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L'individu devant les juridictions africaines de protection des droits de l'homme. Cas de la cour ADHP et de la CJ CEDEAO.


par Gildas Hermann KPOSSOU
Université d'Abomey-Calavi (UAC)  - Master 2 Recherche en Droit International et Organisations Internationales  2015
  

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B. Une dérogation devant le juge communautaire

La CJ CEDEAO semble de toute évidence reconnaître le caractère subsidiaire de sa juridiction en tant qu'ordre international mais ne fait pas de cette règle de l'épuisement des voies de recours internes une condition pour la recevabilité des requêtes individuelles. En effet, cette dérogation s'illustre à suffisance dans l'affaire Dame Hadijatou Mani Koraou c/ la République du Niger214(*). Dans l'espèce, le Niger demandait à la Cour de justice de déclarer irrecevable la requête faute d'épuisement des voies de recours internes par la requérante. Relevant que le protocole instituant la Cour de justice n'exige pas un tel épuisement, le Niger demandait à la juridiction de combler cette lacune. A l'appui de son argument, l'Etat défendeur soutenait que la Cour était liée par les dispositions de l'article 56 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, en raison du renvoi général effectué par le traité instituant la CEDEAO à cet instrument215(*). La Cour de justice rejeta cet argument en deux temps. D'abord, en soulignant qu'il ne lui appartient pas de combler ce que les Etats ont exclu, de telle sorte que le Niger qui a consenti à ratifier le protocole ne saurait être fondé à se soustraire à ses obligations internationales216(*). Ensuite, qu'en subordonnant la mise en oeuvre des obligations générales (de nature économique) au respect des dispositions de la Charte, les Etats ont intégré cette dernière dans le droit applicable devant la Cour de Justice de la CEDEAO. Dès lors, cette dernière ne s'estime pas liée ni par l'article 56 de la Charte fixant les conditions de recevabilité et, par extension, ni par l'interprétation qui en est faite par la Commission et la Cour africaines217(*).

Le juge communautaire estime à bon droit que la protection des droits de l'homme par des mécanismes internationaux tout en demeurant subsidiaire peut s'accommoder avec une interprétation très souple de la règle de l'épuisement des voies de recours internes. Il rejoint ainsi la position de la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire Wilde, Ooms et Versyp c/ la Belgique du 18 juin 1971 lorsqu'elle déclare « conformément à l'évolution de la pratique internationale, les Etats peuvent bien renoncer au bénéfice de la règle de l'épuisement des voies de recours internes »218(*). Il s'agit là d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de la CEDEAO. Les particuliers n'ont pas besoin d'épuiser les recours internes pour pouvoir accéder au prétoire du juge communautaire. Ce qui semble favoriser la saisine abondante de la Cour de justice au détriment de la Cour africaine.

Curieusement, à la lumière de certaines décisions de la Cour communautaire, il est singulier de constater que les Etats incriminés de violations de droits humains se défendent souvent en affirmant que les requérants n'ont pas épuisé les voies de recours internes219(*). Mais, en accordance avec sa jurisprudence de principe, la CJ CEDEAO n'exige toujours pas l'épuisement de voies de recours internes. Cela risquerait évidemment d'obérer la protection des droits de l'homme au niveau des Etats, étant entendu que ces derniers peuvent être attraits devant la justice communautaire sans y être saisis au préalable de l'existence d'une violation alléguée des droits de l'homme.

Outre l'épuisement des voies de recours internes, la qualité du requérant individuel est un facteur déterminant pour la recevabilité de sa requête.

* 214 Cour de Justice de la CEDEAO, Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger, requête n° ECW/CCJ/APP/0808, arrêt ECW/CCJ/JUD/06/08, 27 octobre 2008, African Human Rights Law Reports, 2008, pp. 186-188, par. 36-45.

* 215 L'article 4, g), du Traité révisé fait ainsi obligation aux Etats membres de respecter, promouvoir et protéger les droits de l'homme et des peuples conformément aux dispositions de la Charte africaine lorsqu'ils mettent en oeuvre les buts et objectifs économiques fixés par l'article 3 du traité.

* 216 Cour de Justice de la CEDEAO, Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger, préc., p. 187, par. 40.

* 217 Cour de Justice de la CEDEAO, Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger, préc., p. 187, par. 40.

* 218 Cité par le juge de la CEDEAO dans l'arrêt, Dame Hadjijatou Mani Koraou c/ la République du Niger.

* 219 Les langues de certains Etats membres de l'organisation s'étaient déliées pour exiger l'épuisement préalable des voies de recours internes avant la saisine de la Cour et la soumission des décisions de celle-ci à une procédure d'appel (une demande avait été introduite par la Gambie au niveau des instances communautaires). La riposte n'avait pas tardé puisque des organisations non gouvernementales et des citoyens ouest africains avaient saisi la Cour en 2009 aux fins de déclarer illégales et contraires aux principes de la CEDEAO les demandes introduites par la Gambie.

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