0.2. Etat de la question
La contribution du système forestier à la
régulation du climat local et régional conduit à une
réflexion autour des impacts probables de la perte du couvert forestier
sur les variables climatiques.
En effet, dans la majorité des travaux
antérieurs, de nombreuses incertitudes persistent encore sur les
relations végétation-climat sous les latitudes tropicales. La
plupart des chercheurs s'évertuent généralement à
étudier soit, les impacts des changements climatiques sur la
phénologie des arbres, soit les variations spatio-temporelle des
variables climatiques, un des aspects de notre étude.
Dans le cadre des études qui analysent les impacts des
changements climatiques sur la phénologie des arbres, les
différents chercheurs se penchent de plus en plus à cerner les
variations que font subir les climats aux phénomènes
périodiques de la végétation notamment la germination, la
feuillaison, la floraison etc. Voici un des travaux de cette catégorie
:
Chuine (2007) s'est intéressé à
déterminer les variations au cours de dernières décennies,
de débourrement, de la floraison, de la sénescence et de la date
de maturation des fruits des ligneux tempérés (Européen et
Nord-américain). Son étude a eu le mérite d'avoir
expliqué que les variations constatées dans certains
phénomènes périodiques de la végétation
étaient dues aux perturbations climatiques. Il démontre de
même que la phénologie de chaque espèce sera fortement
affectée par le changement climatique dans le futur, mais avec des
réponses contrastées entre espèces.
Dans le cadre des études qui analysent les fluctuations
des variables climatiques, la plupart des chercheurs se concentrent à
analyser la te température et les précipitations. Ainsi, à
l'échelle planétaire, d'après le dernier rapport du Groupe
d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), la
température moyenne mondiale a augmenté de 0,85°C entre 1880
et 2012. Chacune de trois dernières décennies a été
plus chaude que la précédente et que toutes les autres
décennies depuis 1850. La décennie 2001-2010 a été
la plus chaude de toutes les décennies depuis 1850. Les
différents modèles simulent une augmentation des
températures (entre 2 et 6°C) à l'horizon 2050-2100 (IPCC,
2013). Cette augmentation simulée varie suivant les régions du
globe et selon les scénarios.
A l'échelle régionale, Aguilar et al, (2009)
observent une tendance à la baisse des précipitations totales de
31 mm/décennie entre 1955 et 2006. Mahé, (1993) précise
que les plus fortes baisses des hauteurs de précipitation ont
été observées pendant la décennie 1968-1980 et
n'ont pas la même intensité à travers toute la
région.
Dans le sud du Cameroun et au Congo, la baisse des
précipitations a persisté jusqu'en 1990. Par ailleurs, au Gabon
et en RCA, on a observé une hausse respectivement après 1980 et
1985. Les températures par contre, montrent une tendance
générale à la hausse. Au Congo, sur la période
allant de 1950 à 1998, les températures ont augmenté de
0,5 à 1°C pendant les décennies 1980 et 1990 (Samba-Kimbata
M.J., 1991). En ce qui concerne les changements de température sur le
long terme, les quelques données de stations disponibles dans la
région semblent indiquer une augmentation du réchauffement
(Aguilar et al, 2009).
Les rares études présentées ci-dessous,
ayant porté sur les impacts de la modification des paysages forestiers
sur les variables climatiques se penchent de plus en plus dans la même
orientation que notre étude, celle de cerner les impacts que peut
induire la suppression d'une couverture forestière sur les variables
climatiques.
En effet, la conversion des forêts en terres agricoles
et autres types d'utilisation du sol accroît la portion de sol nu
exposée aux rayons du soleil et donc accroît l'albédo, ce
qui diminue la radiation solaire absorbée par la surface.
Niyogi et al (2009) estiment que la
déforestation peut significativement changer l'eau de surface et
l'équilibre énergétique de multiples manières et
donc affecter la température, l'humidité atmosphérique,
aussi bien les processus météorologiques que climatiques.
Makarieva et al (2013) estiment que la
déforestation diminue la pluviométrie en affaiblissant le
couplage direct, le couplage local et le recyclage indirect.
Le couplage direct est en effet, le phénomène
selon lequel la pluie est recyclée dans l'air par évaporation
à partir du sol nu et par transpiration à partir des stomates des
plantes (évapotranspiration) équivalent en masse de la chaleur
latente.
Avec le couplage local, la déforestation diminue la
rugosité de la surface, ce qui peut supprimer la turbulence de la couche
de transition durant la journée ainsi que l'instabilité
nécessaire pour la formation des nuages (radiation dans la frange basse
des longueurs d'onde augmentée) et des pluies (Santanello et al
2007). Finalement, avec le recyclage indirect, de grandes masses d'air
humide en provenance des océans, et qui autrement auraient
été préservées du séchage par
l'évapotranspiration des forêts, perdent de l'humidité
nécessaire au développement des orages. Akkermans et al
(2014) ; Nogherotto et al (2013) vont plus loin dans leurs
recherches et décrivent des scénarios multiples sur le climat et
les terres, indiquant que la déforestation dans la région
pourrait conduire à un réchauffement compris entre 2 et 4°C
dû à une diminution de l'évapotranspiration (chaleur
latente) et de l'ombre, combinée à un forcing accru
résultant d'une séquestration plus faible des gaz à effet
de serre.
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Comme les précédents chercheurs, ils attestent
eux-aussi que le couplage direct et le couplage local sous les
différents scénarios sont aussi censés s'affaiblir, ce qui
conduit en conséquence à une diminution de la pluviométrie
de 5 à 10 % sur la plus grande partie de la région du bassin du
Congo.
Ces différentes études, en allant de celles qui
analysent la fluctuation spatio-temporelle des températures et des
précipitations à celles qui décrivent les impacts de la
déforestation et de la dégradation des paysages forestiers sur
ces paramètres climatiques, entrent de part et d'autre, dans la
même perspective que notre étude. Elles sont d'une grande
importance et ont le mérite d'avoir levé l'équivoque,
autour de l'existence à l'heure actuelle des changements climatiques
à l'échelle planétaire auquel s'opposent d'autres
chercheurs, et autour des interactions forêt-climat.
En somme, le réchauffement récent de la
planète fait donc objet de nombreuses recherches. Celles-ci comme vu
précédemment, sont souvent effectuées à large
échelle. L'Intergovernmental Panel on Climate Change(IPCC) a
étudié en 2007, le changement de température
planétaire entre 1970 et 2004. D'autres études sont
effectuées à des échelles plus fines, avec une grille
d'1° par 1° ou 100 km par 100 km, mais là encore, ce maillage
est trop large comparé à celui de notre travail.
En effet, le réchauffement dépend, à
l'échelle locale, de paramètres comme l'orographie, les
conditions environnementales ou encore la proximité à une zone
urbaine. Le changement climatique se décline différemment selon
la région du globe et les propriétés de la surface. Pour
cela, il est possible d'analyser plus finement ses déclinaisons par les
modélisations ou grâce aux observations. Ainsi, dans le cadre de
cette étude, les modélisations et les observations sont
analysées à l'échelle de la zone forestière de
Yangambi. Elles portent aussi bien, sur la fluctuation des températures
et des précipitations que sur la dynamique du paysage forestier. Outre
cet aspect d'échelle spatiale, le présent travail se distingue
des autres travaux cités ci-haut par le fait qu'il s'insinue à
identifier le principal moteur de déforestation dans la région
d'étude. Ceci apporte en effet, les arguments nouveaux tant dans la
compréhension de la déforestation accrue en région
tropicale, que dans la compréhension de l'augmentation de la
température et de la baisse des précipitations.
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