
ESHN ? 81
.81
- 1. A l'université, des étudiants sportifs de
haut niveau peu valorisés
85
- 2. ... mais source de fierté dans le cercle
familial
88
- 3. La médiatisation de leur pratique : entre
critiques et éloges
Discussion .94
CONCLUSION 97
Bibliographie ..100
Annexe ...107
4
INTRODUCTION
Depuis la fin du 19ème siècle jusqu'à la
seconde guerre mondiale, le sport a évolué dans le contexte
particulier, des valeurs aristocratiques et bourgeoises. Les autorités
ont progressivement commencé à encadrer et à former
l'élite française dans ce domaine (Fleuriel, 2013). C'est
seulement à partir du début 20ème siècle que de
jeunes gens vont volontairement se tourner vers une pratique sportive de haut
niveau au détriment parfois des études (Hébert, 1927).
Georges Hébert critiquait ces « jeunes lycéens prêts
à abandonner complètement leurs études pour la vaine
gloire d'être acceptés dans les compétitions futures,
sacrifiant ainsi leur avenir » (Hébert, 1927). C'est une
préoccupation croissante qui alimente les débats publics
concernant l'incompatibilité entre le temps dédié au sport
et la poursuite des études (Hébert, 1927).
Selon Isabelle Queval (2004), le sport de haut niveau est
caractérisé par le dépassement de soi, une notion
spécifique aux 20ème et 21ème siècle. Très
médiatisé dans certaines disciplines, le sport de haut niveau est
également un important moteur économique, produisant des
athlètes qui se distinguent par leurs performances sportives, il est
guidé par le désir de « faire toujours mieux, en allant au
bout de soi » (Queval, 2004). Le sport de haut niveau soulève des
questions sur la définition de l'excellence physique. Il soulève
également des interrogations sur les capacités et les limites des
athlètes. Comme le note Pascal Duret (2012), la société
attend des sportifs qu'ils battent des records, ce qui suppose une vision d'un
progrès illimité des performances. Pour atteindre ces objectifs,
les athlètes sont prêts à s'entraîner intensivement
pendant des jours, des mois et des années. Ainsi, la plupart des
sportifs de haut niveau sont prêts à endurer la douleur
associée à de tels entraînements intenses. Par ailleurs,
que ce soit à l'école ou dans les publicités par le biais
du sport, les individus sont encouragés à dépasser leurs
limites (Duret, 2012). Le contexte social élargi dans lequel
évoluent les sportifs de haut niveau a également
évolué au cours des dernières décennies.
L'accroissement de la commercialisation et de la médiatisation du sport
a engendré de nouvelles pressions et opportunités pour ces
athlètes d'élite (Andrews, 2001). C'est depuis les années
1970 que la sociologie du sport a pris de plus en plus d'importance, permettant
d'examiner en profondeur l'environnement des sportifs de haut niveau (Dunning,
1999). De plus, des problématiques telles que la santé mentale et
le bien-être général des sportifs sont devenues de plus en
plus prégnantes dans le cadre du sport de haut niveau (Smith, 2019).
5
Bien que le sport de haut niveau soit remis en question par
d'autres formes de pratique sportive, il reste un puissant exemple de la
poursuite du dépassement de soi. Dans une étude
réalisée par Jean-Michel Faure sur le ski de haut niveau, il a
constaté que neuf skieurs sur dix privilégiaient le sport aux
études au milieu des années 1970, et ce, indépendamment
des différentes formes d'éducation proposées par les
autorités fédérales, y compris les cours par
correspondance, le tutorat individuel, et les programmes de ski-études
(cité par Papin, Viaud, 2018).
A la fin du 20ème siècle, l'appareil
administratif français a créé le statut du sportif de haut
niveau. Ce statut pose la problématique de l'inscription de
l'éducation des athlètes dans les priorités politiques
(Fleuriel, 2004). De ce fait, la question de l'équilibre entre le sport
et les études commence à se poser ; En effet, le contexte
sociopolitique peut également influencer l'expérience des
sportifs de haut niveau. Les politiques aux niveaux national et international,
les tensions géopolitiques, ainsi que les questions
d'équité et de justice sociale peuvent toutes avoir un impact sur
la carrière et l'expérience vécue par ces athlètes
(Houlihan, 2005)
L'articulation des pratiques sportives aux
études.
Adapté librement de la contribution de Jean Paul
Callède, « Thème 1 : Le sport des étudiants. Quelques
perspectives concernant la France » dans « Le sport,
l'université, l'Europe », 1993, La Maison des Sciences de
l'Homme d'Aquitaine, Pessac.
L'établissement des campus universitaires et
l'augmentation du nombre d'étudiants ont transformé la vie
étudiante dans les années 1970. Il est important de souligner que
les programmes de sport-études ont commencé à prendre
forme dès 1974, illustrant une volonté de ne pas séparer
l'éducation du sport. Ce problème a été mis sur
l'agenda politique et a été intégré dans la
réglementation à plusieurs reprises. Par exemple, la loi du 16
juillet 1984 définit le cadre général des relations entre
les athlètes de haut niveau et leur environnement dans la charte des
sports. Cette loi stipule que l'objectif est de faciliter l'élaboration
d'un projet de formation pour l'insertion professionnelle des athlètes
et de soutenir leur réussite sportive. Dans la même veine, la
circulaire du 1er août 2006 et les textes législatifs
précisent les conditions pour l'adaptation de la scolarité dans
les établissements secondaires et supérieurs. De plus, la
réforme Pécresse de 2008 a favorisé la promotion du sport
à l'université. Cette réforme a une double ambition :
encourager les étudiants à faire plus de sport et valoriser les
compétitions universitaires.
|
Le sport de haut niveau renvoie à une exigence toute
spécifique, comme l'indique la définition de l'INSEE. « Le
sport de haut niveau est reconnu par le code du sport et par la charte du sport
de haut niveau (fondée sur les principes déontologiques du
sport). Il repose sur des critères bien
6
établis qui sont : la reconnaissance de haut niveau des
disciplines sportives ; les compétitions ; la liste des sportifs de haut
niveau ; les filières d'accès au sport de haut niveau. ».
Ces athlètes doivent avoir au moins 12 ans au moment de l'inscription
sur les listes. Ils doivent figurer dans la liste des athlètes
sélectionnés en équipe de France. Il est donné
l'exemple du joueur qui joue au PSG ou à l'OM, s'il n'est pas en
équipe de France, il n'est pas considéré comme sportif de
haut niveau.
En outre, pour être considéré comme
étudiant sportif de haut niveau à l'Université de
Lorraine, le sportif doit figurer sur des listes ministérielles des
sportifs de haut niveau pour l'année en cours. Il peut soit appartenir
aux Projets de Performance Fédéraux (PPF), soit être dans
un centre de formation d'un club professionnel ou encore satisfaire à
certaine performance sportive, selon le site officiel des ESHN (Etudiants
Sportifs de Haut Niveau), de l'Université de Lorraine. Ces
étudiants ont aussi la possibilité d'avoir des coordonnateurs de
dispositif, qui seront des interlocuteurs privilégiés mise
à leur disposition : ils renseignent sur l'obtention du statut d'ESHN,
ils jouent le rôle de médiateur et sont en mesure de
répondre à toute demande.
Le sport peut être combiné avec d'autres
activités comme le travail ou les études, mais la question est de
savoir comment les pratiquants peuvent gérer ces deux aspects
simultanément. Ce mémoire vise à explorer
l'expérience des sportifs de haut niveau à travers le spectre de
la sociologie, en s'appuyant sur une variété de données
empiriques et en se prêtant à une critique constructive des
théories sociologiques existantes.
Par ailleurs, les conclusions de la Cour des Comptes (2013),
ainsi que celles du rapport Karaquillo (2015), mettent en exergue les
défis rencontrés par les athlètes de haut niveau pour
réussir dans les études supérieures (Papin, Viaud, 2018).
Une enquête menée par Sophie Javerlhiac (2014) confirme la
difficulté à concilier la réussite et sport de haut
niveau, évoquant « l'assujettissement de l'athlète au projet
sportif exclusif » (Papin, Viaud, 2018). Ces constats attestent d'une
apparente fatalité de l'échec scolaire parmi les sportifs de haut
niveau. En effet, ces sportifs consacrent leur vie à l'excellence dans
leur discipline, subissant constamment une pression intense pour atteindre la
perfection tout en faisant face à des défis sociologiques uniques
(Hughes et Coakley, 1991).
D'après Bourdieu, le sport est un
phénomène socioculturel qui reflète et renforce même
les structures et inégalités existantes au sein de la
société (Bourdieu, 1978). Les sportifs de haut niveau
évoluent dans un contexte spécifique, caractérisé
par des exigences de performance extrêmement élevées et des
attentes sociétales considérables. Cet environnement unique
exerce
7
une influence profonde sur la vie de ces athlètes,
leurs expériences et leurs perspectives (Hughes et Coakley, 1991). Cette
perspective prend une importance particulière lorsqu'il s'agit des
sportifs de haut niveau, car leur parcours sportif est intrinsèquement
lié aux plus grandes structures socio-économiques (Houlihan et
Green, 2008). L'analyse sociologique offre une vision alternative et
complémentaire, permettant de comprendre comment les athlètes
interagissent avec leur environnement social et comment cela influence leur
parcours sportif (Giulianotti, 2004).
Au regard de ces éléments, nous proposons de
nous demander si le sport de haut niveau peut se concilier avec les
études : comment les étudiants sportifs de haut niveau à
l'Université de Lorraine arrivent à concilier leur sport et les
études ?
8
Chapitre 1 - Questionnement sociologique et
présentation de l'étude Partie I - Question de départ,
problématisation du sujet
A partir de cette question de départ nous pouvons en
effet nous demander comment les étudiants devenus sportifs de haut
niveau, deviennent dans un même temps des étudiants. Comment ces
deux aspects sont-ils conciliés par les individus concernés par
cette désignation ? En nous intéressant à leur devenir
d'étudiants et de sportifs, cela nous amène à
étudier de plus près la notion de carrière et de
trajectoire. En particulier, les sociologues interactionnistes tels que Howard
Becker ou Ervin Goffman analysent la carrière au sens professionnel, ils
analysent aussi les étudiants, les chômeurs, les déviants
peuvent aussi avoir une carrière d'après leur vision. L'analyse
de la carrière se focalise sur la manière dont les acteurs
anticipent les changements, comment ils affrontent les difficultés, et
comment ils interprètent leurs échecs ou réussites. En
particulier, Ervin Goffman a développé un concept de la
carrière morale : « c'est-à-dire au cycle des modifications
qui interviennent dans la personnalité du fait de cette carrière
et aux modifications du système de représentation par lesquelles
l'individu prend conscience de lui-même et appréhende les autres.
» (Goffman, 1968). La carrière aurait donc une influence sur la
personnalité, mais aussi sur les visions du monde des individus, il
parle ainsi de « cycles de modification ». Il a appliqué son
concept pour les malades mentaux, de notre côté, nous allons
l'appliquer pour les sportifs de haut niveau. En effet, à partir des
deux temps distingués par l'auteur, nous pouvons nous intéresser
d'abord aux « contingences de la carrière » : en d'autres
termes, il s'agit dans notre cas d'analyser les mécanismes qui
conduisent à l'entrée dans le milieu compétitif et aussi
le rôle que peut tenir les parents dans cet engouement. Ensuite, nous
pouvons porter une attention singulière au processus de socialisation de
l'individu et mieux appréhender l'ensemble des acteurs au sein du sport
qui compte pour les étudiants. Il s'agit donc de se demander si les
trajectoires des sportifs de haut niveau sont linéaires ? Quels ont
été les mécanismes qui ont mené ces
étudiants à s'orienter vers une pratique de haut niveau ? Dans
quelle mesure les parents par exemple, sont-ils moteurs ou au contraire freins
de cette carrière sportive ? Comment les étudiants se projettent
dans leurs études ? Comment les étudiants ont construit leur
carrière de haut niveau ?
Le deuxième concept s'attache au processus de
socialisation temporelle, ou autrement dit la gestion du temps. Nous nous
intéressons à leur rythme de vie, c'est-à-dire temps
sportif, temps scolaire ou universitaire, temps professionnel, temps de
récupération, temps de loisir privé et social, etc.
(Mathilde Julla-Marcy et al., 2017). Dans cette optique, il apparaît que
leur temps
9
objectif (l'organisation de leur emploi du temps) et leur
temps subjectif (le vécu de celui-ci) ne rentrent pas toujours en
coïncidence (Mathilde Julla-Marcy et al., 2017). En effet l'autrice
explique : « Nous identifions à la fois une capacité
générale de ces sportifs à gérer une organisation
temporelle particulièrement chargée (dont ils sont souvent
demandeurs), mais aussi de profondes variations d'un profil de sportif à
l'autre, d'où l'idée d'une construction sociale du temps
subjectif. ». A l'image des questions posées par l'auteure, nous
pouvons tenter de « comprendre quels éléments ont tendance
à favoriser un meilleur vécu d'un emploi du temps objectivement
chargé. ». Si l'auteure est attentive à comprendre la
conception des différentes temporalités de la préparation
des sportifs », elle explique que la distinction entre temps de travail et
temps de loisir demeure floue. Nous pouvons donc nous demander comment les
temps sportifs et les temps de loisirs sont perçus ? Elle montre
d'ailleurs que cette préparation s'inscrit elle-même dans un
contexte institutionnel spécifique : la construction du rythme de vie de
ces sportifs est alors la recherche d'un compromis entre temps collectif (et
contraignant) et temps individuel (et maîtrisé). » (Mathilde
Julla-Marcy et al., 2017). Au regard de cette conception du temps, nous pouvons
nous demander comment ces sportifs arrivent à gérer leur temps
d'étude en contrepartie de leur sport ? En effet, sur quels
critères le juste-milieu est établi par ces
étudiants-là ? Est-ce le temps ou les choix qui vont être
prépondérant dans cette conciliation ? L'entraînement,
est-il perçu comme un temps de travail ou comme un temps de loisirs ?
Quels sont les mécanismes qui vont pousser les étudiants à
s'orienter sur leur sport plutôt que les études, ou inversement
?
Désormais, pour le troisième concept, nous
sommes amenés à parler du concept de reconnaissance sociale dans
« La lutte pour la reconnaissance » établit par Axel Honneth,
un philosophe allemand. Ce concept peut être défini comme «
un processus d'identification où chaque membre du groupe pose un regard
sur l'autre membre. Il s'agit d'un système d'interactions,
d'échanges qui impliquent l'intériorisation ou l'assimilation de
normes, de modèles, de valeurs à partir de sa propre histoire, de
son milieu familial et de sa trajectoire personnelle et professionnelle. »
(Honneth, 1992). Il faut comprendre ici que cette théorie implique que
cette reconnaissance sociale dépend de notre socialisation à
savoir notre éducation, nos expériences et tous ces
éléments vont favoriser ou non notre identification à
autrui. En s'aidant de la lecture d'Hegel, Honneth avance que la reconnaissance
s'appuie sur trois espèces d'attitudes interpersonnelles : l'amour (se
sentir aimée), le respect (la justice entre les membres) et l'estime
(image de soi et apport vis-à-vis du groupe) (Honneth, 1992). Sans ces
éléments, l'individu manquera de ressources psychologiques
nécessaires à son épanouissement
10
personnel au sein d'un groupe. Autrement dit, les relations
sociales et les formes institutionnalisées de l'interaction sociale
permettent la reconnaissance dans la construction des relations positives et
maintenir des attitudes tels que la confiance en soi, le respect de soi et
l'estime de soi nécessaire à l'autoréalisation
individuelle. (Honneth, 1992). Dans le contexte de nos ESHN, nous pouvons
avancer l'idée que l'amour correspond peut se traduire par des
encouragements ou bien le soutien de la famille et de l'entourage en
générale. Pour la notion de respect, il sera intéressant
de voir si les ESHN sont tous traités de la même manière.
Et en dernier lieu, pour l'estime, l'étude des performances des ESHN est
intéressante pour avoir un oeil sur leur propre
représentation.
Outre leur engagement dans le sport et les études, on
peut également se poser la question relative à leurs trajectoires
sont-elles susceptibles de varier selon le sport sélectionné ?
Quels sont les éléments prépondérants qui vont
intervenir à cette conciliation et quels sont les arguments qui
participent à privilégier l'un ou l'autre ? Certains auteurs ont
abordé par exemple le caractère plus ou moins
rémunérateur de certains sports comme pouvant contribuer à
un engagement variable dans la carrière sportive (Papin, Viaud,
2018).
Par ailleurs, nous pouvons aussi nous demander quelles sont
les difficultés qu'ils rencontrent dans la pratique des études et
du sport ? L'entourage participe -t-il d'une façon ou une autre au
soutien de la réalisation de cette double activité ? Par
ailleurs, en s'appuyant sur les travaux sociologiques qui mettent en avant les
dispositions sociales des individus dans la réalisation d'une ou
plusieurs activités (culturelles, éducatives, etc) à
l'image des travaux de Bourdieu, est-ce que l'origine sociale va influer sur le
parcours de ces étudiants ? A cet égard, nous pourrions nous
intéresser à d'autres caractéristiques sociales telles
quel le genre : quelles différences pouvons-nous tirer entre les
sportives et les sportifs de haut niveau ? En posant ces questions, il s'agit
de comprendre tant la manière dont les sportifs de haut niveau sont
entrés dans cette catégorisation et nous chercherons aussi
à comprendre la manière dont ils envisagent les perspectives
d'avenir et se projettent dans le futur ?
Ainsi, au regard de ces lectures et de ces réflexions,
nous aboutissons à la problématique suivante : comment la
carrière des étudiants sportifs de haut niveau se met-elle en
place et comment celle-ci est perçue par les étudiants
eux-mêmes ? Il s'agira donc de comprendre comment la conciliation entre
étude et sport se réalise et comment les étudiants se
projettent. Quelles influences exercent les agents sportifs, familiaux,
amicaux, médiatiques sur l'étudiant sportif de haut niveau ? Il
s'agira d'étudier plus en profondeur le rôle de l'entourage sur le
sportif de haut niveau, quels sont leurs apports dans cette conciliation. Quels
sont les facteurs
11
qui incitent les ESHN à prioriser le sport ou les
études dans la conciliation ? Pour cela, nous étudierons de plus
près l'environnement social de l'étudiant sportif.
12
Hypothèses de recherche
Nous sommes désormais en mesure d'énoncer les
hypothèses qui sont en relation avec le sport et les études.
Grâce à nos lectures, l'hypothèse
générale que nous pouvons émettre vis-à-vis de
notre sujet est la suivante : les sportifs de haut niveau sont amenés
à faire des choix pour réaliser au mieux leur sport et leurs
études, c'est l'idée de sacrifier un élément pour
un autre. Lors de leurs cursus scolaires, ils seront amenés à
prioriser plutôt le sport ou plutôt les études ou bien
trouver un équilibre entre les deux : ils ont l'option de prolonger une
année universitaire sur deux ans afin d'atteindre un objectif sportif
immédiat, ou de réduire leurs aspirations sportives sur une
durée déterminée pour privilégier leur projet
éducatif (Papin, Viaud, 2018). En effet, au-delà du temps, ces
étudiants doivent réaliser des choix, mettre en place des
stratégies, des tactiques afin d'accomplir au mieux leurs ambitions.
Néanmoins, nous faisons l'hypothèse que cette
hiérarchisation des tâches (scolaires versus sportives) est
variable selon les moments, l'emploi du temps et les périodes de
l'année.
La première hypothèse consiste à affirmer
que ces étudiants sportifs de haut niveau s'attachent à mettre en
avant le manque de temps et la fatigue dans la conciliation entre le sport et
les études (Stambulova, 2014 ; Piffaretti 2006). En effet, le double
projet représente un défi pour ces individus, ils doivent jongler
avec des horaires chargés et trouver un équilibre adapté.
(Stambulova, 2014 ; Piffaretti 2006). Même confrontés à la
grande difficulté de gérer ces deux responsabilités
simultanément et subissant souvent une fatigue intense, ils persistent
à suivre ce double chemin. (Mathilde Julla-Marcy et al., 2017). La
fatigue et le manque de temps devraient donc constituer les obstacles
principaux auxquels les étudiants doivent s'opposer. En effet, la
panique temporelle est une forme d'angoisse dans la gestion du temps (Mathilde
Julla-Marcy et al., 2017). D'après la publication de Debois et al.
(2015), la difficulté à investir les deux activités et le
manque de temps devrait être intensifié lors de grandes
compétitions.
La deuxième hypothèse établie s'attache
aux imprévus ou aléas sportifs probables chez nos
étudiants sportifs comme par exemple le surentraînement, les
blessures, un déclassement, un changement de club ou encore un
déménagement : la baisse de motivation pourrait être
observée pendant ces périodes dites d'imprévus. « En
outre, cela dégage l'athlète d'une certaine pression : si
celui-ci n'a que son projet sportif à mener, il peut rapidement se
trouver démuni et subir une forte perte d'identité, en cas de
blessure par exemple » (Delalandre et Demeslay, 2015).
13
La troisième hypothèse se concentrera sur les
influences de l'origine sociale ainsi que les pairs et le projet
élaboré. Nous partons du principe que le choix du sport et les
études qui ont été sélectionnés par ces
étudiants sportifs de haut niveau dépendent de l'origine sociale
et de l'influence des pairs, les vocations et la construction du projet de vie
des étudiants sont inséparables de ces influences sociales.
L'entrée et le maintien dans l'univers sportif sont influencés
par l'entourage, c'est-à-dire les parents, les pairs, les
entraîneurs, les attentes culturelles, les établissements et les
médias (Moret, 2017 ; Pifaretti, 2006 ; Debois et al., 2015). Par
exemple, « l'attirance des jeunes hommes issus des fractions populaires
pour le football (Bertrand, 2011 ; Rasera, 2016) ou le cyclisme
(Lefèvre, 2007), deux pratiques sportives qui autorisent des projections
vers des carrières « professionnelles », plaident
également dans le sens d'un ethos populaire propice à
faire du sport un projet exclusif. » (Papin, Viaud, 2018). En outre dans
le milieu de l'athlétisme, les parents issus de classes populaires
préfèrent mettre en avant le sport devant les études par
un effet de méconnaissance et chez les parents de classe
favorisées, la conciliation entre le sport et les études est
perçue comme une concurrence (Papin, Viaud, 2018). En effet, les choix
entre les filières ou les vocations devraient donc être
liés à ces influences.
Enfin, la dernière hypothèse concerne les
étudiants qui privilégient le sport aux études car les
gains potentiels dans le monde professionnel sont importants dans certains
sports. Nous pourrions donc nous attendre à ce que, par exemple, les
étudiants participants issus du football ou du basketball se projettent
davantage dans un futur professionnel sportif alors que les autres
étudiants choisissent ou sont forcés de poursuivre une double
carrière du fait que certains sports sont moins
rémunérateurs (Stambulova, Ryba, 2013). En effet, nous pensons
que dans les sports professionnels les plus rémunérateurs tels
que le football, invitera les étudiants sportifs de haut niveau à
privilégier le sport aux études.
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