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L'objectivité des missions d'observation électorales en Afrique. Cas de la CEDEAO - francophone.


par Sonagnon Edwige Christiane PADONOU
Université d'Abomey-Calavi (Bénin) -  Master Professionnel En Management des Elections 2017
  

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3. Suggestions aux Peuples de la CEDEAO

Les types de dérive constatés surtout en période électorale rendent inefficientes les règles d'égalité et d'équité inscrites dans les textes régissant les élections. Les dirigeants profitent des confusions dans ce dispositif principalement pour imposer de nouvelles règles du jeu. En effet, l'élection étant par essence un acte de souveraineté de l'État, il est normal que chaque État en assure en toute indépendance l'organisation et le financement.

Malheureusement, le financement des élections, dans la plupart des Etats membres de la CEDEAO, est souvent largement tributaire des ressources extérieures dont la mobilisation est souvent liée à des conditionnalités que les États bénéficiaires ne remplissent pas toujours. Il en résulte des blocages qui entravent l'évolution sereine du processus électoral laissant le chemin libre aux antis démocrates de remettre en cause la sincérité du scrutin en déclassant les Etats. La prise en charge par chaque État du coût financier des élections est de toute évidence l'objectif à atteindre et il importe que l'intégralité de ces dépenses soient inscrites au budget.

Par ailleurs, les MOE déployées lors des élections pour s'assurer de la sincérité du scrutin dans les Etats n'ont pas toujours les coudées franches pour un travail fiable.

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Quelle est donc la pertinence des missions d'observation électorale si elles ne peuvent être objectives ?

Le challenge consiste donc à établir les liens organisationnels et fonctionnels les plus pertinents en vue de l'établissement d'un mécanisme cohérent et orienté vers l'efficacité et l'impact durable sur les processus démocratiques des Etats bénéficiaires. Il revient à chaque peuple de porter le concept de la « Nouvelle Conscience Régionale » en vue de préconiser la mise en place des creusets de pression, de dissuasion et d'action au niveau de chaque Etat membre de la CEDEAO. Le financement des élections inscrit dans le budget de l'Etat et la traçabilité des fonds mis à disposition doivent être analysés à la loupe. Le partenariat du peuple avec les institutions sous - régionales doit être revendiqué.

Dans ce cadre, le Sénégal donne depuis 2011 un exemple de « Cadre d'Action et de Pression » qui regroupe des acteurs de la société civile et qui pourrait être amélioré et étendu aux autres Etats de la CEDEAO. Ce cadre a contribué énormément à la réalisation de consensus importants sur les questions électorales et, partant, à la prévention de potentiels conflits électoraux.

En effet, ces dernières années, des pans importants de la société civile sont soucieux de marquer leur identité et leur autonomie par rapport aux partis politiques et manifestent une propension à prendre leurs distances et à assumer une certaine équidistance par rapport aux acteurs politiques en compétition pour l'exercice du pouvoir. Ces dynamiques tendent à montrer que les citoyens, à travers leurs organisations et mouvements, sont déterminés aujourd'hui à se positionner comme acteurs du processus afin de contribuer à déterminer, non pas qui doit assumer le pouvoir politique (c'est l'objet des élections), mais les règles minimales auxquelles doivent se soumettre tout acteur de la « classe politique » pour une dévolution du pouvoir et une gouvernance légitime. C'est ainsi, par exemple, que sont nées les plateformes comme Nchoof en Tunisie (2011)38, EDNA-DIAPOL au Sénégal

38 Nouvel outil citoyen à la disposition des Tunisiens démocrates, la plateforme Nchoof, lancée par l'association Sawty, l'association "conscience politique" et l'association "Société de l'Internet en Tunisie (ISOC Tunisie)" se propose de contrôler le processus électoral tunisien par internet. Le site propose également des éclairages, en français et en arabe, sur les textes juridiques et les procédures réglementaires relatifs au processus électoral, ainsi que des analyses publiées dans la presse sur ce thème. Destiné à publier toutes les réclamations des citoyens au cours de la période électorale, ce site a pour mission de rendre le plus transparent possible le déroulement du processus électoral dans les différentes régions du pays. Contrairement à l'observation classique des élections dont les résultats ne seront révélés qu'à la fin du dépouillement, ce site permet de contrôler l'opération électorale de façon quotidienne et instantanée. Au-delà de son utilité de contrôle, la plate-forme incite clairement les Tunisiens à s'impliquer dans le processus démocratique en marche et de décider de l'avenir du pays. Elle se présente également comme un outil collaboratif de détection des fraudes en demandant aux citoyens de former une chaîne de vigilance.

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(2012)39, APEM40 ou Réseau Plaidoyer et Lobbying au Mali (2013). Il est nécessaire maintenant que chaque peuple de la CEDEAO prenne les dispositions de mobilisation utiles en vue de soutenir les réformes induites par le modèle suggéré.

En dépit des mécanismes mis en place par la CEDEAO pour observer les Etats membres, les processus électoraux restent relativement peu crédibles dans la sous-région et les risques de conflits électoraux demeurent élevés.

Il convient dès lors de réinventer l'observation électorale et d'en faire un instrument permettant d'une part d'améliorer la crédibilité des élections et de prévenir les conflits dans l'espace CEDEAO et, d'autre part, de faire progressivement reprendre en main par les Etats eux-mêmes la maîtrise et le contrôle de leurs processus électoraux.

Dans cette perspective, la première clé de la réussite du système demeure une véritable coordination des interventions des différents acteurs par une structure comme la « Nouvelle Conscience Régionale » qui regroupera tous les Etats de cet espace sous régional et qui est doté d'organes et de mécanismes capables de porter efficacement cette responsabilité.

39 L'Organisation Edna Prospective et Dialogue politique (Diapo), en partenariat avec la Plateforme des acteurs non étatiques pour le suivi de l'action de contrôle, a mobilisé 250 observateurs et 28 superviseurs sur l'ensemble du territoire national pour la présidentielle du 26 février 2012. En dehors des moyens mobilisés pour ces observateurs, Edna-Diapol fera aussi appel à des volontaires pour étoffer son effectif. Observateurs à long terme (OLT) d'Edna-Diapol, les superviseurs ont pour tâche de façon continue d'assurer l'observation électorale, la sensibilisation et la mobilisation des électeurs jusqu'aux élections. Deux niveaux de coordination sont mis en place pour travailler avec les observateurs étrangers sur le terrain, d'abord avec les observateurs de l'Union Européenne et ensuite avec ceux déployés par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).

40 Réseau d'Appui au Processus Electoral du Mali.

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CONCLUSION

L'observation des élections est une sorte d'enquête sous - régionale et internationale qui a pour but l'établissement et la vérification de certains faits dont seront tirées des conséquences politiques et juridiques. Et en tant que procédure d'établissement des faits, elle devrait être vue comme un des éléments constitutifs du contrôle de l'exécution par les Etats de leurs obligations internationales. Les appels réitérés en faveur d'une ouverture démocratique par les partenaires au développement, avaient laissé présager qu'on aboutirait à une consolidation de la démocratie en Afrique. Toutes ces espérances se sont avérées bien illusoires, car dans la pratique ces normes ne s'imposent pas de la même manière à tous les États. Et si certains en font des règles de la pratique politique, d'autres, par contre, s'y réfèrent tout simplement comme un camouflage des pratiques politiques décivilisées.

Par ailleurs, la mise à l'écart des rapports d'observation constitue une restriction à la promotion du principe de légitimité démocratique. Les sanctions censées être dissuasives et correctives s'appliquent de manière sélective, déterminées par les intérêts égoïstes des États occidentaux ainsi que les calculs cyniques des élites africaines.

Cette situation rend très difficile le contrôle de l'effectivité des normes internationales relatives à la liberté des élections et leur sanction en cas de manquement à travers les mécanismes de suivi des rapports des observateurs internationaux.

Il s'ensuit, à l'échelle sous - régionale et régionale, un important déficit démocratique ayant pour corollaire la restauration de la « démoc rature »41.

Dans ces régimes survivraient des éléments de démocratie (élections) amalgamés avec des pratiques autoritaires.

Les missions de délégations « d'observateurs électoraux » en deviennent quasiment inutiles. Elles sont accusées à tort ou à raison d'oeuvrer à conforter les dictatures mises en place dans leurs logiques de confiscation des systèmes électoraux ou de mise en place de systèmes institutionnels décriés pour organiser leur pérennité au pouvoir.

Certains observateurs attentifs aux questions politiques des États du Tiers-Monde vont jusqu'à préconiser sa suppression pure et simple tant son inefficacité devient de plus en plus frappante. Faut-il pour autant céder à ces condamnations au risque de porter préjudice à un

41 Marc Liniger-Goumaz, « la democrature, dictature camouflée, démocratie truquée », Paris, L' Harmattan, 1992, 364 p.

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processus de démocratisation encore bien fragile dans les États du Tiers-Monde, notamment de l'espace CEDEAO ?

Nous considérons, pour notre part que l'observation des élections doit être poursuivie dans la mesure où elle est un instrument susceptible de faire faire des progrès rapides à la promotion et à la consolidation de la démocratie pluraliste. Cependant, la pratique de l'observation des élections conduite par la CEDEAO doit subir un « toilettage conceptuel ».42

En effet, si des progrès significatifs sont observés dans certains pays, d'autres en revanche, connaissent encore des dysfonctionnements révélant la difficulté qu'ils éprouvent à s'approprier réellement et durablement les règles et les mécanismes électoraux de base. Que ce soit dans l'un ou l'autre cas, la pratique démocratique semble dès lors s'inscrire, sans frontière, dans l'ordre du « nécessaire », et la politique internationale africaine ne peut que s'y conformer.

Toutefois, le fait qu'aucun État ne puisse se revendiquer « non démocratique », est un indice du succès ne serait-ce que symbolique de ces valeurs et de ces principes.

Et, si l'État souverain doit se conformer au droit international, il lui appartient d'apprécier quelles sont les exigences de ce droit dans chaque situation, et dans chaque cas d'espèce43. Aussi, seule une réflexion approfondie permettra aux partenaires internationaux et aux États africains eux-mêmes de définir de nouvelles perspectives et priorités pour leurs actions en faveur de la démocratie afin que celle-ci s'enracine profondément.

Mais en attendant cette réflexion qui mettra du temps à se concrétiser pour des raisons égoïstes des dirigeants africains, le présent mémoire propose un « Système d'Ingénierie » capable de formaliser le concept la « Nouvelle Conscience Régionale » en une stratégie de décision sous régional très active capable de corriger les abus des Chefs d'Etat africains en matière de gouvernance électorale.

Cependant, la démocratie a-t-elle des chances de survie dans un environnement de réseaux minés par des intérêts des Chefs d'Etat qui sacrifient les besoins des populations ? A la seule et unique condition que les peuples africains décident de prendre leur destin en main et constituer une ligne de front. C'est à ces conditions seules que l'Afrique de l'Ouest francophone pourrait pacifier et sécuriser ses élections.

42 Contribution de DODZI KOKOROKO, « La portée de l'observation internationale des élections in VETTOVAGLIA JP., Jean du Bois de GAUDUSSON, Albert BOURGI, Christine DESOUCHES, Joseph MAILA, Hugo SADA et André SALIFOU (éds), Démocratie et élections dans l'espace francophone, Bruxelles, Bruylant, 2010, pp.755-765.

43El Mekkaki (A.), Le consentement des États membres dans le processus décisionnel des Organisations internationales, Thèse, Nancy II, 1994, p. 200-205.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984