La coopération policière pour la lutte contre la cybercriminalité au sein de l'UEMOA: bilan et perspectives (2010-2020)par Kydenlu Justin BATIONO Université Libre du Burkina - Master II en Diplomatie et Relations Internationales 2023 |
5.3.1. Les conséquences économiquesLe secteur le plus touché par la cybercriminalité, dans la zone UEMOA, est le secteur économique. En effet, la majeure partie des attaques perpétrées par les cybercriminels sont orientées vers la recherche d'un profit économique. Les différents types de cybermenaces en Afrique énumérées par l'INTERPOL ont pour finalité la recherche frauduleuse de fonds. Dans un article publié sur le site du Centre africain d'études stratégiques, Nathaniel ALLEN a évalué les pertes des entreprises africaines dans les fraudes et les vols en ligne en 2017 à environ 3,5 milliards de dollars. Il affirme que les raisons financières sont les principales justifications des actes malveillants sur le cyberespace. En cela, la cybercriminalité reste la préoccupation majeure des entreprises de la zone UEMOA qui la considèrent comme l'une des plus grandes menaces auxquelles elles font face 71. Pour Gueu DENIS, la cybercriminalité est plus dangereuse que la criminalité violente car elle porte atteinte au patrimoine financier de la société 72. Il considère ainsi la cybercriminalité comme une nouvelle guerre contre les finances en énumérant les atteintes économiques de ce 63 71 ALLEN (Nathaniel), 2021, « l'Afrique à l'épreuve des nouvelles formes de cybercriminalité », disponible sur africacenter.org, consulté le 12/6/2022 à 16h. 72 DENIS (Gueu), 2013, op.cit., p.34. fléau à l'égard de la société que sont : les comptes bancaires vidés, les salaires coupés en deux, les prélèvements illicites, les arnaques à l'obtention de biens d'autrui, etc. Les hommes d'affaires africains souffrent énormément des conséquences économiques de la cybercriminalité. Ceux qui sont issus des pays où ce fléau est beaucoup développé ont du mal à bien commercialiser dans le cyberespace avec d'autres investisseurs étrangers. A titre d'exemple, Jean-Jacques BOGUI, dans son article intitulé « La cybercriminalité, menace pour le développement, les escroqueries internet en Côte d'Ivoire », décrit le calvaire des hommes d'affaires ivoiriens dû à la cybercriminalité. Ces derniers éprouvent d'énormes difficultés à faire des affaires économiques avec des opérateurs économiques étrangers sur le Net. Le simple fait d'évoquer le nom de leur pays suffit pour leurs correspondants de rompre le contact pour la simple raison que leur pays est risqué. Lorsque les commerçants ivoiriens décident de faire des achats en Europe à partir de la Côte d'Ivoire, les vendeurs européens leur ferment automatiquement les portes 73 . Cet état de fait est de nature à porter un coup dur à l'économie ivoirienne dans un monde de plus en plus informatisé. Ces exemples montrent, une fois de plus, que les pertes économiques de la cybercriminalité sont énormes dans la zone UEMOA. Au-delà des enjeux économiques, la cybercriminalité touche également le volet politique et géostratégique des Etats de l'UEMOA. 5.3.2. Les conséquences politiques et géostratégiques 73 BOGUI (Jean-Jacques), 2010, op.cit., p.62. 64 La cybercriminalité touche le côté politique des Etats de l'UEMOA. En effet, force est de reconnaître que le cyberespace africain est devenu un théâtre de vengeance des acteurs politiques souvent évincés du jeu politique ou ayant perdu un scrutin électoral. Le jeu électoral se joue, actuellement, dans le cyberespace avec parfois des comportements peu catholiques. Les dénonciations non fondées et parfois accompagnées de grossièretés des actions des acteurs politiques, les diffamations à l'égard des acteurs politiques et même parfois les atteintes à leur vie privée sont commises sur l'internet. De plus, de multiples manifestations illégales sont organisées par le biais de l'internet par certains individus afin de protester contre certaines décisions politiques ou pour exiger le départ d'une autorité politique qualifiée d'incompétente. La cybercriminalité vise aussi la politique étrangère des Etats de l'UEMOA. De nos jours, l'internet est beaucoup utilisé pour combattre la diplomatie des Etats de l'UEMOA à l'égard de leurs anciennes colonies (exemple : la dénonciation de la coopération France-Afrique). Certains 65 hacktivistes diffusent, à longueur de journée, des « fakes news » afin d'inciter l'opinion à blâmer les actions de certaines puissances ou à fustiger certains dirigeants. Dans le domaine géostratégique, la cybercriminalité a considérablement modifié la politique des Etats de l'UEMOA face à certains partenaires étrangers comme la Chine. La Chine qui, auparavant, était considérée comme un partenaire fidèle suscite, aujourd'hui, la méfiance à cause de son espionnage informatique. En effet, en 2018, une affaire d'espionnage informatique attribuée à la Chine a éclaté en Afrique. Des ingénieurs réseaux africains ont révélé que des hackers chinois espionnaient le siège de l'UA au bénéfice de l'Etat chinois à travers la capture d'enregistrement des caméras de surveillance. Ces hackers ont pu transmettre des informations confidentielles à la Chine pendant les heures de l'ouverture des bureaux. Le siège de l'UA ayant été construit par la Chine, ce qui lui a permis d'y installer des dispositifs d'écoute 74. Cette situation a créé la méfiance des Etats africains vis-à-vis de la Chine dans le domaine informatique. En plus de cela, l'image de certains Etats de l'UEMOA est entachée à cause de la cybercriminalité. Spécifiquement, concernant la Côte d'Ivoire, Didier KLA affirme que les multiples plaintes déposées contre ce pays en Europe risquent d'entrainer son exclusion du cyberespace et du commerce international dans les années à venir 75. Cela risque de porter atteinte à la géoéconomie de ce pays. Outre le volet politique et géostratégique, la cybercriminalité à des conséquences sur le plan social dans la zone UEMOA. |
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