UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI
ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET
ADMINISTRATIVES
MASTER II RECHERCHE
DROIT INTERNATIONAL ET ORGANISATIONS
INTERNATIONALES
MEMOIRE DE FIN DE FORMATION
SUJET
L'INDIVIDU DEVANT LES JURIDICTIONS AFRICAINES DE
PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME : CAS DE LA COUR ADHP ET DE LA CJ
CEDEAO
251658240
Présenté et soutenu par :Sous la
direction de :
Gildas Hermann KPOSSOU Arsène-Joël
ADELOUI
Agrégé des Facultés de
Droit
Professeur de Droit Public
Université d'Abomey-Calavi (Bénin)
Année académique :
2014-2015
JURY
Président : Professeur
Arsène-Joël ADELOUI
Membres :
- Docteur Amzath GOUNOU KORA
- Docteur Jacques-Richard CODJO
AVERTISSEMENT
L'ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES
ET ADMINISTRATIVES N'ENTEND DONNER NI APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS
ÉMISES DANS CE MÉMOIRE.CES OPINIONS DOIVENT ÊTRE
CONSIDÉRÉES COMME PROPRES À LEUR AUTEUR.
251659264
DEDICACE
A mes enfants.
REMERCIEMENTS
Dans le cadre de la réalisation de ce travail de
recherche, nous voudrions exprimernotre sincère gratitudeaux personnes
suivantes :
Ø Le Professeur Arsène-Joël ADELOUI,
Directeur de l'Ecole Doctorale des Sciences Juridiques, Politiques et
Administratives, pour avoir orienté et accepté de diriger ce
mémoire ;
Ø Le Professeur Frédéric Joël
AÏVO, ancien Directeur du Master DIOI, pour nous avoir donné
l'opportunité de suivre cette formation dans de meilleures
conditions ;
Ø Le Professeur Koffi AHADZI-NONOU, ancien
Président de l'Université de Lomé et tous les autres
Professeurs qui sont intervenus dans le Master pour la formation de
qualité à nous donnée ;
Ø Le Professeur Samson I. B. GUEDEGBE, ancien
Coordonnateur du Master DIOI, pour ses encouragements et son
amitié ;
Ø Les condisciples de la 3ème
Promotion du Master pour la convivialité qui a prévalu au cours
de notre formation, particulièrement : Uriel NOUTAÏS,
Mahamadou BERTHE, Eurydice ODJOH, Romain KPOGUE, Ibrahim ARI KOUTALE, Bernice
BANYBA, Albert BOCO et Ahoudi ADAMOU.
SIGLES ET ABREVIATIONS
Art. : Article
C/ : Contre
CAE : Communauté de l'Afrique de
l'Est
CEDH : Cour Européenne des Droits
de l'Homme
CEMAC : Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale
CER : Communautés Economiques
Régionales
CIADH : Cour interaméricaine des
Droits de l'Homme
CIJ : Cour Internationale de Justice
CJCE : Cour de Justice des
Communautés Européennes
CJ CEDEAO : Cour de Justice de la
Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
CJ EAC : Cour de Justice des Etats de
l'Afrique Centrale
COMESA : Marché Commun de
l'Afrique Orientale et Australe
Commission ADHP : Commission Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples
Cour ADHP : Cour Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples
CPI : Cour Pénale
Internationale
DH : Droits de l'Homme
DUDH : Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme
FIDH : Fédération
Internationale des Ligues des Droits de l'Homme
MINUAD : Mission conjointe des Nations
Unies et de l'Union Africaine au Darfour
OI : Organisation Internationale
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
OUA : Organisation de l'Unité
Africaine
P. : Page
Par. : Paragraphe
PP. : Pages
SADC : Communauté de
Développement de l'Afrique Australe
SG : Secrétariat
Général
TSADC : Tribunal de la Communauté de
Développement de l'Afrique Australe
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
UEMOA : Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine
V. :
Voir
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE
3
PREMIERE PARTIE : L'EFFECTIVITE DE LA
PROTECTION DE L'INDIVIDU DEVANT LES JURIDICTIONS
11
CHAPITRE I : L'ACCES AUX JURIDICTIONS, UNE
CONDITION NECESSAIRE A LA PROTECTION DE L'INDIVIDU
13
Section 1 : Un accès exclusivement
libéral devant le juge communautaire
14
Section 2 : Un accès relativement
étendu devant le juge continental
23
CHAPITRE II : LA RECEVABILITE, UNE EXIGENCE
POUR L'EXAMEN AU FOND DE LA REQUÊTE INDIVIDUELLE
35
Section 1 : Des conditions formelles de
recevabilité
36
Section 2 : Des conditions substantielles de
recevabilité
46
CONCLUSION PARTIELLE
55
SECONDE PARTIE : LA FAIBLESSE DES JURIDICTIONS
DANS LA PROTECTION DE L'INDIVIDU
56
CHAPITRE I : DES JURIDICTIONS ENTRAVEES DANS
LEUR ACTION
57
Section 1 : Les contraintes normatives dans
l'examen au fond de la requête individuelle
58
Section 2 : Les défaillances
procédurales dans l'examen au fond de la requête individuelle
66
CHAPITRE II : UNE NECESSAIRE CONSOLIDATION DE
LA PROTECTION JUDICIAIRE DE L'INDIVIDU
76
Section 1 : La rationalisation de la protection
individuelle au plan communautaire
76
Section 2 : La redynamisation de la protection
individuelle au plan continental
86
CONCLUSION PARTIELLE
95
CONCLUSION GÉNÉRALE
97
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
101
TABLE DES MATIERES
....................................................................111
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Lorsqu'elle est protégée, nourrie, la graine des
droits de l'homme finit par germer en dépit des vents contraires dans
toutes les terres où elle est semée1(*). On admet ainsi que « Tout individu a
droit au respect de la dignité inhérente à la personne
humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique.
Toutes formes d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment
l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les
peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont
interdits »2(*). Cette prescription, fort saisissante, pose à
suffisance la question de la protection des droits de l'homme. En effet,
« le titulaire des droits de l'homme est un individu ou plusieurs
individus pris collectivement »3(*). Et « qui dit droits de l'homme, doit
prolonger sa pensée par l'action, par l'efficacité, donc par la
protection »4(*).
De nos jours, « la protection des droits de
l'homme requiert un système efficace de prévention de leur
violation et l'établissement de structures de promotion de ces
droits »5(*).
Mais, comme le souligne le Professeur Kabangou, « l'Afrique est
encore loin d'avoir ce type de structures. Celles qui existent ne paraissent
pas accomplir dûment leur tâche. Ce qui préoccupe encore
plus est l'absence d'un souci manifeste de la part de décideurs
politiques de favoriser l'institution de ce genre de structures ou les actions
que celles-ci veulent accomplir. Les initiatives provenant de la
société civile sont souvent mal vues et
annihilées »6(*). C'est ce qui nous amène à mener une
recherche constructive sur le thème : L'individu devant les
juridictions africaines de protection des droits de l'homme : Cas de la
Cour ADHP et de la Cour de justice de la CEDEAO.
Afin de mener à bien cette étude qui se veut
dynamique, il convient d'abord de cerner les contours de la notion des droits
de l'homme, notion universellement choyée mais rebelle à toute
approche définitionnelle. La difficulté de donner une
définition satisfaisante des droits de l'homme résulte de la
dilution de la notion en fonction des circonstances, des traditions religieuses
ou culturelles et des régions7(*). Pour tenter de définir cette notion, il faut
recourir au droit international. En effet, Le droit international employait
l'expression « droit des gens » pour
désigner les obligations qui pesaient sur les Etats de respecter un
certain nombre de garanties relatives à la protection des individus.
Cette vision occidentale et individualiste des droits de l'homme est
aujourd'hui partagée par de nombreux Etats et organisations
internationales sous le prisme des droits retenus ou sur les principes de
fond.
Les terribles atrocités commises pendant la Seconde
Guerre mondiale ont propulsé les droits de l'homme sur la scène
internationale. Par souci d'idéalisme pragmatique, les Etats s'engagent
à souscrire fidèlement à des valeurs communes garantissant
les droits de l'homme, prélude à toute coopération
internationale. Il s'agit alors de protéger la personne humaine contre
l'arbitraire du pouvoir étatique. La Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme (DUDH) rédigée par la Commission des droits de
l'homme, organe des Nations Unies, adoptée par l'Assemblée
Générale le 10 décembre 1948 traduit ce souci majeur
exprimé par la communauté internationale de préserver ce
« patrimoine commun de l'humanité »
c'est-à-dire protéger les droits inaliénables,
imprescriptibles, universels8(*) et inhérents à toute personne humaine.
Nous sommes dans l'ère de l'Homo Universalis et la protection
de ces droits s'impose plus que jamais. D'une manière
générale donc, les droits de l'homme s'entendent ici comme un
ensemble cohérent de principes juridiques fondamentaux9(*) communs à toute
l'humanité et qui ont pour but de protéger les
prérogatives inhérentes à tout homme en raison de sa
dignité et de sa condition humaines.
Que recouvre alors cette notion de protection ? Elle est
synonyme de garantie, de sauvegarde et suppose, dans un régime de droit
écrit, l'énonciation d'un droit dans un texte et la mise en
oeuvre de mécanismes de sanctions lorsque des violations de ces droits
sont commises. L'éminent juge Kéba MBAYE définit la
protection des droits de l'homme en ces termes : « est
protection des droits de l'homme, tout système comportant à
l'occasion d'une allégation d'une ou de plusieurs violations d'un
principe ou d'une règle relatifs aux droits de l'homme et
édictés en faveur d'une personne ou d'un groupe de personnes, la
possibilité pour l'intéressé de soumettre une
réclamation (...), de provoquer une mesure tendant à faire cesser
la violation ou à assurer aux victimes une réparation
jugée équitable »10(*). En d'autres termes, la protection des droits de
l'homme s'entend donc comme l'ensemble des mesures destinées à
assurer le respect réel et effectif des droits de l'homme par des voies
de recours efficaces en cas de violation sur le plan interne comme sur le plan
international11(*).
A l'analyse, la protection des droits de l'homme passe
inexorablement par les juridictions aussi bien nationales
qu'internationales12(*),
établies à cet effet. Dans le cadre de la présente
étude, la protection de l'individu sera mise en oeuvre devant la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples (Cour ADHP) et la Cour de
justice de la CEDEAO (CJ CEDEAO).
En effet, le 25 janvier 2004 marque une étape
décisive dans l'histoire des droits de l'homme en Afrique, avec
l'entrée en vigueur du Protocole instituant la Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples13(*). Pour la première fois, le continent africain
se dote ainsi d'une juridiction consacrée exclusivement à la
défense des Droits de l'Homme. La mise en place tant attendue de la Cour
va sans aucun doute renforcer le mécanisme africain de protection des
droits de l'homme14(*).
Adopté le 10 juin 1998 à Ouagadougou par la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA (actuelle Union
Africaine), le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples devait être ratifié par quinze Etats
pour entrer en vigueur. C'est désormais une réalité,
après cinq longues années d'atermoiements et de
piétinements ; depuis le 26 décembre 2003, date à
laquelle les Iles Comores ont déposé leur instrument de
ratification, à la suite de l'Afrique du Sud, de l'Algérie, du
Burkina Faso, du Burundi, de la Côte d'Ivoire, de la Gambie, du Lesotho,
de la Libye, du Mali, de l'Ile Maurice, de l'Ouganda, du Rwanda, du
Sénégal et du Togo15(*).
Cependant, si la mise en place de cette institution constitue
sans aucun doute une avancée importante dans le système africain
de protection des droits de l'homme dans la mesure où la Cour assurera
un meilleur respect de la Charte et pourra à terme faire triompher la
démocratie et l'Etat de droit, des interrogations subsistent, notamment
en matière d'accès des requérants individuels, qui
pourraient hypothéquer le fonctionnement et l'efficacité de la
nouvelle Cour.
Aux termes des dispositions des articles 3(1) et 7 du
Protocole, la Cour est compétente pour connaître de
l'interprétation et de l'application non seulement de la Charte
africaine, mais également de « tout autre instrument
pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats
concernés ». Quant au sens à donner à la
notion « d'instrument relatif aux droits de
l'homme », la Cour a conclu, dans l'arrêt majeur qu'elle a
rendu dans l'affaire APDH c Côte d'Ivoire, qu'entraient dans
cette catégorie, la Charte africaine de la démocratie et le
Protocole de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO) sur la démocratie16(*).
C'est dans ce cadre que la Cour africaine exerce sa fonction
contentieuse à l'égard des Etats Parties reconnaissant sa
compétence. Conformément aux dispositions des articles 5(3) et
34(6) du Protocole17(*),
la Cour peut recevoir également des requêtes émanant de la
Commission africaine, des individus et des organisations non gouvernementales,
introduites contre lesdits Etats. A n'en point douter, il s'agit là
d'une évolution notable du droit africain des droits de l'homme. En
effet, en droit international, la reconnaissance de droits fondamentaux aux
individus et aux peuples ne s'est pas originellement accompagnée de la
capacité juridique à agir en cas de violation. La
consécration d'un droit d'accès direct ou indirect des personnes
privées (individus et organisations non gouvernementales) au
prétoire de la Cour africaine, qui se situe dans le sillage global de la
reconnaissance de ces personnes comme sujets du droit international18(*), constitue dès lors une
véritable révolution juridico-institutionnelle19(*).
Cette option d'une juridiction internationale à
l'accès libéral apparaît non seulement comme
« la forme de protection des droits de l'homme la plus
avancée et la plus perfectionnée »20(*), mais aussi comme la plus
dynamique21(*). Il est
vrai que ce modèle libéral est limité par la condition
très critiquée du dépôt d'une déclaration
spéciale de reconnaissance de compétence22(*). Quoi qu'il en soit, que les
individus soient demandeurs dans presque toutes les 155 requêtes
reçues et 34 décisions rendues par la Cour africaine au cours de
sa première décennie d'existence, est la preuve tangible de cette
démocratisation de l'accès à son prétoire.
Dans l'exécution de sa mission, la Cour met en
perspective les différents acteurs; elle garantit la confrontation
directe entre les supposées victimes de violation des droits de l'homme
et les Etats défendeurs, dans le respect du principe du contradictoire;
elle reconnaît aux victimes les droits de participation au procès
et de réparation des dommages qui leur sont causés ; et elle
garantit l'égalité des armes entre les parties tout au long de la
procédure devant la Cour, dans le respect des exigences du procès
équitable. Ce faisant, la Cour interprète, irrigue,
développe et enrichit le droit africain des droits de l'homme.
Mais globalement en Afrique, la Cour africaine n'est pas le
seul organe judiciaire supra étatique susceptible de veiller au respect
des droits garantis par la Charte africaine et de condamner un Etat pour la
violation de ces droits. C'est aussi le cas de certaines Cours de justice des
Communautés Economiques Régionales (CER) dont la Cour de justice
de la CEDEAO.
Née du traité de Lagos adopté le 28 mai
1975 au Nigeria et entré en vigueur en juin de la même
année, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO) avait au prime abord un rôle purement économique.
Cependant, la difficulté à juguler les
déséquilibres et à dégager des réponses
adéquates aux moult problèmes soulevés dans la
Communauté vont amener les Etats membres à accorder une place
à l'aspect sécuritaire grâce à la révision du
traité le 24 juillet 1993, entré vigueur le 23 août
1995.
La CEDEAO va vite faire de comprendre aussi que le plaidoyer
pour relever le défi d'une intégration réussie ne peut se
réaliser sans prise en compte des principes démocratiques qui
promeuvent le respect des droits de l'homme. Elle va donc opérer une
seconde mutation qui sera la promotion et la protection des droits de
l'homme.
Il faut donc constater que c'est récemment que les
droits de l'homme sont devenus un objet de la CEDEAO. Le traité initial
instituant la CEDEAO dans ses 65 articles ne faisait référence
dans aucune de ses dispositions à la notion de droits humains. Ce sont
les protocoles de 1985 et de 1986 qui vont introduire la notion expressis
verbis dans l'ordre juridique communautaire mais de façon timide.
C'est dans la Déclaration de Principes politiques de 1991 que la
Communauté marque sa forte imprégnation au respect des droits
humains, plus fondamentalement son attachement à l'Etat de droit, socle
de toute bonne gouvernance. Les Etats membres sont ainsi
« déterminés à conjuguer (leurs) efforts en
vue de promouvoir la démocratie dans la sous-région sur la base
du pluralisme politique et du respect des droits fondamentaux de l'homme tels
que contenus dans les instruments internationaux en matière de droits de
l'homme universellement reconnus et dans la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples »23(*). Ces principes fondamentaux auxquels ont
adhéré les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont été
incorporés au Traité révisé de la CEDEAO en 1993.
Le Traité révisé fait spécifiquement
référence aux droits de l'homme dès son préambule.
La Communauté s'engage en effet à faire respecter, à
promouvoir et à protéger les droits de l'homme dans chaque Etat
membre conformément à la Charte Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples24(*).
Pour jauger l'efficacité de ces principes
désormais consacrés dans le traité, l'organisation
sous-régionale doit être dotée d'une institution autonome
à caractère juridictionnel qui veillera au respect et à
l'application des normes protectrices des droits de l'homme. C'est à ce
titre que la CEDEAO avec l'adoption du Protocole A/SP.1/01/05 du 19 Janvier
2005 a donné compétence à sa juridiction,
dénommée Cour de justice de la CEDEAO et basée à
Abuja, de connaître des cas de violation des droits de l'homme.
Depuis la grande réforme qui a élargi le champ
de compétence de la Cour d'Abuja, les citoyens ouest africains, victimes
de violations de droits humains de la part d'un Etat membre de la
Communauté, peuvent désormais accéder au prétoire
du juge communautaire25(*).
Sur le plan théorique, l'introduction de ce nouveau
chef de compétence dans le contentieux juridictionnel de la CJ CEDEAO
relatif aux droits humains est indéniablement un fait nouveau dans la
société internationale et distingue cette cour des autres
institutions classiques. La CJ CEDEAO est la seule juridiction d'une
organisation internationale à vocation économique qui a
reçu un mandat explicite pour se prononcer sur des cas de violation des
droits de l'homme et ce, sans épuisement des voies de recours internes.
La possibilité donnée aux particuliers de saisir directement
cette cour sans au préalable que le litige ne soit porté devant
le juge national, permet de résoudre le problème du difficile
accès à la justice au plan national.
Sur le plan institutionnel, la Cour, en tant qu'organe
judiciaire ne se limite pas à l'interprétation et l'application
des textes de l'organisation ; elle arrive à se prononcer sur un
contentieux réservé traditionnellement à des juridictions
spécialisées. La compétence de la Cour en matière
de protection des droits de l'homme ne saurait dès lors être
assimilée à « un effet de mode ». Elle
correspond, plutôt, à la volonté affichée par la
Communauté ouest africaine d'assainir le cadre sous-régional par
la garantie juridictionnelle des droits de l'homme, prélude à une
intégration aboutie26(*).
Eu égard aux considérations qui
précédent, l'étude de ce sujet revêt une importance
particulière, à deux points de vue essentiellement.
D'abord, d'un point de vue théorique, les juridictions
régionales surtout africaines, à l'image de la Cour ADHP, ont
été caractérisées par l'importation du
modèle européen qui fait figure d'emblème. Mais la CJ
CEDEAO, elle, n'est pas un modèle
« importé » ; c'est, comme nous l'avions
souligné plus haut, la seule juridiction d'une organisation
internationale à vocation économique qui a reçu un mandat
explicite pour se prononcer sur des cas de violation des droits de l'homme et
ce, sans épuisement des voies de recours internes27(*).
La consécration formelle d'une action individuelle
directe devant la cour est perçue comme une aubaine dans la
sous-région. Dans cette veine, le changement de paradigme dont la
juridiction communautaire est porteuse traduit des valeurs d'exemplarité
et ancre désormais les Etats membres de la Communauté dans la
nouvelle religion des temps modernes à savoir la
« démocratie de protection des droits de
l'homme »28(*). L'ouverture du prétoire de la juridiction aux
particuliers est censée représenter une formule flexible pour
permettre à ceux-ci de surmonter les inconvénients des
systèmes de protection nationaux et au-delà du système
régional.
La protection des droits de l'homme par la Cour de justice
ouest africaine est originale et se différencie ainsi de celle de la
Cour africaine. En effet, elle introduit une entorse au traditionnel principe
de l'épuisement de voies de recours internes. Elle peut être
saisie directement sans au préalable que le litige ne soit porté
devant le juge national. L'autre spécificité est relative
à ses instruments de référence. Ainsi, saisi d'un
différend relatif aux droits de l'homme, le juge communautaire applique
des textes non sécrétés ou générés
par la CEDEAO. Elle travaille sur des bases textuelles
hétérogènes29(*) contrairement à la Cour africaine qui dispose
d'un droit positif propre.
D'un point de vue pratique, la réflexion met l'accent
sur l'activisme des juridictions sous étude. Sur ce point,
l'appréciation ne peut être que provisoire étant
donné que la compétence de l'organe judiciaire de la CEDEAO en
matière de protection des droits de l'homme est encore récente.
Comme le souligne le professeur Alioune SALL « c'est au fil des
saisines et du temps que les juges se pénètrent de leurs
missions, forgent leur démarche, affinent leurs concepts, esquissent
éventuellement une politique jurisprudentielle »30(*). Nous prenons toutefois le
défi de jauger l'efficacité de la garantie des droits de l'homme
par l'organe judiciaire de la CEDEAO en perspective avec la Cour ADHP. Dans
l'optique de construction ou de consolidation de l'Etat de droit en Afrique,
les juges de la Cour ADHP et ceux communautaires apparaissent comme la
clé de voûte car appelés à dire le droit et se
hisser au-delà de toute considération d'ordre politique. La
mission est noble mais la réalité fait apercevoir un tableau
contrasté. Le factuel semble décrire un fossé d'avec le
formel.
A priori, la concurrence entre systèmes, et
partant entre juridictions ne devrait pas exister. En effet, « chaque
juridiction créée est censée opérer dans un espace
géographique limité aux contours territoriaux des Etats membres
de la Communauté ou de l'Organisation dont elle est l'organe de
contrôle juridictionnel »31(*). Mais c'est sans compter avec les chevauchements
entre organisations qui génèrent une concurrence territoriale,
ainsi qu'avec le processus inexorable d'accroissement des compétences
rationae materiae des juridictions qui engendre une concurrence
matérielle.
L'étude de la protection de l'individu devant les
juridictions africaines de protection des droits de la personne montre
clairement que les questions de promotion et de protection de ces droits de
l'homme ne sont plus une question d'éthique ou de morale. Ces questions
n'intéressent plus exclusivement les relations interétatiques, et
ce contrairement aux autres questions de droit international. Elles
entretiennent plutôt des liens étroits avec diverses lois
nationales : notamment les lois relatives à la lutte contre le
terrorisme, au trafic des êtres humains, à l'immigration, etc. En
bref, les liens entre les questions qui relèvent du droit international
et celles qui relèvent du droit interne deviennent de plus en plus
étroits.
Ainsi, devant la juridiction africaine, on se demande comment
renforcer la voie directe d'accès à la Cour selon le
mécanisme des recours individuels. Devant le juge de la CEDEAO par
contre, la question est de savoir quels sont les moyens dont dispose la
juridiction communautaire pour garantir d'une manière effective les
droits humains. Quel est le mode de participation des individus à la
procédure organisée par les juridictions africaines de protection
des droits de l'homme ? Autant de questions qui sont aussi importantes les
unes que les autres mais que la pédagogie de l'essentiel et du droit
comparé nous amène à regrouper en une seule :
la protection de l'individu par les juridictions africaines de
protection des droits de l'homme est-elle efficace ?
Sous le prisme des textes et aussi de la pratique
régionale et sous-régionale, une réponse positive
s'impose. En effet, le juge « des droits de l'homme » des
juridictions africaines est mis dans une situation optimale aussi bien sur le
plan normatifqu'institutionnel pour assurer d'une manière efficace la
protection des droits humains des citoyens africains.
Néanmoins, reconnaissons que ces juridictions ne sont
pas exemptes de toute critique. Des facteurs exogènes et
endogènes sont à l'origine de l'inefficience aussi bien de la
Cour ADHP que de la CJ CEDEAO dans le cadre de leurs missions de protection des
droits humains. La pusillanimité de ces juridictions est
consubstantiellement liée à la toute-puissance des Etats. Sans
prétendre disposer du remède miracle, nous proposerons des
solutions aux problèmes sus-mentionnés.
L'hypothèse de notre recherche est le renforcement du
mécanisme des recours individuels devant les juridictions africaines par
la facilitation de l'accès et de la procédure à leur
prétoire. A cet effet, la présente étude tournera
essentiellement autour desdeux centres d'intérêt suivants. D'une
part, il s'agira de mener une analyse dynamique sur l'effectivité de la
protection de l'individu devant les juridictions africaines
(Première Partie), et d'autre part, nous examinerons
les faiblesses des juridictions africaines dans leurs missions de protection de
l'individu (Seconde Partie).
PREMIERE PARTIE : L'EFFECTIVITE DE LA PROTECTION DE
L'INDIVIDU DEVANT LES JURIDICTIONS
Aujourd'hui, l'humanité est en phase avec un
véritable clavier des droits de l'homme qui résonne quelle que
soit la partie du monde concernée, et dont l'existence participe du
caractère sacré de la personne humaine32(*). En effet le droit
international relatif aux droits de l'homme vise à protéger
l'ensemble des droits dont chacun a besoin pour mener une vie pleine,
sûre et saine en toute liberté et sécurité. Ces
droits confèrent la dignité et l'égalité, ils
garantissent la possibilité de répondre aux besoins fondamentaux
de l'homme. La procédure de garantie des droits fondamentaux joue
à ce titre un rôle majeur pour veiller au respect de ces droits.
Celle-ci se résume à un ensemble de dispositions, et
procédés visant à empêcher les violations des droits
humains, à les sanctionner par la réparation des dommages subis
du fait de ces atteintes33(*).
Il importe donc que l'application des droits de l'homme
(droits civils et politiques, droits économiques, sociaux et culturels,
droits de solidarité) déclarés indivisibles par ailleurs
et des libertés fondamentales soit garantie par un système de
protection efficace, dans le cadre des organisations universelles et
régionales, les Etats ayant l'obligation « erga
omnes » de les respecter34(*).
L'universalisation des droits de l'homme postule
également l'universalisation des procédures : on ne peut pas
prétendre adhérer à un système des valeurs en y
soustrayant ce qui apparait en définitive comme la plus grande
conquête en matière de défense des droits de l'homme
à savoir la soumission des Etats à des juridictions
internationales35(*).
Ce dernier aspect mérite de retenir l'attention. Il
implique également qu'on s'y attarde en raison du fait qu'aussi
importants et étendus que soient les droits de l'homme, ce sont les
garanties de leur respect ou les réparations qu'impliqueraient leurs
violations qui sont déterminantes.
Par ailleurs, il sied de noter que les juridictions africaines
étant déjà en place, il fallait attendre une
période encore plus récente pour que les États acceptent
la compétence d'un juge continental (Cour ADHP) d'une part, pour des
litiges les opposant à des particuliers et d'autre part, d'un juge
communautaire (CJ CEDEAO) qui s'illustre à suffisance dans ce domaine.
Ainsi, l'efficacité du système africain de protection des droits
de l'homme est tributaire de l'accès des individus à la justice
(Chapitre I). Pour que le droit au juge et ses composantes ne
soient, pour reprendre une formule de la Cour européenne des droits de
l'homme, « des droits non pas théoriques ou illusoires
mais des droits concrets et effectifs »36(*), il faut impérativement
que les garanties d'un accès à la justice soient
assurées.
De plus, pour une protection effective et efficace des droits
de l'homme, les juridictions africaines se doivent d'être impartiales
dans l'examen des requêtes des individus, principales victimes des
violations de ces droits. Ainsi, la recevabilité est une condition sine
qua non pour l'examen au fond des requêtes individuelles
(Chapitre II).
CHAPITRE I : L'ACCES AUX JURIDICTIONS, UNE CONDITION
NECESSAIRE A LA PROTECTION DE L'INDIVIDU
Apriori, la question de l'accès de l'individu
à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples semble
réglée : le Protocole37(*) établissant la Cour prive l'individu du droit
de la saisir directement, sauf à ce que l'Etat défendeur y ait
consenti expressément par le biais d'une déclaration facultative
d'acceptation de la juridiction obligatoire. Ce système optionnel, qui
n'a suscité l'attrait que d'une petite minorité des Etats parties
au Protocole, minerait l'espoir d'une protection juridictionnelle effective.
Fort heureusement, la CJ CEDEAO semble venir à point nommé, ne
serait-ce que pour pallier cette carence dans la communauté ouest
africaine.
Au plan institutionnel, la Cour ADHP n'était pas encore
entrée en fonction que fut lancé le chantier de sa fusion avec la
Cour de Justice de l'Union africaine en vue de créer une Cour africaine
de justice et des droits de l'homme38(*). En attente de la concrétisation de ce projet,
la Cour, devenue opérationnelle depuis le 20 juin 2008, exerce sa
fonction aux côtés de la Commission africaine des droits de
l'homme et des peuples (mais le Protocole ne clarifie pas totalement la
relation de complémentarité entre ces deux organes
indépendants)39(*).
Au demeurant, elle doit également s'accommoder de
l'office des juridictions instituées dans le cadre des accords de
coopération et d'intégration économique et parfois
dotées de compétence en matière de protection des droits
de l'homme comme c'est le cas de la CJ CEDEAO. En dehors de sa
compétence explicite en la matière, la Cour de justice
communautaire s'exclame d'un accès libéral à son
prétoire (section 1). Alors que les difficultés
auxquelles le requérant est confronté devant le juge continental
ont progressivement restreint son accès au prétoire, il y a lieu
de dire que l'accès de l'individu à la Cour africaine est
relativement étendu (section 2).
Section 1 : Un accès exclusivement libéral
devant le juge communautaire
L'originalité de la réforme introduite en 2005
est indiscutablement liée à la reconnaissance d'un droit de
recours individuel aux citoyens de la communauté victimes de violations
des droits de l'homme. En effet, à la lumière du protocole
élargissant la compétence rationae materiae de la Cour
de justice de la CEDEAO, un droit de recours est ainsi ouvert de plein droit
aux ressortissants de la communauté se prétendant victimes de
violation des droits de l'homme (paragraphe 1). Clé de
voûte de la garantie de l'intégration régionale et du
système de protection des droits de l'homme, la Cour se veut proche des
justiciables. Elle est à ce titre une institution de proximité
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La CJ CEDEAO, une juridiction facilement
saisissable
Le recours individuel est la pierre angulaire du
mécanisme de protection des droits de l'homme aménagé par
la CEDEAO. Les personnes physiques ont la possibilité de saisir
directement la Cour de justice communautaire de la CEDEAO. La
consécration de cette saisine individuelle (A)
constitue sans doute une extension de la compétence explicite du juge
communautaire (B).
A. La consécration de la
saisine individuelle
Avant la réforme introduite par le Protocole de 2005,
l'accès des particuliers à la juridiction communautaire
était médiat ; la procédure devait être
diligentée par l'Etat membre. Ainsi, selon l'article 9.3 du Protocole
A/P.1/7/91 un Etat membre peut, au nom de ses ressortissants, diligenter une
procédure contre un autre Etat membre ou une institution de la
Communauté, relative à l'interprétation et à
l'application des dispositions du Traité, en cas d'échec des
tentatives de règlements à l'amiable. Dans un souci de se
rapprocher davantage des particuliers, les Etats membres de la CEDEAO comptent
élargir les compétences de leur organe judicaire commun aux cas
de violation de droits humains. Les individus pourront le saisir mais ce sera
après épuisement des voies de recours internes40(*).
Finalement, la révolution viendra du Protocole
Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole
A/P/17/91 relatif à la Cour de justice de la Communauté qui va
concrétiser cet espoir. Ce nouveau texte introduit la dimension
« droits de l'homme » dans le nouveau chef de
compétence de la Cour de Justice de la CEDEAO. Désormais les
particuliers ont la possibilité d'intenter des recours pour demander la
cessation de violations ou le redressement de leurs droits. Cette
réforme fait désormais disparaitre l'écran étatique
et met fin à la jurisprudence Afolabi41(*). Elle confère
indiscutablement la qualité de droit des gens à
l'individu42(*), quoique
ce dernier reste un sujet mineur ou dérivé de droit
international43(*).
A défaut de mécanismes garantissant une
application effective du respect des droits de l'homme44(*) qui d'abord doit se
concrétiser par l'accès au prétoire de la juridiction par
le justiciable, tout droit proclamé paraît dénué de
sens. La condition d'effectivité est liée principalement à
un recours de droit individuel qui ne décime pas le justiciable dans un
labyrinthe de procédures et qui se traduit par la suppression de
certaines futilités. Sous ce rapport, la CEDEAO a déployé
un véritable mécanisme45(*).
La première exigence également consacrée
par d'autres juridictions46(*) va de soi ne serait-ce que pour des raisons de
crédibilité de l'institution et aussi pour éviter divers
abus. Pour que la requête soit donc recevable, elle doit spécifier
le nom et l'adresse du demandeur, la désignation de la partie contre
laquelle la demande est effectuée, le sujet des poursuites et un
résumé des allégations en droit sur lesquelles la demande
est fondée, etc.47(*)
En ce qui concerne la deuxième exigence, la saisine
d'une autre instance juridictionnelle à caractère international
rend irrecevable la requête individuelle devant la Cour. Cette
règle est prévue dans tous les mécanismes internationaux
d'enquête ou de règlement48(*) et est notamment applicable devant le prétoire
de la Cour ADHP. Elle ne se limite pas cependant au principe de non bis in
idem mais englobe également le cas de litispendance49(*). Selon Jonathan COHEN, elle a
été expressément posée pour « exclure le
cumul de procédures internationales »50(*) et repose sur un souci
d'éviter une contrariété de jurisprudence. En effet en
dépit de la prolifération des juridictions internationales, il
n'existe aucune hiérarchie entre elles comme dans les systèmes
judiciaires internes des Etats. Aucune d'entre elles n'est compétente
pour réviser la décision d'une autre instance
internationale51(*), ce
qui semble davantage nourrir la concurrence notamment entre la CJ CEDEAO et la
Cour ADHP.
Mais c'est surtout, plus spécifiquement au niveau des
règles procédurales que la Cour de justice de la CEDEAO se
singularise. En effet, le système de protection communautaire ne
s'inscrit pas dans la lignée des procédures suivies par les
autres juridictions continentales comme la Cour ADHP52(*). Ni commission de filtrage des
requêtes individuelles, ni exigence de l'épuisement
préalable des voies de recours internes à l'image de ses
ainés53(*), le
système de protection des droits de l'homme apparaît comme
efficient. Le requérant est donc dispensé de prouver avoir
utilisé dans son pays d'origine les recours internes,
considérés comme un handicap, une règle contraignante pour
les individus désireux de saisir les juridictions internationales et
particulièrement la Cour africaine. Sur ce point la CEDEAO a osé
en dérogeant au traditionnel principe de l'épuisement des voies
de recours internes54(*).
Il ressort de cette consécration de la saisine
individuelle devant le prétoire de la Cour de Justice que le
mécanisme de protection institué par la CEDEAO pour
préserver les droits de l'homme des citoyens ouest africains est
à bien des égards révolutionnaire. Celui-ci tient
principalement à la simplicité, à la lisibilité de
l'édifice institutionnel, favorisées notamment par l'extension de
la compétence explicite du juge communautaire.
B. Une extension de la
compétence explicite du juge
L'émergence des juridictions communautaires est
marquée par une revalorisation de la fonction juridictionnelle. Elle
s'accompagne de l'établissement et de la redéfinition des
compétences des juridictions des organisations d'intégration
économique. Dans cette optique, le Traité du 18 mai 1975
instituant la Communauté Économique des États de l'Afrique
de l'Ouest (CEDEAO) et révisé successivement par le Traité
du 24 juillet 1993 et le Protocole additionnel de 2005, affiche comme ambitions
: « la Communauté vise à promouvoir la
coopération et l'intégration dans la perspective d'une union
économique de l'Afrique de l'Ouest en vue d'élever le niveau de
vie de ses peuples, de maintenir et d'accroître la stabilité
économique, de renforcer les relations entre les États membres,
et de contribuer au progrès et au développement du continent
africain »55(*).
A la création de la Cour de justice de la CEDEAO, le
Protocole du 6 juillet 1991 ne conférait pas à cette nouvelle
institution judiciaire une compétence en matière de protection
des droits humains. Sa compétence se limitait en vertu des articles 9 et
10 du Protocole à connaître des différends dont elle est
saisie, conformément aux dispositions du Traité par les
États membres ou par plusieurs États et les institutions de la
Communauté à l'occasion de l'interprétation ou de
l'application des dispositions du Traité. Cet instrument juridique se
focalisait sur l'intégration économique et ne
s'intéressait pas aux droits de l'homme. De même, les individus
n'étaient pas autorisés à saisir la Cour, seuls les
États pouvaient agir à leur place.
Par ailleurs, la révision du Traité de la CEDEAO
le 24 juillet 1993 oriente les États qui s'engagent à la «
promotion et la protection des droits fondamentaux de la personne
conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples »56(*). Mais il a fallu attendre le Protocole sur la
démocratie du 21 décembre 2001 pour voir l'annonce d'une «
extension de la compétence de la Cour, entre autres aux violations
des droits de l'homme après épuisement, sans succès, des
voies de recours ». En effet, le droit de recours individuel,
particulièrement en matière de droits de l'homme sera ouvert aux
citoyens des États membres devant la Cour de justice de la CEDEAO en
2005. Le Protocole additionnel portant amendement du préambule et des
articles 1er, 2, 9, 22 et 30 du Protocole relatif à la Cour de justice
de la Communauté complète le Protocole de la CEDEAO.
Désormais, la Cour a compétence pour examiner les litiges
relatifs aux droits de l'homme sur saisine des particuliers. Ainsi l'article 3
dispose : « la Cour est compétente pour connaître
des cas de violation des droits de l'homme dans tout État membre
». Au surplus, l'article 4 institue un nouvel article 10 dans le Protocole
de la Cour de justice de la CEDEAO qui précise : « peuvent
saisir la Cour : (...) toute personne victime de violations des droits de
l'homme ». En tant que cour des droits de l'homme, la CJ CEDEAO a la
compétence explicite de recevoir des requêtes émanant des
individus à des conditions même plus souples que celles retenues
par la Cour africaine57(*).
Dans la perspective de cette disposition la Cour a eu à
recevoir des requêtes opposant des individus à des Etats58(*), opposant des individus
à d'autres individus59(*) et d'autres encore opposant des individus à
des organisations internationales ou à leurs institutions60(*).
Cette reconnaissance explicite de la compétence de la
Cour de justice de la CEDEAO en matière de droits de l'homme n'est pas
unanime pour toutes les juridictions des Communautés Économiques
Régionales (CER). En effet, pour les juridictions similaires des
Communautés de l'Afrique australe (TSADC) et de l'Afrique de l'Est (CJ
EAC), la compétence en matière des droits de l'homme est
implicite. En effet, le Tribunal de la SADC a compétence pour
connaître des cas relatifs à l'interprétation et
l'application du Traité61(*). Ce dernier ne fait pas référence
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, mais il
engage les parties au respect des droits de l'homme, à la
démocratie, à l'Etat de droit, à la non-discrimination.
Mieux, la Cour de justice de l'EAC a compétence pour connaître des
cas relatifs à l'interprétation et l'application du
Traité62(*) qui,
engage les Etats à respecter les principes fondamentaux63(*), parmi lesquels les droits
garantis par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
L'Article 27. 2) prévoit qu'un Protocole pourrait être
adopté pour donner une plus large compétence à la Cour,
notamment en matière de droits de l'homme.
En outre, une lecture croisée des compétences de
ces juridictions communautaires dans le domaine des droits de l'homme permet de
ressortir la pertinence de leur coexistence avec la Cour africaine. Faut-il le
rappeler, le glissement jurisprudentiel du champ économique vers le
champ de la protection des droits humains s'est réalisé à
un moment où la Cour Africaine était hypothétique.
Aujourd'hui, elle semble recouvrer sa vitalité, quoique la saisine
individuelle reste conditionnée devant son prétoire. Il se posera
inévitablement le problème de compatibilité des
procédures et jurisprudences respectives des juridictions communautaires
avec celles de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples64(*). C'est notamment le cas avec
l'affaire Habré qui était pendante à la fois devant la
Cour africaine et devant la CJ CEDEAO65(*). Dans le silence des textes qui régentent
l'ordre juridique régional et continental, c'est la jurisprudence qui
serait à même de règlementer les rapports entre ces
juridictions.
Quoi qu'il en soit, les juridictions des CER à l'instar
de la CJ CEDEAO sont connues comme des juridictions de proximité en
raison notamment de leur accessibilité.
Paragraphe 2 : La CJ CEDEAO, une juridiction de
proximité
Au regard du traité de la CEDEAO et des protocoles y
afférents, on peut soutenir que la Cour de justice communautaire est une
juridiction originale. La délocalisation des audiences hors de son
siège d'Abuja, en cas de nécessité, fait d'elle une
juridiction mobile (A), ce qui constitue sans doute une
véritable aubaine pour le justiciable dans la sous-région
(B).
A. La mobilité de la Cour de
justice
Dans la dynamique de permettre à sa juridiction de
remplir convenablement son office, la CEDEAO n'a pas manqué de faire
d'elle une juridiction mobile au même titre que les autres juridictions
internationales66(*). En
effet, aux termes des dispositions de l'article 26 du Protocole de 1991 relatif
à la Cour, « la juridiction communautaire peut se
déplacer lorsque des circonstances l'exigent en tout lieu autre que
celui de son siège ». Instituée dès sa
création pour des questions liées à l'intégration
économique, c'est dans le cadre de la protection des droits de l'homme
que cette possibilité de siéger hors des murs d'Abuja prend tout
son ampleur. En matière de violation des droits humains, les
circonstances qui peuvent justifier le déplacement de la CJ CEDEAO sont
diverses. Il peut s'agir par exemple des raisons liées à
l'état impécunieux du justiciable pour accéder au juge ou
alors pour l'audition des témoins. Cette aide juridictionnelle est
accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas
manifestement irrecevable ou dénuée de tout fondement.
Ainsi, « pour que l'accès au juge ne soit
pas que vain principe et paravent d'incurie »67(*) afin que le droit à la
justice soit un droit pour tous, et non un « privilège », le
temple de la justice doit être ouvert à toutes les victimes, de
quelque position sociale qu'elles soient pour une meilleure protection des
droits de l'homme. Donc comme l'affirme Me Bane, il ne faudrait pas que la
justice communautaire soit une justice des riches. Il faut que ça soit
la justice de toute la population de l'espace de la CEDEAO68(*).
Le citoyen ouest africain bénéficie d'un droit
d'accès assez particulier pour que sa cause soit entendue. La CJ CEDEAO
peut se transformer en une juridiction foraine, qui peut se déplacer
pour siéger hors de son siège du Nigeria le cas
échéant. En réalité, l'éloignement du
justiciable de la juridiction peut constituer un obstacle majeur pour
l'accès au prétoire par les individus. C'est pourquoi dans
l'affaire Dame Hadijatou Mani Koraou c/ République du Niger pour montrer
que la justice de l'intégration n'est pas
« éthérée »69(*), le juge a accédé à la demande
de la requérante en raison de son « état
d'impécuniosité » et la nécessité d'entendre
les témoins résidant au Niger. Ainsi, comme le fait remarquer le
professeur J. F. RENUCCI, « le justiciable ne doit en aucun cas
être dissuadé d'accéder à la justice pour des
raisons matérielles »70(*).
Le rayonnement de la Cour de justice communautaire de la
CEDEAO, son prestige, est intimement lié à ce système
d'assistance juridictionnelle. La solidarité dont elle fait montre avec
les indigents, la discrimination positive qu'elle instaure entre les citoyens
de l'espace communautaire sont gages d'une efficience certaine de la protection
des droits de l'homme dans l'espace ouest africain. On peut donc se
réjouir du fait que ce qui pouvait constituer un caractère
rédhibitoire à l'accès au juge communautaire trouve
désormais une alternative dans la mobilité de la Cour. C'est une
véritable aubaine pour le justiciable.
B. Une aubaine pour le
justiciable
Comme l'exprimait si bien Aristote, « ce sont
toujours les plus faibles qui aspirent au droit et à
l'égalité, les plus forts ne s'en soucient pas ». Si la
victime, à cause de sa situation précaire ne parvient pas
à saisir un juge, cela fait une injustice de plus mise sur son dos. On
peut dire que cette possibilité offerte par la CEDEAO constitue
indubitablement une aubaine pour le justiciable ouest africain, si on sait
qu'en Afrique la plupart des populations vivent sous le seuil de la
pauvreté. Selon Delphine d'ALLIVY KELLY, avec le caractère forain
de la Cour, la CEDEAO a levé le voile pour permettre une «
accessibilité pratique et économique »71(*). A cet effet, on est
amené à dire qu'avec ce système d'assistance
juridictionnelle, l'indigence n'est plus un handicap pour accéder
à la justice communautaire.
A la lumière des arrêts rendus jusque-là
par la CJ CEDEAO, on constate que les ressortissants nigérians sont les
principaux requérants72(*). Cela s'explique, pas parce que le Nigeria est le
mauvais élève de la CEDEAO en matière de protection des
droits de l'homme mais simplement par le fait que le siège de la Cour se
trouve à Abuja. La proximité avec la justice permet ainsi
d'accéder plus facilement au prétoire du juge. L'obstacle
financier, pour ceux qui se trouvent hors de son siège (Abuja) est ainsi
endigué par cette mobilité de la Cour de justice
communautaire.
Dans l'ensemble du système africain de protection des
droits de l'homme73(*), il
faut reconnaître que l'existence de la CJ CEDEAO est un véritable
havre pour les citoyens ouest africains, victimes de violations de droits
humains. Entre la juridiction communautaire et la Cour africaine, on est
persuadé que le citoyen ouest africain choisira sans anicroche la
première74(*). Sans
pour autant être un pourfendeur aux idées nihilistes du
système africain de protection des droits de l'homme, on peut relever
certaines faiblesses institutionnelles qui semblent annihiler
l'efficacité du contrôle juridictionnel continental. En effet, la
Commission peine encore à imposer la protection des droits promus et
protégés par la Charte africaine au sein des Etats75(*). La procédure des
communications est emblématique du mandat de protection de la
Commission. C'est par ce biais quasi-judiciaire que celle-ci est censée
concrètement faire respecter les droits de la Charte par les Etats
parties. Mais cette procédure est longue et les décisions prises
au titre des communications sont trop souvent inappliquées par les
acteurs étatiques76(*).
Toutes ces lacunes non exhaustives semblent à nos yeux
justifier la mise en place d'un organe judicaire qui complétera le
travail de la Commission. Là encore, s'il est vrai qu'avec la mise en
place de la Cour ADHP77(*), l'Afrique peut « s'enorgueillir d'une
véritable juridiction à l'échelle régionale en
matière de protection des droits et
libertés »78(*), il n'en demeure pas moins qu'elle prête elle
aussi le flanc à la critique. Il serait illusoire dans la quête
permanente d'une protection effective des droits de l'homme de prévoir
un système de déclaration facultative unilatérale de la
part des Etats qui acceptent la compétence de la Cour pour examiner les
requêtes individuelles79(*). Le mimétisme hérité du
modèle de la Convention européenne de 1950 abandonné en
1998 peut-il faire long feu en Afrique ? Il semble perceptible que ce
système juridictionnel d'importation ne peut pas prospérer en
l'état dans la réalité africaine actuelle80(*). Il faut souligner que depuis
l'entrée en vigueur du Protocole établissant la Cour ADHP, seuls
26 Etats sur 54 membres de l'UA l'ont ratifié et parmi eux, seulement
cinq Etats ont accepté la déclaration autorisant les individus et
les ONG à saisir la Cour ADHP81(*).
Une justice encline à condamner les violations des
droits de l'homme doit être généreuse sur le plan
principiel avec les justiciables. Faute de quoi, elle reste à
l'état virtuel. La CEDEAO déroge fondamentalement aux
mécanismes de protection des droits de l'homme prévus à
l'échelle continentale. Sur le plan principiel, elle est
généreuse avec les justiciables. Ce qui n'est pas le cas devant
le juge continental où, l'accès au prétoire est
relativement étendu.
Section 2 : Un accès relativement étendu
devant le juge continental
Tout comme la CJ CEDEAO, la Cour ADHP fait droit aux individus
de formuler des requêtes devant elle pour dénoncer la violation de
leurs droits fondamentaux. Mais à la différence de la
première juridiction abordée supra, la Cour ADHP n'offre
qu'un accès limité des individus à son prétoire. Il
convient donc ici de montrer l'étendue du recours individuel
(paragraphe 1), avant de s'appesantir sur les restrictions de
l'accès de l'individu à la Cour continentale (paragraphe
2).
Paragraphe 1 : L'étendue du recours individuel
devant la Cour
L'étendue du recours individuel devant le juge d'Arusha
se traduit par l'affirmation de la compétence du juge
(A) d'une part, et d'autre part, à travers l'exclusion
pour le justiciable du critère de l'intérêt à agir
(B).
A. Une affirmation de la
compétence du juge
La Cour est dotée d'une compétence
matérielle sans commune mesure avec celle attribuée à la
Commission82(*) et aux
Cours européenne83(*) et interaméricaine84(*). Elle peut être saisie
de tout différend portant sur l'application et l'interprétation
de la Charte mais également « de tout autre instrument
pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les États
concernés »85(*). Entrent dans cette dernière catégorie
les traités universels86(*) et régionaux87(*) de protection des droits de l'homme ainsi que les
traités de coopération ou d'intégration économique
entre Etats africains dès lors qu'ils contiennent des dispositions
protégeant expressément les droits de l'homme, ou que leur
application est subordonnée au respect des principes contenus dans la
Charte88(*). La Cour
accepte également d'être saisie de requêtes s'appuyant
exclusivement sur des violations alléguées d'un texte de
portée déclaratoire dès lors que la substance des droits
invoqués se retrouve a minima dans la Charte ou dans un
traité international ratifié par l'Etat défendeur89(*). Il en va de même pour
les requêtes uniquement fondées sur des violations du droit
interne90(*). Les
justiciables sont donc encouragés à saisir la Cour, bien qu'il
soit possible d'adresser deux critiques prospectives à cette
compétence élargie. La première, de nature diplomatique, a
trait à la réticence structurelle des Etats à se lier par
avance au juge international91(*) d'autant plus que l'accès direct à la
Cour n'y est pleinement réalisé qu'après consentement
exprès et supplémentaire de la part de l'Etat
défendeur92(*). La
seconde critique est de nature procédurale : en acceptant de
connaître de violations alléguées d'autres instruments
internationaux que la Charte, la juridiction est amenée à prendre
position sur des cas potentiellement soumis et/ou tranchés par des
organes conventionnels, voire par d'autres juridictions
internationales93(*).
L'accès de l'individu au prétoire est
subordonné à la démonstration de l'existence d'une
violation attribuable à un Etat lié par le Protocole à la
date des faits allégués. Ratione personae, la
juridiction n'est ainsi pas compétente pour connaître des
requêtes dirigées contre des entités autres
qu'étatiques telle l'Union africaine94(*) ou l'un de ses organes95(*). Temporis, seuls les
Etats ayant ratifié le Protocole à la date des faits peuvent
être attraits devant la Cour. Ce dernier est entré en vigueur
à l'égard de quinze Etats le 25 janvier 200496(*). S'agissant des Etats parties
qui ratifient ou adhèrent au texte après son entrée en
vigueur, la Cour sera compétente à compter de la date du
dépôt de l'instrument de ratification ou
d'adhésion97(*).
La compétence temporelle ne pose pas de
difficulté lorsque les violations ont eu lieu après
l'entrée en vigueur du Protocole à l'égard de l'Etat
défendeur. Au cas contraire, la juridiction pourra toutefois se
déclarer compétente s'il est démontré que les
violations alléguées ont un caractèrecontinu98(*). Un fait internationalement
illicite n'acquiert pas ce caractère simplement parce que ses effets ou
ses conséquences s'étendent dans le temps. L'assassinat d'un
journaliste avant l'entrée en vigueur du Protocole à
l'égard de l'Etat défendeur est ainsi une violation
instantanée impropre à fonder la compétence ratione
temporis de la Cour99(*). Elle estime que le fait que la douleur et la
souffrance causées par ledit assassinat se prolongent ne change rien en
termes d'accès de l'individu au prétoire du juge. Cela ne
signifie pas que la juridiction ne sera pas amenée à prendre en
compte ces douleurs et souffrances, mais elle ne le fera qu'au titre des
obligations secondaires (réparation) résultant de la violation
des obligations primaires. Le fait illicite proprement dit doit donc avoir pris
naissance avant que l'Etat ait consenti à la compétence de la
Cour et se poursuivre après qu'un tel consentement a été
donné. C'est le cas de l'adoption et du maintien en vigueur de
dispositions législatives incompatibles avec les obligations
conventionnelles de l'Etat100(*), de la détention prolongée d'un
requérant101(*),
de l'obligation de garantir le respect des droits de l'homme, du droit à
une égale protection de la loi, du droit à
l'égalité devant la loi, du droit à la liberté
d'expression et de l'obligation de respecter les droits des
journalistes102(*).
L'interprétation promue rejoint celle de la Cour
européenne103(*),
de la Cour interaméricaine104(*), du Comité des droits de l'homme105(*) et de la Commission
africaine106(*).
Toutefois, cette hypothèse fort bien soutenue par une
jurisprudence abondante n'est pas exempte de reproches. Aussi, dans l'affaire
Peter Joseph Chacha c. Tanzanie, les juges ont-ils reconnu le
caractère continu des violations invoquées sans donner plus
d'explication sur les éléments leur permettant d'arriver à
cette conclusion107(*).
Il faut souligner que ces facteurs d'ouverture de la saisine individuelle sont
confortés par l'exclusion du critère de l'intérêt
à agir.
B. Une exclusion du critère
de l'intérêt à agir
D'emblée, il faut souligner que l'intérêt
à agir est un critère reconnu par plusieurs juridictions
nationales et internationales pour intenter une action devant elles.
Consacré en droit civil, ce principe soutient que le requérant
soit directement la victime des violations alléguées. En
matière de procédure, l'intérêt à agir est en
effet une condition de recevabilité de la requête consistant dans
l'avantage que procurerait au demandeur la reconnaissance par le juge de la
légalité de sa prétention108(*). Le défaut de ce
critère dans une action en justice constitue une fin de non-recevoir que
le juge peut soulever d'office.
Mais en matière de protection des droits de l'homme, ce
critère est relativement apprécié notamment devant les
juridictions de protection desdits droits. Aux termes des dispositions de
l'article 5, 3) du Protocole, « la Cour peut permettre aux individus
ainsi qu'aux ONG dotées du statut d'observateur auprès de la
Commission africaine d'introduire des requêtes directement devant
elle ».
Sur cette question, la CJ CEDEAO a été plus
exigeante que la Cour Africaine. En effet, devant la CJ CEDEAO le
requérant doit être la victime directe des violations
alléguées. Selon le principe, le requérant doit avoir subi
personnellement les effets de la mesure litigieuse pour avoir la qualité
de victime109(*). Le
défaut de la qualité de victime étant un motif de rejet du
recours, sans un examen au fond, on comprend que les États contre
lesquels une violation est alléguée invoquent
généralement l'absence de la qualité de victime
réelle et effective du requérant110(*).
Mais, dans le souci d'une meilleure garantie des droits, les
instances de contrôle interprètent de façon souple la
notion de victime, étendant ainsi le champ d'application personnel des
instruments de protection. Cette conception large permet d'ouvrir
l'accès à leurs prétoires aux victimes dites
« indirectes »111(*) et « potentielles ». La notion
de victime potentielle, si elle n'a pas été explicitement ainsi
nommée par la Cour de justice, est celle qui a été
appliquée dans l'affaireCDP et autres c/ État du Burkina
du 13 juillet 2013. La victime potentielle est la personne qui n'a pas
encore subi de violation effective de ses droits, mais qui court le risque de
la subir si une législation manifestement incompatible avec les droits
garantis venait à s'appliquer112(*). Cette notion avait déjà
été évoquée par la Cour de justice dans ses
arrêts Hissène Habré c/ l'État du
Sénégal du 18 novembre 2010 et Hadidjatou Mani Koraou c/
État du Niger du 27 octobre 2008.
L'appréciation de la notion de victime potentielle
suscite toutefois des difficultés, à la fois d'ordre
théorique et pratique. La première difficulté
théorique est le risque de confusion avec l'actio popularis,
c'est-à-dire la faculté de combattre de façon objective et
dans l'abstrait les mesures nationales en dehors de tout acte d'application
concrète au requérant113(*). La seconde difficulté théorique est
le risque de disparition de l'exigence de violation réelle et effective,
conduisant à une objectivisation du contentieux de la protection des
droits de l'homme, pour les recours introduits à l'initiative des
particuliers. Or, si les droits de l'homme ont un caractère objectif,
car universellement attachés à la seule qualité
d'être humain et échappant au principe interétatique de
réciprocité, ils conservent une dimension subjective en raison du
statut individuel de leurs titulaires114(*) et de leur mode d'exercice115(*). Ces caractéristiques
subjectives trouvent leur traduction dans l'exigence de la qualité de
« victime de violation » pour les requérants
individuels.
Si cette hypothèse tend à élargir
l'intérêt à agir du requérant individuel et par
ricochet son accès à la juridiction communautaire, il n'en
demeure pas moins qu'il existe des facteurs qui contribuent directement ou
indirectement à restreindre l'accès de l'individu au
prétoire du juge d'Arusha.
Paragraphe 2 : Les restrictions de l'accès
individuel devant la Cour
L'accès de l'individu à la Cour africaine est
certes consacré par les dispositions du Traité instituant la
Cour, mais l'effectivité du droit de saisine directe reste à
redouter (A). Par ailleurs, l'appropriation de la saisine
indirecte du juge d'Arusha (B) constitue une limite à
l'accès de l'individu à la juridiction pour faire respecter ou
rétablir ses droits fondamentaux.
A. L'inexistence d'un droit de
saisine directe
En devenant parties au Protocole, les Etats acceptent de plein
droit la compétence de la Cour pour connaître des requêtes
émanant des autres Etats parties, de la Commission ou des organisations
intergouvernementales africaines116(*). A contrario, ils doivent
expressément consentir à la saisine directe par les individus et
les organisations non gouvernementales. L'article 34, 6) du Protocole dispose
à cet effet qu'« à tout moment à partir de la
ratification du présent Protocole, l'Etat doit faire une
déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les
requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent
Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de
l'article 5, 3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle
déclaration »117(*). C'est la règle de la déclaration
facultative d'acceptation de la compétence de juridiction. Elle se
présente comme un frein pour l'accès de l'individu à
l'office du juge.
Objet de critiques récurrentes, elle fut
attaquée à l'occasion de l'affaire Femi Falana c. Union
Africaine118(*). Le
requérant contestait à l'occasion la compatibilité de
l'article 34, 6) du Protocole avec l'article 7 de la Charte qui garantit le
droit d'accès à un tribunal119(*). Cette entreprise était vouée à
l'échec pour deux raisons au moins. Au plan substantiel, l'article 7 ne
garantit que l'accès à un tribunal national, comme l'a vivement
rappelé la Commission120(*). Au plan procédural,
l'incompétence ratione personae de la Cour était
manifeste, cette dernière n'étant pas habilitée à
connaître de requêtes dirigées contre des entités
autres que des Etats parties au Protocole. Il eut été logique que
la requête soit rejetée par une simple lettre du Greffier, sans
que la juridiction n'eut à en connaître. Or, non seulement elle
avait accepté de l'examiner mais avait décidé en sus d'y
accorder un traitement judiciaire, c'est-à-dire une procédure
contradictoire composée d'une phase écrite et d'une phase orale.
Les opinions jointes à la décision ont mis au jour les
dissensions traversant le banc avec pour seul mérite d'attirer
l'attention sur des questions que la Cour n'était de toute façon
pas habilitée à trancher. Selon l'opinion commune à trois
juges, l'article 34, 6) n'était pas applicable en
l'espèce121(*).
Pour autant, subordonner la saisine par l'individu d'une
juridiction internationale au consentement renforcé des Etats n'est en
rien une spécificité africaine122(*). Une exigence similaire a longtemps
conditionné l'accès à la Cour européenne123(*) et est toujours en vigueur
devant la Cour interaméricaine124(*). Elle n'est pas une réminiscence du
passé liée à la lente constitution de la protection
internationale des droits de l'homme. De futures juridictions internationales
partagent déjà ce trait caractéristique : l'accès
de l'individu à la Cour arabe des droits de l'homme125(*) n'y sera conçu que
comme un processus médiat, soit par endossement de l'Etat126(*), soit par la
représentation du requérant par une ONG, ce qui supposera
toutefois dans ce dernier cas que l'Etat défendeur ait
préalablement accepté cette possibilité127(*).
La portée réelle du caractère restrictif
de l'article 34, 6) doit plutôt être appréciée
à l'aune des accords d'intégration économique conclus
entre Etats africains. En effet, la Cour n'a pas le monopole du contrôle
des droits garantis par la Charte. Les juridictions établies dans le
cadre des huit communautés économiques régionales
reconnues par l'Union africaine sont également susceptibles de disposer
d'une compétence implicite ou explicite en la matière128(*). Implicitement, lorsque
l'exécution des obligations économiques du traité est
conditionnée au respect de la Charte africaine. C'est le cas du
Traité du marché commun de l'Afrique orientale et australe
(COMESA) qui institue une Cour de justice129(*), de l'ancien Tribunal de la Communauté de
développement de l'Afrique australe (SADC)130(*) et de la Cour de justice
instituée par le Traité établissant la Communauté
de l'Afrique de l'Est (CAE)131(*). Le traité ouvre également la
possibilité de doter cette dernière d'une compétence
spéciale en matière de protection des droits de l'homme par
l'adoption ultérieure d'un protocole132(*).Toutes ces juridictions spécialisées,
ajoutées à la CJ CEDEAO ont pour point commun de ne pas
requérir le consentement préalable de l'Etat défendeur
pour l'examen des requêtes individuelles.
Il faut admettre que le filtre de l'article 34, 6) ne
constitue donc ni un trait propre au système africain de protection des
droits de l'homme, ni un obstacle illicite à l'accès des
individus à la Cour. Il faut à présent explorer la piste
de la saisine indirecte pour le compte de l'individu
B. L'appropriation de la saisine
indirecte
Les individus peuvent présenter des communications
devant la Commission sans qu'un Etat partie ne puisse s'y opposer, dans
l'espoir que celle-ci décide de porter l'affaire devant la
Cour133(*). La
Commission pourra ainsi décider de saisir la Cour (avant même
l'examen de la recevabilité de la communication) si la situation
portée à sa connaissance présente des violations graves et
massives des droits de l'homme commises par un Etat partie au
Protocole134(*). La
Commission pourra également décider de saisir la Cour en cas
d'inexécution de ses décisions (mesure provisoire135(*) ou décision au
fond136(*)) par un Etat
partie au Protocole de la Cour. Dans ces cas, les individus et ONG ayant le
statut d'observateur auprès de la Commission africaine pourront devenir
des parties à la procédure.
L'article 5, 1, d), du Protocole réserve la
possibilité qu'un Etat partie puisse saisir directement la Cour pour
dénoncer la violation des droits de ses ressortissants par un autre Etat
partie dans ce qui s'apparente à la protection diplomatique137(*). La compétence de la
Cour sera obligatoire dans cette hypothèse, qui demeure pour le moment
purement théorique. Le Protocole ménage enfin la
possibilité pour une ONG disposant de la qualité d'observateur
auprès de la Commission de saisir la juridiction pour le compte de
l'individu. Dans ce dernier cas, toutefois, la compétence de la Cour
redevient facultative. Aussi, une personne morale peut-elle se porter
requérante devant la Cour seulement s'il s'agit d'une «
organisation non gouvernementale » (première condition) «
dotée du statut d'observateur auprès de la Commission africaine
» (seconde condition). Le filtre de l'article 34, 6) du Protocole
s'applique à nouveau dans cette hypothèse.
Ainsi, seules les organisations non gouvernementales peuvent
saisir la Cour pour le compte de l'individu. Cette dernière n'a
été confrontée qu'indirectement à la question des
requêtes présentées par des personnes morales autres que
des ONG. Dans l'affaire Delta International Investments S.A. et A.G.L. de
Lange c. Afrique du Sud, elle avait été saisie par une
entreprise, personne morale de droit privé, ainsi que par des individus
personnes physiques. Elle ne s'est toutefois pas prononcée sur les
conséquences de cette saisine, la requête ayant été
rejetée par une décision d'incompétence constatant
l'absence de déclaration de l'Etat défendeur au titre de
l'article 34, 6) du Protocole138(*).
L'accès des ONG est en outre subordonné à
la possession de la qualité d'observateur auprès de la
Commission. Ce statut peut être obtenu par toute ONG oeuvrant dans le
domaine des droits humains conformément aux principes fondamentaux et
aux objectifs énoncés dans l'Acte constitutif de l'Union
africaine et la Charte africaine139(*). L'octroi de ce statut n'est pas sans susciter de
réticence de la part de certains Etats qui jugent la Commission trop
encline à l'accorder à des organisations dont l'objet statutaire
serait contraire aux « valeurs africaines »140(*). Il s'agit sans doute d'un
futur cheval de bataille des ONG. En réalité, la refonte
institutionnelle de la Cour entraînera une évolution du
régime juridique applicable. La juridiction pourra ainsi être
saisie par « les personnes physiques et les organisations
non-gouvernementales accréditées auprès de l'Union ou de
ses organes (...) »141(*), ce qui laisse entendre que la Commission ne
pourrait plus être la seule autorité pouvant octroyer le statut
d'observateur. Il est à noter que le nouveau protocole accordera
également le droit aux institutions nationales des droits de l'homme de
saisir la future Cour. Ces institutions se distinguent des ONG par leur
caractère gouvernemental. Il s'agit d'organes statutaires établis
par les gouvernements et qui ont la responsabilité de promouvoir et
protéger les droits de l'homme dans leurs Etats respectifs142(*).
L'accès de l'individu au prétoire ne se
réduit pas à la seule compétence du juge continental ou
communautaire. Il est également conditionné par les nombreuses
conditions de recevabilité de la requête. Les deux juridictions
sous étude, et au-delà, les interprètent toutefois de
façon à garantir l'accès le plus large des individus
à leurs prétoires.
CHAPITRE II : LA RECEVABILITE, UNE EXIGENCE POUR L'EXAMEN
AU FOND DE LA REQUÊTE INDIVIDUELLE
L'effectivité de la protection juridictionnelle de
l'individu dépasse le strict cadre de son accès aux
juridictions ; encore faut-il franchir l'obstacle de la
recevabilité qui concerne essentiellement les vices formels ou
matériels de la requête. Rien ne sert ainsi d'ouvrir
l'accès au prétoire de la juridiction internationale si les
herses de la recevabilité sont trop hautes à franchir et
deviennent des obstacles dirimants à la suite de la procédure.
A cet effet, le Protocole renvoie à l'article 56 de la
Charte qui fixe sept conditions cumulatives de recevabilité devant la
Commission. Ce renvoi est logique, compte tenu de la coexistence de la
Commission et de la Cour et leur interdépendance : en alignant les
conditions de recevabilité des communications et des requêtes, les
rédacteurs du Protocole cherchaient à assurer
l'égalité d'accès de l'individu devant les deux organes.
Cette complémentarité n'est toutefois pas parfaitement
éclaircie, le Protocole disposant que la Cour « tient compte »
des exigences de l'article 56 de la Charte, ce qui implique qu'elle dispose
d'un certain pouvoir discrétionnaire pour envisager d'autres conditions
de recevabilité143(*). L'adoption de son Règlement intérieur
a dissipé ces doutes, son article 40 reproduisant fidèlement les
conditions de l'article 56 de la Charte : six d'entre elles subordonnent la
saisine de la Cour au respect de conditions formelles et substantielles de la
requête. La septième condition vise quant à elle à
préserver le rôle subsidiaire de la juridiction en imposant au
requérant d'épuiser les recours internes.
En outre, l'élément fondamental de
rivalité entre la Cour ADHP et la CJ CEDEAO réside dans la
recevabilité des requêtes individuelles. En effet, la concurrence
la plus sérieuse pour la Cour africaine provient de la Cour de justice
de la CEDEAO144(*) dont
les attributions ont été successivement précisées
par le Protocole du 6 juillet 1991145(*) et le Protocole supplémentaire du 19 janvier
2005146(*). Ce dernier
lui confère une compétence explicite en matière de
protection des droits de l'homme147(*). Compétente au même titre que la Cour
africaine pour connaître de l'interprétation et de l'application
de la Charte, la Cour de justice de la CEDEAO s'est également
émancipée des conditions de recevabilité exigeantes
fixées par la Charte148(*). Nul besoin pour accéder à son
prétoire de satisfaire aux conditions cumulatives de l'article 56 de la
Charte : il suffit que la requête ne soit pas anonyme et qu'elle n'ait
pas été soumise à une autre juridiction
internationale149(*).
Saisir la Cour africaine impose au contraire, en sus de la démonstration
de sa compétence, la réunion de sept conditions cumulatives de
recevabilité qui s'ajoutent au filtre de la déclaration de
l'article 34, 6) du Protocole.
De ces analyses, il ressort que, les conditions de
recevabilité d'une requête individuelle, notamment devant les deux
juridictions africaines dont la présente étude fait cas, sont non
seulement formelles (section 1), mais aussi substantielles
(section 2).
Section 1 : Des conditions formelles de
recevabilité
Avant d'apprécier le contenu substantiel de toute
requête, les deux Cours comparées dans la présente
étude doivent vérifier que les exigences formelles requises pour
la mise en oeuvre de leur juridiction sont satisfaites. En raison des
conditions qui sont souples pour l'une et relativement rigides pour l'autre, on
déterminera ainsi une recevabilité adoucie au prétoire du
juge communautaire (paragraphe 1), mais conditionnée
pour le juge de la Cour africaine (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Une recevabilité adoucie au niveau
de la CJ CEDEAO
La souplesse des conditions résultant de la Charte
africaine (A) ainsi que l'autonomie du juge communautaire dans
l'application des modalités de cette Charte (B) sont
des facteurs déterminants pour la recevabilité de la
requête individuelle au prétoire du juge de la CEDEAO. Elles
constituent également des critères de dissemblance avec la Cour
ADHP dont le juge communautaire rivalise la compétence en matière
de protection des droits de l'homme.
A. La souplesse des conditions
résultant de la Charte africaine
La grande accessibilité du juge communautaire par les
victimes de violations des droits humains est aussi l'émanation de la
Charte africaine. En raison de la spécificité de la protection
qu'elle offre, les requérants individuels ont la facilité
d'évoquer ses dispositions pour dénoncer les violations dont ils
auraient été victimes. A la lumière de ses dispositions,
on constate avec aisance que les conditions qui émanent de la Charte
sont assez explicites et suffisamment souples pour promouvoir et
protéger efficacement les droits de l'homme. Aussi laisse-t-elle la
latitude aux juridictions notamment africaines d'interpréter ses
dispositions à leur propre guise150(*), pourvu que l'objectif de protection et de promotion
des droits de l'homme soit atteint.
Or, d'après les articles 4.g) du traité
révisé et 9. 4) du Protocole additionnel de 2005, la CJ CEDEAO
fait de la Charte africaine une partie intégrante de son droit
applicable en statuant conformément à ses clauses. Ainsi, dans sa
décision rendue le 27 octobre 2008 dans l'affaire Dame Hadijatou Mani
Koraou contre la République du Niger, la Cour confirme que l'article
4.g) du Traité révisé qui précise que les Etats
membres adhèrent aux principes fondamentaux de la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples, est le souhait du législateur
communautaire d'intégrer cet instrument dans le droit applicable devant
la Cour. Il sied, par ailleurs de préciser que cette juridiction
n'applique pas les conditions de recevabilité des communications telles
que portées par l'article 56 de la Charte, jouissant ainsi d'une
autonomie dans l'utilisation des modalités de la Charte151(*). Dans son arrêt de
principe par lequel la CJ CEDEAO est entrée dans l'histoire en
matière de protection des droits de l'homme sur le continent africain,
ladite cour statue sur l'autonomie de son utilisation de la Charte152(*). Dès lors que la
Partie II de la Charte concerne les modalités de son application par la
Commission africaine, qui en outre, n'est pas une juridiction, il est logique
qu'elles ne s'appliquent à la CJ CEDEAO. Ainsi, la République du
Niger affirme que la CJ CEDEAO doit se référer à l'article
4. g) du traité révisé de la CEDEAO pour appliquer
l'article 56, al. 7 de la Charte africaine153(*). Il s'agit bien d'une utilisation pragmatique de la
Charte, texte qui ne saurait en revanche ajouter des contraintes
procédurales à celles du système de la CJ CEDEAO.
Bien que contrairement au juge de la Cour africaine, le juge
communautaire n'applique pas à la lettre les conditions de
recevabilité prévues à l'article 56 de la Charte, il reste
à relever que ce dernier s'est fondé sur les droits garantis par
la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples dans deux affaires
importantes, concernant la détention arbitraire d'un journaliste gambien
et la condition de servilité d'une nigérienne154(*). Le premier cas (affaire
Chief Ebrimah Manneh c/ la République de Gambie) portait sur
l'arrestation le 11 juillet 2006 et la détention d'un journaliste
gambien du Daily Observer par les services secrets. Les avocats du
requérant fondaient leur saisine sur le caractère arbitraire de
l'arrestation et de la détention de leur client (art. 6 et 7 de la
Charte africaine)155(*).
La Cour a jugé que la Gambie était responsable de l'arrestation
et de la détention arbitraire du requérant, enfermé in
communicado sans jugement.
Quoique particulièrement régentée par
des instruments juridiques exogènes156(*) dont notamment la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples, il est évident que la CJ CEDEAO se veut
indépendante dans l'application des modalités de celle-ci.
B. L'autonomie de la Cour dans
l'application des modalités de la Charte
La Cour de justice communautaire de la CEDEAO jouit à
l'égard de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
(CADHP) de pouvoirs que l'on pourrait qualifier de souverains. Elle ne se
trouve pas liée par certaines conditions posées par la charte.
C'est sans doute l'affirmation de l'autonomie de la Cour vis à vis de
cette Charte. En effet, la Cour de justice communautaire n'est pas dans un lien
de subordination hiérarchique avec la Cour africaine. Elle défend
de ce fait son « pré-carré » jurisprudentiel,
emblème de son autonomie vis-à-vis des juridictions
internationales sans se situer néanmoins dans un nombrilisme
avilissant.
Ainsi, faisant une lecture généreuse de cet
instrument, la CJ CEDEAO indiqua dans son arrêt de principe157(*) qu'elle assure la protection
des droits énoncés dans la Charte sans pourtant procéder
de la même manière que la Commission Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples. Dans ce présent arrêt qui restera à
jamais dans les annales judiciaires, la Cour, alors que même la pratique
de l'économie des moyens aurait pu la conduire à s'en tenir aux
textes endogènes, a jugé bon dans la mesure où cela
servait son dessein pédagogique de se lancer dans l'expéditive.
Ceci dans un but d'établir et d'asseoir son autonomie dans l'utilisation
des modalités de la Charte. En effet, l'Etat Nigérien,
défendeur en l'espèce a soulevé une exception
d'irrecevabilité relative à l'épuisement des voies de
recours internes158(*).
Selon cet Etat incriminé, la condition d'épuisement des voies de
recours internes ne figure pas parmi les conditions de recevabilité des
cas de violations des droits de l'homme. En raison de cette lacune, les juges
doivent s'inspirer de l'article 56159(*) de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples en exigeant préalablement la saisine du juge national. Mais le
juge a récusé ces prétentions, en estimant que l'absence
d'instruments juridiques de la CEDEAO relatifs aux droits de l'homme fait de la
Charte son instrument privilégié pour se prononcer sur des cas de
violations des droits de l'homme. Mais ajoute-t-il qu'une distinction doit
être faite entre l'énoncé des principes fondamentaux de la
Charte et les modalités de mise en oeuvre de ces droits160(*).
De ce fait, la Cour assure la protection des droits
énoncés dans la Charte sans pourtant procéder de la
même manière aussi bien de la Cour ADHP que de la Commission
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Cette approche
privilégiée par la CJ CEDEAO qui refuse ainsi d'imposer des
contraintes procédurales montre la hardiesse et la
témérité du juge communautaire. En accordance avec sa
jurisprudence de principe, la Cour se complait jusqu'à présent
dans cette attitude pragmatique pour demeurer un « bon
juge » c'est-à-dire n'être ni au service des Etats ni au
service des citoyens mais au service exclusif des droits de l'homme161(*).
Le juge d'Arusha se veut également être un bon
défenseur des droits de l'homme, mais la procédure à
suivre pour que la requête individuelle soit recevable devant son
prétoire est beaucoup plus complexe que devant le juge communautaire.
Paragraphe 2 : Une recevabilité
conditionnée au niveau de la Cour ADHP
Les conditions de recevabilité devant le
prétoire du juge d'Arusha sont principalement posées dans les
dispositions de la Charte africaine notamment en son article 56. Pour
être recevable, l'individu doit s'assurer, non seulement de la
caractérisation de sa requête (A), mais
également d'avoir intenté son action dans un délai
raisonnable (B).
A. La caractérisation de la
requête individuelle
La caractérisation de la requête est une exigence
qui répond à trois critères essentiels à savoir la
compatibilité, la nouveauté et la sincérité de la
requête portée devant le juge continental. Tous ces
critères sont explicitement énoncés dans les dispositions
de l'article 56 de la Charte africaine, instrument juridique
privilégié de la Cour.
D'abord, en vertu de l'article 56, 2), la requête doit
être compatible avec l'acte constitutif de l'Union Africaine ou les
dispositions de la Charte. Cette condition sera remplie chaque fois que la
requête fera état des faits suffisamment étayés et
précis portant sur des violations de la Charte et/ou de tout instrument
relevant de la compétence matérielle de la Cour au sens de
l'article 3 de son Protocole162(*). Comme l'indique la Cour, « (...) ce
qui est important pour qu'une requête soit compatible avec l'Acte
constitutif de l'Union Africaine et la Charte est que dans leur substance, les
violations alléguées dans la requête soient susceptibles
d'être examinées par référence à des
dispositions de l'Acte constitutif et/ou de la Charte, et ne soient pas
manifestement en dehors du champ d'application de ces deux
instruments »163(*). Il est donc attendu du requérant qu'il
précise les griefs articulés contre l'Etat
défendeur164(*).
La Commission a développé sur ce point une abondante
jurisprudence, déclarant irrecevable toute communication se bornant
à présenter la situation générale de l'Etat
défendeur, caractérisée par la corruption et
l'immoralité165(*) ; déplorant la lenteur des procédures
judiciaires sans démontrer l'existence d'un grief
subséquent166(*)
ou évoquant des incidents sans préciser les lieux, dates et les
noms des victimes167(*).
La requête ne doit en outre pas concerner des cas qui ont
été réglés conformément soit aux principes
de la Charte des Nations Unies, soit de la Charte de l'Union Africaine et soit
des dispositions de la Charte africaine.
Ensuite, le Règlement intérieur de la Commission
précise le sens donné à cet article en indiquant que la
communication doit mentionner « une indication précisant que
la plainte n'a été soumise à aucun organe
international de règlement des litiges, ou de compétence
similaire, conformément à l'article 56, 7) de la Charte
africaine »168(*).
Cette condition relative à la nouveauté de la requête
n'est pas propre au système africain et constitue une condition de
recevabilité des requérants individuels devant le juge
européen169(*) et
interaméricain170(*). Elle conditionne également la
recevabilité des communications individuelles portées devant la
majorité des organes conventionnels de protection des droits de
l'homme171(*). Or, le
Règlement de la Cour ne contient pas de telle précision172(*). Cette lacune est
regrettable, puisqu'une telle disposition serait la conséquence logique
de la compétence matérielle élargie de la Cour.
L'équivoque est perceptible car, ni le Protocole ni le Règlement
intérieur ne prévoient ces cas, à la différence
d'autres juridictions qui opèrent sur la base d'une disposition claire
telle la Cour européenne173(*) et la future Cour arabe174(*) des droits de l'homme.
Enfin, l'article 56, 4) de la Charte subordonne la
recevabilité de la requête à l'apport, au moins sommaire,
d'éléments permettant d'étayer les violations
alléguées. A contrario, l'irrecevabilité sera
prononcée lorsque son contenu repose
« exclusivement »sur des nouvelles
diffusées par des moyens de communication de masse. Il suffit donc pour
les requérants d'invoquer un élément de preuve à
l'appui de leur requête pour que la condition de sincérité
soit remplie175(*). La
Cour n'a été confrontée qu'une fois à une exception
préliminaire en ce sens. Dans l'affaire Frank David Omary et autres
c. Tanzanie, le défendeur soutenait que la requête
était irrecevable car les requérants ne produisaient, selon lui,
que des coupures de journaux à l'appui de leur requête. La Cour
rejeta cette exception au motif que les requérants avaient cité
dans leurs écritures des noms de personnes qui auraient
été victimes de brutalités, et avaient également
décrit des brutalités policières dont elles auraient
été témoins176(*). La solution de la Cour rejoint
l'interprétation de la Commission selon laquelle, « tout
en étant peu commode de se fier exclusivement aux nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse, il serait tout aussi
préjudiciable que la Commission rejette une communication parce que
certains des aspects qu'elle contient sont basés sur des informations
ayant été relayées par les moyens de communication de
masse. Cela provient du fait que la Charte utilise l'expression «
exclusivement ». Il ne fait point de doute que les moyens de communication
de masse restent la plus importante, voire l'unique source d'information
(...) »177(*). D'ailleurs, cette situation n'est pas
inédite car, bien avant ce cas, le génocide au Rwanda, les
violations des droits de l'homme au Burundi, au Zaïre et au Congo pour
n'en citer que quelques-uns, ont été révélés
par les moyens de communication de masse. Ainsi, pour la Commission,
« (...) la question ne devrait donc pas être de savoir si
l'information provient des moyens de communication de masse, mais plutôt
si cette information est correcte. Il s'agit de voir si le requérant a
vérifié la véracité de ses allégations et
s'il a pu le faire étant donné les circonstances dans lesquelles
il se trouve »178(*).
Hormis ces exigences caractéristiques, il faudra
également que le requérant individuel saisisse la Cour dans un
délai raisonnable.
B. L'exigence d'un délai
raisonnable de saisine
La saisine de la Cour dans un délai raisonnable est une
exigence doublement consacrée. En effet, l'article 40 du
Règlement intérieur de la Cour, reprenant l'article 56, 6) de la
Charte, exige que la requête soit « introduite dans un
délai raisonnable courant depuis l'épuisement des voies de
recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer
à courir le délai de sa propre saisine ». La
juridiction en a précisé les contours, notamment en
déterminant successivement le point de départet le
caractère raisonnable.
Le point de départ du délai de saisine varie
selon que le fonctionnement des recours internes est normal ou anormal.
Premièrement, lorsque les recours internes fonctionnent normalement, le
délai de saisine commence à s'écouler à compter du
premier jour franc suivant l'épuisement des recours internes (soit, en
pratique, la date de la dernière décision insusceptible de
recours rendue par le juge national). Toutefois, une exception179(*) reste à
dégager. En effet, lorsque la Cour est saisie directement par un
individu ou une ONG disposant du statut d'observateur, tout dépendra de
la date à laquelle l'Etat défendeur aura déposé sa
déclaration au titre de l'article 34, 6) du Protocole180(*).Ainsi, dans l'affaire
Alex Thomas c. Tanzanie, la dernière décision rendue par
le juge interne datait du 29 mai 2009. L'Etat défendeur n'ayant fait la
déclaration susvisée qu'un an plus tard, le 29 mars 2010, la Cour
décida de prendre cette dernière date comme point de
départ181(*).
Le point de départ du délai est donc
calculé, sauf exception, par rapport à l'épuisement des
recours internes pertinents182(*). A notre avis, un point d'ombre subsiste encore,
celui de savoir si ce délai commence à courir lorsque le
requérant a utilisé une voie de recours que la Cour juge peu
appropriée (par exemple un recours en révision). Ce point n'a pas
encore été éclairci dans la jurisprudence africaine, mais
la Cour européenne n'y voit pas d'obstacle, ce qui peut donc conduire
rapidement à l'irrecevabilité de la requête183(*).
Deuxièmement, le fonctionnement anormal184(*) des recours internes
dispense-t-il le requérant individuel de saisir la Cour dans un
délai raisonnable ? La réponse est négative ; cette
situation n'affecte pas la règle, mais uniquement le calcul du point de
départ du délai de saisine. Les requérants
concernés ne sont ainsi pas fondés à soutenir que,
puisqu'ils ne doivent pas épuiser les recours internes, ils peuvent
saisir la Cour à leur guise sans restriction temporelle. La juridiction
l'a fermement affirmé, relevant que « (...) cette position
est intenable parce qu'elle signifierait que dans tous les cas où les
requérants n'auraient pas eu à épuiser les voies de
recours internes (parce qu'ils ne sont pas efficaces, ou parce que la
procédure y relative se prolonge de façon anormale), le
délai de saisine de la Cour ne commencerait jamais à courir. Par
ailleurs, cette thèse est en contradiction fondamentale avec l'argument
des requérants selon lequel il n'y aurait plus rien à attendre du
système judiciaire national. On ne peut pas à la fois avancer cet
argument et en tirer à son profit la conséquence que le
délai de saisine de la Cour ne commencera à courir que lorsque le
système judiciaire national, que l'on a pas voulu utiliser, aura
réglé l'affaire »185(*).
Il reste donc à déterminer le point de
départ du délai de saisine de la Cour dans ce cas particulier. La
jurisprudence n'est pas encore très étoffée et il faut
être prudent. Pour le moment, seul le point de départ du
délai de saisine lorsque les recours internes se prolongent de
façon anormale a été déterminé. La date qui
doit être retenue est alors celle de l'expiration du délai de
recours non exercé selon le droit national186(*).
En outre, le caractère raisonnable du délai de
saisine sous-entendque la requête sera frappée
d'irrecevabilité chaque fois que la Cour sera saisie dans un temps
déraisonnable187(*) à compter du dies a quo188(*). Ni la Charte, ni le
Règlement intérieur ne précisent ce délai, à
la différence des Conventions européenne et américaine qui
retiennent un délai de six mois189(*). Si l'introduction d'une requête quelques mois
après l'épuisement des recours internes ne pose pas de
difficulté190(*),
la Cour accepte d'être saisie au bout de plusieurs années, pour
peu qu'une justification sérieuse soit avancée par le
requérant.
En tout état de cause, l'interprétation retenue
favorise l'accès de l'individu au prétoire, la Cour accordant une
grande attention à la situation personnelle du requérant
(degré d'alphabétisation, indigence, détention ou non,
etc.) ainsi qu'aux éléments objectifs susceptibles d'allonger les
délais de saisine (entrée en fonction de la juridiction191(*), etc.). Comme elle l'a
relevé, « (...) le fait que le requérant soit
incarcéré ; le fait qu'il soit un indigent qui n'ait pas
été capable de se payer un avocat ; le fait qu'il n'ait pas eu
l'assistance gratuite d'un avocat (...) ; le fait qu'il soit illettré ;
le fait qu'il a pu ignorer jusqu'à l'existence de la présente
Cour en raison de sa mise en place relativement récente ; toutes ces
circonstances justifient une certaine souplesse dans l'évaluation du
caractère raisonnable du délai de
saisine »192(*). Ont ainsi été jugés
raisonnables des délais de 360 jours193(*) ; trois ans et cinq mois194(*) et trois ans et six
mois195(*) après
le dépôt par l'Etat défendeur de la déclaration
d'acceptation de juridiction.
Cette largesse du juge de la Cour africaine semble le
rapprocher du juge communautaire qui tient à relever le défi de
la protection des droits de l'homme jadis inefficace. En dehors des conditions
formelles, le forum shoppingdont fait office ces deux juridictions est
également perceptible en ce qui concerne les conditions substantielles
de recevabilité.
Section 2 : Des conditions substantielles de
recevabilité
Il est évident que pour être recevable devant les
juridictions africaines de protection des droits de l'homme, la requête
individuelle doit répondre à certains critères
matériels bien définis. Ces critères concernent d'une part
le principe de l'épuisement des voies de recours internes
(paragraphe 1) et d'autre part, la qualité du
requérant individuel pour agir (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'épuisement des voies de recours
internes
Les juridictions africaines de protection des droits de
l'homme notamment la Cour africaine et la Cour de justice de la CEDEAO sont des
juridictions subsidiaires, le juge interne (national) demeurant le juge de
droit commun de la Charte196(*). A cet effet, elles ne devraient être saisie
qu'après épuisement préalable des voies de recours
internes par le requérant. Si cette exigence est d'application devant le
juge de la Cour ADHP (A), le juge de la CEDEAO lui sort de
cette exégèse et déroge à ce principe
(B).
A. Une contrainte devant le juge de
la Cour ADHP
Au demeurant, l'article 56. 5) de la Charte africaine
subordonne la recevabilité de la requête à
l'épuisement préalable des recours internes par le
requérant, « s'ils existent, à moins qu'il ne soit
manifeste (...) que la procédure de ces recours se prolonge d'une
façon anormale ». La règle vise à garantir
que l'Etat ait eu connaissance de la violation et ait pu tenter d'y
remédier197(*).
Cette obligation cède toutefois lorsque les recours ne présentent
pas les qualités indispensables à leur efficacité.
La règle de l'épuisement des voies de recours
internes permet de ménager le rôle premier des autorités
nationales dans la prévention et le redressement des violations
alléguées de la Charte. En ce sens, la Cour n'a qu'un rôle
subsidiaire, ce qui emporte deux conséquences. Primo, seuls les
recours « internes »doivent être
épuisés et non tous les autres recours prévus dans le
cadre d'organisations internationales. Secundo, seuls sont
visés les recours internes « ordinaires », entendus
comme « toute action juridique interne pouvant donner lieu
à la résolution de la plainte au niveau local ou
national »198(*). En pratique, la règle vise donc l'ensemble
des recours juridictionnels, qu'ils soient civils, pénaux ou
administratifs199(*). Si
le requérant dispose éventuellement de plus d'une voie de recours
pouvant être effective, il est uniquement dans l'obligation d'utiliser
l'une d'entre elles : l'usage d'une autre voie dont le but est pratiquement le
même n'est pas exigé.
Cependant, la Cour comme la Commission n'exigent pas du
requérant qu'il épuise les recours extraordinaires,
c'est-à-dire ceux qui ne sont pas de droit, qui ne peuvent être
exercés qu'à titre exceptionnel et dans des conditions
restrictives prévues par la loi200(*). Il s'agira notamment des recours qui
dépendent de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire dont les
archétypes sont les demandes en révision judiciaire et les
recours gracieux et hiérarchiques201(*). L'obligation d'épuiser les recours
constitutionnels dépendra largement des particularités du
système juridique de l'État défendeur202(*). L'épuisement du
recours en inconstitutionnalité tanzanien n'est ainsi pas exigé,
la Cour y voyant une voie de recours extraordinaire. Au sens du droit interne
pertinent, « la Haute Cour n'exerce pas sa compétence en
vertu de cet article dès lors qu'elle est convaincue que les moyens de
recours adéquats pour redresser la violation alléguée sont
ou étaient disponibles dans le cadre de toute autre loi ou que la
requête est simplement fantaisiste ou
vexatoire »203(*). Pour la Cour, « ces dispositions
démontrent que les recours en inconstitutionnalité pour faire
reconnaître des violations des droits de l'homme ne sont examinés
que lorsque d'autres voies de recours ne sont pas disponibles, et qu'il s'agit
de recours extraordinaires »204(*).
En outre, le requérant doit apporter la preuve d'une
tentative, fructueuse ou non, d'épuisement des recours internes
pertinents205(*). Cet
élément ne doit pas être entendu dans un sens
étroit, la preuve attendue étant tant de nature
procédurale que substantielle. Au plan procédural en effet, la
condition ne sera remplie que si tous les degrés de juridictions ont
été utilisés dans le système national, sauf si tout
ou partie de ces recours ne présentent pas les qualités
exigées par la Cour. Mais l'utilisation des recours internes ne
libérera le requérant que lorsque le juge aura pu connaître
et trancher le fond du différend : ils ne sont pas
réputés épuisés lorsque les actions introduites
sont rejetées ou radiées pour des questions de forme ou de
procédure206(*).
La solution a été critiquée car elle alourdit
singulièrement le fardeau de la charge de la preuve des
requérants207(*)
et fait peu de cas de leur situation personnelle in casu208(*).
A ce volet procédural de l'épuisement s'ajoute
donc un versant substantiel qui fait obligation au requérant de soulever
les griefs pertinents devant le juge interne. L'identité des griefs
soumis au juge interne et à la Cour est donc obligatoire, tout moyen
surabondant présenté pour la première fois risquant
d'entraîner l'irrecevabilité de la requête. La règle
est toutefois appliquée avec une certaine souplesse209(*).
Toutefois, cette souplesse ne s'étend pas
jusqu'à accepter que l'Etat défendeur puisse renoncer au
bénéfice de la règle de l'épuisement lorsqu'il
apparaît que le requérant n'a pas saisi toutes les juridictions
concernées. Cette hypothèse s'est présentée pour la
première fois dans l'affaire Urban Mkandawire c. République
du Malawi. Cette affaire est singulière car elle a mis en prisme la
Commission et la Cour africaine210(*). Ainsi, relevant que « le fait pour le
défendeur de ne pas soulever la question de la non-conformité
avec les exigences inscrites dans le Protocole et la Charte ne peut pas rendre
recevable une requête qui est autrement irrecevable », la
Cour procède d'office à cette vérification et conclut au
rejet211(*). Cette
retenue contraste avec la position de la Cour européenne, qui accepte
cette renonciation à l'appui d'une pratique internationale bien
établie en la matière212(*). La Cour semble avoir préféré
faire preuve de fermeté et ne pas envoyer de signal d'une trop grande
ouverture, quitte à freiner à court terme l'accès de
l'individu à son prétoire213(*). En revanche, la CJ CEDEAO déroge à ce
principe de l'épuisement des recours internes.
B. Une dérogation devant le
juge communautaire
La CJ CEDEAO semble de toute évidence reconnaître
le caractère subsidiaire de sa juridiction en tant qu'ordre
international mais ne fait pas de cette règle de l'épuisement des
voies de recours internes une condition pour la recevabilité des
requêtes individuelles. En effet, cette dérogation s'illustre
à suffisance dans l'affaire Dame Hadijatou Mani Koraou c/ la
République du Niger214(*). Dans l'espèce, le Niger demandait à
la Cour de justice de déclarer irrecevable la requête faute
d'épuisement des voies de recours internes par la requérante.
Relevant que le protocole instituant la Cour de justice n'exige pas un tel
épuisement, le Niger demandait à la juridiction de combler cette
lacune. A l'appui de son argument, l'Etat défendeur soutenait que la
Cour était liée par les dispositions de l'article 56 de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, en raison du renvoi
général effectué par le traité instituant la CEDEAO
à cet instrument215(*). La Cour de justice rejeta cet argument en deux
temps. D'abord, en soulignant qu'il ne lui appartient pas de combler ce que les
Etats ont exclu, de telle sorte que le Niger qui a consenti à ratifier
le protocole ne saurait être fondé à se soustraire à
ses obligations internationales216(*). Ensuite, qu'en subordonnant la mise en oeuvre des
obligations générales (de nature économique) au respect
des dispositions de la Charte, les Etats ont intégré cette
dernière dans le droit applicable devant la Cour de Justice de la
CEDEAO. Dès lors, cette dernière ne s'estime pas liée ni
par l'article 56 de la Charte fixant les conditions de recevabilité et,
par extension, ni par l'interprétation qui en est faite par la
Commission et la Cour africaines217(*).
Le juge communautaire estime à bon droit que la
protection des droits de l'homme par des mécanismes internationaux tout
en demeurant subsidiaire peut s'accommoder avec une interprétation
très souple de la règle de l'épuisement des voies de
recours internes. Il rejoint ainsi la position de la Cour Européenne
des Droits de l'Homme dans l'affaire Wilde, Ooms et Versyp c/ la
Belgique du 18 juin 1971 lorsqu'elle déclare
« conformément à l'évolution de la pratique
internationale, les Etats peuvent bien renoncer au bénéfice de la
règle de l'épuisement des voies de recours
internes »218(*). Il s'agit là d'une jurisprudence constante
de la Cour de justice de la CEDEAO. Les particuliers n'ont pas besoin
d'épuiser les recours internes pour pouvoir accéder au
prétoire du juge communautaire. Ce qui semble favoriser la saisine
abondante de la Cour de justice au détriment de la Cour africaine.
Curieusement, à la lumière de certaines
décisions de la Cour communautaire, il est singulier de constater que
les Etats incriminés de violations de droits humains se défendent
souvent en affirmant que les requérants n'ont pas épuisé
les voies de recours internes219(*). Mais, en accordance avec sa jurisprudence de
principe, la CJ CEDEAO n'exige toujours pas l'épuisement de voies de
recours internes. Cela risquerait évidemment d'obérer la
protection des droits de l'homme au niveau des Etats, étant entendu que
ces derniers peuvent être attraits devant la justice communautaire sans y
être saisis au préalable de l'existence d'une violation
alléguée des droits de l'homme.
Outre l'épuisement des voies de recours internes, la
qualité du requérant individuel est un facteur déterminant
pour la recevabilité de sa requête.
Paragraphe 2 : La qualité du requérant
individuel pour agir
La qualité pour agir est bien connue en matière
procédurale. Devant le juge de la Cour africaine, ce critère est
extensif (A) en raison notamment de l'exclusion de
l'intérêt à agir pour saisir la Cour. Par contre, devant le
juge communautaire, la qualité pour agir se confond avec la
qualité de victime directe et exige un intérêt personnel
pour agir. Le critère est donc restreint à ce niveau
(B).
A. Un critère extensif au
niveau de la Cour ADHP
Aux termes des dispositions de l'article 5, 3) du Protocole,
« la Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux ONG
dotées du statut d'observateur auprès de la Commission africaine
d'introduire des requêtes directement devant elle ». A la
différence des autres cours régionales, l'accès de
l'individu n'est donc pas limité à un intérêt
particulier à agir, comme celui d'être une victime directe de la
violation alléguée des droits220(*). Les requérants individuels peuvent
également se faire représenter dans des conditions
extrêmement libérales, sans commune mesure avec celles
imposées dans le cadre européen221(*). Tout individu peut ainsi agir pour le compte d'une
autre personne, sans le moindre intérêt personnel222(*). Aucun pouvoir
spécial n'est exigé pour que la représentation soit
valide223(*) et il
suffit que la requête fournisse des indications précises sur
la/les partie(s) demanderesses ainsi que sur celle(s) contre
laquelle/lesquelles elle est dirigée224(*). Est également recevable la requête
émanant d'un ou de plusieurs individu(s), ce qui autorise implicitement
les peuples à ester en justice, soit par l'intermédiaire d'un
représentant225(*), soit en désignant un groupe
représentatif226(*). Cette ouverture de la saisine ne sera pas
affectée par le projet de refonte institutionnelle de la Cour
africaine227(*).
Dans la CEMAC par contre, le législateur a opté
pour le silence sur cette question. En effet, ni la convention régissant
la CJC, ni l'Acte additionnel portant Règles de procédure de la
Chambre judiciaire de l'ancienne Cour de justice de la CEMAC ne
précisent clairement la qualité que doit avoir le
requérant. En attendant donc l'adoption du règlement de
procédure de cette Cour, on peut se référer à celui
de la CJCE où le requérant ne peut attaquer un acte que s'il en
est le destinataire, à moins qu'il ne prouve que l'acte attaqué
le concerne individuellement et directement228(*). Cette idée ne serait
d'ailleurs pas totalement nouvelle devant la Cour de N'Djamena puisque dans
l'affaire COBAC c/ Tasha L. Lawrence du 16 mai 2002, la Chambre judiciaire
avait affirmé qu'ont la qualité pour agir en recours contre les
décisions de la COBAC sur la base de l'article 4 alinéa 1 de
l'ancienne convention portant création de la Cour de
justice, « les dirigeants
sanctionnés ». On peut certes y voir un
intérêt à agir, mais aussi avant et en amont une
qualité à agir qui résulte du statut de destinataire de
l'acte.
Comme l'écrit le professeur Philippe Manin, lorsque des
personnes physiques ou morales sont « destinataires d'une
décision, elles ne sont soumises à aucune condition restrictive
de recevabilité. En revanche pour pouvoir attaquer un acte dont elles ne
sont pas destinataires- et notamment un règlement qui, par
hypothèse, n'a pas de destinataire- elles doivent démontrer que
l'acte les « concerne directement et individuellement »229(*). Cette hypothèse semble confirmée
devant le juge de la CEDEAO qui exige aux requérants individuels
d'être la victime directe des violations alléguées.
B. Un critère restrictif au niveau de la CJ
CEDEAO
La qualité pour agir désigne l'importance selon
laquelle, s'attachant pour le demandeur à ce qu'il demande, elle le rend
recevable à le demander en justice (si cette importance est assez
personnelle, directe et légitime) et à défaut de laquelle
le demandeur est sans droit pour agir230(*). Aux termes des dispositions de l'article 10.d i) du
Protocole additionnel à la CJ CEDEAO, la Cour peut être saisie par
toute personne victime de violations des droits de l'homme231(*). Ainsi, l'exercice d'un
droit de recours individuel est subordonné à la qualité de
victime. Seule une personne « victime » d'une violation des droits
garantis par les instruments juridiques faisant partie du droit positif des
Etats peut exercer un recours individuel.
En outre, le demandeur peut être considéré
comme une victime dès lors qu'il existe un lien suffisamment direct
entre lui et la violation alléguée. A cet égard, pour que
le requérant puisse se prétendre victime, il faut qu'il produise
des indices raisonnables et convaincants de la probabilité de la
réalisation d'une violation en ce qui le concerne personnellement, de
« simples suspicions ou conjectures étant insuffisantes
à cet égard »232(*). Par conséquent, seule une décision ou
une mesure interne lésant concrètement les droits du
requérant peut justifier un tel recours. Mais la notion de victime doit
dès l'abord être mise en corrélation avec le statut du
citoyen. La victime doit être un ressortissant de la Communauté
c'est-à-dire « toute personne qui, par la descendance, a
la nationalité d'un Etat membre et qui ne jouit pas de la
nationalité d'un Etat non membre de la
communauté »233(*).
Dans le contexte de « l'ordre juridique
communautaire intégré de la CEDEAO »234(*), le juge se veut pragmatique
dans sa démarche en interprétant les dispositions
dégagées par le législateur communautaire dans un esprit
de plus en plus favorable aux individus. Il en est ainsi dans l'affaire
Hissène Habré c/ Etat du Sénégal235(*) où la Cour a
constaté l'existence d'indices concordants de probabilité de
réalisation de nature à violer les droits de l'homme du
requérant sur la base des réformes constitutionnelles et
législatives entreprises par l'Etat du Sénégal. Si on sait
qu'une loi a priori se détermine dans l'abstrait236(*), le cas concret devenant
difficile à constater, on peut dire ici que le juge communautaire a fait
montre de hardiesse et de témérité. La Cour a
interprété de façon autonome la notion de victime de sorte
que le recours individuel est largement ouvert. Cet arrêt rappelle
à bien des égards l'affaire Marcks où les juges
européens ont admis la notion de victime potentielle ou
éventuelle. Selon la Cour de Luxembourg, « un individu
peut se prétendre victime du seul fait de l'existence d'une
législation dont il risque de subir les effets mais
indépendamment de toute application effective »237(*).
Le requérant individuel doit par ailleurs avoir un
intérêt personnel à agir. Selon la Cour, la violation d'un
droit de l'homme ne s'apprécie pas in abstracto mais in
concreto et se constate a posteriori c'est-à-dire
lorsqu'elle a déjà eu lieu. Par conséquent seule une
décision lésant concrètement les droits de l'individu peut
justifier un recours devant la Cour communautaire.
Cela s'explique par le fait que la Cour de justice
communautaire n'a pas pour rôle d'examiner les législations des
États membres de la Communauté in abstracto, mais
plutôt d'assurer la protection des droits des individus lorsque ceux-ci
sont victimes de violations de ces droits qui leur sont reconnus, et ce, par
l'examen des cas concrets présentés devant elle238(*). C'est fort semblablement
une condition exigée pour ne pas encombrer la juridiction communautaire
par des recours superflus. Sous ce rapport, il ne faut pas se
méprendre ; la Cour de justice communautaire demeure certes une
vitrine des droits de l'homme mais refuse de devenir une vox populi en
transformant les recours en une actio popularis qui risquerait de
froisser la susceptibilité des Etats.
CONCLUSION PARTIELLE
Après s'être rassuré que sa requête
remplissait les conditions requises pour sa recevabilité, l'individu ou
l'ONG doit se poser la question sur les possibilités offertes pour
saisir la Cour africaine. Pour cela, le Protocole lui donne un accès
direct si l'Etat qu'il met en cause est partie au protocole et par là a
fait la déclaration facultative prévue qui permet à la
Cour de connaître des requêtes individuelles adressées
à son égard239(*).
Les citoyens africains ne pouvant pas saisir directement la
Cour il leur est offert une possibilité organisée par le
Protocole pour y accéder. Il s'agit du contour par la commission
africaine à la seule condition que l'Etat en cause ait ratifié le
Protocole.
SECONDE PARTIE : LA FAIBLESSE DES JURIDICTIONS DANS LA
PROTECTION DE L'INDIVIDU
Comme l'observait si bien l'éminent professeur Philippe
Ardant, « celui qui étudie les droits fondamentaux ne peut
se permettre d'être complaisant. Il doit décrire, montrer les
forces comme les faiblesses, proposer peut-être des thèmes de
réflexions, des solutions parfois »240(*). Cette hypothèse
permet de montrer à suffisance que la protection des droits de l'homme
par les juridictions africaines est relativement efficace et permanemment
perfectible.
Le droit reconnu aux personnes physiques de
déférer des requêtes relatives à la violation des
droits de l'homme devant les juridictions aussi bien à l'échelle
continentale que communautaire est une véritable révolution
amorcée dans le système africain de protection des droits de
l'homme. Néanmoins ce bond qualitatif se heurte à certains
obstacles. En effet, même si les droits de l'homme sont devenus l'une des
premières occupations majeures de la Communauté, il est tout de
suite apparu que « les murs de l'oppression ne s'effondraient pas
à la première sonnerie de clairon »241(*).
Suivant cette logique, on constate malgré l'imposant
arsenal normatif que les insuffisances de la protection sont manifestes et
pourraient hypothéquer le fonctionnement et l'efficacité de ces
juridictions. Ainsi, la protection des droits de l'homme par les juridictions
africaines n'est pas encore achevée ; elle est en
perpétuelle construction. Et, c'est sans doute un truisme que d'affirmer
que les juridictions sont entravées dans leurs actions par
différents facteurs (Chapitre I).
Alors, que faire pour remédier à cette situation
et rendre perfectible ou moins imparfaite la protection des droits de
l'homme ? Sans prétendre disposer de l'antidote susceptible de
résorber tous les maux, on est en mesure de proposer quelques solutions
pour consolider la protection des droits de l'homme afin de la rendre plus
efficace (Chapitre II).
CHAPITRE I : DES JURIDICTIONS ENTRAVEES DANS LEUR
ACTION
L'encrage de la Charte dans les esprits est de plus en plus
frappant. En témoigne par exemple l'invasion progressive du domaine de
la protection des droits de l'homme, jadis considéré comme la
citadelle imprenable des juridictions ou quasi-juridictions
spécialisées, par les juges des communautés
économiques régionales. Ce regain d'intérêt pour le
contentieux des droits humains est fort saisissant dans la mesure où,
par le jeu du droit de pétition individuel, il favorise la consolidation
d'une jurisprudence africaine des droits fondamentaux242(*).
Toutefois, il faut remarquer qu'au plan continental, la
réforme entreprise par le Protocole relatif à la Cour ADHP laisse
un goût d'inachevé dans la mesure où au-delà de
l'avancée observée dans le nouveau système africain,
celui-ci recèle encore quelques limites qui pourraient être
préjudiciables à son action. Cela procède notamment de
l'hypothèse selon laquelle l'application de la Charte africaine est
destinée à durer et que cela entraine à la fois des
conséquences négatives et positives243(*).
Au plan communautaire, l'adhésion de la CEDEAO à
la protection des droits de l'homme est certes un brevet de démocratie
et augure une nouvelle ère visant à accorder une place
primordiale à l'individu afin qu'il ait directement voix au chapitre
lorsque les acteurs étatiques menacent ses droits. Mais, en dépit
de tous les efforts déployés par l'organisation internationale et
particulièrement par l'organe judiciaire pour le renforcement de la
protection des droits de l'homme dans l'espace, l'on relève de
réelles insuffisances. Ces dernières obèrent l'action de
la Cour dans sa mission de protection des droits de l'homme.
Dès lors, les entraves à l'action des
juridictions africaines de protection des droits de l'homme sont nombreuses et
diversifiées. On peut les aborder en distinguant les contraintes
normatives (section 1) des défaillances juridiques
(section 2) notamment lors de l'examen au fond de la
requête individuelle.
Section 1 : Les contraintes normatives dans l'examen au
fond de la requête individuelle
Le Protocole du 19 janvier 2005 a élargi les
compétences de la Cour de justice de la CEDEAO aux cas de violations des
droits humains mais l'extension de la compétence rationae
materiae ne s'est pas accompagnée d'une
« charte » des droits de l'homme spécifique à
la Communauté. A ce titre, la Cour de justice de la CEDEAO doit trancher
des litiges relatifs à la violation des droits humains en se
référant à des textes exogènes qui sont
évidemment abondants (paragraphe 1).
A l'opposé de la CJ CEDEAO, la Cour ADHP quant à
elle dispose d'un arsenal juridique propre qui a d'ailleurs
précédé sa création. Dans son office d'examiner les
requêtes, elle s'appuie donc essentiellement sur des textes de
référence internes (paragraphe 2), avec une
extension notable à d'autres instruments pertinents.
Paragraphe 1 : Le foisonnement des textes de
référence du juge communautaire
Par essence, les droits de l'homme sont universels. L'Homme,
parce qu'il est un être humain bénéficie de droits
inaliénables et imprescriptibles qui ne peuvent être
altérés. C'est pourquoi le temple de la Cour de justice ouest
africaine n'est pas réfractaire à l'invocation de droits humains
inscrits dans les instruments juridiques universels (A) ;
qu'ils soient de portée générale ou à objet
spécifique. Aussi, la Cour de justice communautaire se
réfère-t-elle aux normes régionales africaines de
protection des droits de l'homme (B) dans l'accomplissement de
sa mission juridictionnelle.
A. Une référence aux
instruments juridiques universels
D'emblée, notons que la juridiction communautaire de la
CEDEAO déroge à l'ontologie classique, qui se matérialise
notamment par l'adoption de Convention devant être le texte de
référence de la juridiction même si cette juridiction peut
se référer aux instruments universels244(*). Elle s'appuie donc sur un
corpus extrêmement large, une mosaïque de textes exogènes.
Cela s'explique par le fait que les autorités communautaires n'ont
envisagé que tardivement la question des droits fondamentaux et de leur
protection. Cette apathie justifie sans doute l'absence d'un texte
adopté par la CEDEAO relatif à la protection des droits de
l'homme destiné à la pérennisation des droits fondamentaux
dans l'ordre juridique communautaire.
A l'orée, le tribunal de la CEDEAO créé
en 1975 qui va devenir plus tard la Cour de justice de la Communauté
après le traité de révision de Cotonou en 1993
était le garant de la réussite de l'intégration
économique. Le Traité (lato sensu) constituait à
cet égard la seule source de référence s'agissant de
l'interprétation et de l'application des normes communautaires. Les
droits de l'homme n'y figuraient pas encore.
C'est pourquoi la Cour de justice de la CEDEAO dans son office
travaille avec des instruments généraux tels que la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, les deux Pactes
sur les droits Civils et Politiques de 1966. Au-delà des quolibets qu'on
pourrait en porter sur ce schéma d'externalisation, force est de
reconnaître que le souci majeur est d'entrebâiller les portes de la
protection des droits de l'homme pour une action efficace. Après tout,
comme l'affirme si bien Jules FERRY, all men are created
equal245(*).
Dans le nouveau paradigme posé par la CEDEAO, le
requérant peut invoquer des instruments juridiques universels tels que
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les deux pactes pour
arguer sur des cas de violations des droits humains. La
généralité des textes et l'absence d'une définition
précise et univoque de la notion des droits de l'homme sont une aubaine
pour les citoyens d'Afrique de l'ouest, victimes de violations de droits de
l'homme. Cette conception extensive des droits de l'homme246(*) est favorable aux
saisissants. En effet, la DUDH, « universelle par son inspiration, par
son expression, par son contenu, par son champ d'application, par son
potentiel »247(*) proclamée le 10 décembre 1948 forme le
portique du monument des droits de l'homme édifié par les Nations
Unies. Les bienfaits de cet idéal commun se sont ruisselés dans
presque toutes les contrées du monde. Il s'est donc agi de permettre aux
ressortissants de l'espace communautaire de la CEDEAO de puiser dans ce
trésor inépuisable pour une défense plus effective de
leurs droits. Ce texte de portée universelle considéré par
Bidegaray comme « le meilleur article d'exploitation de la
pensée politique »248(*) des Etats de notre époque a ouvert une
brèche dans laquelle presque tous les Etats se sont engouffrés
pour rendre la société des hommes plus juste et plus
généreuse. Il est considéré à juste titre
comme le patrimoine commun, la Magna Carta de l'humanité. Les
Etats ouest africains en faisant référence dans le
préambule de leur constitution aux principes et droits de l'homme tels
que définis par la DUDH lui confèrent valeur de droit
positif249(*).
Au chapitre de cette faculté offerte aux victimes, les
requérants, faute d'une définition prétorienne par le juge
communautaire et textuelle opérée par la CEDEAO, ne manquent pas
de se situer dans la « généralité » pour faire
constater que leur droit a été violé par un Etat membre de
l'organisation. Le juge communautaire se pose de ce fait en véritable
juge d'un droit universel.
En outre, la Cour ne se réfère pas uniquement
aux normes internationales à portée générale. Elle
peut également être amenée à juger les violations
par un Etat partie de tout autre instrument de protection des droits de
l'homme, international ou africain, ratifié par celui-ci. La
compétence de la Cour s'appuie donc sur un champ large d'instruments
juridiques, permettant de compléter ces textes et d'en combler
éventuellement les lacunes250(*).
A cet égard, sans prétendre dresser une liste
exhaustive des instruments pertinents, dont le respect pourrait être
contrôlé par la CJ CEDEAO lorsqu'ils sont ratifiés par
l'Etat partie concerné, nous pouvons énumérer notamment la
Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979
et entrée en vigueur le 3 septembre 1981. Cette convention a
été passée au peigne fin dans une retentissante affaire
mettant en cause la dame Koraou et la République du Niger251(*). Dans la même
décision, le juge s'est référé à la
convention relative à l'esclavage du 25 septembre 1926 et la convention
supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la
traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à
l'esclavage du 7 septembre 1956. On citera également dans cette optique
la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, adoptée le 21 décembre 1965,
entrée en vigueur le 4 janvier 1969 ; la Convention contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
adoptée le 10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin
1987252(*) ; la
Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989,
entrée en vigueur le 2 septembre 1990.
A la lumière de ce qui ce qui précède, on
constate que la Cour de justice travaille avec une panoplie d'instruments
juridiques pertinents eu égard aux droits qu'ils consacrent et à
l'étendue de leur champ d'application. En plus de ces instruments, la
Cour de justice communautaire se réfère aux normes
régionales africaines de protection des droits de l'homme.
B. Une affirmation des normes
juridiques régionales
L'insertion de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples au Traité de la Communauté donne pouvoir à la
Cour en vertu de l'article 19 de son Protocole de connaître des cas de
violation des droits de l'homme énoncés dans la Charte Africaine.
En effet, considérée comme « un espoir pour l'homme
et les peuples africains »253(*) dont le pragmatisme des rédacteurs fut
d'essayer de « conceptualiser les droits de l'homme à
partir des circonstances et données propres aux sociétés
africaines »254(*) en cherchant à insérer
« l'homme africain » dans « ce bouillonnement
universel », selon Kéba Mbaye255(*), il devient ainsi tout
à fait normal que cette Charte soit une source privilégiée
du juge communautaire.
La CAHDP dite Charte de Banjul adoptée le 27 juin 1981
entrée en vigueur le 21 octobre 1986 est un texte de
référence auquel le requérant peut s'appuyer pour faire
constater qu'un Etat membre de la CEDEAO a violé un de ses droits
reconnus ou proclamés par ladite convention régionale. En vertu
de l'article 19 du Protocole relatif à la Cour, le citoyen peut se
référer aux cas de violations des droits de l'homme
énoncés dans la Charte Africaine. En effet, aux termes de
l'article 4.g) du Traité de la Communauté, les Etats membres se
sont engagés à adhérer aux principes juridiques
fondamentaux tels que « respect, promotion et protection des
droits de l'homme et des peuples conformément aux dispositions de la
Charte africaine ». Le législateur communautaire a ainsi
intégré cet instrument régional dans le droit applicable
devant la Cour de justice de la CEDEAO. Cette possibilité est d'autant
plus intéressante en ce sens que cette Charte fait partie du droit
positif de tous les Etats membres de la CEDEAO.
Dans l'affaire Hon. Dr. Jerry Ugokwe v. République
fédérale du Nigéria256(*), la Cour a déclaré que la
référence à la Charte africaine dans son article 4 du
Traité révisé de la CEDEAO aussi bien que dans les autres
dispositions permettent à la Cour de « faire intervenir
l'application de ces droits catalogués dans la Charte
Africaine ». Dans d'autres affaires toutes aussi importantes, la
Cour s'est fondée sur les droits garantis par la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples. Il en est ainsi dans l'affaire Chief Ebrimah
Manneh c/ la République de Gambie257(*). Elle a ainsi jugé que cet Etat était
responsable de l'arrestation et de la détention arbitraire du
requérant, enfermé in communicado sans jugement. Ce qui
est aux antipodes des principes consacrés dans la Charte africaine
notamment en ses articles 6 et 7. Dans cette affaire touchant la liberté
d'expression, la Cour a, de manière cohérente et convaincante,
protégé la libre parole en raison du rôle crucial que joue
celle-ci dans le bon fonctionnement de la démocratie.
Ainsi, le législateur communautaire fait de la Charte
une partie intégrante du droit applicable par la Cour de Justice de la
CEDEAO. Elle est donc l'instrument qui actionne le juge pour examiner au fond
la requête à lui adressée.
A la lumière de ce qui précède, il est
permis de dire que l'arsenal juridique avec lequel travaille la Haute
Juridiction communautaire est d'une pertinence indéniable et garantit
ainsi une protection efficace des droits de l'homme. L'individu est au coeur de
la « nouvelle » CEDEAO. Les textes régionaux et universels
énoncent des valeurs communes et supérieures aux Etats
créant ainsi des obligations objectives qui s'imposent à eux. Les
« textes » de la CEDEAO offrent ainsi plus de droits aux citoyens de
l'espace ouest africain en leur permettant d'accéder directement au
prétoire du juge communautaire. Mais la dispersion de ses instruments ne
facilite pas pour autant l'office du juge communautaire. C'est certainement ce
qui semble amener le juge continental, qui opère dans une sphère
plus étendue, à se confiner dans des textes de
référence endogènes et spécifiques.
Paragraphe 2 : Le confinement des textes de
référence du juge continental
Dans son office de protection des droits de l'homme, le juge
de la Cour africaine se réfère non seulement aux instruments
endogènes (A), mais prend également en compte
les autres instruments pertinents (B).
A. Une référence aux
instruments endogènes
Le buissonnement juridictionnel, nous enseigne L. B Larsen,
est à son zénith dans toutes les parties du monde258(*). Le processus
d'autonomisation et de développement des juridictions régionales
et sous régionales s'est matérialisé par l'adoption de
« convention » devant être le texte
référence de la juridiction même si ces juridictions
peuvent se référer aux instruments universels.
La Cour africaine, ainsi que ses homologues européenne
et interaméricaine, est compétente pour interpréter et
appliquer l'instrument régional général de protection des
droits de l'homme. A cet effet, la Cour africaine259(*) est instituée pour le
respect de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et ses
Protocoles, la Cour européenne260(*) pour l'interprétation et l'application de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales et ses Protocoles. Il en est de même de la
Convention américaine des droits de l'homme dans le cas de la Cour
interaméricaine261(*). La CJCE s'est dotée également en 2000
d'un texte spécifique, la Charte des droits fondamentaux de l'Union
Européenne. Il en est de même depuis le 26 juillet 2002 pour la
Communauté andine qui est ainsi pourvue de son propre texte de
référence, la Charte Andine de Promotion et de Protection des
Droits de l'Homme.
On peut donc retenir que chaque juridiction régionale
s'appuie sur un texte de référence endogène pour se
prononcer sur des cas de violation des droits de l'homme : c'est le cas de
la Cour ADHP. Toutefois, la prolifération des juridictions des
Communautés Economiques Régionales semble rompre d'avec cette
règle. On note surtout que la création de ces juridictions n'est
pas suivie de l'adoption de textes de référence applicables.
Elles ont donc coopté les instruments juridiques des autres
institutions, tout en conservant une autonomie dans leur application, comme
c'est notamment le cas de la CJ CEDEAO262(*).
A la lumière donc de ce qui précède, on
retient que l'UA a secrété des instruments juridiques pertinents
qui sont à la base de l'action devant la Cour. Le recours individuel est
symptomatique des nouvelles ambitions ; la construction d'une
communauté fondée sur le droit.Sur le même registre de ce
principe sacro-saint de protéger les citoyens africains, ces derniers
peuvent invoquer une panoplie d'instruments exogènes pour étayer
le bien-fondé de leurs prétentions.
B. Une prise en compte des autres
instruments pertinents
Pour ce qui est des sources légales, la
compétence matérielle des deux autres Cours régionales
est définie par leurs traités constitutifs, soit la Convention
européenne des droits de l'homme pour la CEDH, soit la
Déclaration des droits de l'homme et la Convention
interaméricaine des droits de l'homme pour la CIADH263(*). À l'opposé,
la compétence matérielle de la Cour africaine, selon l'article 3
(1) du Protocole de Ouagadougou264(*), est plus étendue puisqu'elle englobe tous
les traités et les conventions relatifs aux droits de la personne et
ratifiés par l'État contre lequel une plainte est
déposée265(*). Ce champ très vaste dépasse de loin
le champ de compétence de la Commission africaine qui est limité
par la Charte de Banjul. La Commission africaine ne peut se
référer au droit international et comparé des droits de la
personne que dans le cadre de l'interprétation de la Charte de
Banjul266(*).
Par ailleurs, la doctrine nous enseigne que, pour pouvoir
considérer un traité international, autre que la Charte
africaine, comme source de droit, celui-ci doit, en vertu de l'article 3 (1) du
Protocole de Ouagadougou, posséder les trois caractéristiques
suivantes :
- Qu'il soit un traité international contraignant ;
- Qu'il soit relatif aux droits de la personne ;
- Qu'il soit adopté et ratifié par l'État
contre lequel la plainte est déposée267(*).
Dans cette conception particulière à l'Afrique,
on peut mentionner plusieurs avantages. La protection des droits des femmes,
qui est considérée comme insuffisante dans la Charte, pourrait
être renforcée en vertu des autres instruments régionaux
et internationaux s'ils sont ratifiés par l'État contre lequel
une plainte est déposée268(*). Aussi, cela représente-t-il une occasion
pour contourner les imprécisions, et ce en se fondant sur les autres
instruments ratifiés par l'État. Elle a également pour
effet d'élargir le champ des droits économiques et sociaux dont
la violation pourrait être alléguée devant la Cour
africaine269(*).
Toutefois, cette hypothèse ne fait pas
l'unanimité. On peut craindre, par exemple que la Cour consacre une
interprétation des instruments internationaux différente de celle
donnée par les autres instances internationales. Mais Van Der Mei a
montré que cet argument est mal fondé puisque dans la pratique,
les tribunaux internationaux adoptent la même interprétation des
textes internationaux270(*).
Une autre crainte est relative à une
possibilité de contradiction des décisions de la Cour africaine
avec celles de la Commission africaine, et ceci notamment dans les affaires qui
pourraient être concurremment examinées par les deux instances.
Cette crainte est réelle puisque les deux instances n'appliquent pas
les mêmes normes271(*). En effet, la compétence de la Commission
est limitée au texte de la Charte africaine, alors que la Cour africaine
peut se référer aux autres sources internationales272(*). Ceci empêche la
Commission d'appliquer, dans la même affaire, des normes
acceptées par la Cour. La doctrine a suggéré, comme
solution pour cette incohérence, que la Commission élargisse son
champ de compétence, et ce en adoptant les « principes applicables
» de la Charte de Banjul273(*). Elle peut ainsi appliquer les traités
relatifs aux droits de la personne qui ont été ratifiés
par les États membres, mais qui émanent des autres instances
internationales et régionales274(*). C'est vraisemblablement une solution qui pourrait
être difficile à appliquer par la Commission.
En bref, la Cour africaine est dotée d'une
compétence rationae materiae plus large que celle des autres
Cours régionales275(*) dans la mesure où elle n'est pas
limitée par la Charte, son principal texte de référence.
Mais un point d'interrogation demeure : c'est la question procédurale
lors de l'examen au fond de la requête. Il serait intéressant de
voir comment les juges de la Cour africaine et de la CJ CEDEAO ont
examiné ce problème.
Section 2 : Les défaillances procédurales
dans l'examen au fond de la requête individuelle
L'examen de la requête portée devant les
juridictions africaines de protection des droits de l'homme est une phase
cruciale pour le juge. Il consiste en effet à l'analyse au fond des
prétentions des parties aux procès. A cette étape
parsemée d'embuches, l'accent sera mis essentiellement sur les
défaillances des juridictions africaines sous étude. En effet, si
la procédure est globalement controversée au niveau du juge
continental (paragraphe 1), elle reste quelque peu
cohérente au prétoire du juge communautaire (paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Une procédure globalement
controversée au niveau continental
Le Protocole portant création de la Cour africaine ne
règle pas toutes les questions relatives à la procédure
qui est suivie pour l'examen des requêtes. L'article 8 du Protocole
stipule que « la Cour fixe dans son Règlement intérieur
les conditions d'examen des requêtes dont elle est saisie en tenant
compte de la complémentarité entre elle et la Commission
». Il en ressort donc une insuffisance qui obère la relation entre
la Cour et la Commission (A). Cela constitue à tout
point de vue une entrave à l'efficacité de la Cour
(B).
A. L'ambigüité de la
relation entre la Cour et la Commission
La Commission ADHP a été créée
à défaut de pouvoir instituer à l'époque une
véritable cour des droits de l'homme276(*). Etant le seul organe de contrôle d'alors, la
Commission s'est vue investie à la fois des fonctions de promotion et de
protection des droits de l'homme277(*). On aurait pu penser qu'avec le Protocole relatif
à la Cour ADHP, on assisterait à une séparation claire
entre les tâches de la Commission et celles de la Cour. Cette distinction
des tâches devait alors impliquer la sortie de la fonction de protection
du champ de compétence de la Commission en faveur de l'exclusive
intervention de la Cour. Mais ce ne fut pas le cas ; la Commission garde
toujours les prérogatives accordées à elle par la
Charte.
La seule différence fondamentale entre la Cour
africaine et la Commission, qui examinent les mêmes types de violations
des droits de l'homme, est la judiciarisation de la procédure d'examen
des requêtes278(*). Celle-ci permet la transparence dans le traitement
des affaires, l'égalité des parties et leur
représentation, selon les principes généraux du droit
à un procès équitable reconnus par les traités
régionaux et internationaux de protection des droits humains.
Loin de refondre alors le mécanisme de sauvegarde en
plaçant au sommet la Cour ADHP, le Protocole n'a fait qu'ajouter une
voie judiciaire parallèle obligée de tenir compte des
prérogatives du système de conciliation préexistant. C'est
ce qui ressort des dispositions de l'article 2 du Protocole de la Charte au
terme duquel « la Cour (...) complète les fonctions de
protection que la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a
conférées à la Commission (...) »279(*). Pour Olivier DELAS et
Eugène NTAGANDA, la principale limite de cette réforme
institutionnelle intervenue dans le système africain des droits de
l'homme est son absence de réorganisation de tout le
système280(*).
Cette observation prend toute sa valeur à la lecture du Protocole
relatif à la Cour. Car, dans aucune de ses dispositions, rien n'est
réellement prévu quant à une répartition des
compétences entre la Commission et la Cour. Ce qui permet d'affirmer que
celle-ci serait au sommet d'un système désormais
judiciaire281(*).
Cette réalité s'illustre par le fait qu'aucun
critère n'a été prévu pour savoir dans quels cas la
Commission peut saisir la Cour282(*). De même, les conditions dans lesquelles la
Cour, saisie d'une requête, devra choisir de la renvoyer à la
Commission ne sont nullement précisées283(*). Le Protocole renvoie
plutôt au Règlement intérieur de la Cour africaine, afin de
régler sa relation avec la Commission284(*).
Or la Cour ADHP, qui devait faire preuve de
témérité285(*), est restée trop prudente ou semble
timorée par l'ampleur d'une telle tâche. Elle n'a pas
définitivement résolu ce problème même si son
règlement intérimaire consacre un article à cette
question. En effet, il dispose en son article 29, paragraphe 3 : «
conformément au Protocole, article 33, la Cour consulte la
Commission chaque fois que de besoin, sur toute question de procédure
touchant aux rapports entre les deux institutions ».
Ce clair-obscur entretenu dans les rapports entre les deux
institutions fait dire à certains auteurs que la Cour africaine n'est
pas l'organe principal, mais bien un complément, voire un accessoire de
la Commission ADHP286(*). Ce fait, si avéré, constituerait
indubitablement un bémol à la volonté de judiciariser le
système africain des droits de l'homme, donc à
l'efficacité tant recherchée de ce dernier.
B. Une entrave à
l'efficacité de la Cour
La principale raison d'être de la Cour africaine est de
compléter et renforcer la mission de protection de la Commission. Cette
idée d'associer à la Commission africaine une Cour qui la
renforce et la complète n'est pas en soi problématique ;
elle procède de l'efficacité d'ensemble du système
africain des droits de l'homme. Le système américain tout comme
autrefois le système européen pratique ce bicéphalisme
organique. Seulement, cette option requiert une certaine ingénierie
institutionnelle quant à la répartition des tâches entre
les différents organes.
Lors de sa création en 1986, la Commission africaine a
été chargée d'un double mandat, celui de promouvoir les
droits de l'homme et d'assurer leur protection sur le continent. Si au plan de
la promotion, la Commission africaine peut se targuer d'avoir eu du
mérite, on ne peut pas en dire autant de son office contentieux.
Nombreux sont les facteurs qui expliquent cette faiblesse de la Commission
africaine à mener à bien cette mission. Parmi les plus
significatifs, figure au premier plan l'absence de force contraignante de ses
recommandations287(*).
La mise sur pied de la Cour africaine n'a pourtant rien
changé à l'architecture initiale du couple de missions
assignées à la Commission africaine. Contrairement aux voeux de
certains commentateurs, le mandat de protection de la Commission africaine n'a
point disparu. Au contraire, il est réaffirmé aux termes de
l'article 2 du Protocole. On peut légitimement s'interroger sur les
vertus de maintenir une compétence contentieuse en vertu de son mandat
de protection au profit de la Commission africaine alors même qu'un
organe judicaire fut institué.
Le principe de complémentarité suppose que
l'harmonisation des activités d'un ensemble d'institutions poursuivant
des objectifs communs passe par l'octroi d'un mandat donné à
l'institution la plus compétente et la plus habilitée. Il s'agit
ici, d'une exigence de répartition optimale des tâches. Pour ce
qui est du système africain des droits de l'homme, compte tenu de
l'expérience peu reluisante de la Commission africaine, il semble
acquis, que le mandat de protection ne devrait pas être sa mission de
prédilection. Ainsi que le soutient Andreas O'SHEA la Commission
africaine est un outil utile pour la promotion des droits de l'homme, mais un
mécanisme largement inefficace pour leur protection288(*). Il aurait été
ainsi souhaitable que le mandat de protection soit exclusivement dévolu
à la Cour, tandis que celui de promotion laissé à part
entière à la discrétion de la Commission africaine. Cette
rationalité organisationnelle aurait constitué à coup
sûr un facteur de performance des activités des deux
institutions.
Le Protocole prévoit également la
possibilité pour la Cour africaine « de régler
à l'amiable les cas qui lui sont soumis conformément aux
dispositions de la Charte africaine »289(*). Cette option du
système africain qui s'éloigne de la pratique américaine
et européenne d'avant-fusion mettait la Cour africaine dans une
situation pour le moins délicate. En effet, au-delà du fait
d'accorder à une entité judicaire des compétences en
matière de règlement à l'amiable, démarche qui
foncièrement n'est pas dépourvue de rationalité,
l'idée que les mêmes juges intervenant dans le processus du
règlement amiable soient également compétents en
matière contentieuse, soulève des questions290(*).
D'une manière générale, la
complémentarité restera une entreprise vaine si les rôles,
les mandats et les tâches ne sont pas clairement définis291(*). L'architecture actuelle de
la répartition des mandats constitue un terrain propice à
l'éclosion des chevauchements qui handicaperont le système de
manière globale292(*).
Ainsi que le soutiennent Andreas Zimmermann et Jelena
Bäumler, malgré la différence d'approches méthodiques
entre la Cour et la Commission africaines, il existe de nombreux chevauchements
dans leurs champs d'activité matériels293(*). Ainsi, en dépit des
moyens différents par lesquels elles s'y prennent, toutes deux peuvent
interpréter la Charte africaine. Cette coïncidence de
compétences au sujet de la Charte africaine serait de nature
à « nuire à l'efficacité du
mécanisme de la Charte africaine »294(*) car, le scénario de
la divergence de solutions entre la Commission africaine et la Cour africaine
pourrait à tout moment se réaliser295(*).
A la différence de la Cour ADHP, la CJ CEDEAO est
autonome dans l'application des dispositions de la Charte et peut se targuer
d'une procédure relativement cohérente dans son office.
Paragraphe 2 : Une procédure relativement
cohérente au niveau communautaire
A ce niveau, il faut remarquer que l'efficacité de la
protection des droits de l'homme est limitée en raison de la
surabondance des textes de référence (A). Cette
diversité des normes de référence risque de
déboucher sur une divergence d'interprétation
(B) lors du traitement des requêtes individuelles. Cet
état de chose peut entrainer la fragmentation de la Charte
africaine, rendant ainsi inefficace le système africain de protection de
l'individu.
A. Une efficacité relative
en raison de la surabondance des textes de référence
Rappelons qu'aux termesdes dispositions du nouvel article 9 du
Protocole du 19 janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P /17 /91
relatif à la Cour de Justice de la Communauté, la juridiction de
la CEDEAO est compétente pour connaître des cas de violation des
droits de l'homme dans tous les Etats membres. Cette formulation elliptique,
lapidaire ouvre pourtant un champ de compétence
indéterminée. Les règles qui délimitent les
compétences de cette instance sont actuellement fragmentées et
parfois obscures, en l'absence d'une précision de la notion des droits
de l'homme et d'un catalogue ouest africain de ces droits. Pis encore, les
juges d'Abuja n'ont pas encore procédé à
l'élucidation conceptuelle de la notion de droits humains, tâche
qui aurait certainement permis de mieux assurer plus efficacement le
contrôle des droits humains. Une situation due certainement à la
configuration institutionnelle de la Cour qui, rappelons-le, n'est pas une
juridiction spécialisée dans la protection des droits de
l'homme296(*).
On peut relever que les juridictions
spécialisées dans la protection des droits de l'homme travaillent
avec des instruments endogènes pertinents qui constituent les textes de
référence essentiels des juges. Ce qui n'exclut pas la
possibilité d'invoquer des instruments exogènes297(*). Mais la juridiction de la
CEDEAO elle, déroge à cette ontologie classique en s'appuyant sur
un corpus de règles extrêmement large, sur des bases textuelles
hétéroclites.
L'absence d'un catalogue ouest africain des droits de l'homme
avec des mécanismes de sanctions propres peut entrainer, à notre
avis deux conséquences dommageables majeures. La première
conséquence liée à cette extensibilité des sources
est la dilution de la notion des droits de l'homme ; ce qui débouchera
inexorablement sur sa banalisation par les requérants. En effet, la
tendance actuelle est la croissance exponentielle des requêtes
fantaisistes et imprécises présentées devant le
prétoire du juge communautaire. Ainsi, en l'absence d'un standard
jurisprudentiel des droits de l'homme, tout droit violé par un Etat
membre est supposé être un droit de l'homme.
D'ailleurs, de nombreuses requêtes examinées par
la Cour sont qualifiées souvent par les requérants comme
étant de violations de droits humains alors qu'au fond elles sont loin
de l'être. C'est par exemple, le cas dans la décision rendue par
la Cour le 12 octobre 2007298(*). Dans cet arrêt, le requérant n'a
spécifié aucun droit (droits civils et politiques, droits
économiques, sociaux et culturels, droits dits de troisième et de
quatrième générations) dont la violation aurait
été commise par l'Etat du Mali. Pis, ce qui laisse le juge
anxieux est que le requérant semble arguer que le fait de ne pas avoir
obtenu satisfaction des juridictions nationales constitue une transgression des
droits de l'homme. Cette situation est pernicieuse pour la Cour car elle risque
de se répercuter sur le raisonnement des juges ou alors entrainer un
encombrement de son prétoire. Dans d'autres affaires toutes aussi
singulières, des relations contractuelles entre particuliers ont
été qualifiées à tort de droits de
l'homme299(*). Dans
l'affaire Mrs Alice Raphael Chukwudolue et Cie contre la République du
Sénégal du 22 novembre 2007 aucun droit de l'homme n'a
été spécifié. Parfois, c'est sous le couvert d'une
violation des droits humains que les requérants saisissent la Cour pour
des affaires relevant au fond du contentieux électoral300(*).
La généralité dans la formulation
« des droits de l'homme » peut aussi avoir des effets
négatifs sur l'office du juge lui-même, notamment sur son
raisonnement. Si la requête ne présente pas avec toute la
clarté souhaitable les faits et les problèmes juridiques, le
débat judiciaire risque d'en pâtir. L'arrêt Hon. Dr Jerry
Ugokwe du 7 octobre 2005 est symptomatique de cette incurie. En effet, la
requête invoque la violation du « droit à un
procès équitable » mais ne précise pas une telle
violation. A la recherche de l'identification du problème qui lui est
posé, la Cour d'Abuja oscille dans son raisonnement entre la question du
contentieux électoral et celle de la violation du droit à un
procès équitable. La Cour s'est alors lancée dans des
développements qui ne se rapportent pas nécessairement à
son office in casu ; le contentieux électoral.
En outre, dans certaines affaires, les saisissants mettent
à mal le juge communautaire et le juge interne en ne visant pas les
dispositions pertinentes relatives à la protection des droits de
l'homme. Ainsi, les formulations sont souvent vagues, générales,
imprécises et les requêtes ne sont pas assez
circonstanciées. Certaines demandes présentées devant le
prétoire de la Cour donnent parfois à penser que le juge
communautaire serait appelé à corriger le juge national
suprême. Si la Cour rejette généralement ces requêtes
infondées301(*),
elle semble avoir fourni l'exception en désapprouvant certaines
décisions des juridictions nationales302(*). Ce qui laisse croire que la Cour de justice
communautaire est une juridiction de cassation ou un troisième
degré de juridiction censurant ainsi les décisions des
juridictions suprêmes des Etats membres.
C'est à l'évidence la réforme
opérée en 2005 qui porte une dynamique pernicieuse, des effets
pervers susceptibles d'affaiblir le contrôle juridictionnel des droits
humains. L'abondance des textes de référence, subséquente
à l'absence d'un catalogue ouest africain des droits humains, aurait
donc pour fâcheuse conséquence d'entrainer une dilution de la
notion de droits de l'homme. Submergée par des requêtes
fantaisistes et imprécises, la Cour en pâtira et affaissera ainsi
son contrôle, si on n'y prête pas garde. Au surplus, elle risque de
générer une divergence d'interprétation.
B. Un risque latent d'une
divergence d'interprétation des textes
Devant l'imprécision de la notion des droits de
l'homme, la multiplicité des textes de référence, la
consécration d'un « ordre juridique autonome » de la CEDEAO,
une divergence d'interprétation entre la Cour de justice communautaire
et les autres Cours internationales pourrait se poser. Selon le professeur H.
Ascensio, « les imprécisions, les lacunes, les
incertitudes ne constituent nullement du droit. La fonction du juge est d'y
pourvoir »303(*). En effet, les droits de l'homme n'étant pas
des notions absolues et statiques, mais toujours très étroitement
liées aux sociétés qui les appliquent, chaque juge
interprétera un texte en fonction de sa formation, du milieu où
s'applique le traité. C'est dire donc sous ce registre que
« la technique d'interprétation est indissociable de la
subjectivité de l'interprète »304(*). La subjectivité de
l'interprète va se matérialiser par le choix de techniques
interprétatives permettant soit la préservation de
l'intérêt étatique,soitcelle de l'intérêt
individuel.
Cependant, P. Bercis annonce qu'une « conception
statique des droits de l'homme dans un monde dynamique est par avance
vouée à l'échec »305(*). Mais une
interprétation « dynamique » ou « évolutive
» ne risquerait-elle pas d'aboutir sur une contrariété de
jurisprudence ? Si des divergences existent sur l'interprétation
d'un même texte, qu'en sera-t-il si le juge travaille avec une panoplie
d'instruments ayant chacun son propre mécanisme de sanction ? Il
faut admettre avec Ascensio que « l'activité
juridictionnelle n'est pas un jeu de loterie, ni un
automatisme »306(*), mais relève d'une dynamique
d'interprétation en fonction des cas présentés. Ce qui
laisserait a priori ouverte la possibilité d'une
interprétation autonome dans le cadre de la CJ CEDEAO.
L'interprétation d'un texte ne relèverait-elle
alors pas de la culture des juges et du milieu de sécrétion des
instruments ? Le contenu évolutif des traités influe
obligatoirement sur les méthodes d'interprétation. Instruments
vivants, selon Sébastien Touzé « les traités
des droits de l'homme doivent être continuellement mis à jour afin
de rester dans les aspirations dans lesquelles ils évoluent,
s'appliquent et sont invoqués »307(*). A cette fin, les organes de
protection peuvent réévaluer le critère finaliste objectif
aux dépens des critères de l'intention initiale des parties. Le
choix du référentiel peut se fonder sur l'interprétation
téléologique qui pourra de ce fait étendre la
portée des droits garantis. La démarche qui peut dépendre
de facteurs extra-juridiques est développée sur la base d'une
alternative interprétative oscillant entre l'interprétation
assurant le meilleur droit en l'espèce et un équilibre entre
intérêt général et droits individuels. En effet, au
regard des différentes conventions de droits de l'homme, les organes
juridictionnels et quasi-juridictionnels de protection des droits de l'homme
disposent d'une compétence générale
d'interprétation et, à ce titre, peuvent mettre en oeuvre
l'ensemble des techniques interprétatives à leur
disposition308(*).
On peut donner l'exemple de divergence jurisprudentielle en se
référant aux rapports entre la Cour de Strasbourg et la Cour de
Luxembourg sur l'interprétation et l'application de la Convention
européenne des droits de l'homme. La Cour de justice des
Communautés n'est pas juridiquement liée par
l'interprétation des articles de la Convention donnée par les
organes de Strasbourg309(*). Naturellement donc ceci peut entrainer des
divergences d'interprétation. A titre illustratif, la Cour de justice a
jugé que le droit au respect du domicile ne s'appliquait pas aux locaux
commerciaux310(*)
contrairement à la Cour européenne des droits de
l'homme311(*). Il peut
s'agir également de divergences virtuelles312(*). Evidemment,
l'uniformité du Droit européen semble menacée313(*).
Le même raisonnement peut être fait s'agissant de
l'organe judiciaire de la CEDEAO. La haute Cour de justice fait
référence à la Charte africaine et non à
l'interprétation donnée par la Cour africaine. La CJ CEDEAO et la
Cour africaine deviendront-elle des « soeurs-ennemies » ? Ce qui
risquerait d'aboutir sur une anarchie jurisprudentielle ou pire encore une
« guerre des juridictions ». Mais on pourrait se demander si la
Charte peut être séparée de son interprétation,
lorsqu'on songe un tant soit peu à la jurisprudence de la Cour
continentale qui a toujours affirmé que la Charte est un instrument
vivant et doit être interprétée à la lumière
du progrès du monde moderne. Une divergence de jurisprudence peut donc
naître en l'absence d'une coordination et d'un minimum de centralisation
entre les deux juridictions ; ce n'est nullement pour dire que la CJ
CEDEAO doit allégeance et révérence à la Cour
africaine. On s'imagine sans peine le désarroi du justiciable
confronté à des législations concurrentes et
potentiellement dissonantes.
Si la CJ CEDEAO interprète le contenu d'un droit
fondamental d'une manière différente de celle de la Cour
africaine, il y a un réel danger que l'autorité de l'une des deux
soit ébranlée. Gare à celui qui rendra une mauvaise
jurisprudence car prévient l'éminent professeur Karagiannis
« une mauvaise jurisprudence en droit international ne pouvant pas
être facilement corrigée, le juge qui l'aura rendue risquera de la
trainer pendant longtemps comme un boulet »314(*). Une
contrariété de jurisprudence surtout en matière de
protection des droits humains ne se trouverait-elle pas ainsi affaiblie au
moment où celle-ci doit être de plus en plus renforcée ?
CHAPITRE II : UNE NECESSAIRE CONSOLIDATION DE LA
PROTECTION JUDICIAIRE DE L'INDIVIDU
Il est évident que la protection de l'individu par les
juridictions africaines n'est pas suffisamment efficace. Afin donc de dissiper
les incohérences et corriger ainsi les insuffisances d'ordre factuel
relevées, il devient nécessaire d'optimiser la protection
juridictionnelle des droits de l'homme notamment assurée par la Cour
africaine des droits de l'homme et la Cour de justice de la CEDEAO.
Tout d'abord, au plan juridico-institutionnel des
réaménagements doivent être engagés pour une
protection effective des droits de l'homme. En effet pour impérative que
soit une reconnaissance explicite des droits fondamentaux, il convient
également de veiller au renforcement de la protection des droits par des
politiques et par des mesures structurelles y relatives. Ensuite au niveau
opérationnel, il est nécessaire d'engager des reformes à
même de faciliter l'accès de l'individu aux juridictions de
protection de ses droits.
Ainsi, cette consolidation procèdera dans un premier
temps de la rationalisation du système communautaire de protection des
droits de l'homme (Section 1). Dans un second temps, il faudra
songer à une redynamisation de la protection de l'individu au plan
continental (Section 2).
Section 1 : La rationalisation de la protection
individuelle au plan communautaire
La CEDEAO s'est lancée dans une croisade pour la
protection des droits de l'homme. A cet effet, il est essentiel d'optimiser le
mécanisme de protection mis en place. Cette rationalisation
procède d'emblée d'une articulation des voies de recours et
d'exécution (paragraphe 1) et d'une reconnaissance de
l'autorité des décisions de la juridiction communautaire
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Une articulation opportune des voies de
recours et d'exécution du juge communautaire
Dans le but de favoriser une protection optimale des droits de
l'homme, la Cour d'Abuja doit procéder à la priorisation des
requêtes individuelles par le système de filtrage
(A) et définir ainsi les modalités d'une
application satisfaisante de ses décisions (B).
A. La priorisation des
requêtes individuelles par le système de filtrage
On est convaincu de ce que la voie la plus parfaite pour
assurer la protection des droits de l'homme consiste en la possibilité
reconnue aux individus de recourir directement à un juge. Le
système institué par la CEDEAO pour la garantie de ces droits est
à bien des égards salutaire. Néanmoins, l'absence d'une
structure spécifique chargée du filtrage des requêtes
individuelles risque de handicaper lourdement la tâche des juges de la
CEDEAO ; si elle ne l'est pas déjà. En effet, le système
judicaire de la CEDEAO tel qu'il est structuré ne donne à la Cour
de se prononcer à la fois sur la recevabilité et l'examen des
requêtes individuelles315(*). Cette structuration actuelle peut entrainer deux
effets pervers majeurs, nuisibles à toute garantie juridictionnelle des
droits de l'homme : une croissance exponentielle des requêtes
fondée à tort ou à raison sur une violation des droits de
l'homme et une lenteur dans l'examen des requêtes déposées
au prétoire de la Cour.
Depuis la réforme intervenue en 2005 qui a permis aux
personnes physiques de saisir la justice communautaire pour faire constater
qu'un Etat membre a violé un ou des droits de l'homme, la Cour d'Abuja
est submergée de requêtes ayant essentiellement trait à ce
nouveau titre de compétence316(*). Le contentieux massif auquel la Cour doit faire
face soulève une appréhension justifiée, d'autant plus que
l'extension légitime de la compétence ratione loci et
ratione materiae de la Cour confère au juge d'Abuja la
responsabilité de Juge suprême pour l'ensemble des Etats membres
de la CEDEAO.
Ainsi, un aménagement du système actuel de
protection des droits est nécessaire. La CEDEAO a ouvert le
prétoire de la Cour à plus 300 millions de personnes. Ces
dernières, lorsqu'elles sont victimes de violations de droits de l'homme
peuvent ainsi saisir directement la juridiction communautaire sans
épuiser les voies de recours internes. C'est pourquoi depuis la
réforme opérée en 2005, la tendance qui se dessine est la
croissance exponentielle des requêtes individuelles. Dans cette
perspective, pour alléger la tâche de la Cour et faire montre
d'une célérité dans le traitement des requêtes, il
est nécessaire de créer une chambre qui se chargera exclusivement
du filtrage des requêtes. En effet, toute amélioration ou «
survie » du mécanisme contentieux devant la Cour suppose que soit
en grande partie résorbé un obstacle de caractère
structurel317(*). La
Cour, si on n'y prête pas garde sera submergée de requêtes
relatives à des cas de violations de droits de l'homme.
Face à un afflux massif de requêtes, la Cour
européenne des droits de l'homme a dû procéder
également à quelques modifications. Le Protocole n° 14, qui
vise à garantir l'efficacité à long terme de la Cour en
optimisant le filtrage et le traitement des requêtes, prévoit
notamment la création de nouvelles formations judiciaires pour les
affaires les plus simples et un nouveau critère de
recevabilité318(*) notamment l'existence d'un préjudice
important. Il est entré en vigueur le 1er juin 2010.
Cette future chambre de filtrage de la CJ CEDEAO aura
fondamentalement pour fonction de décharger la Cour des requêtes
qui sont manifestement irrecevables. Il s'agit en effet d'affaires susceptibles
d'être recevables et bien fondées. Selon donc ce schéma,
l'examen des affaires portées devant la Cour suivra deux étapes
principales à savoir : la recevabilité et le fond de
l'affaire c'est-à-dire l'examen des griefs. Ce filtrage efficace
permettra ainsi une meilleure priorisation des requêtes par le rejet des
requêtes manifestement mal fondées. De cette façon, il
semble évident que la plus grande partie du contentieux serait
apurée. La fonction de cette chambre consisterait à apurer le
contentieux et à se prononcer sur la recevabilité des
requêtes individuelles. Par la suite, les requêtes jugées
recevables seraient examinées, principalement sur le fond. A ce titre,
la Cour n'aurait ainsi à rendre qu'un nombre limité de
« grands arrêts » par an. Sa tâche
principale concernerait le fond du droit, et elle ne retiendrait que les
affaires les plus importantes ou les plus graves. Elle se concentrera de ce
fait sur les affaires les plus intéressantes et rendra de grands
arrêts de principe.
C'est ici un ensemble de révisions minima, susceptibles
d'assurer la survie d'un mécanisme de protection qui a
déjà donné espoir aux citoyens de la Communauté. De
même, il est nécessaire de revisiter les modalités de
l'application des décisions de la Cour.
B. La définition des
modalités d'une application satisfaisante des décisions
En dépit du caractère déclaratoire de ses
arrêts et de l'absence d'un pouvoir d'injonction, la Cour de justice de
la CEDEAO se doit de préciser plus clairement la portée de ses
arrêts en vue de faciliter leur exécution. Elle pourrait sous ce
rapport indiquer la meilleure forme de réparation ou alors en posant une
alternative à l'Etat319(*). En effet, il est important pour éviter une
diversité d'interprétation que la Cour de justice de la CEDEAO
soit plus précise dans les arrêts qu'elle rend. Malgré le
fait que les Etats aient accepté que leurs citoyens puissent s'adresser
directement au juge communautaire, il ne faut pas perdre de vue qu'ils ne sont
pas encore des démocraties mais en transition
démocratique320(*). Sous ce rapport, les juges d'Abuja sont
invités à produire une jurisprudence claire et exemplaire
dénuée de toute ambigüité321(*). La Cour doit s'efforcer
d'indiquer plus explicitement et plus précisément les
enseignements généraux qui découlent de ses arrêts,
dans le but d'éviter des violations répétitives.
A l'égard des Etats coupables d'avoir violé des
droits de l'homme, la Cour de céans se montre souvent, assez «
réservée »322(*). Elle n'indique que très rarement les
conséquences de violations constatées323(*), sauf dans
l'hypothèse peu banalisée de l'octroi de dommages et
intérêts. La Cour de Justice de la CEDEAO saisie d'une
requête introduite par neuf (09) anciens députés de l'Union
des Forces de Changement (UFC) exclus de l'Assemblée Nationale, constate
la violation, par l'Etat togolais, d'une liberté fondamentale des
requérants, notamment le droit d'être entendu, prévu par
les articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 7
de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples324(*). Elle note en effet que les
députés n'ont jamais exprimé leur volonté de
démissionner de l'Assemblée Nationale. Par conséquent,
l'Etat Togolais doit réparer le préjudice et allouer des dommages
et intérêts aux victimes. Les autorités togolaises tirant
prétextes du « flou artistique » de la décision de la
Cour ont refusé la réintégration des
députés déchus à l'hémicycle. Elles estiment
en effet que la Cour de justice communautaire n'a point parlé de
réintégration mais de réparation (compris seulement comme
étant l'octroi de dommages-intérêts fixés à
trois (3) millions de francs CFA). Les requérants semblent même
être en phase avec le défendeur. Ils ont introduit une demande en
révision dont le but est d'amener la juridiction communautaire à
« remédier à l'omission qu'elle en a faite sur le chef
de demande relatif à leur réintégration à
l'hémicycle »325(*).
Une telle interprétation pouvait être
évitée si le juge communautaire avait pris le soin de se
prononcer en des termes plus simples. En matière de protection des
droits humains, la réparation d'un droit violé exige que la
victime soit complètement rétablie dans ses droits,
c'est-à-dire qu'elle soit placée « in statu quo
ante », en d'autres termes, dans l'état où les choses
étaient auparavant. Cela suppose donc le rétablissement de la
situation préexistante, et dans le cas d'espèce que les Neuf (09)
députés exclus doivent être mis dans les conditions
d'être entendus sur leur prétendue démission, d'où
leur retour à l'Assemblée Nationale qui s'impose
apriori. Elle suit en cela le régime de la
responsabilité internationale ; l'engagement de la responsabilité
entraîne trois obligations à savoir : l'obligation de cessation de
l'illicite, l'obligation de réparation, enfin l'obligation
d'éviter des violations semblables326(*).
Au sein de certaines communautés interétatiques,
les textes régissant les Cours de Justice ont indiqué la
manière d'exécuter ce genre de condamnation. Il en est ainsi en
ce qui concerne la Cour Européenne des Droits de l'Homme. En effet,
l'article 50 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales dispose : « Si la décision
de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure
ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre
autorité d'une partie contractante se trouve entièrement ou
partiellement en opposition avec des obligations découlant de la
présente Convention, et si le droit interne de ladite partie ne permet
qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette décision ou
de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à
la partie lésée, une satisfaction équitable ».
Les Etats membres de la CEDEAO n'ont pas prévu de pareille disposition
dans les protocoles régissant la Cour de Justice. Les parties peuvent,
dans ces conditions, s'accorder librement sur la façon de réparer
en nature les conséquences politiques des violations. Il faut pallier
cette carence en prévoyant dans le système normatif la
satisfaction équitable327(*).
Dans le nouvel ordre juridique communautaire
intégré de la CEDEAO328(*), la Cour d'Abuja doit s'affirmer en invitant les
Etats membres à exécuter totalement et de bonne foi ses
décisions. Etant donné que l'architecture institutionnelle de la
Cour est symptomatique d'une volonté ferme des Etats membres de
bâtir une politique communautaire en matière de protection des
droits de l'homme conforme aux exigences internationales. Dans cette
arène, il est plus que nécessaire qu'on reconnaisse une
autorité aux décisions de la Cour.
Paragraphe 2 : Une reconnaissance de l'autorité
des décisions de la CJ CEDEAO
La condition d'effectivité de la protection des droits
de l'homme329(*) est non
seulementliée à la force obligatoire des décisions de la
juridiction communautaire (A) mais également à
la mise en place d'une politique cohérente dans l'exécution des
arrêts de la Cour (B).
A. L'affirmation du
caractère obligatoire des décisions de la juridiction
C'est un pléonasme que de le dire car d'une
façon tout aussi classique, un arrêt rendu par une juridiction
doit s'imposer erga omnes avec la force contraignante qui sied. Cette
exigence participe au premier chapitre à une protection efficace des
droits visés dans les différents instruments internationaux et
régionaux relatifs aux droits humains. Ainsi, les décisions
rendues par la Cour de justice de la CEDEAO sont obligatoires. Sur ce point on
peut dire que la Cour communautaire n'a véritablement pas innové
mais a rappelé des principes déjà reconnus et
consacrés par les systèmes juridictionnels régionaux de
protection des droits de l'homme.
Mais, il faut noter qu'il n'en était pas ainsi dans
l'ancien article 11 du Traité de la CEDEAO de 1975 qui ne mentionnait
pas la force obligatoire des décisions de la Cour. Source de droit, la
jurisprudence communautaire, sous peine d'être vidée de sa
substance doit être frappée du sceau de
l' « obligatoriété ». Ainsi le droit
positif de la CEDEAO affirme que les arrêts de violation des droits
humains sont obligatoires pour les Etats condamnés qui sont tenus de les
exécuter. En effet, le protocole de 1991 relatif à la Cour en son
article 19 alinéa 2 et le Traité révisé en son
article 15 alinéa 4 précisent clairement la portée du
caractère obligatoire des décisions de la Cour à
l'égard des Etats membres, des Instituions de la Communauté et
des personnes physiques et morales. Les décisions sont donc
définitives et exécutoires immédiatement. Aux termes de
l'article 62 du règlement intérieur de la Cour, l'arrêt a
force obligatoire à compter du jour de son prononcé.
En outre, on peut remarquer que l'arrêt rendu par la
Cour de justice communautaire ne pourra jamais faire l'objet d'un recours
devant une autre juridiction, qu'elle soit nationale ou surtout internationale.
En réalité seule une révision des traités pourrait
permettre de contrer la jurisprudence communautaire. Une telle
possibilité est pour l'instant hypothétique.
La législation communautaire stipule en son article
76.2 du Traité révisé que la décision de la Cour de
justice communautaire est exécutoire et sans appel. Cette valeur
définitive des décisions de la Cour a été
rappelée dans l'affaire Pr Etim Moses c. République de Gambie
et l'université de Gambie du 29 octobre 2007. En effet l'Etat
Gambien frustré par la première décision, celle du 14 mars
2007 a adressé une lettre au Président de la Commission pour leur
permettre d'interjeter appel330(*). La juridiction communautaire dans une
deuxième décision avant-dire-droit rappelle « qu'en
l'état actuel de ses textes de procédure, les décisions
qu'elle rend ne sont pas susceptibles d'appel mais seulement de demande en
révision ». Les Etats signataires du protocole
élargissant les compétences de la CJ CEDEAO semblent bien
comprendre cette ligne de conduite. Ainsi dans l'affaire Dame Hadijatou contre
Etat du Niger, le ministre nigérien de l'Intégration africaine,
Saidou Hachimou, avait affirmé que « l'Etat du Niger se
soumettra à la décision de la Cour de justice de la CEDEAO en
s'engageant à verser le montant prévu »331(*).
Examinant aussi les décisions rendues par les
juridictions nationales suprêmes relatives à des questions de
droits de l'homme, les juges d'Abuja font montre d'une hardiesse et d'une
témérité exemplaire. Certains observateurs avertis n'ont
pas hésité à affirmer que « le juge
communautaire désavoue sans conteste le juge
constitutionnel »332(*). L'arrêt Isabelle Manavi Ameganvi et
autres c/ Etat du Togo333(*)du 7 octobre 2011est illustratif à ce sujet.
Contrairement au juge interne qui affirme que les députés en
cause doivent être considérés comme ayant
démissionné de l'hémicycle, le juge communautaire
considère en l'espèce que « les
députés en cause n'ont jamais régulièrement
exprimé leur volonté de démissionner de l'assemblée
nationale ». Dans ce cas de figure, le juge communautaire,
sommes-nous tenté de le dire avec quelques nuances, relativise
l'autorité de la chose jugée des juridictions internes et
réaffirme sa plénitude de juridiction en se parant d'être
le juge de dernier ressort.
Sous l'empire du droit communautaire, les autorités
nationales doivent donc respecter les engagements auxquels ils ont souscrit
notamment en se conformant aux décisions rendues par la justice
communautaire. En ratifiant le Traité de la CEDEAO, les Etats sont
déterminés selon l'article 5, à se « garder
de toute action pouvant entraver la réalisation des (...) objectifs (de
la Communauté) » et sont engagés «
à honorer leurs obligations selon le présent
Traité ».
Rendant ainsi des décisions qui s'imposent erga
omnes, les Etats membres et les institutions communautaires doivent sans
délai prendre toutes les mesures nécessaires propres à
assurer l'exécution de celles-ci334(*).
B. Une efficacité
recherchée dans l'exécution des arrêts de la Cour
La jurisdictio et l'imperium constituent les deux
activités du juge. La première dimension est la capacité
pour le juge à dire le droit tandis que la seconde consiste dans le
pouvoir d'imposer une solution aux parties. En « se limitant donc
à dire le droit et non à le faire, l'exécution lui
échappe »335(*). Comme les arrêts rendus par la CEDH, la CIADH
et la CIJ, ceux de la CJ CEDEAO ont un caractère fondamentalement
déclaratoire, faute de « police
générale »336(*). Mais ce « discours n'est là qu'en
vue d'aboutir à une solution concrète. Il est un moyen et non une
fin »337(*).
Nous pouvons à ce titre citer François TUKENS qui affirme
qu' « un arrêt (...) est la promesse d'un changement
pour l'avenir, le début d'un processus qui doit permettre aux droits et
libertés d'aller dans la voie de l'effectivité
»338(*). En
acceptant que les personnes physiques puissent s'adresser directement au juge
communautaire, les Etats membres de la CEDEAO s'engagent à respecter les
arrêts de la juridiction communautaire. La réforme intervenue en
2005 offre ainsi tout un maillage pour une garantie effective des droits des
citoyens ouest africains au niveau même de la voie de l'exécution
des arrêts de la Cour339(*).
L'autorité de la chose jugée de l'arrêt de
la haute juridiction conjuguée avec les principes de primauté et
de l'effet direct renforcent cet idéal démocratique dont
l'exécution ne peut se heurter au niveau national à aucun
subterfuge juridique340(*). Il faut relever à ce propos qu'il n'existe
pas un ordre juridique hiérarchique entre la Communauté et les
Etats membres mais un ordre juridique intégré et
harmonisé. La CEDEAO a consacré en effet un monisme juridique
sans nécessairement le primat du droit communautaire. Cependant, cela ne
dispense pas les Etats membres de l'obligation de mettre en exécution
les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO. Fonctionnant sur la
base du principe de primauté du droit communautaire sur le droit
interne, les Etats membres sont dans l'obligation de mettre en oeuvre les
décisions de la Cour de justice de la CEDEAO. En effet la
prévalence du droit communautaire sur le droit national induit que les
autorités nationales prennent des mesures compatibles avec l'ordre
juridique communautaire341(*). Sur ce point la Cour est très explicite. On
peut citer l'affaire Chief Ebrimah contre la République de
Gambie342(*) où
les juges d'Abuja demandent aux autorités gambiennes de libérer
le prévenu dès réception de la décision343(*).
Il appartient à l'Etat mis en cause de tirer les
conséquences de la violation d'un droit de l'homme en permettant
à la partie lésée de recouvrer ses droitsen cas
d'impossibilité d'ordonner le versement d'une indemnité.
L'exécution des arrêts de la Cour est réalisée par
le biais du Tribunal de l'Etat membre concerné, en appliquant les
Règles de Procédure Civile en vigueur dans ledit Etat
membre344(*). La formule
exécutoire est apposée sans autre contrôle que celui de la
vérification de l'authenticité du Titre, par l'autorité
nationale que le Gouvernement de chacun des Etats membres aura
désignée à cet effet345(*). La Cour de justice communautaire a donc besoin
nécessairement du concours des Etats membres pour l'application
effective des règles communautaires. En effet, comme le fait remarquer
Abdoulaye Dièye « la juridiction communautaire et les
juridictions des Etats membres de la CEDEAO sont appelées à
entretenir des rapports de coopération »346(*) pour une meilleure
protection des droits de l'homme.
En outre, les décisions de la CJ CEDEAO vont souvent
jusqu'à « neutraliser le pouvoir de révision des Etats
membres »347(*) en indiquant aux Etats la voie à suivre. Dans
l'affaire Hissène Habré contre Etat du
Sénégal, le juge communautaire estime que même si le
Sénégal « a reçu mandat de l'Union Africaine pour
juger Monsieur Habré au nom de l'Afrique, la procédure de
jugement ne doit pas être confiée aux juridictions nationales
déjà existantes au risque de porter atteinte aux droits de
l'ancien président tchadien »348(*). Selon la Cour
« toute autre entreprise du Sénégal en dehors d'un
tel cadre violerait, d'une part, le principe de la non
rétroactivité de la loi pénale, consacré par les
instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme comme étant un
droit intangible et d'autre part, ferait obstruction au respect du principe de
l'impunité consacré par les mêmes textes
internationaux ».
En cas de non-respect de cette obligation relative à
l'exécution des décisions de la Cour, la réforme de 2005
prévoit la possibilité d'exécution forcée. A cet
effet l'article 77.1 du traité donne pouvoir à la
Conférence d'imposer des sanctions contre un État membre qui ne
remplit pas ses obligations envers la Communauté. La panoplie de moyens
coercitifs énumérés par cette disposition et la crainte de
leur application poussent les Etats à ne pas être
récalcitrants quant à la nécessité de se conformer
aux décisions de la Cour349(*). La suspension de mesure d'exécution
forcée ne pouvant être relevée qu'en vertu d'une
décision de la Cour. L'obligation d'exécuter les arrêts de
la Cour suit donc le régime de la responsabilité
internationale350(*).
Si, somme toute, un certain satisfécit peut être
décerné à l'endroit de la Cour communautaire en
matière de protection des droits de l'individu, la juridiction
mère du continent elle (la Cour ADHP) mérite d'être
redynamisée afin de recadrer et rendre efficace la protection des droits
de l'homme par son office.
Section 2 : La redynamisation de la protection
individuelle au plan continental
Pour rendre plus efficace la protection de l'individu devant
le juge d'Arusha, il faut dans un premier temps procéder à
l'émancipation du juge (paragraphe 1) et dans un second
temps, aménager le prétoire de la cour en faveur du
requérant individuel (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Une émancipation du juge de la Cour
ADHP
La facilitation des modalités de recours individuels
(A) ainsi que l'élargissement de la compétence
du juge de la Cour ADHP (B) peuvent militer en faveur de la
protection des droits de l'homme.
A. La facilitation des
modalités de recours individuels
Comme l'a souligné VILJOEN, le succès de la Cour
africaine dépend de sa politique de traitement des plaintes
individuelles. En effet, les particuliers constituent son public cible et ses
bénéficiaires naturels351(*). Aussi, la Cour doit-elle acquérir une
légitimité sur le continent africain. Cette
légitimité dépend de plusieurs facteurs :
l'accessibilité à la Cour, la simplicité de ses
procédures, la qualité et la pertinence de ses
arrêts352(*). En
général, faciliter l'accès à la Cour permettra
à cette dernière de réaliser sa mission en matière
de protection des droits fondamentaux. Il est donc essentiel d'éliminer
tous les obstacles et toutes les procédures trop complexes qui
empêchent l'accès à la Cour353(*). Le modèle
européen montre que la consécration du droit d'accès
direct à la CEDH n'a été possible qu'après
plusieurs décennies de travail et de jurisprudence qui ont mis les bases
d'une véritable culture de droits de l'homme354(*). C'est cette longue
expérience et cette culture qui manquent au système africain.
Il est important de noter que la majorité des victimes
de violations des droits de la personne sont des analphabètes qui
ignorent les droits consacrés par le système africain. Le
rôle des ONG est donc primordial pour aider ce type de victimes à
déposer leurs plaintes devant les instances africaines : la Commission
ou la Cour355(*).
L'étude des communications traitées par la Commission africaine
montre que la plupart des plaintes individuelles ont été
déposées grâce à l'aide fournie par les ONG
africaines. Cela souligne encore une fois l'importance des ONG dans le
système régional africain356(*).
Pourtant, selon le Protocole de Ouagadougou, seulement les ONG
dotées du statut d'observateur auprès de la Commission africaine
ont le droit d'accès direct à la Cour. Selon certains auteurs,
cette restriction est injustifiée357(*). En effet, le nombre des ONG reconnues par la
Commission africaine s'élève à 435 en 2012358(*). Ce nombre est très
faible par rapport au nombre des ONG actives sur le continent. Cette
restriction peut considérablement réduire l'accès des ONG
à la Cour africaine. C'est pour cette raison que la doctrine appelle
à adopter la solution retenue par le système
interaméricain en la matière, lequel permet à toute ONG
reconnue par un État membre de saisir la Commission
interaméricaine359(*).
Par ailleurs, l'étude des affaires traitées
jusqu'à présent par la Commission africaine montre qu'il est
très rare qu'un État africain défende un individu ou
dépose une plainte au nom d'un citoyen devant la Cour. En effet, une
seule plainte a été déposée par un État
contre un autre : c'est l'affaire de la République démocratique
du Congo contre les États du Burundi, du Rwanda et de l'Ouganda, rendue
en 1992360(*). La
majorité des recours déposés devant la Commission
africaine sont donc des recours individuels.
Les arrêts de la Cour africaine contribuent à
l'évolution du droit de la protection des personnes dans le continent
africain361(*). Il est
essentiel à cet égard que la Cour ait une jurisprudence claire et
bien fixée en la matière. Par ailleurs, l'efficacité du
système africain dépend de la coordination entre la Cour et la
Commission. En effet, celle-ci doit acheminer à la Cour tous les
dossiers pertinents et la Cour ne doit pas hésiter à accueillir
ce genre de dossiers. Les deux institutions ont enfin de compte une même
mission : la protection des droits de la personne. C'est ce que rappelle
l'article 2 du Protocole de Ouagadougou en stipulant que : « la
Cour, tenant dûment compte des dispositions du présent Protocole,
complète les fonctions de protection que la Charte africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples (...) a conférées à la
Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
(...) »362(*).
Afin de garantir l'accès des individus à la Cour
africaine, il faut non seulement que les États membres fassent la
déclaration facultative de compétence évoquée
à l'article 5 (3) du Protocole de Ouagadougou, mais il faut aussi
éliminer tous les obstacles qui empêchent les individus
d'accéder à la justice, et ce même à
l'échelle nationale363(*). La Cour africaine a tiré la sonnette
d'alarme dans son rapport d'activité présenté à
l'assemblée de l'UA en 2012 en notant que : « son mandat
judiciaire demeure gravement handicapé par le faible taux de
ratification du protocole et par le nombre encore plus faible de pays ayant
déposé la déclaration spéciale. Si cette situation
perdure, tout le système de protection judiciaire des droits de l'homme
à l'échelle continentale, qui est symbolisée par la Cour,
risque d'en être affecté de façon
négative »364(*).
Face à cet état de choses, d'aucuns ont
proposé que la ratification par un État du Protocole de Sharm
El-Sheikh365(*) rende
ipso facto le droit de recours individuel opposable à son
égard, quitte à ce que cet État fasse des réserves
à l'effet de décliner ce droit. Malheureusement, cette approche
n'a pas été adoptée par les rédacteurs du Protocole
de Sharm El-Sheikh. Les États ont préféré maintenir
le statu quo366(*).
Toutefois, la cour ADHP, à l'instar d'autres
juridictions internationales a mené des démarches pour
l'élargissement de sa compétence notamment pour juger les
individus africains auteurs de crimes internationaux.
B. L'élargissement de la
compétence du juge aux crimes internationaux
Face au manque de volonté et de capacité de
certains tribunaux nationaux pour juger les auteurs des crimes les plus graves,
des instances judiciaires extra nationales et internationales ont
exprimé leur compétence pour lutter contre leur impunité
et rendre justice aux victimes. Par exemple, la Cour pénale
internationale a engagé des poursuites contre des ressortissants
congolais, ougandais et soudanais. Un tribunal spécial composé de
juges locaux et internationaux a été mis en place pour juger des
criminels de guerre sierra léonais et libériens. Des tribunaux
nationaux (africains, européens et américains) ont
également engagé des poursuites contre des tortionnaires
mauritaniens et tunisiens, des génocidaires rwandais, des criminels
congolais et tchadien, selon le principe de la compétence
universelle367(*).
Cette situation a amené l'Union africaine à
réagir sur l'action de la justice internationale en Afrique. Ainsi,
sollicité par le président Rwandais, Paul Kagame, qui contestait
des procédures engagées en France contre des
éléments du Front Patriotique Rwandais à propos de
l'attentat de 1994 contre l'ancien président Habyarimana, l'UA a
adopté en février 2009, lors de son 12ème
sommet à Addis Abeba (Ethiopie), une décision relative à
« l'utilisation abusive de la compétence
universelle ». Dans ses recommandations, l'UA demandait à
la Commission de l'UA, à la Commission africaine et à la Cour
africaine d'étudier la possibilité d'élargir la
compétence de la Cour africaine pour lui permettre de juger des
individus ayant commis des crimes internationaux (crimes contre
l'humanité, crimes de guerre et génocide). Cette même
recommandation a été renouvelée par l'UA lors de son
sommet de juillet 2009 à Sirte (Libye), à l'occasion d'une
décision relative à la réunion des Etats africains parties
à la CPI, en réaction à l'émission par la CPI du
mandat d'arrêt contre le président Soudanais Omar
El-Béchir.
En effet, le 14 juillet 2008, le procureur de la CPI avait
requis la délivrance d'un mandat d'arrêt contre Omar
El-Béchir. Après cette requête, les responsables du
gouvernement soudanais avaient implicitement mais aussi explicitement
menacé de représailles les forces internationales pour le
maintien de la paix ainsi que les travailleurs humanitaires. Le 25 juillet,
Bona Malwal, conseiller du président soudanais, a déclaré
au sujet des forces du maintien de la paix : « Le monde doit
savoir que suite à la mise en accusation de notre président, nous
ne pouvons plus être responsables de la sécurité des forces
étrangères au Darfour »368(*). Le président
El-Béchir a également menacé d'expulser les forces
internationales pour le maintien de la paix si un mandat était
délivré.
Par ailleurs, le Conseil de sécurité de l'ONU,
ses États membres, le Secrétariat Général de l'ONU,
l'Union Européenne et l'Union Africaine ont eu à jouer un
rôle crucial pour répondre rapidement aux éventuelles
représailles gouvernementales au Darfour suite à la
délivrance du mandat d'arrêt. Ainsi, une résolution du
Conseil de sécurité oblige le gouvernement du Soudan à
faciliter le déploiement de la Mission des Nations Unies et de l'Union
Africaine au Darfour (MINUAD) et à coopérer avec la CPI.
Conformément au droit international, le Soudan a l'obligation de
protéger ses civils et d'autoriser un accès complet, sans danger
et sans encombre au personnel venant en aide à ceux qui en ont besoin.
Le mandat d'arrêt ne modifie ni ces obligations, ni les engagements de
Khartoum à appliquer l'accord de paix global signé en 2005 avec
le gouvernement du sud Soudan.
Etant donné que la CPI est une institution judiciaire
indépendante, quoique le Soudan ne soit pas partie au Traité de
Rome qui a établi la CPI, il est soumis à la compétence de
cette dernière par l'intermédiaire de la résolution du
Conseil de sécurité. En effet, selon le statut de la CPI, la
qualité officielle d'un chef de l'État en exercice n'accorde pas
l'immunité face à la responsabilité pénale.
Toutefois, la CPI n'a pas été en mesure de faire exécuter
ce mandat jusqu'à ce que le peuple soudanais ait pris la mesure des
choses pour arrêter et juger le Président El Béchir par les
juridictions nationales.
L'objectif avancé par l'UA à travers la
recommandation d'élargir la compétence du juge d'Arusha pour
connaître des crimes internationaux serait d'
« africaniser » la justice internationale et ainsi
d'éviter des procédures issues d'autres continents contre des
ressortissants africains369(*).
En outre, cette solution ne semble pas viable
considérant ses implications institutionnelles et financières. A
cet égard, notre avis rejoint la FIDH qui préfère
encourager les pays africains à adopter dans leur droit interne des lois
définissant les crimes internationaux et à réformer leur
système judiciaire pour leur conférer toute leur
indépendance. La FIDH rappelle que la justice internationale
n'intervient qu'en cas d'absence de volonté et de capacité des
juridictions nationales à lutter contre l'impunité des auteurs
des crimes les plus graves. Il faudrait donc aménager le prétoire
de la Cour ADHP si l'on veut que cette dernière parvienne à
protéger efficacement les droits humains.
Paragraphe 2 : Un aménagement du prétoire
de la Cour ADHP
Le rapprochement du juge régional des justiciables
(A) est un impératif pour rendre effective la
protection juridictionnelle des droits de l'homme. Mais à l'analyse, la
Cour ADHP, à la différence de la CJ CEDEAO, s'est
avérée une juridiction éloignée et inadaptée
au système africain de protection des droits de l'homme :
d'où la nécessité de mettre en place une Cour africaine de
justice et des droits de l'homme (B).
A. Le nécessaire
rapprochement du juge continental des justiciables
Le rapprochement du juge des justiciables semble une approche
favorable à la protection de l'individu. Elle procède de
l'assistance juridique apportée aux requérants et susceptible de
faciliter leurs actions devant le juge continental. En effet, l'article 10,
paragraphe 2, du Protocole est la base juridique principale de l'aide publique
aux requérants et prévoit qu'une représentation ou une
assistance judiciaire peut être gratuitement assurée dans les cas
où l'intérêt de la justice l'exige370(*). L'article 31 du
Règlement intérieur reprend à son compte cet article en y
apportant une limitation selon laquelle l'aide ne peut être
accordée que dans « les limites des ressources
financières disponibles » et une extension suivant
laquelle l'aide peut viser une représentation et/ou une assistance
judiciaire gratuite, là où le Protocole ne permet qu'une option
entre les deux371(*).
Au début, la mise en oeuvre de ce mécanisme
d'assistance juridique pour rapprocher davantage le justiciable de la justice
continentale fut contrastée. Bien qu'opérationnelle depuis
l'entrée en vigueur de son Règlement intérieur le 20 juin
2008, la Cour rejeta les premières demandes au motif
qu'elle « (...) n'était pas en mesure de fournir
l'assistance judiciaire demandée en raison du fait qu'elle ne disposait
pas d'une politique d'assistance juridique »372(*). Ce fut chose faite suite
à l'adoption de ce document lors de l'exercice 2013-2014373(*). Ratione personae,
seuls les individus ou groupes d'individus sont éligibles, à
l'exclusion de l'ensemble des autres requérants, ONG disposant du statut
d'observateur comprises. L'aide pourra être accordée au titre de
l'indigence du requérant374(*), pour la sauvegarde du principe de
l'égalité des armes ou dans l'intérêt de la justice.
Ratione materiae, l'aide pourra couvrir les frais de voyage, de
représentation juridique, les frais liés aux témoins,
notamment les témoins experts ainsi que les indemnités
journalières de subsistance. Ratione temporis, l'aide pourra
être demandée et accordée à tout moment de la
procédure, même s'il apparaît judicieux d'en faire la
demande dès le dépôt de la requête.
La pratique de la Cour démontre pour le moment une
certaine préférence pour l'aide à la représentation
plutôt que pour l'assistance financière375(*). Travaillant en
étroite collaboration avec l'Union panafricaine des avocats, la
juridiction a eu l'occasion de permettre à plusieurs requérants
d'être représentés376(*) et d'obtenir des facilités auprès de
l'Etat défendeur lorsque cela était nécessaire377(*). L'efficacité du
programme dépendra à l'évidence de la
pérennité de son financement. Lors des négociations du
Protocole, la Namibie avait ainsi souligné qu' « il
est indispensable que le Protocole précise qui fournira (paiera) la
représentation ou l'assistance juridique
gratuite »378(*). Faute d'accord, le texte final ne prévoit
pas de telle précision. La Politique d'assistance judiciaire indique
quant à elle que le programme est financé par les contributions
statutaires et volontaires des États membres ainsi que par les
partenaires à la coopération.
Ces hypothèses obèrent l'efficacité de la
Cour africaine dans sa mission de protection des droits humains. C'est
d'ailleurs ce qui a été à l'origine de la grande
réforme annoncée pour la création d'une Cour africaine de
justice et des droits de l'homme.
B. Vers une Cour Africaine de
Justice et des Droits de l'Homme
En Afrique, la protection juridictionnelle des droits de
l'homme a suscité d'innombrables revirements de positions, du rejet
à l'acceptation, de la construction à la destruction, pour en
permettre la transformation379(*). Elle semble récemment s'être
stabilisée dans la figure de la Cour africaine de justice et des droits
de l'homme, fusionnant les deux organes judiciaires régionaux actuels.
Bien que son unicité aille à l'encontre de la
prolifération des juridictions internationales, l'étendue de ses
compétences ravive le débat concernant les risques de
fragmentation du droit.
Depuis quelques années, la place de la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples fait l'objet de vifs débats
scientifiques et politiques. En effet, l'Assemblée des chefs d'Etats de
gouvernements de l'Union africaine, lors de sa session ordinaire de juillet
2004 à Addis-Abeba décida que : « la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice seront
fusionnées en une seule Cour ». Cette décision de
l'Assemblée déboucha sur l'élaboration d'un projet de
protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de
l'homme. Depuis, le processus de fusion est largement avancé et sa
cristallisation se manifestera avec l'adoption définitive du Projet de
protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de
l'homme. Toutefois, l'intérêt scientifique de cette
réflexion ne réside pas dans le cadre du processus
évolutif et formatif de l'institutionnalisation de la fusion, mais
plutôt dans celui de l'opportunité de fusionner la Cour de justice
de l'Union africaine avec la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples.
L'établissement de la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples représente une avancée certaine vers une
garantie efficace des droits et libertés des individus. Cependant,
l'article 34 (6) du Protocole relatif à la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples qui rend impossible la saisine de la Cour par les
individus ou par les ONG sauf si l'Etat en cause a fait la fameuse
déclaration, représente un véritable mécanisme de
freinage partant des espoirs suscités par cette Cour. Or dans le cadre
de la fusion, le Projet de protocole portant statut de la Cour africaine de
justice et des droits de l'homme en son article 31 n'émet aucune
réserve quant à la possibilité de saisine de la Cour par
les individus ou les ONG, à l'instar du Protocole n° 11 à la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, du 11 mai 1994.
Toutefois, lors de la signature du Protocole, il est possible
que les Etats puissent émettre des réserves, mais cet aspect est
encore en négociation. Néanmoins, le texte initial ne comporte
aucune exclusion. La fusion permet aussi une introduction dans l'ordonnancement
institutionnel de l'Acte Constitutif de l'Union une section des droits de
l'homme. Si le Protocole créant la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples ne donne aucune force obligatoire aux arrêts de la Cour,
le Projet de protocole de la Cour née de la fusion, prévoit la
possibilité pour la Conférence de sanctionner
l'inexécution d'un arrêt de la Cour en vertu de son article
47380(*). La fusion
permet donc d'étendre le régime juridique des sanctions aux
arrêts relatifs aux droits de l'homme.
En outre, certains auteurs381(*) estiment que l'argument de rationalisation des
moyens et d'optimisation des coûts qui avait été retenu
comme pilier pour la fusion des deux cours, masque en réalité une
volonté d'ensevelissement de la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples. La qualification des juges pourrait ne pas avoir un lien avec les
droits de l'homme, on assisterait par conséquent à une
régression de la jurisprudence courageusement développée
par la Commission africaine ces quinze dernières années.
La Cour africaine de Justice et des droits de l'homme,
créée en 2008, n'est pas encore officiellement instituée,
le Protocole qui en prévoit la mise en place n'étant pas
entré en vigueur. Mais avant, son originalité se remarque dans la
très large compétence ratione materiae qui lui a
été attribuée. On se demande d'ailleurs si elle est
totalement viable tant les voies de recours ouvertes devant la Cour sont de
nature très différente.
Bien entendu « l'avènement d'une nouvelle
juridiction ne pourra manquer de conforter les contempteurs de la fragmentation
du droit international dans leurs critiques d'une trop grande anarchie dans les
modes de règlement des différends
internationaux »382(*). A sa manière, la Cour africaine de Justice
et des droits de l'homme réduit pourtant en partie cette fragmentation
puisqu'elle est le résultat de la fusion de deux autres juridictions qui
ont vocation, de ce fait, à disparaître. Mais il faut
concéder que sa large compétence ratione materiae lui
donne le pouvoir d'empiéter sur le champ de compétence de bien
d'autres juridictions ou mécanismes quasi-juridictionnels, à
commencer par la Cour Internationale de Justice, suivie de la Cour de justice
de la CEDEAO, avec lesquelles elle se trouvera directement en concurrence.
Tantôt classique et conservatrice, tantôt insolite
et progressiste, la nouvelle Cour de justice et des droits de l'homme devra
canaliser et réconcilier les dynamiques qui la sous-tendent pour
s'installer en gardienne vigilante et efficace d'un ordre juridique aux
ambitions communautaire et internationale, régionale et universelle,
générale et spéciale.
CONCLUSION PARTIELLE
Il n'existe plus de doute sur le rôle joué par la
Cour de justice de la CEDEAO dans la protection des droits de l'homme.
Même si elle n'est pas une juridiction spécialisée en la
matière à l'instar de la CEDH, la CIADH ou la Cour ADHP, elle
baigne néanmoins dans une plénitude démocratique
apparente. Suivant le cadre normatif et institutionnel dans lequel s'adosse son
action, la protection des droits de l'homme se trouve ainsi garantie. On peut
ainsi s'accorder avec Franca OFOR pour « dire sans
possibilité de contradiction qu'il y a des mesures adéquates
provisoires dans le cadre de la CEDEAO pour la protection des droits de l'homme
dans la sous-région »383(*).
La présence de la Cour de justice de la CEDEAO à
côté de la Cour africaine doit être conçue plus comme
un apport de taille seulement si la Cour africaine qui a plus de
notoriété sur le plan continental continue à prendre le
devant en développant un dialogue permanent avec la Cour
sous-régionale. Ainsi, une coexistence matérielle est
indiquée pour préserver des désarrois aux justiciables et
aux juges internes qui ne sauront plus, en cas de concurrence
matérielle, à quelle législation se confier.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Le but de tout système de protection des droits de la
personne est la sauvegarde des droits des personnes qui se trouvent sous sa
juridiction384(*). La
mobilisation des ressources humaines et matérielles afin de faciliter
l'accès des individus aux instances régionale et
sous-régionale est louable, car la voie juridictionnelle reste la forme
la plus aboutie de sauvegarde des droits fondamentaux385(*). Il est donc important de
renforcer le droit de recours individuel devant les juridictions africaines de
protection des droits de l'homme. Le système européen actuel est
certainement un modèle à suivre. La réforme du
système interaméricain qui a consacré le droit pour les
individus de présenter à la CIADH, de manière autonome,
toutes leurs « sollicitudes » et tous leurs moyens de
preuve s'inscrit, elle aussi, dans un mouvement mondial en faveur de la
reconnaissance de l'individu comme sujet de droit international.
Par ailleurs, un mouvement mondial se dessine en faveur de la
reconnaissance de l'individu comme sujet de droit international. Cette
reconnaissance est bien établie dans le droit international
économique où les États et les particuliers sont
placés sur un mêmepied d'égalité. Cette
reconnaissance n'a pas encore trouvé son chemin en matière de
protection internationale des droits de la personne. Pourtant, les
systèmes régionaux de protection des droits de l'homme se
dirigent lentement mais sûrement vers la reconnaissance de l'individu
comme sujet de droit international.
Le système régional africain de protection des
droits de la personne est un système jeune et ambitieux. La
création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
constitue en fait un grand pas en matière de protection des droits
fondamentaux en Afrique. Les États membres de l'UA ont pris la
décision d'élargir les compétences de la jeune Cour :
d'abord en la fusionnant avec la Cour de la justice et ensuite en dotant cette
nouvelle Cour d'une section criminelle. La ratification des Protocoles de Sharm
El-Sheikh et de Malabo et l'adoption de la déclaration facultative de
compétence prévue à l'article 34 (6) du Protocole de
Ouagadougou qui permet l'accès direct des individus à la Cour
africaine, constitueront certainement un signe de bonne volonté de la
part des dirigeants africains.
Au niveau communautaire également, il est significatif
de remarquer que la CEDEAO est entrée dans une phase de maturité.
Elle arbore un visage ouvert. Au frontispice de nouveaux objectifs dont elle
entend jouer pleinement un rôle crucial figure en bonne place la
protection des droits de l'homme. Ce projet ambitieux a été
concrétisé par l'adoption du protocole du 19 janvier 2005 qui a
élargi les chefs de compétence de la Cour d'Abuja aux cas de
violation des droits humains. La métamorphose de la CJ CEDEAO, devenue
au fil du temps une Cour qui protège les droits individuels sans
être une juridiction spécialisée en la matière
à l'instar de la Cour africaine ou encore européenne constitue
une véritable aubaine pour les citoyens de l'Afrique de l'ouest en
particulier.
Une étude comparée de la procédure
contentieuse devant les deux juridictions nous a permis de voir
l'originalité de la protection des droits de l'homme par la Cour d'Abuja
qui se distingue de son aînée continentale par la facilité
de sa saisine. Cette originalité est révélatrice de
l'efficacité de la protection des droits de l'homme.
Sur le plan institutionnel, il s'agit d'une véritable
avancée dans la protection des droits de l'homme. L'introduction du
contentieux des droits de l'homme, bastion très sensible dans le chef de
compétence de la juridiction communautaire vient ainsi parachever le
processus d'intégration ouest africaine. Mais la grande réforme
mise en oeuvre par la CEDEAO est certainement la possibilité
accordée aux personnes physiques d'accéder au prétoire du
juge de la CEDEAO sans épuiser les voies de recours internes pour des
cas relevant des droits humains. Ce qui sans nul doute explique la croissance
exponentielle des requêtes individuelles à son
prétoire386(*),
au détriment de la Cour ADHP qui tient pour principe fondamentale cette
obligation. Le poids de la Cour de justice dans l'architecture institutionnelle
et le rôle qu'elle doit jouer dans l'atteinte des objectifs de la
Communauté sont donc considérables. En effet, si la violation des
normes adoptées doit rester sans sanction, on peut affirmer sans se
tromper qu'il n'y aura point d'intégration effective.
Cependant pour louable qu'elle soit, on doit relativiser sans
dévaloriser l'oeuvre accomplie. En effet, cette garantie
juridictionnelle des droits de l'homme n'est pas encore tout à fait
effective. Schématiquement il existe des raisons qui obèrent
l'efficience de la protection des droits de l'homme assurée par les deux
juridictions. Alors que la Cour ADHP est entravée par l'inexistence d'un
droit de saisine direct, la CJ CEDEAO est, quant à elle,
confrontée à un usage exacerbé de ce droit. Pour la
première, le manque de volonté politique des États pour
reconnaître la compétence juridictionnelle de la Cour et
l'obligation faite aux requérants individuels d'épuiser les voies
de recours internes sont autant de limites à l'action individuelle. Pour
la seconde par contre, c'est d'abord les facteurs endogènes
(surabondance des textes de référence, modicité des moyens
d'exécution, absence d'un organe de filtrage des requêtes, etc.)
qui ont pour conséquence d'affaiblir le contrôle juridictionnel
des droits de l'homme. Ensuite, il existe des facteurs exogènes qui
consistent principalement en la faible intériorisation de la contrainte
juridique et procédurale par les Etats malgré le fait qu'ils
soient placés sous l'empire du droit. En effet, le comportement des
justiciables étatiques est de nature à obérer l'action de
la Cour. Le plus souvent, ils refusent manifestement de se plier à
l'autorité de la Cour et à honorer leurs engagements relativement
à l'exécution de ses arrêts. La volonté des Etats
tient parfois les décisions aussi bien du juge continental quedu juge
communautaire.
Afin de dissiper les incohérences et corriger ainsi les
insuffisances d'ordre factuel relevées, il s'avère
nécessaire d'optimiser la protection juridictionnelle des droits de
l'homme assurée par les juridictions africaines sous étude afin
de relever les défis aussi bien au plan juridique que sur le plan
opérationnel.
Le premier défi d'ordre juridico-institutionnel
relativement à la Cour communautaire consistera à mettre en
oeuvre un catalogue ouest africain des droits de l'homme. Cette Charte des
droits de l'homme aura comme effet, à notre avis, de promouvoir
davantage un droit communautaire de la CEDEAO. Elle permettra ainsi de
définir un standard de droits dont la Cour doit en assurer la garantie.
Ce qui évitera les recours abusifs ou relatifs à des affaires
futiles. Il faut rappeler que la Cour de justice travaille avec une panoplie
d'instruments juridiques relatifs à la protection des droits de l'homme
faute d'un texte spécifique en la matière propre à la
Communauté. Or, cette mosaïque de textes est de nature à
obérer la protection des droits de l'homme car la
généralité est porteuse de confusions387(*).
Aussi, dans le but de favoriser une protection optimale des
droits de l'homme, la Cour communautaire doit-elle être dotée
d'une chambre chargée du filtrage des requêtes individuelles. La
notion de délai raisonnable aura alors recouvert tout son sens. En
effet, depuis l'ouverture de son prétoire aux particuliers, la Cour de
justice est submergée de requêtes dont certaines sont
imprécises, fantaisistes et dénuées de tout fondement
relatif à une violation des droits humains. Victime de son propre
succès, la Cour risque d'en pâtir. C'est ce qui semble justifier
la prudence du juge d'Arusha dont la saisine est jonchée de
critères. Son défi institutionnel majeur est celui de sa fusion
avec la Cour africaine de justice et des droits de l'homme.
Le second défi d'ordre opérationnel, commun aux
deux juridictions étudiées est relatif au comportement des Etats.
Il est admis en effet pour importantes que puissent être les innovations
induites par les réformes, qu'aucune politique de promotion et de
protection des droits de l'homme n'est efficiente si les Etats ne font pas
montre d'une réelle volonté politique. Nonobstant le rôle
crucial joué par les organes judicaires, la protection effective des
droits de l'homme commence et prend fin au plan national. Ainsi, en tant que
source du mal, ils en constituent également le remède. Les Etats
doivent donc exécuter de bonne foi les décisions de justice et ne
doivent entraver de quelque manière que ce soit l'action des organes
judiciaires. La Cour ADHP et la Cour de justice de la CEDEAO doivent
également gagner la bataille de la visibilité car elles ne sont
pas bien connues. Ce qui discrédite également les efforts
entrepris pour une protection efficace des droits de l'homme.
Au demeurant, la restriction de l'accès direct des
individus à la Cour africaine demeure un aspect fondamental de ses
faiblesses388(*). Tel
que le soutient Mamadou Falilou DIOP : « les restrictions
relatives à l'accès direct des individus au prétoire de la
Cour ne se justifient pas. De plus, elles ne sauraient avoir comme explication
que la volonté manifeste des États de ne pas répondre des
violations graves des droits de l'homme dont ils sont souvent
accusés »389(*). Ainsi, comme l'affirmait si bien René
CASSIN, « il faut protéger tout l'homme et protéger
les droits de tous les hommes »390(*).
In fine, l'on retient que les juridictions africaines
se sont, on peut le penser, inscrites dans une croisade pour la protection
effective des droits de l'homme. Elles cherchent, à travers une ambition
renouvelée, à atteindre cet idéal tant souhaité.
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Maîtrises en Sciences Juridiques, 2012, 76 p.
- ZAKRI (B. E.), « L'application de la Charte
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dans les Etats d'Afrique noire
francophone », Université Catholique de
l'Afrique de l'Ouest- Unité Universitaire d'Abidjan
(UCAO-UUA), Master 2 Recherche Droit public fondamental 2014, 76
p.
- HONONVI (J.-P., A.) La protection des droits de l'homme
par la Cour de justice de la CEDEAO, Mémoire de DEA en Droit de la
personne humaine et démocratie, FADESP, UAC, Bénin, 2011, 103
p
- KAMWANGA (K. D.), Les mécanismes internationaux
de protection et l'effectivité des droits de l'homme,
Mémoire de DEA en Droit de la personne humaine et démocratie,
FADESP, UAC, Bénin, 2005, 123 p
- KODJO (E. K. J.-J.), La protection des droits de l'homme
par la Cour de justice de la CEDEAO (CJC) dans les Etats membres,
Mémoire de fin de formation en Master II Recherche « Droit
International et Organisations Internationales », CDC, FADESP, UAC,
Bénin, 2013, 112 p
- NDIAYE (M.), La protection des droits de l'homme par la
Cour de justice de la CEDEAO, Mémoire de Master II, Master
interdisciplinaire Dynamiques Africaines, Université Montesquieu
Bordeaux IV/Université Montaigne Bordeaux III/IEP de Bordeaux, 2014, 83
p
IV- ARTICLES DE DOCTRINE ET CONTRIBUTIONS
- AÏVO (F. J.), « La Communauté des
Etats sahélo-Sahariens (CEN-SAD), acteur complémentaire ou
concurrentiel de l'Union Africaine ? », AFDI, 2009,
pp.469-495
- ASCENSCIO (H.), « La notion de juridiction
internationale en question », In La juridictionnalisation du
droit international, Colloque de Lille de la SFDI, Paris, Pedone, 2003,
pp. 163-210
- ATANGANA AMOUGOU (J.-L.), « Avancées et
limites du système africain de protection des droits de l'homme :
la naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples », Revue électronique des droits
fondamentaux, n°3, Janvier - Décembre 2003, pp. 175-178
- ATANGANA AMOUGOU (J-L.), « La Commission africaine
des droits de l'homme et des peuples », In Droits fondamentaux
N°1, juillet-décembre 2001, pp. 91-117
- BADET (G.), « Commentaire de l'arrêt Dame
Hadidjatou Mani Koraou contre la République du Niger (CEDEAO-Cour de
justice) ». In Revue Béninoise des Sciences Juridiques et
Administratives, RBJA, n°23, année 2010, pp. 153-194
- BOUKONGOU (J.D.), « L'attractivité du
système africain de protection des droits de l'homme », pp.
1-22.
- BURGOGUE-LARSEN (L.), « Le fait régional
dans la juridictionnalisation du droit international », In SFDI,
La juridictionnalisation du droit international, Paris, Pedone, 2003, pp.
203-266
- CARVAJAL (I. F. C.), « Analyse de la compétence
juridictionnelle à partir de la première décision de la
Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples : l'affaire
Hissène Habré », Bogotá, ACDI, 2012, Vol. 5, pp.
59-92.
- CIFENDE KACIKO (M.), « Les conditions de
recevabilité des communications individuelles devant la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples : portée
jurisprudentielle » In Revue de droit international et
comparé, 2004, pp. 266-315, particulièrement pp. 286-305
- DABOYA (N. A.), « La Cour de justice de la CEDEAO
et la protection des droits de l'homme » In Recueil de la
Conférence Internationale sur « Le droit dans le processus
d'intégration en Afrique de l'Ouest », Abuja, les 13 et
14 novembre 2007, pp. 163-174
- DELAS (O.) et NTAGANDA (E.), « La création
de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples :
mécanisme efficace de protection des droits de
l'homme ? », In Revue québécoise de droit
international, Etudes, 1999, pp. 99-124
- FALL (A. B.), « La charte africaine des droits de
l'homme et des peuples : entre universalisme et
régionalisme », Pouvoirs, n°129, 2009, pp.
77-100
- FALL (D.), « La protection juridictionnelle des
droits des citoyens dans le cadre de la CEDEAO », In Droits et
Lois, Revue trimestrielle d'informations juridiques et judiciaires,
Octobre, novembre, décembre 2006, n°009, pp.5-10
- FRISON-ROCHE (M. A.), « Le droit d'accès
à la justice et au droit », in Libertés et droits
fondamentaux, 12e édition pp. 521-540
- KABANGU (T. M.), « Les droits de l'homme en
Afrique : Enoncé, garanties et application »,
In Les droits de l'homme à l'aube du XXIe s. Karel Vasak,
Amicorum Liber, Bruylant, Bruxelles, 1999, 1189 p, pp. 633-654
- KAMTO (M.) (dir.), « La Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples et le protocole y relatif créant la
Cour ADHP. Commentaire article par article », Bruxelles, Bruylant,
2011, 1628 p
- LAMBERT-ABDELGAWAD (E.), « L'exécution des
décisions des juridictions internationales des droits de l'homme :
vers une harmonisation des systèmes régionaux »,
ACDI, vol.3, 2010, pp. 9-55
- MELEDJE (D. F.), « L'appropriation des normes
communautaires par les milieux universitaires et le monde
judiciaire ». Troisième rencontre interjuridictionnelle des
cours communautaires de l'UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l'OHADA, Dakar, 4, 5,
et 6 mai 2010, 17 p
- MUBIALA (M.), « La Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples : Mimétisme institutionnel ou avancée
judiciaire ? » In Revue Générale du Droit
International Public, 1998-3, pp. 765-780
- OUGUERGOUZ (F.), « La Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples - Gros plan sur le premier organe judiciaire africain
à vocation continentale », In Annuaire
français de droit international, Vol.52, 2006, pp. 213-240
- OUGERGOUZ (F.), « L'application de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples par les autorités
nationales en Afrique Occidentale », In Flauss (J.F.),
Lambert-Abdelgawad (E.), (dir.), L'application nationale de la Charte africaine
des droits de l'homme et des peuples, Bruylant, Bruxelles, 2004, pp.
161-206
- POUGOUE (P. G.), « L'Etat des droits de l'homme en
Afrique », In Recueil des cours, Cinquième session
régionale de formation en droits humains, du 12 au 23 juillet 2004,
Cotonou, Bénin, pp. 1-16
- SOMOA (J.), « La supranationalité de la
CEDEAO et ses implications juridiques », In Recueil de la
Conférence internationale sur « Le droit dans le processus
d'intégration en Afrique de l'Ouest », Abuja, les 13 et
14 novembre 2007, 252 p
- SOSSA (D.), « Systèmes régionaux
africains de protection des droits humains » In Recueil des
cours : Onzième session régionale de formation en droits
humains et droits des refugiés, Cotonou, Bénin, Atlantique
Beach Hôtel, 19-30 juillet 2010, pp. 206-222
- TCHIKAYA (B.), « La juridictionnalisation du
règlement des conflits internationaux en Afrique », Revue
du droit public et de la science politique en France et à
l'Etranger, n°2, mars 2006, pp. 459-487
- TIGROUDJA (H.), « Le système africain de
protection des droits de l'homme : un laboratoire pour des droits
universels ? Analyses des sources externes utilisées dans la
jurisprudence de la Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples », In Humanisme et droit, Etudes en hommage au professeur
Jean Dhommeaux, Paris, Pedone, 2013, pp. 1-15
- VASAK (K.), « Le droit international des droits de
l'homme », RCADI, IV, 1974, pp. 333-416
- VASAK (K.), « Les droits de l'homme et
l'Afrique : vers les institutions africaines pour la protection
internationale des droits de l'homme ? » Communication
personnelle au Congrès de Juristes africains francophones, Dakar, 5-9
janvier 1967, Commission internationale de Juristes, pp. 459-478
- VASAK (K.), « Les principes
d'interprétation et d'application des droits de l'homme » In
Boutros Boutros Ghali. Amicorum Discipulorumque Liber. Paix,
développement, démocratie, Bruxelles, Bruylant, 1998, pp.
1428-1429
- YERIMA (S.S.Z.), « La Cour et la Commission
africaines des droits de l'homme et des peuples: noces constructives ou
cohabitation ombrageuse? », Annuaire Africain des Droits de
l'Homme, 2017, pp.357-385
V- DOCUMENTS OFFICIELS
A- TEXTES NORMATIFS
- Acte constitutif de l'UA
- Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de
1981
- Charte des Nations Unies du 26 juin 1945
- Charte africaine des droits et du bien-être de
l'enfant
- Charte africaine sur la démocratie, les
élections et la gouvernance
- Convention de Vienne sur le droit des traités du 23
mai 1969
- Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique
- Protocole de la Cour de justice de l'Union Africaine
- Protocole de la Cour de justice de la CEDEAO
- Protocole additionnel A/SP.1/01/05 relatif à la Cour
de justice de la CEDEAO de 2005
- Protocole additionnel A/SP.1/06/06 portant amendement du
traité révisé de la CEDEAO
- Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour de justice de
la CEDEAO de 1991
- Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples du 25 janvier 2004
- Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et
des droits de l'homme
- Règlement de la Cour de justice de la CEDEAO du 3
juin 2002
- Règlement intérieur intérimaire de la
Cour africaine des droits de l'homme et des peuples du 20 juin 2008
- Statut de la Cour Internationale de justice
- Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale
- Traité originaire de la CEDEAO du 28 mai 1975
- Traité révisé de la CEDEAO de 1993
B- RAPPORTS
- Amnesty International, Rapport 2015/2016, La situation des
droits humains dans le monde, Editions francophones, 2016, 483 p
- Human Rights Watch, Rapport mondial 2015, Evénements
2014
- Rapport annuel d'activités de la Cour de justice de
la CEDEAO pour 2012
C- DECISION
- Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement,
Décision A./DEC.02/06/06 du 14 juin 2006 portant création d'un
Conseil judiciaire de la Communauté
VI- AUTRES DOCUMENTS
- AHADZI (K.), Droits de l'homme et développement,
Cours à la Chaire Unesco des droits de la personne et de la
démocratie, UAC, 2002-2003, 80 p
- Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de
l'homme, Questions fréquemment posées concernant les
droits économiques, sociaux et culturels, Droits de l'homme, Fiche
d'information N°3, imprimée aux Nations Unies, Genève, 4
mars 2009, 63 p
- SOMA (A.), Droit International des Droits de l'Homme, Notes
de cours, Master Recherche Droit International et Organisations
Internationales, CDC, FADESP, UAC, 2014-2015
VII- JURISPRUDENCES
A- COMMISSION ADHP
- Communication 241/01 - Purohit et Moore c/
Gambie
- Communication 232/99 - John D. Ouko c/ Kenya
- Communication 236/2000 - Curtis Francis Doebbler c/
Soudan
- Communication 64/92 - Achuthan et Autres c/
Malawi
- Communication 225/98 - CLO c/ Nigeria
- Communication 102/93 - Constitutional Rights Projet c/
Nigeria
- Communication 251/02 - Lawyers For Human Rights c/
Zwaziland
- Communication 102/93 - Constitutional Rights Project et
Autres c/ Nigeria
- Communication 147/95 - Jawara c/ Gambie
- Communication 155/96 - Social and Economic Rights Action
Center c/ Nigeria, 13 octobre 2001
- Communication 100/93 - Free Legal Assistance Group et
Autres c/ Zaire
- Communication 74/92- Commission nationale des droits de
l'homme et des libertés c/ Tchad
- République Démocratique du Congo c
Burundi, Rwanda et Ouganda (2004), RADH 19 (ACHPR 2003).
B- COUR ADHP
- Michelot Yogogombaye c. République du
Sénégal, Cour ADHP, Requête n°001/2008
- Association Juristes d'Afrique pour la bonne gouvernance
c. Côte d'Ivoire, Cour ADHP, Requête n°006/2011
- Emmanuel Joseph Uko et autres c. République
Sud-africaine, Cour ADHP, Requête n°004/2012
C- CJCEDEAO
- CJCEDEAO, Affaire Afolabi Olajide c/ République
du Nigeria, 2004
- CJCEDEAO, Affaire Hissein Habré c/
République du Sénégal, 2010
- CJCEDEAO, Affaire SERAP c/ Le gouvernement
fédéral du Nigeria et UBEC, 27 octobre 2009
- CJCEDEAO, Affaire SERAP c/ République du
Nigeria, 2010
- CJCEDEAO, Center for Democracy and Development et Center
for Defence of Human Rights c. Niger, Arrêt N°
ECW/CCJ/JUD/05/11 du 09 mai 2011.
- CJCEDEAO, Coordination Nationale des
Délégués Départementaux (CNDD) c.
Côte-d'Ivoire, Arrêt N° ECW/CCJ/JUD/05/09 du 17
décembre 2009.
- CJCEDEAO, Aziablévi Yovo et 31 c. Etat du Togo,
Arrêt N°ECW/CCJ/JUD/04/12,du 31 janvier 2012
- CJCEDEAO, Affaire Pr Etim Moses Essien c.
République de Gambie et l'université de Gambie du 29 octobre 2007
- CJCEDEAO, Affaire Dame Hadijatou Koraou c/ Etat du
Niger, 2008
- CJCEDEAO, Affaire Isabelle Manavi Ameganvi et autres c/
Etat du Togo, 7 octobre 2011
- CJCEDEAO, AffaireMamadou Tandja c/ Etat du Niger, 8
novembre 2010
- CJCEDEAO, Musa Saidykhan c. République de
Gambie, 16 novembre 2010
- CJCEDEAO, Chief Frank C. Ukor c/ Sieur Rachad
Lalèyè et Gouvernement de la République du
Bénin, 2 novembre 2007
- CJCEDEAO, Hon. Dr Jerry Ugokwe c/ République
Fédérale du Nigeria,7 octobre 2005
- CJCEDEAO, Affaire Chief Ebrimah Manneh c/
République de Gambie, 5 juin 2008
D- CEDH
- Abbasov v/ Azebaijan, 1e section,
17/01/2008, N°24271/05
E- CIJ
- CIJ, Affaire Belgique contre Etat du
Sénégal, 20 juillet 2012
VIII- WEBOGRAPHIE
- http://
www.achpr.org (La Commission ADHP)
- http://www.africa-union.org (Site
de l'UA)
-
http://www.droitshumains.org/Biblio/Txt_Afr/HP_Afr.htm (Les instruments
africains de protection des droits de l'homme)
-
http://www.icccpi.int/Menus/ICC/Home (La CJCEDEAO).
TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT
iii
DEDICACE
iv
REMERCIEMENTS
v
SIGLES ET ABREVIATIONS
vi
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1
PREMIERE PARTIE : L'EFFECTIVITE DE LA
PROTECTION DE L'INDIVIDU DEVANT LES JURIDICTIONS
11
CHAPITRE I : L'ACCES AUX JURIDICTIONS, UNE
CONDITION NECESSAIRE A LA PROTECTION DE L'INDIVIDU
13
Section 1 : Un accès exclusivement
libéral devant le juge communautaire
14
Paragraphe 1 : La CJ CEDEAO, une juridiction
facilement saisissable
14
A- La consécration de la saisine
individuelle
14
B- Une extension de la compétence
explicite du juge
17
Paragraphe 2 : La CJ CEDEAO, une juridiction de
proximité
19
A- La mobilité de la Cour de
justice
19
B- Une aubaine pour le justiciable
21
Section 2 : Un accès relativement
étendu devant le juge continental
23
Paragraphe 1 : L'étendue du recours
individuel devant la Cour
23
A- Une affirmation de la compétence du
juge
23
B- Une exclusion du critère de
l'intérêt à agir
27
Paragraphe 2 : Les restrictions de
l'accès individuel devant la Cour
29
A- L'inexistence d'un droit de saisine
directe
29
B- L'appropriation de la saisine
indirecte
32
CHAPITRE II : LA RECEVABILITE, UNE EXIGENCE
POUR L'EXAMEN AU FOND DE LA REQUÊTE INDIVIDUELLE
35
Section 1 : Des conditions formelles de
recevabilité
36
Paragraphe 1 : Une recevabilité adoucie
au niveau de la CJ CEDEAO
36
A- La souplesse des conditions
résultant de la Charte africaine
37
B- L'autonomie de la Cour dans l'application
des modalités de la Charte
38
Paragraphe 2 : Une recevabilité
conditionnée au niveau de la Cour ADHP
40
A- La caractérisation de la
requête individuelle
40
B- L'exigence d'un délai raisonnable
de saisine
43
Section 2 : Des conditions substantielles de
recevabilité
46
Paragraphe 1 : L'épuisement des voies de
recours internes
46
A- Une contrainte devant le juge de la Cour
ADHP
47
B- Une dérogation devant le juge
communautaire
50
Paragraphe 2 : La qualité du
requérant individuel pour agir
52
A- Un critère extensif au niveau de la
Cour ADHP
52
CONCLUSION PARTIELLE
55
SECONDE PARTIE : LA FAIBLESSE DES JURIDICTIONS
DANS LA PROTECTION DE L'INDIVIDU
56
CHAPITRE I : DES JURIDICTIONS ENTRAVEES DANS
LEUR ACTION
57
Section 1 : Les contraintes normatives dans
l'examen au fond de la requête individuelle
58
Paragraphe 1 : Le foisonnement des textes de
référence du juge communautaire
58
A- Une référence aux
instruments juridiques universels
58
B- Une affirmation des normes juridiques
régionales
61
Paragraphe 2 : Le confinement des textes de
référence du juge continental
63
A- Une référence aux
instruments endogènes
63
B- Une prise en compte des autres instruments
pertinents
64
Section 2 : Les défaillances
procédurales dans l'examen au fond de la requête individuelle
66
Paragraphe 1 : Une procédure globalement
controversée au niveau continentalal
66
A- L'ambigüité de la relation
entre la Cour et la Commission
67
B- Une entrave à l'efficacité
de la Cour
68
Paragraphe 2 : Une procédure
relativement cohérente au niveau communautaire
70
A- Une efficacité relative en raison
de la surabondance des textes de référence
71
B- Un risque latent d'une divergence
d'interprétation des textes
73
CHAPITRE II : UNE NECESSAIRE CONSOLIDATION DE
LA PROTECTION JUDICIAIRE DE L'INDIVIDU
76
Section 1 : La rationalisation de la protection
individuelle au plan communautaire
76
Paragraphe 1 : Une articulation opportune des
voies de recours et d'exécution du juge communautaire
76
A- La priorisation des requêtes
individuelles par le système de filtrage
77
B- La définition des modalités
d'une application satisfaisante des décisions
78
Paragraphe 2 : Une reconnaissance de
l'autorité des décisions de la CJ CEDEAO
81
A- L'affirmation du caractère
obligatoire des décisions de la juridiction
81
B- Une efficacité recherchée
dans l'exécution des arrêts de la Cour
83
Section 2 : La redynamisation de la protection
individuelle au plan continental
86
Paragraphe 1 : Une émancipation du juge
de la Cour ADHP
86
A- La facilitation des modalités de
recours individuels
86
B- L'élargissement de la
compétence du juge aux crimes internationaux
89
Paragraphe 2 : Un aménagement du
prétoire de la Cour ADHP
91
A- Le nécessaire rapprochement du juge
continental des justiciables
91
B- Vers une Cour Africaine de Justice et des
Droits de l'Homme
93
CONCLUSION PARTIELLE
95
CONCLUSION GÉNÉRALE
97
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
101
* 1MAYOR (F.), ancien
Directeur général de l'UNESCO, inLa DUDH,
40ème anniversaire 1948-1988, L'Harmattan, 1991, p.3.
* 2 Article 5 de la Charte
ADHP, adoptée à la dix-huitième Conférence des
chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Organisation de l'Unité Africaine
le 18 juin 1981 à Naïrobi, Kenya et ratifiée par le
Bénin le 20 janvier 1986.
* 3 MBAYE (K.), Les
droits de l'homme en Afrique, 2é édition, Paris, A. Pedone,
2002, 386 p, p. 38
* 4 MBAYE (K.), cité
par Tshimpanga Matala Kabangou, « Les droits de l'homme en
Afrique : Enoncés, garanties et applications »,
in VASAK (K.) Les droits de l'homme à l'aube du XXIe
s, Amicorum Liber, Bruylant, Bruxelles, 1999, 1189 p, spéc. p.
645
* 5 Ministry Of Foreign
Affairs, Report from the International Conference on Development
Cooperation for Human Rights and Democracy, Stockholm, Graphic Systems AB,
1993, p. 15
* 6 KABANGOU (T. M.),
« Les droits de l'homme en Afrique : Enoncés, garanties
et applications ». In Les droits de l'homme à l'aube du
XXIe s. Karel Vasak, Amicorum Liber, Bruylant, Bruxelles, 1999, 1189p,
pp.645-646.
* 7 Par exemple, les Etats
occidentaux ont une conception individualiste des droits de l'homme, les
asiatiques une conception cosmogonique alors que certains Etats africains
mettent au premier plan le groupe, la tribu, la famille.
* 8 La CIJ a affirmé
que tous les Etats avaient un intérêt juridique à ce que
ces droits soient protégés. Voir arrêt de la CIJ du 5
février 1970, Barcelona Traction. En outre, dans son Discours à
l'occasion de la cérémonie de remise du prix des droits de
l'homme de la République française le 11 décembre 2009, M.
B.KOUCHNER rappelait ce principe universel « Non, les Droits de
l'Homme ne varient pas au gré des cultures ! Non, ils ne doivent pas
être relativisés au nom de valeurs prétendument
traditionnelles ». L'éminent défenseur des droits
de l'homme des premières heures René Cassin à l'annonce de
son prix Nobel de la Paix en 1968 affirmait : « Il n'y aura pas
de paix sur cette planète tant que les droits de l'homme seront
violés en quelque partie du monde que ce soit ».
* 9 Selon le doyen Louis
FAVOREU, les droits fondamentaux sont des « droits reconnus aux
personnes physiques et morales par des textes et normes supra
législatifs comme des "permissions" opposables aux prérogatives
des trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) et
même à celles des institutions supranationales ». Confer
l'auteur, Droit des libertés fondamentales, Paris, Dalloz,
coll. Précis, 3ème éd., 2005, p. 2.
* 10 MBAYE (K.), Les droits
de l'homme en Afrique noire, Paris, A. Pedone, 1992, p.76.
* 11 SALMON (J.) (dir.),
Dictionnaire de droit international public, Bruylant/AUF Bruxelles
2001, p.901.
* 12 BOURGORGUE-LARSEN (L.),
« Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit
international », inLa juridictionnalisation du droit
international, SFDI, colloque de Lille, Paris, Pedone, 2003, pp.
42 et s.
* 13 Protocole relatif
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, portant
création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples,
adopté à Ouagadougou, Burkina Faso, le 10 juin 1998. Le texte du
Protocole est disponible sur le site Internet de l'Union Africaine
http://www.africa-union.org.
* 14 ATANGANA AMOUGOU (J-L.)
« Avancées et limites du système africain de protection
des droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples », Droits fondamentaux, n° 3, janvier -
décembre 2003, pp. 175-178. Disponible sur le site
www.droits-fondamentaux.org.
* 15 En vertu de l'article
35, paragraphe 3, le Protocole est entré en vigueur 30 jours
après le dépôt du 15ème instrument de
ratification.
* 16 La Charte africaine de
la démocratie, des élections et de la gouvernance a
été adoptée le 30 janvier 2007 et est entrée en
vigueur le 15 février 2012. Le Protocole de la CEDEAO sur la
démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au Protocole relatif au
Mécanisme de gestion, de règlement des conflits, de maintien de
la paix et de la sécurité a été adopté le 21
décembre 2001 et est entré en vigueur en 2008. Voir Actions
pour la protection des droits de l'homme (APDH) c Côte d'Ivoire
(Arrêt du 18 novembre 2016, Fond) par. 49-65.
* 17 Sur 30 Etats parties,
seuls 8 ont fait une telle déclaration. Il s'agit du Bénin (8
février 2016), du Burkina Faso (28 juillet 1998), de la Côte
d'Ivoire (28 juillet 2013), du Ghana (10 mars 2011), du Malawi (09 octobre
2008), du Mali (19 février 2010), de la Tanzanie (29 mars 2010) et de la
Tunisie (1er mai 2017). Le Rwanda, après avoir déposé sa
déclaration le 6 février 2013, l'a retirée en 2016. Sur ce
retrait, cf. Cour africaine, Umuhoza c Rwanda (arrêt du 3 juin
2016).
* 18 CANÇADO TRINDADE
(A. A.), Evolution du droit international au droit des gens. L'accès
des individus à la Justice Internationale, le regard d'un
juge,2008.
* 19 NTSATSIESSE (F.),
L'accès des personnes privées à la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples (2016) Mémoire de Master Recherche
Droit public fondamental, Faculté de Droit et des Sciences Economiques,
Université Omar Bongo, p. 5. Il convient de noter néanmoins que
les personnes privées ont également un accès direct au
Conseil des droits de l'homme des Nations-Unies, aux organes des traités
de l'ONU, à la Commission interaméricaine des droits de l'homme
et à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.
* 20 Rapport annuel sur le
travail de la Cour interaméricaine des droits de l'homme à
l'Assemblée générale de l'Organisation des Etats
Américains, 2000.
* 21 Voir Delas (O.),
« La création de la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de
l'homme? », 1999, Revue Québécoise de Droit
international, p. 99.
* 22 En effet, contrairement
à la Commission africaine, la nouvelle Cour africaine n'a pas
compétence pour examiner une plainte présentée directement
par un individu ou une ONG, sauf si l'État contre lequel la plainte est
dirigée a déposé une déclaration
supplémentaire acceptant la compétence de la Cour pour examiner
les requêtes individuelles déposées par ses citoyens.Un tel
mécanisme de contrôle érige un obstacle à
l'accès des individus à la Cour africaine. Il faut noter que pour
une Cour régionale des droits de la personne, ce sont les individus qui
ont le plus besoin de bénéficier de ses services, et pas les
États. Voir notamment VILJOEN (F.), « Human rights in Africa:
normative, institutional and functional complementarity and distinctiveness
», South Afr. J. Int. Aff., 2011, p. 208; ENO (R.), « The
jurisdiction of the African court of human and peoples' rights », Afr.
Hum. Rights Law J., 2002, pp.223-233, spéc. p. 231.
* 23Confer Préambule
du Traité révisé de la CEDEAO.
* 24Idem.
* 25Voir GNANDE (J.),
« La protection des droits de l'homme au plan sous régional :
une volonté affichée par la CEDEAO », CACIT,
août 2016.
* 26Idem.
* 27 En Europe, La CJCE peut
connaitre des différends relatifs aux droits fondamentaux mais
l'accès des particuliers à la juridiction reste très
limité en la matière. Les Cours de justice de la SADC et de la
CEAE ont un mandat implicite en matière de droits humains même si
elles engagent les parties au respect des droits de l'homme, à la
démocratie, à l'Etat de droit, à la non-discrimination.
* 28 Cette expression est du
professeur B. KANTE, in « Démocratie et gouvernance,
facteurs de paix ? », Colloque international en hommage à Gerti
HESSELING, les 15 et 16 décembre 2011 à L'UGB.
* 29 A ce titre, le
requérant peut invoquer des instruments universels et régionaux
protecteurs des droits de l'homme tels que la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme, les deux Pactes de 1966 et la Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples.
* 30 SALL (A.), La
justice de l'intégration. Réflexion sur les institutions
judicaires de la CEDEAO et de l'UEMOA, Editions CREDILA, 2011, p. 20.
* 31 Voir TOUMEBA MABOU
(G.), La réparation devant les juridictions judiciaires
internationales, Thèse de Doctorat en droit, Université de
Strasbourg, 2017, 468 p.
* 32 VASAK Karel cité
par Keba MBAYE in Les Droits de l'homme en Afrique, 2ème
édition, 2002, p. 26.
* 33 ETOA (L-H.),
L'avènement de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples : enjeux et défis ?, Mémoire de recherche pour
l'obtention du diplôme d'université de 3ème cycle en Droit
public, Université de Paris II, Panthéon Assas, 2004-2005, p.
8.
* 34 Au sens d'un
« obiter dictum » de la CIJ dans l'affaire
Barcelona Traction, Light and Power Company Limited, Rec. 1970,
arrêt du 05 février 1970 (Belgique C. Espagne).
* 35 MUTOY MUBIALA
cité par Ephraïm KAHAMIRE inLes droits de l'homme dans la
région des Grands Lacs. Réalités et illusions, (S/Dir
MUGANGU Séverin), FIUC, Bruylant academia, UCB- CEGEC, p. 77.
* 36 CEDH, Airey c/Irlande
du 29 octobre 1979.
* 37Protocole relatif
à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples portant
création d'une Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples.
* 38 Cette dernière
comprendrait une « section des droits de l'homme » qui se
substituerait à l'actuelle Cour.
* 39 Voir entre autres
QUILLERE-MAJZOUB (F.), « L'option juridictionnelle de la protection des
droits de l'homme en Afrique », Revue trimestrielle des droits de
l'homme, vol. 11, n° 44, 2000, pp. 729-785, spéc. pp. 766-770
; JUMA (D.), « Complémentarité entre la Commission
africaine et la Cour africaine », in UNION PANAFRICAINE DES
AVOCATS, Guide de complémentarité dans le système
africain des droits de l'homme, 2014, pp. 3-28.
* 40 Le Protocole
A/SP.1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au
protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de
règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité. Voir l'art.39 : « Le Protocole A/P.1/7/91,
adopté, à Abuja le 6 juillet 1991, et relatif à la Cour de
Justice de la Communauté, sera modifié aux fins de l'extension de
la compétence de la Cour, entre autres aux violations des droits de
l'Homme après épuisement, sans succès, des recours
internes ». Pour une lecture détaillée de ce protocole,
lire FALL (I. M.) et SALL (A.), « Une constitution régionale
pour l'espace CEDEAO : Le Protocole sur la démocratie et la bonne
gouvernance », disponible sur http// :
www.laconstitution-en-afrique.com(consulté le 15 mars 2015).
* 41 Mr AFOLABI OLAJIDE c/
la République Fédérale du Nigeria du 27 avril 2004. C'est
le premier arrêt rendu par la Cour de justice de la CEDEAO qui sera
rejeté en l'absence de saisine directe de la Cour par les particuliers
selon l'article 9.3 du Protocole de 1991.
* 42 Cette notion a
été retenue pour rendre « le droit communautaire
à ses origines internationalistes ». C'est pour notifier que
le succès de bon aloi du droit communautaire de quelque aspect fut-il en
la matière est intrinsèquement lié au droit
international.
* 43Sur la question des
sujets de droit international, voir DAILLIER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.),
Droit International Public, Paris, LGDJ, 9e édition,
novembre 2009.
* 44 Sur cette question voir
KEUDJEU DE KEUDJEU (J. R.), «L'effectivité de la protection des
droits fondamentaux en Afrique subsaharienne francophone», Revue
CAMES/SJP, n°001/2017, p. 99-129.
* 45En effet, la Cour, en
vertu de l'article 9 (4) et 10 (d) du protocole a compétence pour se
prononcer sur des cas de violation de droits humains à condition que la
demande ne soit pas anonyme et que l'affaire ne soit pas pendante devant une
autre juridiction internationale.
* 46 Art.35 para.1 de la
CEDH.
* 47Pour connaître
tout le formalisme, consulter le site
http://www.claiminghumanrights.org/ecowas.
* 48 Art. 35.2.b) de la
Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés Fondamentales ; Art. 56.7 de la Charte Africaine des Droits de
l'Homme ; Art.46.c) de la Convention Américaine des Droits de l'Homme et
des Peuples ; Art. 5.2.a) du Premier Protocole facultatif relatif au Pacte
international relatifs aux droits civils et politiques.
* 49Aux termes des
dispositions de l'article 10. d) du Protocole additionnel, la demande soumise
par une personne victime des violations des droits de l'homme ne sera
portée devant la CJCEDEAO lorsqu'elle a déjà
été portée devant une autre Cour internationale
compétente. Ces dispositions visent essentiellement que les individus
n'abusent des possibilités de recours qui leur sont offertes, et qu'une
affaire soit examinée en même temps par plusieurs organes.
* 50 COHEN (J.),
« La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et de libertés fondamentales », Economica, Paris
1989, p.143.
* 51 La CJCEDEAO a
déjà eu à se prononcer sur cette condition par sa
décision en date du 14 mai 2010, Hissène Habré c. Etat du
Sénégal. Elle a affirmé que l'UA n'est pas une Cour de
justice internationale au sens de la loi, et par conséquent, son
rôle n'est pas d'administrer la justice ou de dire le droit. Ensuite,
cette affaire étant déjà sous examen devant le
comité des Nations unies contre la Torture, la Haute juridiction
communautaire aborde la condition posée par l'article en posant que ce
Comité n'est pas non plus une juridiction. Son rôle se limite
à la surveillance de la mise en oeuvre par les Etats signataires, des
dispositions issues de la Convention contre la torture. En tant que tel, il est
un simple organe d'alerte dont les « recommandations » et autres
« injonctions » restent dénuées de toute force
exécutoire.
* 52L'innovation est audacieuse
et précieuse et se distingue du dispositif institué par l'Europe,
pionnière de la protection régionale des droits de l'homme et de
l'Amérique avec la Cour de Jan José, la « petite soeur
» de la Cour européenne.
* 53Article 35 1.de la CEDH
: La Cour ne peut être saisie qu'après l'épuisement des
voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit
international généralement reconnus, et dans un délai de
six mois à partir de la date de la décision interne
définitive.
* 54 Cet aspect sera
abordé dans nos développements infra.
* 55Article 3 du
Traité révisé de la CEDEAO de 1993 consacré aux
buts et objectifs de l'organisation. Il y a lieu de rappeler les limites de la
fonction juridictionnelle exercée par les juridictions communautaires
avant la réforme des années 1990. En effet, le Traité
créant la CEDEAO avait prévu à l'article 9, paragraphe 3
du Protocole de 1991 relatif au tribunal de la Communauté qu'un «
État membre peut, au nom de ses ressortissants, diligenter une
procédure contre un État membre ou une Institution de la
Communauté, relative à l'interprétation ou à
l'application des dispositions du Traité, en cas d'échec des
tentatives de règlement amiable ».
* 56 Confer art. 4. g) du
Traité de la CEDEAO du 24 juillet 1993.
* 57La procédure de
saisine du juge de la CJ CEDEAO exclut notamment le principe de
l'épuisement préalable des voies de recours internes. Voir nos
développements supra.
* 58 On peut citer à
titre indicatif l'affaire Garba C. Bénin, requête inscrite sous
ECW/CCJ/APP/03/09; jugement ECW/CCJ/JUD/01/10, rendu le 17 Février
2010 ; affaire Habré C. Sénégal, inscrite
ECW/CCJ/APP/07/08, jugement ECW/CCJ/APP/02/10, rendu le 14 Mai 2010 ;
affaire Mani Hadidjatou C. Niger, ECW/CCJ/JUD/06/08, jugement rendu le 27
Octobre 2008.
* 59 Affaire David C. Uchwe,
ECW/CCJ/APP/04/09, jugement ECW/CCJ/RUL/03/10, rendu le 11 Juin 2010.
* 60Voir affaire SERAP.
* 61 Confer art. 14 du
Traité de la SADC.
* 62 Confer art. 23 du
Traité de l'EAC.
* 63 Confer art.6.d) du
Traité de l'EAC.
* 64 Voir BOURGORGUE-LARSEN
(L.), op. cit., pp. 203-264.
* 65CARVAJAL (I. F. C.),
« Analyse de la compétence juridictionnelle à partir de
la première décision de la Cour Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples : l'affaire Hissène Habré »,
Bogotá, ACDI, 2012, Vol. 5, pp. 59-92.
* 66 Selon l'article 19 de
la CEDH : 1. Le siège de la Cour est fixé à
Strasbourg, siège du Conseil de l'Europe. La Cour peut toutefois,
lorsqu'elle le juge utile, exercer ses fonctions en d'autres lieux du
territoire des Etats membres du Conseil de l'Europe. 2. La Cour peut
décider, en tout état d'instruction d'une requête, qu'il
est nécessaire qu'elle-même ou l'un ou plusieurs de ses membres
procèdent à une enquête ou accomplissent toute autre
tâche en d'autres lieux.
* 67FRISON-ROCHE (M. A.),
« Le droit d'accès à la justice et au
droit », in Libertés et droits fondamentaux, 12e
édition pp. 521-540.
* 68Idem.
* 69 Selon l'expression du
professeur Alioune SALL.
* 70 RENUCCI (J. F.),
Droit européen des droits de l'homme, 2e édition,
L.G.D.J, 2001, p.179.
* 71D'ALLIVY KELLY (D.),
« Le juge africain est entré dans l'Histoire » (Commentaire de
l'arrêt du 27 octobre 2008, Hadijatou Mani Koraou c/ Niger de la Cour de
justice de la CEDEAO), disponible sur combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr
(consulté le 20 janvier 2019).
* 72Voir Recueil de
jurisprudence de la CJ CEDEAO.
* 73 Voir SOSSA (D.),
« Systèmes régionaux africains de protection des droits
humains » In Recueil des cours : Onzième session
régionale de formation en droits humains et droits des
refugiés, Cotonou, Bénin, Atlantique Beach Hôtel,
19-30 juillet 2010, pp. 206-222.
* 74 Dans l'affaire Chief
Ebrimah Manneh c/République de Gambie du 5 juin 2008, on peut lire par
exemple qu'un des témoins avait conseillé au requérant de
saisir la CJ CEDEAO au détriment des autres juridictions.
* 75Voir à ce propos
YERIMA (S.S.Z.), « La Cour et la Commission africaines des droits de
l'homme et des peuples: noces constructives ou cohabitation
ombrageuse? », Annuaire Africain des Droits de l'Homme,
2017, pp.357-385.
* 76Par exemple, la
décision Diakité c/ Gabon a été rendue en 2000
alors que l'affaire avait été portée devant la Commission
en 1990, soit dix ans après sa saisine.
* 77 Les Etats africains
soucieux d'améliorer le système régional de protection des
droits de l'homme ont signé le 9 juin 1998 le protocole de Ouagadougou
créant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui va
entrer en vigueur le 25 janvier 2004. Cette cour est opérationnelle
depuis 2009.
* 78 FALL (A. B.),
« La charte africaine des droits de l'homme et des peuples :
entre universalisme et régionalisme », Pouvoirs,
n°129, 2009, p. 77.
* 79 Aux termes des
dispositions de l'article 5 § 3 du Protocole, « ont qualité
pour saisir la Cour : a) la Commission ;b) l'Etat partie qui a saisi la
Commission ; c) L'Etat partie contre lequel une plainte a été
introduite devant la Commission ; d) l'Etat partie dont le ressortissant est
victime d'une violation des droits de l'homme, e) les organisations
intergouvernementales africaines ».
* 80Faut-il le rappeler, la
France avait attendu 1981 pour faire une telle déclaration alors que la
convention existait depuis 1950, soit plus de trente ans après
l'adoption du Traité de l'UE. Les Etats africains sont encore
très jaloux de leur souveraineté pour permettre à leurs
citoyens d'accéder au prétoire de la juridiction continentale. En
introduisant la procédure de déclaration supplémentaire de
compétence concernant les requêtes individuelles, le Protocole
semble donc opérer un recul dans la pratique du système actuel de
protection des droits de l'homme.
* 81 Selon le professeur
Babacar Kanté, même « la décision prise par les Chefs
d'Etat ou de gouvernement de fusionner la Cour africaine des droits de l'homme
et la Cour de justice de l'Union Africaine n'est pas nécessairement de
nature à garantir une protection plus efficace des droits fondamentaux.
Voir KANTE (B.), « la production d'un nouveau constitutionnalisme en
Afrique : Internationalisation et régionalisation du droit
constitutionnel » in Land, Law and Politics in Africa, Mediating
Conflict and Reshapping the State, Leiden-Boston, 2011, pp.240-257.
* 82 A la différence
de la Cour, la Commission ne peut connaître que de
l'interprétation et de l'application des droits garantis par la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples. Confer art. 45 de la Charte
africaine.
* 83Confer Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, art. 32, 1) (« Compétence de la Cour »), art.
33 (« Affaires interétatiques ») et art. 34 («
Requêtes individuelles »).
* 84 Convention
américaine des droits de l'homme, art. 62. On relèvera toutefois
que le règlement de la Commission interaméricaine a
été amendé de manière à élargir la
compétence matérielle de cette dernière ; le chapitre II
de sa deuxième partie relative à la procédure traite
désormais des requêtes se référant non seulement
à la Convention américaine mais également à «
tous autres instruments applicables ».
* 85 Protocole relatif
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant
création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 8-10
juin 1998, art. 3, 1).
* 86 La Cour est
fréquemment saisie de requêtes invoquant des violations du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. V., par exemple, Cour
ADHP, Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso, requête n°
004/2013, arrêt au fond du 5 décembre 2014, §§ 35-37,
spéc. § 36.
* 87 V., plus
particulièrement, la Charte africaine des droits et du bien-être
de l'enfant (juillet 1990) ; la Convention de l'OUA sur la prévention et
la lutte contre le terrorisme (14 juillet 1999) ; le Protocole à la
Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des
femmes en Afrique (12 juillet 2003).
* 88Voir par exemple,
l'article 66 (2), c) du Traité révisé instituant la CEDEAO
qui fait obligation aux Etats parties « de respecter les droits des
journalistes ». Ce texte a été invoqué avec
succès pour fonder la compétence de la Cour dans l'affaire des
Ayants droit de feu Norbert Zongo, Abdoulaye Nikiema dit Ablasse, Ernest Zongo
et Blaise Ilboudo et le Mouvement burkinabé des droits de l'homme et des
peuples c. Burkina Faso, requête n° 013/2011, arrêt au fond du
28 mars 2014, par. 48.
* 89 V. en dernier lieu Cour
ADHP, Wilfred Onyango et al. c. Tanzanie, requête n° 006/2013,
arrêt au fond du 18 mars 2016, para. 58-60 (renvoyant notamment à
la position constante de la Cour et de la Commission sur la question) ; Mohamed
Abubakari c. Tanzanie, requête n° 007/2013, arrêt au fond du 3
juin 2016, para. 30-35. Pour un exemple d'application avec la
Déclaration universelle des droits de l'homme, voir Frank David Omary et
autres c. Tanzanie, requête n° 001/2012, arrêt du 28 mars
2014, para. 69-77.
* 90 Pour une requête
se fondant exclusivement sur des violations alléguées du droit
interne et de la Constitution tanzanienne, voir Cour ADHP, Peter Joseph Chacha
c. Tanzanie, requête n° 003/2012, arrêt du 28 mars 2014, para.
112 et 115 ; Alex Thomas c. Tanzanie, requête n° 005/2013,
arrêt au fond du 20 novembre 2015, para. 45.
* 91 OUGUERGOUZ (F.), «
La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : gros plan sur le
premier organe judiciaire africain à vocation continentale »,
Annuaire français de droit international, vol. 52, 2006, p.
227.
* 92Voir infra, nos
développements consacrés aux conditions de recevabilité de
la requête individuelle notamment la déclaration facultative
d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour déposée
par les Etats défendeurs au titre de l'article 34, 6) du Protocole.
* 93 Cette hypothèse
sera développée plus tard, à l'occasion de l'étude
des critères de recevabilité de la requête.
* 94Cour ADHP, FemiFalana c.
Union Africaine, requête n° 001/2011, décision du 26 juin
2012, §§ 63-73 ; Atabong Denis Atemnkeng c. Union africaine,
requête n° 014/2011, décision du 7 décembre 2012.
* 95Cour ADHP, Pr. Efoua
Mbozo'o Samwel c. Parlement Panafricain, requête n° 010/2011,
décision du 30 septembre 2011, spéc. par. 6. Voir notamment les
critiques formulées par le Juge F. OUGUERGOUZ dans son opinion
individuelle.
* 96 Protocole relatif
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant
création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 8-10
juin 1998, art. 34, 3). La juridiction est compétente depuis le 25
janvier 2004 à l'égard des quinze Etats suivants : Afrique du
Sud, Algérie, Burkina Faso, Burundi, Comores, Côte d'Ivoire,
Gambie, Île Maurice, Lesotho, Libye, Ouganda, Mali, Rwanda,
Sénégal, Togo.
* 97 Protocole relatif
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant
création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 8-10
juin 1998, art. 34, 4). Au 31 août 2016, la Cour est compétente
ratione temporis à l'égard de quinze Etats aux dates
suivantes (nous ne mentionnons ici que la date de dépôt de
l'instrument de ratification ou d'adhésion qui constitue seule la date
d'entrée en vigueur du Protocole à l'égard de l'Etat
partie) : Bénin (22 août 2014), Cameroun (17 août 2015),
Congo (06 octobre 2010), Gabon (29 juin 2004), Ghana (16 août 2005),
Kenya (18 février 2005), Malawi (09 octobre 2008), Mauritanie (14
décembre 2005), Mozambique (20 juillet 2004), Niger (26 juin 2004),
Nigéria (09 juin 2004), République arabe démocratique
Sahrawi (27 janvier 2014), Tanzanie (10 février 2006), Tchad (08
février 2016), Tunisie (05 octobre 2007).
* 98 Projet d'articles de la
Commission du droit international sur la responsabilité de l'Etat pour
fait internationalement illicite, art. 14, 1) (notion de fait
instantané), 2) (durée dans le temps du fait continu), 3) (fait
continu et obligation internationale imposant à l'Etat de
prévenir un événement donné) ; CIJ, Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran,
arrêt du 24 mai 1980, CIJ Recueil, 1980, p. 37, para. 78 et 80 ;
SA, Rainbow Warrior (Nouvelle-Zélande c. France), 30 avril
1990, Nations Unies, RSA, vol. XX, 1990, p. 264, para. 101. Voir parmi
une abondante littérature, WYLER (E.), « Quelques réflexions
sur la réalisation dans le temps du fait internationalement illicite
», RGDIP, vol. 95, 1991, pp. 881-914.
* 99Cour ADHP, Ayants
droit de feu Norbert Zongo, préc., arrêt sur les exceptions
préliminaires du 21 juin 2013.
* 100 Pour l'adoption d'une
législation interdisant les candidatures indépendantes, voir Cour
ADHP, Tanganyika Law Society, The Legal and Human Rights Centre,
Révérend Christopher R. Mtikila c. République de
Tanzanie, requêtes n° 009/2011 et n° 011/2011 (jointes
suite à l'ordonnance du 22 septembre 2011), arrêt au fond du 14
juin 2013, para. 84.
* 101Cour ADHP, Mohamed
Abubakari c. Tanzanie, requête n° 007/2013, arrêt au fond
du 3 juin 2016, para. 36.
* 102Cour ADHP, Ayants
droit de feu Norbert Zongo, préc.,arrêt sur les
exceptions préliminaires du 21 juin 2013.
* 103Voir, par exemple,
Commission EDH, De Becker c. Belgique (1958-1959), CEDH
Annuaire, n° 2, pp. 234 et 244 ; Cour EDH, Irlande c.
Royaume-Uni, Série A, n° 25, 1978, p. 64 ; Cour EDH,
Agrotexim c. Grèce, Série A, n° 330-A, 1995, p. 22,
para. 58 ; Cour EDH, Papamichalopoulos et autres c. Grèce,
Série A, n° 260-B (1993), para. 40 (saisie d'un bien sans
expropriation formelle environ huit ans avant que la Grèce reconnaisse
la compétence de la Cour) ; Cour EDH, Loizidou c. Turquie,
fond, CEDH Recueil, 1996-VI, para. 41-47, 63-64 (conséquences
de l'invasion de Chypre par la Turquie en 1974).
* 104 Cour IADH,
Blake, Série C, n° 36, 1998, para. 67 (caractère
continu d'une disparition forcée ou involontaire tant que le sort de la
personne concernée est connu).
* 105 Comité des
droits de l'homme, Lovelace c. Canada, communication n° R 6/24,
Documents officiels de l'Assemblée générale,
trente-sixième session, Supplément n° 40 (A/36/40) (1981),
p. 184, para. 10-11 (perte du statut d'indienne de la requérante en 1970
constituant un fait continu justifiant la compétence du Comité,
l'Etat défendeur n'ayant accepté celle-ci qu'en 1976).
* 106Voir par exemple
Commission ADHP, Communication 335/2006, Dabalorivhuwa Patriotic Front c.
Afrique du Sud, 53e session ordinaire, 9-22 avril 2013, décision du
18 octobre 2013, para. 73-76 : violation continue retenue pour un défaut
d'indemnisation consécutif à la privatisation d'un fonds de
pension deux ans avant l'entrée en vigueur de la Charte à
l'égard de l'Etat défendeur (les requérants n'ayant pas
été indemnisés au moment de la saisine de la
Commission).
* 107Cour ADHP, Peter
Joseph Chacha c. Tanzanie, requête 003/2012, arrêt du 28 mars
2014, § 126 ; Frank David Omary et autres c. Tanzanie,
requête n° 001/2012, arrêt du 28 mars 2014, §§
81-84. V. les critiques du raisonnement de la Cour par le Juge Fatsah
OUGUERGOUZ dans son opinion individuelle jointe à la décision et
qui porte exclusivement sur la question de la compétence ratione
temporis.
* 108 GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 17è
édition 2010, p. 398.
* 109 Confer art. 10 d) du
protocole sur le statut de la Cour. La Cour l'a d'ailleurs rappelé :
« la Cour a toujours considéré qu'elle ne devait, en
principe, sanctionner que des violations des droits de l'homme effectives,
réelles, avérées, et non des violations possibles,
éventuelles ou potentielles » (para. 15).
* 110 Dans l'affaireCDP
et autres c/ État du Burkina du 13 juillet 2013, l'État
burkinabé a soutenu dans son mémoire de défense
l'incompétence de la Cour pour connaître de l'affaire, au motif
qu'elle n'est pas saisie d'une violation concrète des droits de l'homme,
mais tout au plus d'une violation éventuelle ou hypothétique,
hypothèse dans laquelle elle se déclare incompétente.
* 111La victime indirecte
est la personne qui a un intérêt légitime à
introduire une requête en tant que proche d'une victime directe en cas de
décès de cette dernière, qui a subi elle-même un
préjudice du fait de la violation des droits d'un tiers ou qui a un
intérêt à ce qu'il soit mis fin à une telle
violation. Voir CEDH, Guide pratique sur la recevabilité, Strasbourg,
Conseil de l'Europe, 2014, pp. 14-16.
* 112 Pour des cas
d'application dans la jurisprudence de la CEDH, voir Commission
européenne des droits de l'homme, 29 oct. 1992, Open Door et Dublin Well
Woman c/ Irlande, série A, no 246 A, para. 44 ; 28 oct. 1981, Dudgon c/
Royaume Uni ; 22 oct. 1988, Norris c/ Irlande ; 7 juill. 1989, Soering c/
Royaume-Uni. La CEDH tend toutefois à restreindre la notion de victime
potentielle (voir CEDH, 2005, Dayras et autres c/ France et SOS sexisme c/
France ; CEDH, 28 juin 2011, La Ligue des musulmans de Suisse et autres c/
Suisse).
* 113 Reposant sur une
violation non encore réalisée, la notion de victime potentielle
conduit à exercer un contrôle a priori des mesures litigieuses.
Des précautions sont généralement posées par les
organes de contrôle pour la distinguer de l'actio popularis.
L'application de la notion de victime potentielle ne devrait même
intervenir qu' « à titre très
exceptionnel ». Confer CEDH, 28 juin 2011, Ouardiri c/ Suisse, req.
n° 65840/09.
* 114 Leurs titulaires sont
les particuliers, personnes physiques ou morales, qui ne sont pas des sujets
classiques du droit international.
* 115 Certains droits sont
cependant collectifs. Il en est ainsi des droits de l'action politique. Voir
CEDH, 2 mars 1987, Mathieu-Mohin et Clerfayt c/ Belgique. Voir également
SUDRE (F.) (dir.), Les grands arrêts de la Cour européenne des
Droits de l'homme, Paris, PUF, 7ème éd., 2015,
pp. 750 et suiv. ; Droit européen et international des droits de
l'homme, Paris, PUF, 12ème éd., 2015, p. 807).
* 116 Protocole portant
statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, art. 5, 1),
2).
* 117 Disposition
reconduite à l'identique pour la future Cour : Protocole portant statut
de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, art. 8, 3) : «
Tout Etat partie, au moment de la signature ou du dépôt de son
instrument de ratification ou d'adhésion, ou à toute autre
période après l'entrée en vigueur du Protocole peut faire
une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir
les requêtes énoncées à l'article 30 (f) et
concernant un Etat partie qui n'a pas fait cette déclaration ».
* 118Cour ADHP, Femi
Falana c. Union Africaine, requête n° 001/2011, décision
du 26 juin 2012, §§ 63-73.
* 119Confer Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, art. 7, 1), a) : «
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit
comprend : (...) le droit de saisir les juridictions nationales
compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont
reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et
coutumes en vigueur ».
* 120 La Commission avait
été saisie suite à la suspension du Tribunal de la
Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC)
consécutive à des décisions rendues en défaveur du
Zimbabwe. Les requérants soutenaient que la décision des organes
de la SADC de suspendre le Tribunal portait atteinte au droit d'accès
à un tribunal garanti par l'article 7 de la Charte. Cela sera
dénié très fermement par la Commission : « Les
termes de l'Article 7, 1), a) de la Charte indiquent eux-mêmes clairement
que la disposition envisage le droit des individus d'avoir accès
à une juridiction nationale (...) », voir Communication
409/12, Luke Munyan du Tembani et Benjamin John Freeth
(représentés par Norman Tjombe) c. Zimbabwe et treize
autres, 54è session ordinaire, 22 octobre-5 novembre 2013,
décision du 30 avril 2014, para. 135-145, spéc. par. 138.
* 121 Ils soutenaient en
effet que dans la mesure où l'article 34, 6) refuse l'accès
direct des individus à la Cour, ce que la Charte ne leur refuse pas, cet
article, loin de constituer une mesure supplémentaire pour
améliorer la protection des droits de l'homme, comme prévu
à l'article 66 de la Charte, fait exactement le contraire. Il est en
contradiction avec l'objectif, la lettre et l'esprit de la Charte car elle
empêche la Cour de connaître des requêtes introduites par les
individus contre un Etat qui n'a pas fait la déclaration, même
lorsque la protection des droits de l'homme inscrits dans la Charte, est en
jeu. Nous estimons donc qu'il est incompatible avec la Charte. Nous le disons,
étant pleinement conscients de l'article 30 de la Convention de Vienne
sur le droit des traités relatifs à l'application des
traités successifs portant sur le même objet. « Nous
sommes d'avis que cet article n'est pas applicable en l'espèce,
étant donné que nous n'avons pas affaire à deux
traités, mais plutôt à un seul (la Charte) et un simple
protocole y relatif (le Protocole) ». Confer Cour ADHP, Femi
Falana c. Union Africaine, requête n° 001/2011,
préc., opinion individuelle commune aux juges Sophia A. B.
AKUFFO, Bernard M. NGOEPE, Elsie N. THOMPSON, para.16.
* 122 SARKIN (J.), «
The Role of Regional Systems in Enforcing State Human Rights Compliance :
Evaluating the African Commission on Human and People's Rights and the New
African Court of Justice and Human Rights with Comparative Lessons from the
Council of Europe and the Organization of American States »,
Inter-American and European Human Rights Journal, vol. 1, 2008, pp.
199-242.
* 123 Voir l'article 46 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et, avant
son entrée en vigueur, le Protocole n° 11 qui ont
restructuré le mécanisme de contrôle établi à
cet effet.
* 124 Convention
américaine des droits de l'homme, art. 62.
* 125 Décision du
Conseil de la Ligue des États arabes au niveau des ministères des
Affaires étrangères, séance (142), n° 7790, E.A (142)
C 3, du 07/09/2014. Sur la Cour, voir MAJZOUB (T.), QUILLERE MAJZOUB (F.),
« De l'utilité de la future Cour arabe des droits de l'homme : de
quelques réflexions sur son Statut », Revue trimestrielle des
droits de l'homme, vol. 26, 2015, pp. 645-671 ; MAJZOUB (T.), QUILLERE
MAJZOUB (F.), « La future Cour arabe des droits de l'homme : des espoirs
à la déconvenue », RGDIP, vol. 119, n° 2,
2015, pp. 361-382 ; MIDANI (M. A.), « Le mécanisme de la Charte
arabe des droits de l'homme de 2004 et la création d'un organe de
contrôle : la Cour arabe des droits de l'homme », in
DIZDAREVIC (A. S.), KOUSSETOGUE KOUDE (R.) (dir.), Les droits de
l'homme : défis et mutations. Actes des travaux marquant le XXVe
anniversaire de l'IDHL, Paris, L'Harmattan, 2013, pp. 101-113.
* 126 Statut de la Cour
arabe, 7 septembre 2014, art. 19, para. 1 : « L'État partie
dont l'un de ses ressortissants prétend être une victime de
violation de l'un des droits de l'homme, a le droit de recourir à la
Cour à condition que l'État requérant et l'État
défendeur fassent parties du Statut, ou qu'elles aient accepté la
compétence de la Cour en vertu de l'article 20 du Statut ».
* 127 Statut de la Cour
arabe, 7 septembre 2014, art. 19, para. 2 : « Les États membres
peuvent, en cas de ratification ou adhésion au Statut ou à tout
moment par la suite, accepter le fait qu'une ou plus d'organisations nationales
non-gouvernementales autorisées et travaillant dans le domaine des
droits de l'homme du même État dont l'un de ses ressortissants
prétend être une victime de violation d'un droit des droits de
l'homme, puissent avoir recours à la Cour ».
* 128Voir la Cour de
Justice de la CEEAC, Traité instituant la Communauté Economique
des Etats de l'Afrique Centrale, 18 octobre 1983, art. 16-18. Voir
également la Cour maghrébine de justice de l'UMA
créée par le Traité instituant l'Union du Maghreb Arabe,
17 février 1989, art. 13, qui ne prévoit pas l'accès de
l'individu au prétoire de la Cour. Sur cette dernière Cour, voir
BOUONY (L.), « La Cour maghrébine de justice », Revue
belge de droit international, 1993/2, pp. 360-361.
* 129 Traité du
marché commun de l'Afrique orientale et australe, Chapitre V (art.
19-44), spéc. art. 23 (compétence générale de la
Cour) et art. 26 (saisine par les personnes morales et physiques). Voir
également l'article 6, e) du traité qui dispose que dans la
poursuite des objectifs et buts du traité, les Etats conviennent de la
« reconnaissance, promotion et protection des droits de l'homme et des
peuples, conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits
de la personne humaine et des peuples ».
* 130 Le Tribunal est
prévu par l'Article 9(f) du Traité de la SADC. Le Protocole
portant création du Tribunal et ses Règles de Procédures
ont été adoptés en 2000 et sont entrés en vigueur
en 2001. Le Tribunal est devenu opérationnel en novembre 2005 et
prêt à recevoir des affaires en mars 2007. Le Traité ne
fait pas référence à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples, mais il engage les parties au respect des droits de
l'homme, à la démocratie, à l'Etat de droit, à la
non-discrimination. Le Tribunal de la SADC fut toutefois suspendu à la
demande du Zimbabwe. Sur ce processus, voir EBROBRAH (S. T.), NKHATA (M. J.),
« Is the SADC Tribunal Under Judicial Siege in Zimbabwe? Reflections on
Etheredge v. Minister of State for National Security Responsible for Lands,
Land Reform and Resettlement and Another », Comparative and
International Law Journal of Southern Africa, vol. 43, n° 1, 2010,
pp. 81-92 ; RUPPEL (O.), « The Southern African Development Community
(SADC) and its Tribunal : Reflexions on a Regional Economic Communities'
Potential Impact of Human Rights Protection », Verfassung und Recht in
Übersee, vol. 42, n° 2, 2009, pp. 173-186 ; JONAS O., «
Neutering the SADC Tribunal by blocking Individuals' Access to the Tribunal
», International Human Rights Law Review, vol. 2, n° 2,
2013, pp. 294-321.
* 131Treaty
establishing the East African Community, 30 novembre 1999, art. 9. Sur les
attributions de la Cour, voir, dans le même texte, Chapitre 8, art.
23-46, spéc. art. 27, 2) (possibilité pour les Etats parties
d'adopter un Protocole ouvrant la compétence de la Cour de justice
à la protection des droits de l'homme), art. 30 (accès de
l'individu au prétoire de la Cour). Voir également les
Règles de procédures de la Cour dans leur dernière version
(2013). En doctrine, se référer à LAWENA (S.), « The
Human Rights Jurisdiction of the East African Court of Justice: Challenges and
Prospects », Journal of African and International Law, vol. 6,
n° 1, 2013, pp. 119-190; POSSI (A.), « The East African Court of
Justice: Towards Effective Protection of Human Rights in the African Community
», Max Planck Yearbook of United Nations Law, vol. 17, 2013, pp.
173-195.
* 132Treaty
establishing the East African Community, préc., art. 27,
2).
* 133 MALILA (M.), «
Daunting Prospects : Accessing the African Court Through the African Commission
», Human Rights Law Journal, vol. 31, 2011, pp. 61-72.
* 134 Art. 118, 4) du
Règlement intérieur intérimaire de la Commission. Par
ailleurs, sans même être saisie par une communication, la
Commission pourra décider de transmettre à la Cour des cas de
violations graves et massives des droits de l'homme, dont elle aura eu
connaissance via des informations recueillies auprès des ONG, des
individus ou des instances internationales. Voir, en dernier lieu, Cour ADHP,
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye,
requête n° 002/2013, arrêt au fond du 3 juin 2016.
* 135 Règlement
intérieur intérimaire de la Commission, art. 118, 2).
* 136Idem, art.
118, 1).
* 137Sur ce point, voir
PALCHETTI (P.), « Can State Action on Behalf of Victims Be an Alternative
to Individual Access to Justice in Case of Grave Breaches of Human Rights ?
», Italian Yearbook of International Law, 2014, vol. 24, pp.
53-62.
* 138 Cour ADHP, Delta
International Investments S.A. et A.G.L. de Lange c. Afrique du Sud,
requête n° 002/2012, décision non datée.
* 139
Quatre-cent-soixante-dix-sept ONG disposent de cette qualité au 31
août 2016 : 20 % (96) d'entre elles sont basées hors d'Afrique,
l'immense majorité restante (381) ayant leur siège directement
sur le continent. Hors d'Afrique, le classement est nettement dominé par
les Etats européens qui comptent soixante-treize (73) ONG disposant du
statut d'observateur auprès de la Commission africaine. Les plus gros
contributeurs européens sont la France (12), le Royaume-Uni (19) et la
Suisse (17). Le reste des ONG est enregistré en Amérique et se
répartissent entre les Etats-Unis (17), le Canada (5) et le
Brésil (1). La liste complète est accessible sur la page
dédiée du site de la Commission africaine :
http://www.achpr.org/fr/network/ngo/ (consulté le 31 août
2016).
* 140En effet, l'affaire
fait suite à la demande, en 2015, du Conseil exécutif de l'Union
africaine à la Commission de prendre en compte les valeurs,
l'identité fondamentale et les bonnes traditions de l'Afrique
lorsqu'elle accorde le statut d'observateur, et de retirer celui-ci aux ONG qui
agiraient en sens contraire. Le Conseil exécutif a ainsi demandé
à la Commission de retirer le statut d'observateur accordé
à la Coalition des lesbiennes africaines qui a par la suite saisi la
Cour d'une demande d'avis consultatif. Confer Cour ADHP, Demande d'avis
consultatif n°002/2015, Centre des Droits de l'Homme de
l'Université de Pretoria (CHR) & la Coalition des Lesbiennes
africaines (CAL).
* 141 Statut de la Cour
africaine de justice et des droits de l'homme, art. 30 (« Autres
entités admises à ester devant la Cour »).
* 142 Voir par exemple, la
Commission nationale des droits humains du Burkina Faso. La Commission
africaine promeut l'association étroite de ces institutions à ses
activités, en exprimant régulièrement le souhait qu'elles
se conforment aux Principes des Nations Unies relatifs au statut et au
fonctionnement des Institutions nationales pour la protection et la promotion
des droits de l'homme (Principes de Paris).
* 143 Protocole relatif
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
préc., art. 6, 2) : « la Cour statue sur la
recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions
énoncées à l'article 56 de la Charte ».
* 144 Traité
révisé de la CEDEAO, 24 juillet 1993, art. 6 et 15.
* 145 Protocole A/P.1/7/91
relatif à la Cour de justice de la CEDEAO, 6 juillet 1991.
* 146 Supplementary
Protocol A/SP.1/01/05 amending the Preamble and articles 1, 2, 9 et 30 of
Protocol A/P.1/7/91 Relating to the Community Court of Justice and Article 4,
§ 1, of the English version of the said Protocol.
* 147 Supplementary
Protocol A/SP.1/01/05, art. 4, d). V. not. MCALLISTER J. R., « A New
International Human Rights Court for West Africa : the ECOWAS Community Court
of Justice », American Journal of International Law, vol. 107,
n° 4, 2013, pp. 737-779 ; ADJOLOHOUN H. S, « The ECOWAS Court as a
Human Rights Promotor ? Assessing Five Years' Impact of the Koraou Slavery
Judgment », Netherlands Quarterly of Human Rights, vol. 31,
n° 3, 2013, pp. 342-371 ; EBOBRAH S. T., « A Rights-Protection
Goldmine or a Waiting Volcanic Eruption ? Competence of, and Access to, the
Human Rights Jurisdiction of the ECOWAS Community Court of Justice »,
African Human Rights Law Journal, vol. 7, n° 2, 2007, pp.
307-329.
* 148 Voir infra
l'analyse des conditions de recevabilité structurant l'accès
de l'individu à la Cour africaine.
* 149 Protocole A/P.1/7/91
relatif à la Cour de justice de la CEDEAO, tel que révisé
par le Protocole supplémentaire, art. 10.
* 150Sur l'application des
dispositions de la Charte, voir ZAKRI (B. E.), « L'application de la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dans les Etats d'Afrique
noire francophone », Université Catholique de
l'Afrique de l'Ouest- Unité Universitaire d'Abidjan
(UCAO-UUA), Master 2 Recherche Droit public fondamental, 2014, 76
p.
* 151 Certes, la CEDEAO
affirme l'intégration de la Charte africaine dans le droit qu'elle
applique (et ce d'autant que tous les États membres de la CEDEAO ont
aussi ratifié la Charte africaine), mais elle affirme également
l'autonomie de la CJCEDEAO dans les modalités d'utilisation (partie I de
la Charte), qu'elle distingue des principes fondamentaux (partie II de la
Charte). Voir infra, nos développements sur la question.
* 152 D'ALLIVY KELLY (D.),
« Le juge africain est entré dans l'Histoire (Cour de justice de
la CEDEAO, 27 octobre 2008, Hadijatou Mani Koraou c/ Niger) »,
publié le 10 mai 2009, pp. 6-7.
* 153Cet article dispose en
effet que les communications visées à l'article 55 reçues
à la Commission et relatives aux droits de l'homme et des peuples
doivent nécessairement, pour être examinées, remplir les
conditions ci-après : « Ne pas concerner des cas qui ont
été réglés conformément soit aux principes
de la Charte des Nations Unies, soit de la Charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine et soit des dispositions de la présente
Charte ».
* 154 Cette affaire
concernant Hadijatou Mani Koraou c/ Niger a été abondamment
analysée dans cette étude, notamment pour avoir été
à l'origine de la propulsion de la CJ CEDEAO en matière de droits
de l'homme.
* 155Aux termes des
dispositions de ces articles : art. 6 : « Tout individu a
droit à la liberté et à la sécurité de sa
personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour
des motifs et dans des conditions préalablement déterminés
par la loi; en particulier nul ne peut être arrêté ou
détenu arbitrairement » ; art. 7 : al. 1.
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce
droit comprend:
a. le droit de saisir les juridictions nationales
compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont
reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et
coutumes en vigueur;
b. le droit à la présomption d'innocence,
jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie par une
juridiction compétente;
c. le droit à la défense, y compris celui de se
faire assister par un défenseur de son choix;
d. le droit d'être jugé dans un délai
raisonnable par une juridiction impartiale ».
al. 2. « Nul ne peut être condamné pour
une action ou une omission qui ne constituait pas, au moment où elle a
eu lieu, une infraction légalement punissable. Aucune peine ne peut
être infligée si elle n'a pas été prévue au
moment où l'infraction a été commise. La peine est
personnelle et ne peut frapper que le délinquant ».
* 156 Il faut noter que la
CJ CEDEAO n'a pas ses propres instruments juridiques de protections des droits
de l'homme. Cette question sera abordée dans nos développements
à suivre.
* 157 CJ CEDEAO, Affaire
Dame Hadijatou Mani Koraou c/ la République du Niger du 27 octobre
2008.
* 158 Sur la question de
l'épuisement des voies de recours internes, voir nos
développementsinfra.
* 159 Cet article dispose
en effet que « Les communications visées à
l'article 55 reçues à la Commission et relatives aux droits de
l'homme et des peuples doivent nécessairement, pour être
examinées, remplir les conditions ci-après:
1. Indiquer l'identité de leur auteur même si
celui-ci demande à la Commission de garder l'anonymat;
2. Etre compatibles avec la Charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine ou avec la présente Charte;
3. Ne pas contenir des termes outrageants ou insultants
à l'égard de l'Etat mis en cause, de ses institutions ou de
l'OUA;
4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des
nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse;
5. Etre postérieures à l'épuisement
des recours internes s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifeste
à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d'une
façon anormale;
6. Etre introduites dans un délai raisonnable
courant depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date
retenue par la Commission comme faisant commencer à courir le
délai de sa propre saisine;
7. Ne pas concerner des cas qui ont été
réglés conformément soit aux principes de la Charte des
Nations Unies, soit de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine
et soit des dispositions de la présente Charte ».
* 160 Pour plus de
développement à ce propos, voir ZAKRI (B. E.)
« L'application de la charte africaine des droits de l'homme et des
peuples dans les Etats d'Afrique noire francophone », Mémoire
en vue de l'obtention du diplôme de master droit public fondamental,
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest- Unité
Universitaire d'Abidjan (UCAO-UUA), 2014, 76 p.
* 161 Voir utilement GNANDE
(J.), « La protection des droits de l'homme au plan
sous-régional : une volonté affichée par la
CEDEAO », éd. Cacit, 2016.
* 162 Cour ADHP,
affaire Frank David Omary et autres c. Tanzanie, requête n°
001/2012, arrêt du 28 mars 2014, par. 91-94, spéc. par. 93.
* 163 Cour ADHP,
affaire Mohamed Abubakari c. Tanzanie, requête n° 007/2013,
arrêt au fond du 3 juin 2016, par. 50.
* 164 Voir l'approche
similaire retenue par la Commission : Communication 13/88, Affaire Hadjali
Mohamad c. Algérie, 27 avril 1994, 7e rapport annuel
d'activités (1993-1994), Recueil africain des décisions des
droits humains, 2000, p. 17, par. 2.
* 165 Commission ADHP,
Communication 1/88, Affaire Frederick Korvah c. Liberia, 4e session
ordinaire, octobre 1988, 7e Rapport annuel d'activités (1993-1994),
Recueil africain des décisions des droits humains, 2000, p. 138
; Communication 63/92, Congress for the Second Republic of Malawi c.
Malawi, 7e rapport annuel d'activités (1993-1994), Recueil
africain des décisions des droits humains, 2000, p. 141.
* 166 Commission ADHP,
Communication 13/88, Affaire Hadjali Mohamad c. Algérie,
préc., par. 2.
* 167 Commission ADHP,
Communications 104/93, Affaire Centre pour l'Indépendance des
Magistrats et des Avocats c. Algérie, 7e Rapport annuel
d'activités (1993-1994), Recueil africain des décisions des
droits humains, 2000, p. 17 ; Communications 109-126/93, Affaire
Centre pour l'Indépendance des Magistrats et des Avocats c.
Algérie, 8e rapport annuel d'activités, Recueil africain
des décisions des droits humains, 2000, pp. 18-19, par. 2-6.
* 168 Règlement
intérieur de la Commission africaine, art. 93, 2), j).
* 169 Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, art. 35, 2), b) : « La Cour ne retient aucune
requête individuelle introduite en application de l'article 34, lorsque
(...) elle est essentiellement la même qu'une requête
précédemment examinée par la Cour ou déjà
soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de
règlement, et si elle ne contient pas de faits
nouveaux ».
* 170 Convention
américaine relative aux droits de l'homme, art. 46, 1), c) :
« La Commission ne retient une pétition ou communication
présentées conformément aux articles 44 ou 45 que sous les
conditions suivantes, à savoir (...) que l'objet de la pétition
ou communication ne soit pas en cours d'examen devant une autre instance
internationale ».
* 171 Voir, par exemple,
pour le Comité des droits de l'homme : Protocole facultatif se
rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16
décembre 1966, art. 5, 2), a). La condition de non-examen par
un autre organe ou mécanisme international d'enquête ou de
règlement ne constitue pas une condition de recevabilité des
communications individuelles portées devant le Comité pour
l'élimination de la discrimination raciale : ni la Convention
internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale du 21 décembre 1965, ni l'article 91 du Règlement
intérieur du Comité qui établit les critères de
recevabilité n'y font référence.
* 172 Règlement
intérieur intérimaire de la Cour, art. 40, 7) : « Ne pas
concerner des cas qui ont été réglés
conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de
l'Acte constitutif de l'Union africaine et soit des dispositions de la Charte
ou de tout autre instrument juridique de l'Union africaine ».
* 173 Pour
déterminer si elle a compétence pour statuer au titre de cette
disposition de la Convention, la Cour européenne doit décider si
l'affaire dont elle est saisie est essentiellement la même qu'une
requête déjà soumise en parallèle à une autre
instance et, si oui, si celle-ci peut passer pour « une autre instance
internationale d'enquête ou de règlement » au sens de
l'article 35 par. 2 b) de la Convention. Pour un exemple d'application, voir
prioritairement Cour EDH, Affaire OAO Neftyanaya Kompaniya Yukos c.
Russie, arrêt (au principal) du 20 septembre 2011, par. 517-526,
spéc. par. 523-525 (conflit CPA / Cour EDH).
* 174 Le Statut de la
future Cour arabe des droits de l'homme tient compte de l'existence de la Cour
africaine (et de son évolution institutionnelle) : son article 18, par.
2 dispose à cet effet que la requête sera irrecevable lorsque
celle-ci aura déjà été portée
« pour une même affaire devant une autre Cour
régionale des droits de l'homme ».
* 175 Voir parmi de
nombreux exemples, Commission ADHP, Communication 259/2002, Affaire Groupe
de Travail sur les Dossiers Judiciaires Stratégiques c.
République Démocratique du Congo, 14e session
extraordinaire, 20-24 juillet 2013, décision du 10 mars 2015, p. 40 : la
fourniture d'extraits des jugements pertinents suffit à remplir la
condition fixée par l'article 56, 4) de la Charte.
* 176 Cour ADHP,
Affaire Frank David Omary et autres c. Tanzanie, requête n°
001/2012, arrêt du 28 mars 2014, par. 95-97.
* 177 Commission ADHP,
Communications 147/95 et 149/96, Affaire Sir Dawda K. Jawara c.
Gambie, 27e session ordinaire, 27 avril-11 mai 2000, 13e rapport annuel
d'activités, par. 23-27, pp. 101-102. La jurisprudence ultérieure
de la Commission a confirmé l'interprétation souple de cette
condition de recevabilité : Communication 307/2005, M. Obert
Chinhamo v Zimbabwe, 42e session ordinaire, novembre 2007, 23e rapport
annuel d'activités, African Human Rights Law Reports, 2007,
par. 50, p. 104 ; Communication 245/2002, Zimbabwe Human Rights NGO Forum
c. Zimbabwe, 39e session ordinaire, mai 2006, 21e rapport annuel
d'activités, Recueil africain des droits de l'homme, 2006, par.
43, p. 133.
* 178 Commission ADHP,
Communications 147/95 et 149/96, Affaire Sir Dawda K. Jawara c.
Gambie, 27e session ordinaire, 27 avril-11 mai 2000, 13e rapport annuel
d'activités, par. 23-27, pp. 101-102.
* 179 Nous évoquons
ici une seule exception valable parce que la seconde n'a, aujourd'hui, qu'une
portée historique. En effet, durant la phase transitoire où le
Protocole était entré en vigueur mais la juridiction
n'était pas encore pleinement opérationnelle, la Cour
décida que le délai de saisine devait commencer à courir
à compter de l'adoption de son règlement intérieur (le 20
juin 2008) et non pas à partir de l'épuisement des recours
internes. C'est ainsi que dans l'affaire des Ayants droit de feu Norbert
Zongo et al, les juges estimèrent qu'une interprétation
raisonnable et de bonne foi devait conduire à apprécier la
question du délai raisonnable à partir du 20 juin 2008 au lieu du
22 août 2006 (date correspondant au premier jour franc à compter
de l'épuisement des recours internes).
* 180Si la
déclaration a été déposée avant que
le requérant n'a épuisé les recours internes pertinents,
le délai de saisine commencera à courir à compter du
premierjour franc suivant la date d'épuisement des recours
internes. Rien ne change dans ce cas, le principe s'applique.En revanche,
si la déclaration a été déposée
après que le requérant a épuisé les
recours internes pertinents, le délai de saisine commencera à
courir à compter de la date du dépôt de la
déclaration, et non à compter de celle de la dernière
décision judiciaire rendue.
* 181 Cour ADHP,
Affaire Alex Thomas c. Tanzanie, requête n° 005/2013,
arrêt au fond du 20 novembre 2015, par. 73.
* 182 Il faut noter que
l'épuisement des voies de recours internes exclut les recours
extrajudiciaires. Voir nos développementsinfra.
* 183 Cour EDH, Rezgui
c. France, décision sur la recevabilité, requête
n° 49859/99, p. 3.
* 184 Voir
supranos développements sur les dérogations au principe
de l'épuisement des voies de recours internes.
* 185 Cour ADHP, Ayants
droit de feu Norbert Zongo, préc., arrêt sur les exceptions
préliminaires du 21 juin 2013, par. 116.
* 186Ibid., par.
118. Dans cette affaire, les parties ont indiqué que le délai de
pourvoi en cassation était de cinq jours francs depuis le
prononcé de l'arrêt objet du recours. Comme l'arrêt en
question a été prononcé le 16 août 2006, ce
délai aurait expiré le 21 août 2006, et la date de
départ du délai de saisine de la Cour africaine serait en
conséquence le 22 août 2006.
* 187 CORTEN (O.),
L'utilisation du « raisonnable » par le juge international :
discours juridique, raison et contradictions, Bruylant, 1997, 696 p.
* 188 Cette expression
signifie littéralement la date de départ du délai de
saisine.
* 189 Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, art. 35 ; Convention interaméricaine des droits de
l'homme, art. 46.
* 190 Cour ADHP,
Wilfred Onyango et al. c. Tanzanie, requête n° 006/2013,
arrêt au fond du 18 mars 2016, par. 97-102 : un délai de quatre
mois pour introduire la requête est considéré comme
raisonnable.
* 191 Cour ADHP, Ayants
droit de feu Norbert Zongo, préc., arrêt sur les exceptions
préliminaires du 21 juin 2013.
* 192 Cour ADHP,
Affaire Mohamed Abubakari c. Tanzanie, préc., par. 92
; La jurisprudence de la Cour ne s'éloigne ainsi pas de celle de la
Commission. Voir notamment, Communication 307/2005, Affaire M. Obert
Chinhamo c. Zimbabwe, 42e session ordinaire, 23e rapport annuel
d'activités, 15-28 novembre 2007.
* 193 Cour ADHP,
Affaire Tanganyika Law Society, The Legal and Human Rights Centre,
Révérend Christopher R. Mtikila c. République de
Tanzanie, requêtes n° 009/2011 et n° 011/2011, arrêt
au fond du 14 juin 2013, par. 83.
* 194Ibid., par.
74.
* 195 Cour ADHP,
Affaire Mohamed Abubakari c. Tanzanie, op. cit., par.
78-93.
* 196 KAMTO (M.), «
Charte africaine, instruments internationaux de protection des droits de
l'homme, constitutions nationales : articulations respectives », in
FLAUSS (J.-F.), LAMBERT-ABDELGAWAD (E.) (dir.), L'application
nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
Bruylant, 2004, pp. 11-47 ; pour une approche globale ; voir
également LAGRANGE (E.), « L'efficacité des normes
internationales concernant la situation des personnes privées dans les
ordres juridiques internes », RCADI, vol. 356, 2011, pp. 243-552.
* 197 Commission ADHP,
Communications 25/89, 47/90, 56/91, 100/93, Free Legal Assistance Group,
Lawyers Committee for Human Rights, Union Interafricaine des Droits de l'Homme,
Les Témoins de Jéhovah c. Zaïre, 9e rapport annuel
d'activités, Recueil africain des décisions des droits
humains, 2000, par. 45, pp. 303-304 : l'épuisement des recours
internes a une finalité procédurale, « fondé(e)
sur le principe qu'un gouvernement devrait être informé des
violations des droits de l'homme afin d'avoir l'opportunité d'y
remédier avant d'être appelé devant une instance
internationale ».
* 198 Commission ADHP,
Communication 299/05, Anuak Justice Council c. Ethiopie, 39e session
ordinaire, mai 2006, 20e rapport annuel d'activités, African Human
Rights Law Reports, 2006, par. 50, p. 106.
* 199 Commission ADHP,
Communication 304/2005, FIDH, Organisation nationale des droits de l'homme
(ONDH) et Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme
(RADDHO) c. Sénégal, 40e session ordinaire, novembre 2006,
21e rapport annuel d'activités, African Human Rights Law
Reports, 2006, par. 44, p. 127.
* 200 Cour ADHP,
Mohamed Abubakari c. Tanzanie, préc., par. 72 ;
Tanganyika Law Society, The Legal and Human Rights Centre,
Révérend Christopher R. Mtikila c. République de
Tanzanie, requêtes n° 009/2011 et n° 011/2011, arrêt
au fond du 14 juin 2013 : la Cour fait notamment référence
à la jurisprudence de la Commission (Communications n° 147/95 et
147/96, Sir Dawda Jawara c. Gambie) selon
laquelle « les recours doivent être disponibles,
efficaces et suffisants » ; Communication 221/98, Cudjoe c.
Ghana (sur la notion de recours internes qui vise les recours
judiciaires). La Cour fait également référence à la
jurisprudence de la Commission interaméricaine (Commission IADH,
Velasquez-Rodriguez c. Honduras, 29 juillet 1998, Série C,
n° 4, p. 64 : sur le caractère adéquat des recours internes,
ces derniers ne devant pas être épuisés en cas contraire)
ainsi qu'à la Cour européenne (Cour EDH, Akdivar et autres c.
Turquie, requête n° 21893/93, 16 septembre 1996, § 66 :
sur la notion de recours disponible et suffisant devant permettre à
l'individu d'obtenir réparation des violations qu'il allègue).
Pour plus d'éclairage sur l'ensemble de la jurisprudence de la
Commission, voir ONORIA (H.), «The African Commission on Human and
People's Rights and the exhaustion of local remedies under the African Charter
», African Human Rights Law Journal, vol. 3, n° 1, 2003, pp.
1-24.
* 201 C'est le cas du
recours en révision prévu par le droit tanzanien, qui doit
être porté devant le même juge interne que celui qui a rendu
la décision contestée, qui est tranché par les mêmes
juges et qui ne peut être intenté que dans des cas limitatifs :
Cour ADHP, Alex Thomas c. Tanzanie, requête n° 005/2013,
arrêt au fond du 20 novembre 2015, par. 64 : « The Court is
persuaded by the reasoning of the African Commission in Southern African
Human Rights NGO Network v. Tanzania, where it stated that the remedies
that need to be exhausted are ordinary remedies ». La solution a
été reconduite à l'identique dans Cour ADHP, Wilfred
Onyango et al. c. Tanzanie, requête n° 006/2013, arrêt au
fond du 18 mars 2016, § 95 ainsi que dans Cour AfDHP, Mohamed
Abubakari c. Tanzanie, préc. par. 71-73. Pour un
parallèle, voir l'interprétation de la Commission de ce recours :
Commission ADHP, Communication 243/2001, Women's Legal Aid Center (on
behalf of Sophia Moto) c. Tanzanie, 36e session ordinaire, Recueil
africain des décisions des droits humains, 2004, par. 24-31,
pp. 83-84 et par. 47, p. 127.
* 202 Voir, par exemple,
Cour ADHP, Alex Thomas c. Tanzanie, requête n° 005/2013,
arrêt au fond du 20 novembre 2015, par. 64-65.
* 203 Article 8, 2), de la
Loi tanzanienne sur la mise en oeuvre des droits fondamentaux et des
devoirs.
* 204 Cour ADHP,
Mohamed Abubakari c. Tanzanie, préc., par. 68-70.
* 205 Règlement
intérieur de la Cour, art. 34, para. 4 : « La requête
doit indiquer la violation alléguée et comporter la preuve de
l'épuisement des voies de recours internes ou de leur prolongation
anormale, ainsi que les mesures attendues ou injonctions sollicitées
(...) ».
* 206 Cour ADHP, Peter
Joseph Chacha c. Tanzanie, requête 003/2012, arrêt du 28 mars
2014 (irrecevabilité de la requête faute d'épuisement des
recours internes au titre de l'article 56, 5) de la Charte), par. 129-144.
L'unité d'interprétation est assurée par un renvoi
à la jurisprudence de la Commission sur le sujet. La Cour cite les
communications 263/02, Kenyan Section of the International Commission of
Jurists, Law Society of Kenya and Kituo cha Seria c. Kenya, 18e rapport
annuel d'activités, juillet 2004 - décembre 2014, par. 41 et
surtout 299/05, Anuak Justice Council c. Ethiopie, 20e rapport annuel
d'activités, janvier 2006-juin 2006, par. 54.
* 207 Cour ADHP, Peter
Joseph Chacha c. Tanzanie, préc., opinion dissidente du
juge F. OUGUERGOUZ, par. 18-32 et par. 52-75.
* 208 Voir utilement les
critiques du juge Ouguergouz : le requérant « détenu,
indigent, vraisemblablement analphabète et sans être
assisté d'un avocat, a fait tout ce que l'on pouvait raisonnablement
attendre de lui pour épuiser les voies de recours internes de l'Etat
défendeur » : Ibid., par. 54. Voir dans le même
sens, l'opinion dissidente commune aux juges Sophia A. B. AKUFFO, Elsie N.
THOMPSON et Ben KIOKO, par. 1-22.
* 209 D'abord, il n'est pas
nécessaire que le droit consacré par la Charte ou par tout autre
instrument entrant dans la compétence matérielle de la Cour soit
explicitement invoqué dans la procédure interne. Le
requérant peut donc soulever des moyens d'effet équivalent ou
similaire fondés sur le droit interne, pour autant que le grief soit
soulevé en substance. Ensuite, l'identité des arguments
soulevés devant le juge interne et la Cour doit être
assurée, mais n'a pas à être parfaite. Pour plus
d'éclaircissements, voir Cour ADHP, affaire Mohamed Abubakari c.
Tanzanie, préc., par. 75-76.
* 210 En effet, le
requérant avait d'abord saisi la Commission, qui avait conclu à
la recevabilité de la requête, avant de retirer sa plainte et de
saisir la Cour. Lors des débats, le Malawi avait reconnu que le
requérant avait épuisé les recours internes, la Commission
concluant immédiatement à la satisfaction de cette condition de
recevabilité. Une fois la plainte retirée et la Cour saisie,
l'Etat défendeur ne souleva plus d'exception d'irrecevabilité en
ce sens. La requête sera pourtant déclarée irrecevable,
faute d'épuisementdes voies de recours internes. Voir Commission ADHP,
Communication n° 357/2008, Urban Mkandawire c. République du
Malawi, par. 102.
* 211 Cour ADHP, Urban
Mkandawire c. République du Malawi, préc., par. 37.
* 212 Cour EDH, De
Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, arrêt du 18 juin 1971,
par. 55 : « En outre, rien n'empêche les Etats de
renoncer au bénéfice de la règle de l'épuisement
des voies de recours internes, qui a pour but essentiel de protéger leur
ordre juridique national. Il existe à ce sujet une longue pratique
internationale à laquelle la Convention n'a sûrement pas entendu
déroger car elle se réfère, en son article 26, aux
principes de droit international généralement reconnus. Si
pareille renonciation intervient devant la Commission, on n'imagine
guère que le gouvernement intéressé puisse la
rétracter à sa guise après la saisine de la
Cour ».
* 213 De l'aveu de la Cour,
« l'épuisement des recours internes est une règle
fondamentale dans les relations entre les Etats parties avec le Protocole et la
Charte, d'une part, et avec la Cour, d'autre part. Les Etats parties ratifient
le Protocole en tenant pour acquis que les recours internes doivent d'abord
être épuisés avant que la Cour ne soit saisie : la
déclaration prévue à l'article 34, 6) du Protocole est
également faite sur cette base ». Voir Cour ADHP,
Urban Mkandawire c. République du Malawi, préc., §
37 ; voir également sur ce point les critiques formulées
dans l'opinion dissidente commune des juges G. NIYUNGEKO et E. H. GUISSE, para.
11-15.
* 214 Cour de Justice de la
CEDEAO, Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger,
requête n° ECW/CCJ/APP/0808, arrêt ECW/CCJ/JUD/06/08, 27
octobre 2008, African Human Rights Law Reports, 2008, pp. 186-188,
par. 36-45.
* 215 L'article 4, g), du
Traité révisé fait ainsi obligation aux Etats membres de
respecter, promouvoir et protéger les droits de l'homme et des peuples
conformément aux dispositions de la Charte africaine lorsqu'ils mettent
en oeuvre les buts et objectifs économiques fixés par l'article 3
du traité.
* 216 Cour de Justice de la
CEDEAO, Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger,
préc., p. 187, par. 40.
* 217 Cour de Justice de la
CEDEAO, Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger,
préc., p. 187, par. 40.
* 218 Cité par le
juge de la CEDEAO dans l'arrêt, Dame Hadjijatou Mani Koraou c/ la
République du Niger.
* 219 Les langues de
certains Etats membres de l'organisation s'étaient déliées
pour exiger l'épuisement préalable des voies de recours internes
avant la saisine de la Cour et la soumission des décisions de celle-ci
à une procédure d'appel (une demande avait été
introduite par la Gambie au niveau des instances communautaires). La riposte
n'avait pas tardé puisque des organisations non gouvernementales et des
citoyens ouest africains avaient saisi la Cour en 2009 aux fins de
déclarer illégales et contraires aux principes de la CEDEAO les
demandes introduites par la Gambie.
* 220 Confer article 34 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales qui dispose que « La Cour peut
être saisie d'une requête par toute personne physique, toute
organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se
prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties
contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles
(...) ».
* 221 Devant la Cour
européenne, la représentation des requérants est
subordonnée à la signature d'un pourvoi écrit (art. 45
par. 3 du Règlement de la Cour). Les représentants doivent
démontrer avoir reçu des instructions précises et
explicites de la part de la personne qui se prétend victime et au nom de
laquelle ils entendent agir devant la Cour : Cour EDH, Post c. Pays-Bas,
décision du 20 janvier 2009, requête n° 21727/08.
* 222 La règle vaut
également devant la Commission : voir Communication 31/89, Maria
Baes c. Zaïre, 8e rapport annuel d'activités, Recueil
africain des décisions des droits humains, 2000, p. 297 et s. :
communication introduite par une ressortissante danoise pour le compte de son
collègue universitaire, détenu pour ses motivations
politiques.
* 223 Règlement
intérieur intérimaire de la Cour ADHP, 20 juin 2008, art. 28.
* 224 Règlement
intérieur intérimaire de la Cour ADHP, 20 juin 2008, art. 34,
§ 2.
* 225 La question ne s'est
pas encore posée devant la Cour, à la différence de la
Commission africaine. V., par exemple, Communication 266/03, Kevin Mgwanga
Gunme et al c. Cameroun, 45e session ordinaire, mai 2009, 26e rapport annuel
d'activités, African Human Rights Law Reports, 2009, p. 9 et s.
* 226 Commission ADHP,
Communication 75/92, Congrès du peuple Katangais c. Zaïre, 8e
rapport annuel d'activités, Recueil africain des décisions des
droits humains, 2000, p. 298 et s.
* 227 Statut de la Cour
africaine de justice et des droits de l'homme, art. 30. f) : («
Autres entités admises à ester devant la Cour »).
* 228 Voir ISAAC (G.)
Droit communautaire général, Paris, Armand Colin,
5ème édition, 1997, pp.256-257 ; MOUTON (J. D.)
et SOULARD (C.), La CJCE, Paris, PUF, Que sais-je ?,1998,
pp32-33 ; MANIN (P.), Les communautés européennes,
Paris, Pedone, Etudes internationales, N° 6, 5ème
édition, 1999, pp.379-385 ; CEREXHE (E.), Le Droit européen.
Les objectifs des institutions, Bruxelles, Bruylant, Nauwelaerts,
1989, pp.200-201.
* 229 MANIN (Ph), Les
communautés européennes, Op. Cit. p.379.
* 230Cela répond au
principe de droit commun « pas d'intérêt, pas
d'action ». Ce principe veut en effet que celui qui intente une
action en justice ait un intérêt à agir.
* 231 Protocole additionnel
A/SP.01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P.1/7/91 du 06
juillet 1991 relatif à la Cour.
* 232 CJ CEDEAO,
affaire Hissène Habré c .Etat du Sénégal,
18 novembre 2010.
* 233 Est
considéré comme citoyen de la communauté d'après le
protocole du 29 mai 1982 portant code de citoyenneté de la
Communauté : « toute personne qui, par la descendance, a la
nationalité d'un Etat membre et qui ne jouit pas de la
nationalité d'un Etat non membre de la communauté ».
* 234 CJ CEDEAO,
affaire Hon. Dr. UGOGWE C. République fédérale du
Nigeria, 7 octobre 2007, par. 32.
* 235 CJ CEDEAO,
affaire Hissène Habré c/ République du
Sénégal, 18 novembre 2010.
* 236 C'est en effet un
truisme de rappeler qu'une loi se caractérise par la
généralité et l'impersonnalité.
* 237 Voir SUDRE (F.),
Droit international et européen des droits de l'homme,
10ème édition, PUF, 2006, p. 300.
* 238 CJ CEDEAO,
Aff.Hadijatou Mani Koraou c/ Rép. Niger, 27 octobre 2008.
* 239 Ce sont les Etats qui
décident de souscrire ou non à la déclaration
d'acceptation de juridiction obligatoire des Cours de protection des droits de
l'homme. La déclaration facultative, révolue du système
européen, est toujours le vestige puissant des souverainetés
américaines et africaines. Des citoyens africains ne tardent pas
à la qualifier de contraire aux droits que la Cour est appelée
à protéger.
* 240 ARDANT (Ph.), «
Les problèmes posés par les droits fondamentaux dans les Etats en
voie de développement », Collection de droit public dirigé
par FAVOREU (L.), Droit constitutionnel et droits de l'homme,
Economica, 1987, 511 p
* 241 LAQUEUR (W.) et RUBIN
(B.), Anthologie des Droits de l'Homme, Editions Nouveaux horizons,
1998, p.2.
* 242 BAKER DJOUMESSI
KENFACK (S.), « L'application de la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples par les juridictions sous-régionales :
regards croisés sur les affaires Koraou C. République du Niger et
Hissène Habré C. République du Sénégal
devant la Cour de justice de la CEDEAO », Institut des relations
internationales du Cameroun.
* 243 EBOBRAH (S.), «
L'application de la Charte africaine par les organisations africaines
sous-régionales : des gains, des peines et le futur », Thème
exposé en marge de la conférence 30 ans de la Charte africaine
des droits de l'homme et des peuples, Faculté de Droit,
Université de Pretoria, 11 juillet 2011.
* 244 Cette conception est
inspirée du processus d'autonomisation et de développement des
juridictions régionales et sous régionales. Pour plus de
détail sur cette question, voir LARSEN (L. B.), « Le fait
régional dans la juridictionnalisation du droit international »,
Colloque de Lille, SFDI, La juridictionnalisation du droit
international, Pedone, 2003, pp.203-264.
* 245 Jules FERRY dans des
propos iniques affirment que « les droits de l'homme ne sont pas faits
pour les Nègres » (cité par Edem KODJO,...Et
demain L'Afrique, Stock 1985, p.168). Et Koffi Annan renchérit,
oublie-t-il que « les droits de l'homme ne sont étrangers
à aucune culture; ils appartiennent à tous les pays; ils sont
universels », Kofi A. Annan, ancien Secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies. Allocution
prononcée à l'Université de Téhéran le 10
décembre 1997, à l'occasion de la Journée des droits de
l'homme.
* 246 Il s'agit notamment
des droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels,
droit des peuples.
* 247 CASSIN (R.), «
L'homme sujet de droit international et la protection universelle de l'homme
», Mélanges Georges Scelle, La technique et les principes du droit
public, L.G.D.J., 1950, T. 1, p. 77.
* 248 BIDEGARAY (C.),
« La définition constitutionnelle des droits et
libertés en France » in FAVOREUX (L.) (dir.),
Droit constitutionnel et Droits de l'Homme, Economica, 1987, p. 14-38.
* 249Voir notamment le
préambule de la Constitution béninoise du 11 décembre
1990.
* 250 Un requérant
peut ainsi saisir la Cour de justice communautaire en invoquant la violation
des dispositions d'une convention ratifiée par l'Etat en cause qui
garantit un éventail de droits plus étoffé que ceux
visés dans ces instruments.
* 251 Affaire Hadijatou
Mani Koraou c/ Rép. Niger, 27 octobre 2008.
* 252 Il faut noter que la
CJ CEDEAO a fait référence à cette convention dans sa
décision du 16 novembre 2010, dans l'affaire Musa Saidykhan, c.
République de Gambie.
* 253 GONIDEC (P-F.),
« Un espoir pour l'homme et les peuples africains ? La Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples », Le Mois en Afrique,
juin-juillet 1983, p. 23.
* 254 FALL (A. B.),
« La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre
universalisme et régionalisme », Pouvoirs
n°129/2 avril 2009 p.77-100.
* 255MBAYE (K.), Les
droits de l'homme en Afrique, 2e édition, Paris, Pedone,
2002.
* 256 CJ CEDEAO, Aff. Hon.
Dr. Jerry Ukogwe c. République fédérale du Nigéria
du 7 octobre 2005, (par.29).
* 257 CJ CEDEAO, Aff. Chief
Ebrimah Manneh c/ République de Gambie 5 juin 2008.
* 258 L'expression est de
LARSEN (L. B.), « Le fait régional dans la juridictionnalisation du
droit international », Colloque de Lille, SFDI, La
juridictionnalisation du droit international, Pedone, 2003, pp.203-264.
* 259 La Charte africaine
des droits de l'homme et des Peuples du 27 juin 1981 n'avait pas
institué de juridiction ; elle s'est contentée de prévoir
une simple Commission africaine des droits de l'homme. Les Etats africains
soucieux d'améliorer le système régional de protection des
droits de l'homme ont signé le 9 juin 1998 le Protocole de Ouagadougou
créant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui est
entré en vigueur le 25 janvier 2004.
* 260 La Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH) a été
fondée en 1959 dans le but d'appliquer la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le
modèle européen du fait de son originalité est
considéré comme « le plus achevé ». Voir
à ce propos SUDRE (F.), Droit international et européen des
droits de l'homme, 7ème éd., PUF, coll. Droit fondamental, 2005,
n° 289, p. 531.
* 261 Le continent
américain a précédé l'Europe dans la reconnaissance
des droits de l'homme grâce à la Charte constitutive de
l'Organisation des États Américains du 30 avril 1948, en
revanche, il faut attendre la convention du 22 novembre 1969 pour instituer une
Cour interaméricaine habilitée à recevoir les
requêtes des personnes pour violation des droits de l'homme. Cette Cour
n'est entrée en fonction qu'en 1978.
* 262 Voir infra,
l'autonomie de la Cour dans l'application des modalités de la Charte.
* 263 UDOMBANA (N. J.),
« Towards the African Court on Human and Peoples' Rights: Better Late Than
Never », 2000, 3 Yale Hum. Rights Dev. Law J., p. 90; ENO (R.),
« The jurisdiction of the African court of human and peoples' rights
», (2002) 2-2 Afr. Hum. Rights Law J., p. 226.
* 264 PROTOCOLE DE LA COUR
AFRICAINE, « Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples », disponible sur le site :
<http://www.achpr.org/fr/instruments/court-establishment/>
(consulté le 6 janvier 2017).
* 265 UDOMBANA (N. J.),
« An African human rights court and an African union court: a needful
duality or a needless duplication? », (2003) 28-3 Brooklyn J. Int.
Law, p. 842.
* 266 Confer articles 60 et
61 de la Charte de Banjul.
* 267 DIOP (A-K.), «
La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples Ou le Miroir Stendhalien
du Système Africain de Protection des Droits de l'Homme », Cah.
Droit, 2014, p. 536.
* 268 UDOMBANA (N. J.), op.
cit., p. 90 ; voir également ENO (R.), op. cit., note 18, 227.
* 269Idem.
* 270 VAN DER MEI (A. P.),
« The New African Court on Human and Peoples Rights: Towards an Effective
Human Rights Protection Mechanism for Africa? », (2005) 18-1 Leiden J.
Int. Law, pp. 113-129.
* 271 Voir entre autres
YERIMA (S. S. Z.), « La Cour et la Commission africaines des droits
de l'homme et des peuples: noces constructives ou cohabitation
ombrageuse? », Annuaire Africain des Droits de l'Homme,
2017, pp. 357-385, disponible sur le site :
http://doi.org/10.29053/2523-1367/2017/v1n1a17.
* 272 ENO (R.), op. cit.,
p. 229.
* 273 Par exemple, la
Charte africaine ne contient aucune référence aux
élections, et ce à la différence de la Déclaration
universelle des droits de l'homme (article 21) et de la Convention
européenne (article 3 du Protocole additionnel) où le droit
à des élections libres est mentionné explicitement. La
Déclaration américaine considère la participation aux
élections non seulement comme un droit, mais aussi comme un devoir des
citoyens (articles X et XXII). Voir Charte africaine, « Charte africaine
des droits de l'homme et des peuples / Instruments juridiques / CADHP »,
disponible sur le site : <http://www.achpr.org/fr/instruments/achpr/>
(consulté le 14 septembre 2018).
* 274
QUILLERÉ-MAJZOUB (F.), « L'option juridictionnelle de la protection
des droits de l'homme en Afrique », 2000-44 Rev. Trimest. Droits
Homme, 2002, pp. 729-786, spé. p. 760.
* 275 DIOP (A-K.), op.
cit., p. 535.
* 276 ATANGANA-AMOUGOU (J.
L.), « La Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples », Droits fondamentaux, N° 1, juillet -
décembre 2001, p.91.
* 277 Article 45 de la
Charte africaine.
* 278 FIDH, La Cour
africaine des droits de l'Homme et des peuples. Vers la Cour africaine de
justice et des droits de l'homme, 2010, p. 99.
* 279 Très suggestif
est également le préambule du Protocole de la CADHP qui affirme
que la Cour est créée pour « compléter et
renforcer la mission de la Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples ».
* 280 DELAS (O.), NTAGANDA
(E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de
l'homme ? » op.cit., p.117.
* 281 DELAS (O.), NTAGANDA
(E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de
l'homme ? » op.cit., p.117.
* 282 Article 5, par. 1 du
Protocole CADHP.
* 283 Article 6, par. 1 du
Protocole CADHP.
* 284 Article 33 Protocole
CADHP.
* 285 MBAYE
(K.), Les droits de l'homme en Afrique, op.cit.,
p.307.
* 286 Sur cette question,
voir KOWOUVIH (S.), « La Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples : une rectification institutionnelle du concept de
« spécificité africaine en matière de droits de
l'homme », op.cit., p.766 ; et DELAS (O.),
NTAGANDA (E.), « La création de la Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples : mécanisme efficace de protection des
droits de l'homme ? », op.cit., p.118.
* 287 VILJOEN (F.),
« A Human Rights Courts for Africa, and Africans », Brooklyn
Journal of International Law, 2004, p.11.
* 288 O'SHEA (A.),
« A critical reflection on the proposed African Court on Human and
People's Rights »,African Human Rights Law Journal, 2001,p.
285.
* 289 Confer Article 9 du
Protocole.
* 290 EBOBRAH (S. T.),
« Towards a positive application of complementarity in the African
human rights system », European Journal of International
Law, 2011,p. 676.
* 291 RUDMAN (A.),
« The Commission as a party before the Court - reflections on the
complementarity arrangement », Potchefstroom Electronic Law
Journal, 2016, p. 24.
* 292 ODINKALU (C. A.),
« From architecture to geometry: the relationship between the African
Commission on Human and Peoples Rights and organs of the African
Union », Human Rights Quarterly, 2013, p. 857.
* 293 ZIMMERMANN (A.) et
BÄUMLER (J.), « Current challenges facing the African Court on
Human and People's Rights », KAS International Reports,
2010, p.50.
* 294 ODINKALU (C. A.),
« From architecture to geometry: the relationship between the African
Commission on Human and Peoples Rights and organs of the African
Union », op. cit., p. 858.
* 295 ZIMMERMANN (A.) et
BÄUMLER (J.), « Current challenges facing the African Court on
Human and People's Rights », op. cit., p. 50.
* 296 Elle est
rattachée à une organisation régionale dont l'objectif
premier est l'intégration économique et à ce titre, elle
doit veiller à l'application et à l'interprétation des
normes communautaires.
* 297 Voir supra,
nos développements sur les contraintes normatives devant les
juridictions.
* 298Affaire Sieur Moussa
Léo Keita contre Etat du Mali.
* 299 Affaire Chief Frank
C. Ukor contre Sieur Rachad Laleye et le gouvernement de la République
du Bénin, 2 novembre 2007.
* 300 CJ CEDEAO, Aff. Hon.
Dr. Jerry Ugokwe c/ République Fédérale du Nigeria, 7
octobre 2005.
* 301 Dans l'arrêt du
12 octobre 2007, Sieur Moussa Léo Keita contre Etat du Mali, la Cour a
affirmé qu'elle « n'a pas compétence pour statuer sur
les décisions rendues par les juridictions des Etats membres
».
* 302 Dans l'affaire
Isabelle Manavi Ameganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011, le
juge communautaire est allé à contre-courant du juge
constitutionnel togolais en estimant que « les
députés n'ont jamais exprimé régulièrement
leur volonté de démissionner de l'Assemblée
nationale ».
* 303 ASCENSIO (H.), «
La notion de juridiction internationale en question », SFDI,
Colloque de Lille, La juridictionnalisation du droit international, Pedone,
2003, pp. 163-202.
* 304 Gérard
FIZTMAURE, dans son opinion dissidente sous l'arrêt Cour EDH du 21
février 1975, Golder c. Royaume Uni, a indiqué que la
démarche interprétative des organes de protection des droits de
l'homme repose sur ce postulat général.
* 305 BERCIS (P.), Guide
des droits de l'homme, la conquête des libertés, Hachette 1993,
p.110.
* 306 ASCENSIO (H.), «
La notion de juridiction internationale en question », op.cit., p. 163.
* 307 TOUZE (S.),
« Les techniques interprétatives des organes de protection des
droits de l'homme », R.G.D.I.P, 2011, p.517-532.
* 308Voir notamment les
directives interprétatives de la Convention de vienne de 1969.
* 309 Voir PECHEUL (A.),
Droit communautaire général, Ellipse, 2002, p.112.
* 310 CJCE, 21 septembre
1989, Hoescht.
* 311 CEDH, 30 mars 1989,
Chappell c/ Royaume Uni.
* 312 Au libéralisme
qui caractérise l'interprétation de l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme (protection de la vie privée et
familiale) effectuée par la Cour de Strasbourg, CEDH (Salgueiro da Silva
Mouta c. Portugal du 21 décembre 1999) sur le traitement de la question
de l'homosexualité, répond le conservatisme de la Cour de
Luxembourg (CJCE, Lisa Jacqueline Grant c/ South -West Trains Ltd, arrêt
du 17 février 1998).
* 313 On relèvera
à ce propos un passage intéressant dans l'arrêt Grant
contre South-West Trains Ltd du 17 février 1998 ; la Cour de justice des
Communautés européennes affirme ne pas être tenue de
s'aligner sur la signification que le Comité des Droits de l'Homme
semblait avoir reconnu à la notion de « discrimination
fondée sur le sexe » telle qu'elle figure aux articles 2 et 26 du
PIDCP. Selon la Cour de justice, « cet organe (le Comité
des Droits de l'Homme) qui n'est d'ailleurs pas une instance juridictionnelle,
et dont les constatations sont dépourvues de valeur juridique
contraignante s'est borné à faire une observation en ce sens sans
motivations particulières ».
* 314 KARAGIANNIS (S.),
« La multiplication des juridictions internationales, un
système anarchique ? » in La juridictionnalisation du droit
international, colloque de Lille, Paris, Pedone, 2003, pp. 8-161.
* 315 Rappelons à
cet effet que les requérants n'ont pas besoin d'épuiser les voies
de recours internes pour saisir la Cour. Voir nos développements
supra.
* 316 La Cour de justice de
la CEDEAO, a reçu entre 2005 et 2011, 81 requêtes avec 76
arrêts dont 46 qui concernent la violation des droits humains.
* 317 Voir à ce
propos KANE (Th.), La Cour de Justice de la CEDEAO à l'épreuve de
la protection des droits de l'homme, Université Gaston Berger de Saint-
Louis, Sénégal, Mémoire de Maîtrise en Sciences
Juridiques, 2012, 76 p.
* 318
Précédemment abordé dans la présente
étude.
* 319 Cela s'avère
d'autant plus nécessaire quand on sait combien les Etats d'Afrique en
général sont évasifs sur l'application des
décisions issues d'une juridiction notamment de protection des droits de
l'homme. Sur cette question, voir utilement BORSUS (H.), La place de l'individu
dans le système de la responsabilité internationale, Master de
spécialisation en droit international, UCL, 2016, 34 p.
* 320 La transition
démocratique est par définition le passage d'un régime
oligarchique à un autre plus libéral fondé sur des valeurs
démocratiques. Pour le professeur Théodore HOLO, la transition
démocratique est entendue comme un passage graduel d'un régime
autoritaire vers un ordre démocratique ; voir l'auteur «
Démocratie revitalisée ou démocratie
émasculée ? Les constitutions du renouveau démocratique
dans les États de l'espace francophone africain : régimes
juridiques et systèmes politiques », RBSJA n° 16, 2006, p. 18.
Voir également CONAC (G.), « Les processus de
démocratisation en Afrique », in CONAC (G.), (dir.), L'Afrique en
transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993 pp. 11-41 ;
FALL (I.), « Esquisse d'une théorie de la transition : du
monopartisme au multipartisme en Afrique », in CONAC (G.), (dir.),
L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., pp.
43-53 ; AMOR (A), « L'émergence démocratique dans les pays
du tiers monde : le cas des pays africains », in CONAC (G.), (dir.),
L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., pp. 55-58 ;
EDEM (K.) « Environnement international et Etat de droit : le cas de
l'Afrique », in CONAC (G.), (dir.), L'Afrique en transition vers le
pluralisme politique, op. cit., pp.83-87.
* 321 Voir à ce
propos OUEDRAOGO (Y.), « Retour sur une décision
controversée : l'arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO du 13
juillet 2015, CDP et autres c/ État du Burkina, Les Annales du
Droit, n°10, 2016, 37 p. Consulté le 04 décembre
2018.
* 322 Cette prudence est
probablement observée dans le but de ne pas froisser la
susceptibilité de ces Etats.
* 323 Elle agit ainsi,
contrairement à d'autres juridictions internationales ou au
Comité des droits de l'homme des Nations Unies.
* 324 CJ CEDEAO Isabelle
Manavi Ameganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011. La
décision est ainsi libellée dans son dispositif : par ces
motifs... ; Au fond, Dit qu'il y a violation par l'Etat du Togo du droit
fondamental des requérants à être entendus tel que
prévu aux articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. En
conséquence, ordonne à l'Etat du Togo de réparer la
violation des droits de l'homme des requérants et à payer
à chacun le montant de trois millions (3.000.000) Francs CFA.
* 325 CJ CEDEAO Isabelle
ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo 13 mars 2012.
* 326 Il s'agit là
de l'obligation de non-répétition de l'illicite. Voir BORSUS
(H.), La place de l'individu dans le système de la
responsabilité internationale, op. cit., 34 p.
* 327 Toutefois, il faut
saluer l'audace dont elle fait montre dans certaines décisions. On peut
à ce titre citer l'affaire Hissène Habré contre Etat du
Sénégal et Mamadou Tandja contre Etat du Niger et l'affaire Chief
Ebrimah Manneh.
* 328 Il s'agit de la
reforme intervenu en 2005 enjoignant à l'organe juridictionnel de
l'Organisation régionale une compétence explicite en
matière de protection des droits de l'homme.
* 329 Voir à cet
effet, KEUDJEU (J. R.), « L'effectivité de la protection des
droits fondamentaux en Afrique subsaharienne francophone », Revue
CAMES/SJP, n°001/2017, pp. 99-129.
* 330 C'est d'ailleurs une
démarche que la doctrine a qualifié de
« curieuse » ; voir à ce sujet TOUNKARA
(D.), «L'ordre public procédural ouest-africain : contribution
à la théorie du procès équitable en Afrique de
l'Ouest », pp. 27 et ss. ; Dieye (A.), « La Cour de
justice de la CEDEAO et les juridictions nationales des Etats membres. Quelles
relations ? », in Les Nouvelles Annales Africaines
n°1, p. 187 et s.
* 331 Selon une
dépêche de l'Agence de Presse Africaine (APA-Dakar) en date du 5
avril 2009, l'on apprend que cette amende a été honorée
:« le Niger a exécuté un arrêt de la Cour de justice
de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO) le condamnant à payer 10 millions de francs CFA (20.000
dollars) à Hadijatou Mani Koraou, une citoyenne nigérienne qui
avait porté plainte contre l'Etat pour violation de ses droits
fondamentaux.
* 332 BOLLE (S.), « La
Cour de Justice de la CEDEAO: une cour (supra)constitutionnelle ? »,
disponible sur www.la constitution- en -afrique.com. Consulté le 18 mars
2019.
* 333 CJ CEDEAO, 7 octobre
2011, Isabelle Manavi Ameganvi et autres c/ Etat du Togo.
* 334 Cf. art 22 par. 3 du
Traité de la CEDEAO.
* 335 CJ CEDEAO, 7 octobre
2011, Isabelle Manavi Ameganvi et autres c/ Etat du Togo.
* 336 ROSENNE (S.),
« L'exécution et la mise en oeuvre des décisions de la
Cour Internationale de Justice » RGDIP, 1953, pp.532-583.
* 337 SPITZ (E.), «
L'acte de juger », RDP, 1995, pp.289-302.
* 338 TUKENS (F.)
Cité par Elisabeth Lambert ABDELGAWAD, « L'exécution
des décisions des juridictions européennes (Cour de justice des
Communautés européennes et Cour européenne des droits de
l'homme », AFDI, 2006,p. 677-724
* 339 En effet, l'article 6
du Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 stipule que « les arrêts
de la Cour qui comportent à la charge des personnes ou des Etats une
obligation pécuniaire, constituent un titre exécutoire
».
* 340 Sur l'autorité
de la chose jugée, Voir ADELOUI (A.-J.), « L'autorité de la
chose jugée par les juridictions constitutionnelles en Afrique »,
RTSJ, n°26, 2011, pp. 137-187.
* 341 Dans l'arrêt
Mamadou Tandja contre Etat du Niger, le requérant dont «
l'arrestation et la détention sont (jugés) arbitraires
» demande l'exécution immédiate de la décision
de la Cour en application de l'article 15 paragraphe 4 du Traité
Révisé de la CEDEAO. Le juge communautaire a rappelé que
les Etats membres de la CEDEAO ont l'obligation d'exécuter les
décisions de la Cour conformément aux articles 22 du
Traité Révisé et 24 du Protocole Additionnel relatif
à la Cour. Qu'à ce titre les Etats doivent prendre toutes les
dispositions nécessaires pour se conformer à ces dispositions ;
qu'ainsi la Cour n'a point besoin d'ordonner l'exécution
immédiate de ses propres décisions qui sont «
exécutoires à l'égard des Etats dès leur
notification ».
* 342 Dans l'affaire Chief
Ebrimah Manneh du 8 juin 2008 la Cour a ordonné à la
République de Gambie de remettre en liberté et sans délai
Chief Ebrimah Manneh et ce, dès réception de la
décision.
* 343 Dans cette affaire,
la Cour de justice de la CEDEAO a établi que l'arrestation du
journaliste Musa Saidykhan, et son placement en détention par les
autorités gambiennes étaient illégaux et portaient
atteinte à son droit à la liberté personnelle et à
un procès équitable, garantis par les articles 6 et 7 de la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. La Cour a ordonné
à cet effet sa libération.
* 344Les Etats membres
désigneront l'autorité nationale compétente pour recevoir
ou exécuter la décision de la Cour et notifieront cette
désignation à la Cour.
* 345 Art.6 du protocole de
2005 ou art.24 nouveau relatif au Protocole de la Cour de justice.
* 346 DIEYE (A.),
« La Cour de justice de la Communauté CEDEAO et les
juridictions nationales des Etats membres : quelles relations ?
», in Actes du Colloque sur les droits communautaires africains,
Nouvelles annales africaines, 187-197.
* 347 BOLLE (S.), «
Etes-vous CEDEAO compatible ? » in
www.laconstitution-en-afrique.com
(consulté le 20-08 2018).
* 348 Car selon la Haute
Cour de justice l'expression « (...) juridiction
compétente (...) » contenue dans ce mandat ne signifie
rien d'autre que la mise en place d'un cadre judiciaire ad hoc dont la
création et les attributions trouveraient leur bas-relief dans les
dispositions de l'article 15. 2 du Pacte International sur les Droits Civils et
Politiques et que le Sénégal est chargé de proposer au
mandant les formes et modalités de mise en place d'une telle structure.
Ce qui signifie que « la mise en oeuvre du mandat de l'Union Africaine
doit se faire selon la coutume internationale qui a pris l'habitude dans de
telles situations de créer de juridictions ad hoc ou
spéciales ».
* 349 En effet, la Cour
commune de justice de la CEDEAO peut refuser d'entendre toute requête
introduite par l'État membre incriminé jusqu'à ce qu'il
applique sa décision.
* 350 Voir BORSUS (H.), La
place de l'individu dans le système de la responsabilité
internationale, Master de spécialisation en droit international, 2016,
40 p.
* 351 VILJOEN (F.), «
A human rights courts for Africa, and Africans », Brooklyn J. Int.
Law, 2004, p. 4.
* 352Idem, p.
6.
* 353 WESTON (B. H.),
« Regional human rights regimes: a comparison and appraisal », (1987)
20-4 Vanderbilt J. Transnatl. Law, pp. 585-637, spéc. p. 615.
* 354 On peut comparer
l'article 7 de la Charte africaine avec les articles 7 et 13 de la Convention
européenne et les articles XXV et XXVI de la Déclaration
américaine et les articles 8, 9, 24 et 25 de la Convention
américaine.
* 355 VAN DER MEI (A.P.),
« The New African Court on Human and Peoples Rights: Towards an Effective
Human Rights Protection Mechanism for Africa? », Leiden J. Int.
Law, 2005,pp. 113-129.
* 356 NGUEMA (N. E.),
« Recevabilité des communications par la Commission africaine des
droits de l'homme et des peuples », Rev. Droits L'homme 2014.5,
4. Voir les communications: n°31/89 (Baes c. Zaire), n°266/2003
(Kevin Ngwanga Gunme et al. c. Cameroun), n°275/2003 (Article 19 c.
para.65, et n° 155/96 (The social and economic rights action center and
the center for economic and social rights c. Nigéria) para. 49.
* 357 VAN DER MEI (A.P.),
op. cit., p. 121.
* 358 NGUEMA (N. E.),
« Recevabilité des communications par la Commission africaine des
droits de l'homme et des peuples », op. cit., p. 10. Présentement,
il y a 477 ONG qui sont reconnues par la Commission africaine. Voir
http://www.achpr.org/fr/network, Consulté le 30 novembre 2017.
* 359 CANÇADO
TRINDADE (A. A.), International Law for Humankind, Brill, 2010, p.
273.
* 360 YERIMA (T. F.),
« Comparative Evaluation of the Challenges of African Regional Human
Rights Courts », (2011) 4 J. Polit. Law, p.123.
* 361 MURRAY (R.), « A
comparison between the African and European courts of human rights »,
Afr. Hum. Rights Law J., 2002, pp. 2195-222, spéc. p. 213.
* 362Idem, p.
202.
* 363 CANÇADO
TRINDADE (A. A.), International Law for Humankind, op. cit., pp.
17-47.
* 364 DIOP (A-K.),
« La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples Ou le Miroir
Stendhalien du Système Africain de Protection des Droits de
l'Homme », Cah. Droit, 2014, pp.529-556, spéc. p.
546.
* 365 Protocole qui a
fusionné la Cour des droits de l'homme avec la Cour de justice.
* 366 BARSAC (T.), La
Cour africaine de justice et des droits de l'homme, coll. Perspectives
internationales, Paris, Éditions Pedone, 2012, p. 20.
* 367 La compétence
universelle est un principe d'exception à la compétence
territoriale classique. Elle est prévue par certaines conventions
internationales qui demandent aux Etats parties d'élargir la
compétence de leurs tribunaux pour juger des individus étrangers
ayant commis les crimes les plus graves (torture, crime de guerre,
génocide) contre des victimes étrangères. Cette exception
est souvent soumise à certaines conditions, notamment la présence
sur le territoire de l'auteur présumé des crimes commis.
* 368 Pour ce faire,
Richard Dicker, Directeur du Programme Justice Internationale au sein de Human
Rights Watch avait déclaré que « Le Conseil de
sécurité et les gouvernements concernés devraient imposer
des sanctions ciblées contre les officiels soudanais responsables de
toutes représailles violentes, et envisager de prendre d'autres mesures
telles que d'imposer davantage de restrictions bancaires ou de renforcer
l'embargo sur les armes ».
* 369Cette vision est une
conception erronée de la justice universelle basée sur des
conventions internationales ratifiées par la majeure partie des Etats
africains. Par ailleurs, donner à la Cour africaine la compétence
pour juger des individus ne permettrait pas à cette instance de se
substituer à la justice internationale. Elle deviendrait une instance
supplémentaire chargée de juger la responsabilité
pénale internationale des individus, avec le risque évident de la
concurrence des juridictions et des jurisprudences.
* 370 Protocole relatif
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
préc., art. 10, para. 2. Le projet de fusion des cours
n'affectera pas l'assistance qui sera maintenue dans son principe ; voir
Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, art. 52, para.
2 : « Dans les cas où l'intérêt de la justice
l'exige, une assistance judiciaire gratuite peut être assurée
à l'auteur d'une communication individuelle, selon des conditions qui
seront déterminées dans le Règlement de la Cour
».
* 371 Règlement
intérieur, art. 31 : « En application de l'article 10(2) du
Protocole, la Cour peut, dans l'inteìre^t de la justice, et dans les
limites des ressources financières disponibles, décider de
l'octroi à une partie d'une représentation et/ou d'une assistance
judiciaire gratuite ».
* 372 Rejet d'une demande
d'assistance judiciaire en vue de faciliter le voyage d'un requérant et
de ses deux conseils pour assister à l'audience publique : Cour AFDHP,
Tanganyika Law Society, The Legal and Human Rights Centre,
Révérend Christopher R. Mtikila c. République de
Tanzanie, requêtes n° 009/2011 et n° 011/2011, arrêt
au fond du 14 juin 2013, § 45 ; même solution in Cour
AFDHP, Frank David Omary et autres c. Tanzanie, requête n°
001/2012, arrêt du 28 mars 2014, § 25.
* 373 Cour ADHP, «
Projet de politique d'assistance judiciaire de la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples », 2013-2014 (reconduite jusqu'en 2015),
http://tinyurl.com/jb8j3ql (consulté le 10 mars 2019).
* 374 Cette indigence doit
notamment être constatée d'office par la Cour ou après
examen des pièces demandées.
* 375 Deux demandes ont
ainsi été traitées par la Cour : l'une favorablement
(octroi d'une aide, une assistance financière à un
requérant pour se rendre à Maurice où elle tenait sa
session : Cour ADHP, Urban Mkandawire c. République du Malawi,
requête no 003/2011, arrêt du 21 juin 2013, § 13) ;
l'autre négativement (rejet non motivé de la demande d'un
requérant de préparer ses conclusions sur les mesures
demandées : Cour ADHP, Révérend Christopher R. Mtikila
c. République de Tanzanie, requête n° 011/2011 et
n° 011/2011, arrêt portant sur la réparation du 14 juin 2013,
§ 9).
* 376 Cour ADHP,
Mohamed Abubakari c. Tanzanie, requête n° 007/2013,
arrêt au fond du 3 juin 2016, § 10 ; Peter Joseph Chacha c.
Tanzanie, requête 003/2012, arrêt du 28 mars 2014, § 15 ;
Wilfred Onyango et al. c. Tanzanie, requête n° 006/2013,
arrêt au fond du 18 mars 2016, §§ 34-35.
* 377 V., par exemple, Cour
ADHP, Peter Joseph Chacha c. Tanzanie, préc., §
26 : la Cour demande à l'Etat défendeur de donner des
instructions au responsable de la prison d'Arusha pour faciliter les
réunions de consultation avec l'Union panafricaine des avocats.
* 378 OUA, «
Commentaires et observations des Etats membres sur le projet de Protocole
portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples », doc. OAU/LEG/EXP/ ACHPR/Comm. (3), annexe I, décembre
1997, p. 3.
* 379 BARSAC (T.), La
cour africaine de justice et des droits de l'homme : entre
régionalisation et universalisation du mode judiciaire de
règlement des différends au sein de l'Union africaine,
Paris, Pedone, p. 10.
* 380Aux termes des
dispositions de cet article : « En cas de contestation du
sens ou de la portée d'un arrêt, il appartient à la Cour de
l'interpréter, à la demande de toute partie ».
* 381 BOUKONGOU (J. D.),
« Le système africain de protection des droits de l'homme »,
inProtection des droits de l'homme en Afrique, Yaoundé, PUCAC,
2007, p. 114.
* 382 Avant-propos de
Mathias FORTEAU, in BARSAC (T.), La cour africaine de justice et
des droits de l'homme : entre régionalisation et universalisation
du mode judiciaire de règlement des différends au sein de l'Union
africaine, op. cit., p. 6.
* 383 OFOR (F.),
« Protection juridique des droits de l'homme dans le cadre de la
CEDEAO: les possibilités offertes par le juge communautaire ».
Lors d'un atelier de formation sur le renforcement de la promotion et de la
protection des droits de l'homme en Afrique de l'Ouest par la Cour
Communautaire de la CEDEAO, BAMAKO, MALI 7-9 décembre 2006.
* 384HEYNS (Ch.), «
The African regional human rights system: in need of reform? », Afr.
Hum. Rights Law J. 2001, p. 156. On peut comparer l'article 7 de la Charte
africaine avec les articles 7 et 13 de la Convention européenne et les
articles XXV et XXVI de la Déclaration américaine et les articles
8, 9, 24 et 25 de la Convention américaine.
* 385 CANÇADO
TRINDADE (A. A.), « Vers la Consolidation de la capacité
juridique internationale des pétitionnaires dans le système
Interaméricain de protection des droits de la personne »,
Revue Québécoisede Droit International, 2001, p. 227.
* 386 En effet depuis 2005
l'activité de la Cour d'Abuja en la matière est au
zénith.
* 387 Cette situation nous
paraît non seulement abusive en soi mais également dangereuse pour
les droits protégés en raison du double risque de banalisation
trop importante de ces droits garantis (les droits de l'homme seraient
dilués dans un ensemble flou) et de la dénaturation du
mécanisme de protection.
* 388 MUBIALA (M.),
« L'accès de l'individu à la Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples », in KOHEN (M. G.) (éd.),
La promotion de la justice, des droits de l'homme et du règlement des
conflits par le droit international, 2006, p. 369.
* 389 DIOP (M. F.),
« Plaidoyer pour l'accès direct des individus à la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples et à la future Cour
africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples »,
RDP, 2016, p.653.
* 390 CASSIN (R.),
« La déclaration universelle des droits de l'homme et la mise
en oeuvre des droits de l'homme », Recueil des Cours de
l'Académie de la Haye, 1951, pp. 240-362.
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