Vivre au
service
d'une
culture
itinérante
Elodie DUCLOS
DNMADE _ Espace Habitat
ensaama 2023
Elodie DUCLOS -
Vivreauserviced'unecultureitinérante
Remerciements
En premier lieu, j'adresse mes remerciements à M. Jean
Christophe Valleran, tuteur de mon mémoire pour son temps accordé
et ses précieux conseils.
Mme. Isabelle Sinclair, pour sa contribution et
son ouverture d'esprit encourageante.
Je remercie également Mme. Emmanuelle Valleran qui aura
su me mettre sur la voie de mon sujet, dès notre premier projet
d'atelier en première année, «piaggio-logis», un
habitat itinérant.
Enfin, mes proches, pour leurs relectures
avisées, qui m'ont permis d'avancer.
Elodie DUCLOS -
Vivreauserviced'unecultureitinérante
SOMMAIRE
7 Présentation
8 Introduction
10 Un mode de vie spécifique
Racines et influences 10
Une culture qui s'enrichit en voyageant 14
18 La necessité d'une architecture
adaptée
L'habitat mobile 20
Le métier éphémère 24
29 Conclusion
30 Corpus 32 Annexes
6
Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante
7
PRÉSENTATION
« En France, l'implantation territoriale des
équipements culturels (bibliothèques, théâtres,
cinémas, musées, spectacles, etc.) est contrastée. Ils
sont concentrés dans les capitales régionales et dans le long du
littoral méditerranéen.»1.
Ce que révèle l'INSEE en avril 2021, c'est
l'inégal accès à la culture en France, mais pas seulement.
Malgré l'adoption de politiques inclusives, on observe ce
phénomène partout dans le monde. Les territoires isolés
sont défavorisés ou marginalisés.
En parallèle, une population nomade, qu'on nommera «
forains » diffuse ses spectacles et attractions à toute population,
des plus modestes aux plus fortunés, allant au-devant de son public,
même dans les zones les plus enclavées.
Et si dans le nomadisme se cachait une solution pour lutter
contre les inégalités territoriales ? Consciemment ou non, le
forain vit au service d'une culture itinérante, et c'est son mode de vie
que nous étudions dans cet ouvrage.
Répartition des équipements
culturels
Carte de la France représentant le nombre
d'équipements culturels par bassin de vie en 2020 réalisée
par le ministère de la Culture, Deps, et illustration de l'irrigation
culturelle en zones isolés.
1 selon l'INSEE dans son ouvrage «La France et ses
territoires, édition 2021», chapitre «Accès à la
culture» paru le 29 avril 2021
8 Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante
9
INTRODUCTION
« L'homme est un animal social» a dit Aristote 300
ans av. JC.
Depuis toujours, l'être humain se développe en
communauté ; et lors-qu'on remonte au Paléolithique, on observe
que ces communautés étaient constamment amenées à
se déplacer. À la recherche de ressources pour subvenir à
leurs besoins, les Hommes ont commencé à suivre des
itinéraires stratégiques faisant du nomadisme le seul mode de vie
envisageable quant à la constitution d'un environnement abondant de
manière saisonnière. Les évolutions favorables du climat
offrant des terres plus fertiles à ces futurs cultivateurs, les peuples
se sédentarisent délaissant progressivement la cueillette et la
chasse.
Mais certains groupes humains, par nécessité ou
par désir d'indépen-dance, vivent et travaillent sur les routes,
se déplaçant de villes en villes. À l'heure où les
frontières sont dessinées, des communautés se retrouvent
sans territoire approprié, presque contraintes à la
mobilité. C'est ainsi qu'on retrouve les tziganes blancs dans toute
l'Europe. D'autre part, des tribus mongoles, Tsaatan, ou irlandaises, Siuil,
sont attachées aux traditions et voyagent au gré des saisons
suivant leur bétail. De grands conquérants comme les Vikings
sillonnaient le monde motivé par la recherche de ressources ainsi que
l'expansion de leur territoire. Chaque communauté nomade a des objectifs
et motivations qui leur sont propres pour perpétuer l'itinérance.
Dans cet ouvrage, nous nous intéresserons aux formes de nomadisme
lié à l'activité professionnelle, à la culture et
au commerce.
On parle ici d'un regroupement d'individus qui choisissent de
se déplacer au service d'une pratique collective. Ils sont
organisés, répondant à leurs propres règles
sociales et traditions, émanant d'une culture significative, où
les savoir-faire leur sont propres et se transmettent de
génération en génération. Pourtant, à la
différence des communautés qui vivent en zones
désertiques, ceux-ci s'implantent ponctuellement dans différents
bourgs, villages, et villes établies.
Leur présence éphémère
créée une cohabitation et des échanges culturels
deviennent possibles. Ces nomades, sont appelés les « forains
», ce qui signifie en vieux français « quelqu'un
d'extérieur, étranger au village ». Ici, cette
dénomination comprendra tous les individus vivant au service d'une
pratique d'échanges mercantiles au sein d'une collectivité
organisée.
Nous en questionnerons les principes architecturaux et
matériels mis en place pour répondre à un mode de vie si
spécifique. Nous en étudierons alors, dans un premier temps le
caractère singulier de leur mode de vie ainsi que l'influence qu'ils
exercent sur le monde sédentaire puis nous nous attarderons sur le type
de constructions et de dispositif qui en émane.
Les populations nomades
Illustration des populations nomades mentionnées dans
l'introduction. À gauche en haut: les Vikings se déplaçant
en bateau. À gauche en bas: les Siuil dans leurs roulottes irlandaises.
À droite en haut: les tziganes blancs dans leurs roulottes tziganes.
À droite, en bas : les Tsaatan vivant dans leur tente d'éleveurs
de rennes. Au centre: les forains dans leurs camions déployables.
10 Elodie DUCLOS -
Vivreauserviced'unecultureitinérante 11
UN MODE DE VIE
SPECIFIQUE
Racines et influences
Ces « nomades de profession » puisent leurs racines
en Occident au Moyen-âge. Dans un monde gouverné par la religion,
c'est sur les chemins de pèlerinages que s'implantent ponctuellement, en
différents points stratégiques, des communautés de
commerçants et de bateleurs1 prêts
à faire argent de tout talent. C'est ainsi que des communautés
d'artistes-com-merçants décident de vivre ensemble au service
d'une activité lucrative qui crée de la vie dans les
différents bourgs.
Au fil des ans, ces activités prennent la forme de
foires et deviennent de véritables phénomènes sociaux.
Elles sont l'instrument du commerce intérieur et international des pays
dans lesquels elles s'implantent ainsi que le lieu de rencontre et
d'échange majeur jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. La prise
d'ampleur de ces événements est certainement liée à
leur caractère populaire et festif. Tout le monde y est convié :
du bourgeois à l'ouvrier, du senior au bambin, c'est la transcendance
des frontières intergénérationnelles et sociales. C'est
aussi la première fois que tous les provinciaux peuvent profiter de
représentations, de spectacles théâtraux, de chanteurs,
jongleurs, acrobates et danseurs. De par leur mobilité et la
diversité de leurs services, les forains rendent leur culture accessible
à tous.
C'est ici que l'on trouve tous les nouveaux outils de
divertissement. Le cinéma, ou le cycle font leurs premières
apparitions sur ces foires par exemple. Tant de formes d'expression qu'on
considère aujourd'hui comme partie intégrante du patrimoine
culturel.
1 Comédiens, acrobates, sportifs, jongleurs, musiciens,
danseurs, montreurs d'animaux, tous se joignent à la fête et ces
foires itinérantes deviennent le lieu de tous les spectacles.
Si le « lieu de tous les spectacles » a connu autant
de succès, selon Blaise Pascal, c'est parce que « Les hommes
n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont
avisés pour se rendre heureux, de ne point y penser : c'est tout ce
qu'ils ont pu inventer pour se consoler de tant de maux ». En somme,
l'homme, dans l'incapacité à faire face à sa condition de
mortel, chasse ses pensées par le divertissement. Celui-ci, se
détachant des événements du quotidien, est une expression
de joie, un renchérissement de
l'existence.2
Cette idée est de plus en plus portée par notre
société : une étude menée en 2019 par Havas montre
que 83 % des personnes interrogées considèrent le divertissement
comme un besoin vital. Si nous avons besoin de ces évasions temporaires,
c'est également pour leur valeur
transforma-tive3. À long terme, le
divertissement participe à l'éducation. C'est une
représentation de nos cultures locales, une transmission vivante et
participative d'une culture qui devient commune à tous jusqu'à
intégrer la culture légitime. Ce concept développé
par le sociologue Pierre Bourdieu, elle désigne le type de connaissances
et de savoirs qui apparaissent légitimes aux yeux de tous les individus
d'une même société. Dans notre société
d'occidentaux sédentaires, certaines pratiques sont plus
valorisées que d'autres par l'institution scolaire, le niveau
d'instruction déterminant cette légitimité. Selon
Bourdieu, le détenteur de la culture légitime, dispose d'un
prestige social certain.
C'est ainsi que des domaines considérés
autrefois comme simple source de divertissement comme le théâtre,
le cinéma, la littérature, la peinture ou la sculpture sont
aujourd'hui des activités culturelles artistiques qu'il est important
d'expérimenter pour échanger avec ses pairs. Ces anima-
tions à l'origine purement lucratives prennent alors un
réel intérêt social.
2 « Le spectacle de divertissement se présente tour
à tour comme un excès de l'art et un retour à la vie, un
éclatement des lieux traditionnels de l'illusion. » - Armel Marin,
metteur en scène et conseiller en éducation populaire et
techniques d'expression.
3 La valeur transformative désigne ici la quantité
de nouvelles informations inculquées par le client.
12
Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante
13
Le pouvoir fédérateur des
foires
Image extraite du film « Nightmare Alley » de
Guillermo del Toro représentant les foires foraines du XIXe
siècle, et illustrations représentant les différents type
de populations qui y étaient conviés.
De gauche à droite : peintre âgé dessinant
une riche jeune femme, un enfant d'ouvrier jouant avec une jeune bourgeoise, un
couple de nobles auprès d'une impécunieuse mère et son
fils, musicien animant la course du manège vélocipède
(innovation du cycle rendue accessible à tous).
14
Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante
15
Mais d'autres dispositifs7, 8, 9 existent
à une échelle sociale et locale moins spectaculaire.
Une culture qui s'enrichie en
voyageant
Les foires proposant une démonstration variée de
savoir-faire: où l'on pouvait admirer des acrobates performer, soutenir
un boxer sur le ring, se faire dessiner son portrait, s'émerveiller
devant les images animées d'un film muet, faire un tour à la
ménagerie ou rire aux répliques des comédiens, ont
disparues peu après la révolution industrielle. L'attrait des
forains pour les nouvelles technologies les a poussées à se
concentrer sur les manèges stimulant nos sens kinesthésiques et
non plus aux arts plastiques et sculpture de décors. Aujourd'hui, on
distingue les fêtes foraines des cirques ou des théâtres
itinérants. La culture circule dans plusieurs « secteurs
d'activités. »4.
Étudier les forains du 21e siècle, c'est parler
de toutes ces communautés spécialisées qui
démontrent des savoir-faire sur leur passage. Leurs déplacements
sont motivés certes par l'argent, mais également par l'offre
d'une compétence. Le progrès technique a permis de
s'émanciper de la petite verdine5, de se
déplacer plus loin, diffuser plus largement.
Les acrobates du cirque du soleil par exemple, sillonnent les
airs et les terres afin de démontrer un savoir-faire unique à
l'échelle mondiale. La troupe des Tréteaux de France, plus
modeste, explore les villages français pour «Faire du
théâtre là où il n'y en a pas. Voilà la
vocation de ce théâtre national dont la particularité est
d'être sans mur» 6. De par la tradition,
ces troupes nomades de chapiteaux se déplacent avec une structure
physique nécessaire à la matérialisation de leur
spectacle. Une partie de leur mode de vie consiste à transporter, monter
et démonter de toute pièce des dispositifs architecturaux au
service de la transmission culturelle.
4 sous forme de musées ambulants, de troupes de
théâtre itinérantes, de familles circassiennes, musiciens
en tournée ou d'expositions éphémères par
exemples.
5 Une verdine est une roulotte aménagée en
habitation tirée par des chevaux ou des boeufs utilisée par les
populations nomades jusqu'en 1950.
6 selon Jean Luc Gandrit, ancien directeur adjoint des
tréteaux de France.
Ces infrastructures à vocation sociales sont donc
bénéfiques pour les résidents des quartiers dans lesquels
ils s'installent temporairement, mais également pour les forains. En
tant que nomades, ils vont pouvoir enrichir leur pratique au contact des
différentes populations qu'ils rencontrent. Leur itinérance leur
permet d'échanger avec une multitude de civilisations qui ont leurs
propres savoir-faire, manières de vivre et de
penser10.
C'est ainsi que naissent d'ailleurs, les itinérances de
formation11.
En somme, nous l'aurons vu, le nomadisme de profession des
forains qui avait à l'origine un objectif purement marchand, s'est
avéré être un phénomène social majeur et une
source de diffusion de la culture légitime non-négligeable. Ils
vivent en itinérance au service d'une pratique fédératrice
qui est non seulement bénéfique pour les sédentaires qui
viennent divertir : des Sénégalais en terres reculées ont,
grâce à eux, accès au cinéma ; mais aussi pour leur
savoir-faire qui vient s'enrichir au cours du voyage. Mais concrètement,
quelles structures architecturales permettent de répondre à ce
mode de vie si spécifique?
7 Le musée ambulant s'implante dans des écoles,
des camps de jour ou des maisons de retraite. S'emparant alors d'une base
structurelle pré-existante pour s'approprier l'espace par une
scénographie spécifique. ( voir annexe 1)
8 Les associations de CNA (Cinéma Numérique
Ambulant), qui projettent des films dans les régions enclavées
pour les populations défavorisées d'Afrique, empruntent seulement
une superficie extérieure pour y installer un écran sans pour
autant transformer le paysage urbain.
9 Les bibliobus n'ont besoin que d'une place de parking pour
proposer des services de bibliothèque à une clientèle
défavorisée et excentrée dans un véhicule
aménagé. (voir annexe 2 et 3)
10 Cette pratique prend toute son importance lorsqu'on la lie
à la thèse du philosophe Charles Pépin sur la rencontre
«Sans rencontrer les autres, impossible de savoir ce qui nous anime
vraiment, de quoi nous sommes capables, impossible de sortir de nos prisons
identitaires, de nos carcans sociaux ou mentaux».
11Si les forains sont une société formée
autour des métiers du spectacle et du divertissement, les compagnons par
exemple, forment une communauté d'ouvriers travaillant le bois, la
pierre, le fer et le cuire. Ils sont similaires en leur identité sociale
solidaire, pourvoyant des valeurs. Mais les compagnons mettent à
l'honneur la formation professionnelle nomade. Persuadés que chaque
individu apprendra mieux les filons de son métier en se confrontant a
plusieurs manières de faire, chaque année, des apprentis sont
envoyés en tournée. Ils rencontreront sans cesse, se
réalisant et s'enrichissant chaque jour un peu plus, tout en gardant la
forte identité du «compagnon». Car le compagnonnage consiste
avant tout à prôner codes, valeurs et pratiques au gré
d'une mobilité qualifiante.
16 Elodie DUCLOS -
Vivreauserviced'unecultureitinérante 17
Les forains du 21ème siècle
Illustration des itinérants contemporains : acrobates
se déplaçant en avion, musicien en tournée, acteur montant
son théâtre ambulant, conservateur d'un train-musée,
bibliothécaire d'un bibliobus, membre de la CNA (Cinéma
Numérique Ambulant) devant une projection en plein air.
18 Elodie DUCLOS -
Vivreauserviced'unecultureitinérante 19
LA NÉCESSITÉ UNE
ARCHITECTURE ADAPTÉE
Si la particularité de leur mode de vie réside
dans la mobilité nécessaire de leurs infrastructures, on remarque
également que chaque forain dispose de deux types d'espaces
spécifiques. L'un est consacré à l'habitat, sans qu'il ne
soit obligatoirement déployable, celui-ci doit répondre à
une logique de fixité dans la mobilité. Stable, la structure doit
être assez solide pour se déplacer, mais aussi pour transporter le
deuxième espace : le «métier». Un métier, dans
le monde forain, représente la structure nécessaire à la
matérialisation du spectacle, du service ou du lieu d'un échange
commercial. Celui-ci viendra occuper temporairement l'espace public afin de
dynamiser ces places les rendant attractives. Cela nécessite donc une
structure déployable, assez légère pour être
transportée et assez durable pour être
réutilisée.
Architectures foraines
Illustration d'un forain présentant les deux types
d'espaces auquel il est confronté quotidiennement : à gauche :
son habitat, à droite : son métier.
20 Elodie DUCLOS -
Vivreauserviced'unecultureitinérante 21
L'habitat mobile
Jusqu'au milieu du XXe siècle, les forains vivaient
dans de petites verdines tractées par des animaux. Étant une
minorité à pratiquer l'itinérance, les architectes
occidentaux ne s'étaient pas penchés sur le cas de la maison
mobile jusqu'aux jours des premiers congés payés. En 1936, les
sédentaires Français ont pour la première fois l'occasion
de voyager et naissent tous types de projets architecturaux répondant au
souci de la légèreté et de l'espace minimum. Ces
populations nomades, qui étaient jusqu'alors cantonnées à
la mobilité terrestre dans leur roulotte de bois,
bénéficient, grâce à ce phénomène, de
nouvelles infrastructures métalliques, gonflables, aériennes,
textiles voire même pliantes (voir annexe 4).
Le catalogue d'aujourd'hui est tel qu'il peut répondre
à toutes les ambitions. Les concepteurs contemporains imaginent que le
nomade doit être décisionnaire de la forme qu'aura son
habitat 12 , de la sorte, aucune frontière
n'est infranchissable, et chaque communauté peut demeurer dans un
environnement adapté à ses besoins et ses valeurs.
Mais dans la réalité des choses, la plupart
d'entre eux se contentent de caravanes routières. Traditionnellement
attaché à ce mode de déplacement, il semble
également être le plus approprié. Inscrit dans les moeurs,
il est facile de trouver des terres d'accueil, hors période de
festivités, pour ce genre d'architecture portative. Les
réglementations routières imposent une limitation des dimensions
des camions les plus imposants à 16 mètres de long pour 2,5
mètres de large proposant ainsi une surface habitable maximum d'environ
33 m2 13. Cela relève tout de même
d'une ingéniosité certaine quant à l'aménagement
intérieur d'une maison pour 4 personnes sur une superficie allant de 15
à 33m2.
L'agence qui saura relever le défis en premier c'est
celle des frères-entrepreneurs Notin 14 loin
de la production automatisée, le forain est commanditaire et chaque
véhicule est unique. Au service de l'évolution de sa
clientèle, Notin troque la porte d'entrée arrière contre
une porte laté-
12Yona Friedman dira même «les architectes et
urbanistes aujourd'hui ne sont plus des artistes ou «preneurs de
décision» mais seulement des serviteurs publics. Les habitants ne
doivent pas être considérés comme des consommateurs mais
des professionnels hautement spécialisés et experts en
matière d'habitat, chacun ayant une suffisamment longue
expérience du mode de vie qui lui convient, pour savoir ce qu'il
veut.» extrait du manifeste L'architecture mobile de Yona Friedman.
Mentionné dans l'ouvrage Maisons Mobiles de Véronique Willemin
qui dresse l'inventaire des habitats répondant aux modes de vie des
nomades.
13Cet espace, les forains n'hésitent pas à
l'exploiter jusqu'à y additionner une caravane de 7,5 mètres de
long en remorquage. Ces monstres de fer sont lourds et puissants proposant
ainsi tout le confort intérieur d'une maison fixe.
14Ayant lancé ses premières remorques
d'habitation foraines à traction animale en 1921, puis automobile en
1928, il est le plus vieux constructeur français de camping-car.
rale, mettant définitivement un terme à la
typologie des roulottes foraines (voir annexe 5). L'entreprise a su penser
l'organisation d'un espace vital15
améliorant le confort de ses foyers d'années en
années jusqu'à suivre un «principe essentiel : aucune limite
en matière d'équipement et de finitions intérieures».
Aujourd'hui considérées trop luxueuses, elles sont plutôt
d'usage de loisir pour citadins aisés. Les itinérants de
profession verront plus d'intérêt aux caravanes
«Laurent» qui s'apparentent à de réels semi-remorques
capables de transporter à la fois leur habitat et leur métier
(voir annexe 6).
15l'espace vital se résume à l'espace
nécessaire à la survie, il est autant physique que psychologique
puisqu'il répond à un besoin physique d'individualité, on
estime la superficie de celui-ci à 9m2 par personne. Sans
être nécessairement capable de répondre aux besoins
primaires tels que boire, manger, et dormir, on considère tout de
même qu'un espace vital suggère l'autonomie et comprend ces
fonctionnalités.
22 Elodie DUCLOS -
Vivreauserviced'unecultureitinérante 23
L'habitat mobile
Photographie libre de droit prise par Brett Sayles et
illustration du passage des habitats forains sur les routes ainsi que leur
installation temporaire sur une parcelle mise à leur disposition.
24 Elodie DUCLOS -
Vivreauserviced'unecultureitinérante 25
Le métier
éphémère
En pièces détachées ou repliées
dans sa remorque, le métier n'est pas exploité toute
l'année, mais une fois déployé et installé, il a le
pouvoir de transformer et d'animer totalement un lieu de manière
temporaire16 .
Et pour ce faire, il est du ressort du forain d'installer et
désinstaller ses infrastructures sur un terrain mis à disposition
par la commune qui lui ouvre ses portes. « Structures faciles à
transporter, flexibles, avec un seul espace, en matériaux légers
et résistants : la technologie de la construction coïncide avec
celle du transport. Ses matériaux sont aussi légers que les
textiles, les branches et les peaux.»17 .
De la même manière que l'habitat nomade s'est
émancipé de sa forme première grâce au
progrès technologique, du kiosque de marché pliable en
acier18 au camion-musée
déployable19, le métier se voit
aujourd'hui composé de multiples matériaux exploités sous
différentes formes.
Mais un projet qui s'inscrit parfaitement dans les principes
architecturaux forains au service de la diffusion de la culture est le Centre
Pompidou Mobile des architectes Patrick Bouchain et Loïc Julienne. Trois
modules en forme de losange à pointe allongée, que l'on peut
disposer de différentes façons sur une superficie de
650m2 sont les murs de cette exposition. Elle a pour objectif de
mettre à disposition des oeuvres d'art majeur à des habitants de
zones éloignées de l'offre culturelle et a fait le tour de la
France de 2011 à 2013. De par ses matériaux
légers20 et solides qui s'adaptent à
tous les sols, elle est facile à transporter, monter et démonter,
relevant à
la fois l'enjeu de la sobriété
énergétique et celui de la sécurité
nécessaire au transport de ces oeuvres
d'art21 .
Ce musée ambulant ainsi que tous les autres
médias culturels nomades se rapportent à la définition que
Patrick Bouchain donnera du forain : «Forain est celui qui construit et
reconstruit, destiné à abriter une manifestation. C'est aussi
celui qui se déplace continuellement pour se rapprocher de son public.
Et qui s'approprie pour un temps donné un territoire
prêté»
16«L'éphémère implique la
possibilité de construire dans des espaces conçus pour d'autres
utilisations, d'occuper temporairement l'espace public afin de le transformer
ou de modifier des lieux fermés pour y attirer le public de
manière inhabituelle.L'architecture éphémère doit
être capable de dynamiser un lieu, changer de perception que nous en
avons, ou de mettre en relief le bâtiment ou l'espace public
lui-même que ce soit en le couvrant ou en faisant ressortir certaines de
ses caractéristiques. « extrait de la préface du livre
Architectures éphémères, 100 projets, 1000 idées de
Alex S Vidiella rédigé par l'architecte Xevi Bayonna
17Les matériaux mentionnés dans l'extrait de
l'ouvrage Architecture Portative, environnements imprévisibles de Pillar
Encheverria, les forains s'en porteront d'une grande affection. Tout
particulièrement du bois du tilleul. A la fois léger et solide,
il est historiquement considéré comme un bois de
sécurité. On le retrouve dans les structures des tréteaux
montés en métiers tout comme dans ses ornements car il est
également très facile à travailler et ne fait pas
d'écharde. De plus, il se bonifie avec le temps car il devient plus
résistant, élément non négligeable quand on sait
qu'il sera réutilisé d'année en année. En effet, ce
type d'architecture n'est éphémère que dans son ancrage
à un même environnement mais a tout d'une infrastructure
pérenne. Le textile est aussi une matière très
exploitée par l'architecture foraine, permettant l'édition de
grands abris sous forme de chapiteaux.
18 en référence au projet «Kiosque
M.poli» de Ben Bushe réalisé à Madrid en 2008 (voir
annexe 7).
19 en référence au projet «Mumo» par
Hérault-Arnod architectes réalisé à Massy en 2022
(voir annexe 8).
20 Composée d'une structure métallique et d'un
revêtement textile (à l'image des chapiteaux), le tout est
solidement arrimé au sol par d'énormes sacs en bâche
caoutchoutée remplis d'eau.
21 «Temporaire, il occupe un terrain où on ne
l'attendait pas. Mobile, il fait tomber les a priori sur le monde figé
des musées. Forain, il fait évènement autour de sa
renommée. Modulable, il change de forme à chaque étape.
Partout, il crée la rencontre et le partage. Son départ ne laisse
pas un vide mais un trop plein de souvenirs» - extrait d'un article
journalistique de Philippe Migeat
26 Elodie DUCLOS -
Vivreauserviced'unecultureitinérante 27
Le metier ephémère popidou mobile,
à droite: les boites commerciales Uniqlo. Dans la partie superieure de
l'image sont
Photographie libre de droit de la Piazza del Popolo à
Rome, Italie; et illustration des différentes typolo
représentés des manèges, foodtrucks, bibliobus, Kiosk.m de
marché, théatre de tréteaux ainsi que Le
gies de métiers. En bas de l'image, on trouvera à
gauche: Le Théatre du Centaure, au milieu: le centre théatre
Dromesko.
28 Elodie DUCLOS -
Vivreauserviced'unecultureitinérante 29
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