WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'individu devant les juridictions africaines de protection des droits de l'homme. Cas de la cour ADHP et de la CJ CEDEAO.


par Gildas Hermann KPOSSOU
Université d'Abomey-Calavi (UAC)  - Master 2 Recherche en Droit International et Organisations Internationales  2015
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI

ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES

MASTER II RECHERCHE

DROIT INTERNATIONAL ET ORGANISATIONS INTERNATIONALES

MEMOIRE DE FIN DE FORMATION

SUJET

L'INDIVIDU DEVANT LES JURIDICTIONS AFRICAINES DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME : CAS DE LA COUR ADHP ET DE LA CJ CEDEAO

251658240

Présenté et soutenu par :Sous la direction de :

Gildas Hermann KPOSSOU Arsène-Joël ADELOUI

Agrégé des Facultés de Droit

Professeur de Droit Public

Université d'Abomey-Calavi (Bénin)

Année académique : 2014-2015

JURY

Président : Professeur Arsène-Joël ADELOUI

Membres :

- Docteur Amzath GOUNOU KORA

- Docteur Jacques-Richard CODJO

AVERTISSEMENT

L'ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES N'ENTEND DONNER NI APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS ÉMISES DANS CE MÉMOIRE.CES OPINIONS DOIVENT ÊTRE CONSIDÉRÉES COMME PROPRES À LEUR AUTEUR.

251659264

DEDICACE

A mes enfants.

REMERCIEMENTS

Dans le cadre de la réalisation de ce travail de recherche, nous voudrions exprimernotre sincère gratitudeaux personnes suivantes :

Ø Le Professeur Arsène-Joël ADELOUI, Directeur de l'Ecole Doctorale des Sciences Juridiques, Politiques et Administratives, pour avoir orienté et accepté de diriger ce mémoire ;

Ø Le Professeur Frédéric Joël AÏVO, ancien Directeur du Master DIOI, pour nous avoir donné l'opportunité de suivre cette formation dans de meilleures conditions ;

Ø Le Professeur Koffi AHADZI-NONOU, ancien Président de l'Université de Lomé et tous les autres Professeurs qui sont intervenus dans le Master pour la formation de qualité à nous donnée ;

Ø Le Professeur Samson I. B. GUEDEGBE, ancien Coordonnateur du Master DIOI, pour ses encouragements et son amitié ;

Ø Les condisciples de la 3ème Promotion du Master pour la convivialité qui a prévalu au cours de notre formation, particulièrement : Uriel NOUTAÏS, Mahamadou BERTHE, Eurydice ODJOH, Romain KPOGUE, Ibrahim ARI KOUTALE, Bernice BANYBA, Albert BOCO et Ahoudi ADAMOU.

SIGLES ET ABREVIATIONS

Art. : Article

C/ : Contre

CAE : Communauté de l'Afrique de l'Est

CEDH : Cour Européenne des Droits de l'Homme

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

CER : Communautés Economiques Régionales

CIADH : Cour interaméricaine des Droits de l'Homme

CIJ : Cour Internationale de Justice

CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes

CJ CEDEAO : Cour de Justice de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CJ EAC : Cour de Justice des Etats de l'Afrique Centrale

COMESA : Marché Commun de l'Afrique Orientale et Australe

Commission ADHP : Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

Cour ADHP : Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

CPI : Cour Pénale Internationale

DH : Droits de l'Homme

DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

FIDH : Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme

MINUAD : Mission conjointe des Nations Unies et de l'Union Africaine au Darfour

OI : Organisation Internationale

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies

OUA : Organisation de l'Unité Africaine

P. : Page

Par. : Paragraphe

PP. : Pages

SADC : Communauté de Développement de l'Afrique Australe

SG : Secrétariat Général

TSADC : Tribunal de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe

UA : Union Africaine

UE : Union Européenne

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

V. : Voir

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE 3

PREMIERE PARTIE : L'EFFECTIVITE DE LA PROTECTION DE L'INDIVIDU DEVANT LES JURIDICTIONS 11

CHAPITRE I : L'ACCES AUX JURIDICTIONS, UNE CONDITION NECESSAIRE A LA PROTECTION DE L'INDIVIDU 13

Section 1 : Un accès exclusivement libéral devant le juge communautaire 14

Section 2 : Un accès relativement étendu devant le juge continental 23

CHAPITRE II : LA RECEVABILITE, UNE EXIGENCE POUR L'EXAMEN AU FOND DE LA REQUÊTE INDIVIDUELLE 35

Section 1 : Des conditions formelles de recevabilité 36

Section 2 : Des conditions substantielles de recevabilité 46

CONCLUSION PARTIELLE 55

SECONDE PARTIE : LA FAIBLESSE DES JURIDICTIONS DANS LA PROTECTION DE L'INDIVIDU 56

CHAPITRE I : DES JURIDICTIONS ENTRAVEES DANS LEUR ACTION 57

Section 1 : Les contraintes normatives dans l'examen au fond de la requête individuelle 58

Section 2 : Les défaillances procédurales dans l'examen au fond de la requête individuelle 66

CHAPITRE II : UNE NECESSAIRE CONSOLIDATION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE L'INDIVIDU 76

Section 1 : La rationalisation de la protection individuelle au plan communautaire 76

Section 2 : La redynamisation de la protection individuelle au plan continental 86

CONCLUSION PARTIELLE 95

CONCLUSION GÉNÉRALE 97

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 101

TABLE DES MATIERES ....................................................................111

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Lorsqu'elle est protégée, nourrie, la graine des droits de l'homme finit par germer en dépit des vents contraires dans toutes les terres où elle est semée1(*). On admet ainsi que « Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdits »2(*). Cette prescription, fort saisissante, pose à suffisance la question de la protection des droits de l'homme. En effet, « le titulaire des droits de l'homme est un individu ou plusieurs individus pris collectivement »3(*). Et « qui dit droits de l'homme, doit prolonger sa pensée par l'action, par l'efficacité, donc par la protection »4(*).

De nos jours, « la protection des droits de l'homme requiert un système efficace de prévention de leur violation et l'établissement de structures de promotion de ces droits »5(*). Mais, comme le souligne le Professeur Kabangou, « l'Afrique est encore loin d'avoir ce type de structures. Celles qui existent ne paraissent pas accomplir dûment leur tâche. Ce qui préoccupe encore plus est l'absence d'un souci manifeste de la part de décideurs politiques de favoriser l'institution de ce genre de structures ou les actions que celles-ci veulent accomplir. Les initiatives provenant de la société civile sont souvent mal vues et annihilées »6(*). C'est ce qui nous amène à mener une recherche constructive sur le thème : L'individu devant les juridictions africaines de protection des droits de l'homme : Cas de la Cour ADHP et de la Cour de justice de la CEDEAO.

Afin de mener à bien cette étude qui se veut dynamique, il convient d'abord de cerner les contours de la notion des droits de l'homme, notion universellement choyée mais rebelle à toute approche définitionnelle. La difficulté de donner une définition satisfaisante des droits de l'homme résulte de la dilution de la notion en fonction des circonstances, des traditions religieuses ou culturelles et des régions7(*). Pour tenter de définir cette notion, il faut recourir au droit international. En effet, Le droit international employait l'expression « droit des gens » pour désigner les obligations qui pesaient sur les Etats de respecter un certain nombre de garanties relatives à la protection des individus. Cette vision occidentale et individualiste des droits de l'homme est aujourd'hui partagée par de nombreux Etats et organisations internationales sous le prisme des droits retenus ou sur les principes de fond.

Les terribles atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale ont propulsé les droits de l'homme sur la scène internationale. Par souci d'idéalisme pragmatique, les Etats s'engagent à souscrire fidèlement à des valeurs communes garantissant les droits de l'homme, prélude à toute coopération internationale. Il s'agit alors de protéger la personne humaine contre l'arbitraire du pouvoir étatique. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) rédigée par la Commission des droits de l'homme, organe des Nations Unies, adoptée par l'Assemblée Générale le 10 décembre 1948 traduit ce souci majeur exprimé par la communauté internationale de préserver ce « patrimoine commun de l'humanité » c'est-à-dire protéger les droits inaliénables, imprescriptibles, universels8(*) et inhérents à toute personne humaine. Nous sommes dans l'ère de l'Homo Universalis et la protection de ces droits s'impose plus que jamais. D'une manière générale donc, les droits de l'homme s'entendent ici comme un ensemble cohérent de principes juridiques fondamentaux9(*) communs à toute l'humanité et qui ont pour but de protéger les prérogatives inhérentes à tout homme en raison de sa dignité et de sa condition humaines.

Que recouvre alors cette notion de protection ? Elle est synonyme de garantie, de sauvegarde et suppose, dans un régime de droit écrit, l'énonciation d'un droit dans un texte et la mise en oeuvre de mécanismes de sanctions lorsque des violations de ces droits sont commises. L'éminent juge Kéba MBAYE définit la protection des droits de l'homme en ces termes : « est protection des droits de l'homme, tout système comportant à l'occasion d'une allégation d'une ou de plusieurs violations d'un principe ou d'une règle relatifs aux droits de l'homme et édictés en faveur d'une personne ou d'un groupe de personnes, la possibilité pour l'intéressé de soumettre une réclamation (...), de provoquer une mesure tendant à faire cesser la violation ou à assurer aux victimes une réparation jugée équitable »10(*). En d'autres termes, la protection des droits de l'homme s'entend donc comme l'ensemble des mesures destinées à assurer le respect réel et effectif des droits de l'homme par des voies de recours efficaces en cas de violation sur le plan interne comme sur le plan international11(*).

A l'analyse, la protection des droits de l'homme passe inexorablement par les juridictions aussi bien nationales qu'internationales12(*), établies à cet effet. Dans le cadre de la présente étude, la protection de l'individu sera mise en oeuvre devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (Cour ADHP) et la Cour de justice de la CEDEAO (CJ CEDEAO).

En effet, le 25 janvier 2004 marque une étape décisive dans l'histoire des droits de l'homme en Afrique, avec l'entrée en vigueur du Protocole instituant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples13(*). Pour la première fois, le continent africain se dote ainsi d'une juridiction consacrée exclusivement à la défense des Droits de l'Homme. La mise en place tant attendue de la Cour va sans aucun doute renforcer le mécanisme africain de protection des droits de l'homme14(*).

Adopté le 10 juin 1998 à Ouagadougou par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA (actuelle Union Africaine), le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples devait être ratifié par quinze Etats pour entrer en vigueur. C'est désormais une réalité, après cinq longues années d'atermoiements et de piétinements ; depuis le 26 décembre 2003, date à laquelle les Iles Comores ont déposé leur instrument de ratification, à la suite de l'Afrique du Sud, de l'Algérie, du Burkina Faso, du Burundi, de la Côte d'Ivoire, de la Gambie, du Lesotho, de la Libye, du Mali, de l'Ile Maurice, de l'Ouganda, du Rwanda, du Sénégal et du Togo15(*).

Cependant, si la mise en place de cette institution constitue sans aucun doute une avancée importante dans le système africain de protection des droits de l'homme dans la mesure où la Cour assurera un meilleur respect de la Charte et pourra à terme faire triompher la démocratie et l'Etat de droit, des interrogations subsistent, notamment en matière d'accès des requérants individuels, qui pourraient hypothéquer le fonctionnement et l'efficacité de la nouvelle Cour.

Aux termes des dispositions des articles 3(1) et 7 du Protocole, la Cour est compétente pour connaître de l'interprétation et de l'application non seulement de la Charte africaine, mais également de « tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés ». Quant au sens à donner à la notion « d'instrument relatif aux droits de l'homme », la Cour a conclu, dans l'arrêt majeur qu'elle a rendu dans l'affaire APDH c Côte d'Ivoire, qu'entraient dans cette catégorie, la Charte africaine de la démocratie et le Protocole de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) sur la démocratie16(*).

C'est dans ce cadre que la Cour africaine exerce sa fonction contentieuse à l'égard des Etats Parties reconnaissant sa compétence. Conformément aux dispositions des articles 5(3) et 34(6) du Protocole17(*), la Cour peut recevoir également des requêtes émanant de la Commission africaine, des individus et des organisations non gouvernementales, introduites contre lesdits Etats. A n'en point douter, il s'agit là d'une évolution notable du droit africain des droits de l'homme. En effet, en droit international, la reconnaissance de droits fondamentaux aux individus et aux peuples ne s'est pas originellement accompagnée de la capacité juridique à agir en cas de violation. La consécration d'un droit d'accès direct ou indirect des personnes privées (individus et organisations non gouvernementales) au prétoire de la Cour africaine, qui se situe dans le sillage global de la reconnaissance de ces personnes comme sujets du droit international18(*), constitue dès lors une véritable révolution juridico-institutionnelle19(*).

Cette option d'une juridiction internationale à l'accès libéral apparaît non seulement comme « la forme de protection des droits de l'homme la plus avancée et la plus perfectionnée »20(*), mais aussi comme la plus dynamique21(*). Il est vrai que ce modèle libéral est limité par la condition très critiquée du dépôt d'une déclaration spéciale de reconnaissance de compétence22(*). Quoi qu'il en soit, que les individus soient demandeurs dans presque toutes les 155 requêtes reçues et 34 décisions rendues par la Cour africaine au cours de sa première décennie d'existence, est la preuve tangible de cette démocratisation de l'accès à son prétoire.

Dans l'exécution de sa mission, la Cour met en perspective les différents acteurs; elle garantit la confrontation directe entre les supposées victimes de violation des droits de l'homme et les Etats défendeurs, dans le respect du principe du contradictoire; elle reconnaît aux victimes les droits de participation au procès et de réparation des dommages qui leur sont causés ; et elle garantit l'égalité des armes entre les parties tout au long de la procédure devant la Cour, dans le respect des exigences du procès équitable. Ce faisant, la Cour interprète, irrigue, développe et enrichit le droit africain des droits de l'homme.

Mais globalement en Afrique, la Cour africaine n'est pas le seul organe judiciaire supra étatique susceptible de veiller au respect des droits garantis par la Charte africaine et de condamner un Etat pour la violation de ces droits. C'est aussi le cas de certaines Cours de justice des Communautés Economiques Régionales (CER) dont la Cour de justice de la CEDEAO.

Née du traité de Lagos adopté le 28 mai 1975 au Nigeria et entré en vigueur en juin de la même année, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) avait au prime abord un rôle purement économique. Cependant, la difficulté à juguler les déséquilibres et à dégager des réponses adéquates aux moult problèmes soulevés dans la Communauté vont amener les Etats membres à accorder une place à l'aspect sécuritaire grâce à la révision du traité le 24 juillet 1993, entré vigueur le 23 août 1995.

La CEDEAO va vite faire de comprendre aussi que le plaidoyer pour relever le défi d'une intégration réussie ne peut se réaliser sans prise en compte des principes démocratiques qui promeuvent le respect des droits de l'homme. Elle va donc opérer une seconde mutation qui sera la promotion et la protection des droits de l'homme.

Il faut donc constater que c'est récemment que les droits de l'homme sont devenus un objet de la CEDEAO. Le traité initial instituant la CEDEAO dans ses 65 articles ne faisait référence dans aucune de ses dispositions à la notion de droits humains. Ce sont les protocoles de 1985 et de 1986 qui vont introduire la notion expressis verbis dans l'ordre juridique communautaire mais de façon timide. C'est dans la Déclaration de Principes politiques de 1991 que la Communauté marque sa forte imprégnation au respect des droits humains, plus fondamentalement son attachement à l'Etat de droit, socle de toute bonne gouvernance. Les Etats membres sont ainsi « déterminés à conjuguer (leurs) efforts en vue de promouvoir la démocratie dans la sous-région sur la base du pluralisme politique et du respect des droits fondamentaux de l'homme tels que contenus dans les instruments internationaux en matière de droits de l'homme universellement reconnus et dans la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples »23(*). Ces principes fondamentaux auxquels ont adhéré les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont été incorporés au Traité révisé de la CEDEAO en 1993. Le Traité révisé fait spécifiquement référence aux droits de l'homme dès son préambule. La Communauté s'engage en effet à faire respecter, à promouvoir et à protéger les droits de l'homme dans chaque Etat membre conformément à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples24(*).

Pour jauger l'efficacité de ces principes désormais consacrés dans le traité, l'organisation sous-régionale doit être dotée d'une institution autonome à caractère juridictionnel qui veillera au respect et à l'application des normes protectrices des droits de l'homme. C'est à ce titre que la CEDEAO avec l'adoption du Protocole A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 a donné compétence à sa juridiction, dénommée Cour de justice de la CEDEAO et basée à Abuja, de connaître des cas de violation des droits de l'homme.

Depuis la grande réforme qui a élargi le champ de compétence de la Cour d'Abuja, les citoyens ouest africains, victimes de violations de droits humains de la part d'un Etat membre de la Communauté, peuvent désormais accéder au prétoire du juge communautaire25(*).

Sur le plan théorique, l'introduction de ce nouveau chef de compétence dans le contentieux juridictionnel de la CJ CEDEAO relatif aux droits humains est indéniablement un fait nouveau dans la société internationale et distingue cette cour des autres institutions classiques. La CJ CEDEAO est la seule juridiction d'une organisation internationale à vocation économique qui a reçu un mandat explicite pour se prononcer sur des cas de violation des droits de l'homme et ce, sans épuisement des voies de recours internes. La possibilité donnée aux particuliers de saisir directement cette cour sans au préalable que le litige ne soit porté devant le juge national, permet de résoudre le problème du difficile accès à la justice au plan national.

Sur le plan institutionnel, la Cour, en tant qu'organe judiciaire ne se limite pas à l'interprétation et l'application des textes de l'organisation ; elle arrive à se prononcer sur un contentieux réservé traditionnellement à des juridictions spécialisées. La compétence de la Cour en matière de protection des droits de l'homme ne saurait dès lors être assimilée à « un effet de mode ». Elle correspond, plutôt, à la volonté affichée par la Communauté ouest africaine d'assainir le cadre sous-régional par la garantie juridictionnelle des droits de l'homme, prélude à une intégration aboutie26(*).

Eu égard aux considérations qui précédent, l'étude de ce sujet revêt une importance particulière, à deux points de vue essentiellement.

D'abord, d'un point de vue théorique, les juridictions régionales surtout africaines, à l'image de la Cour ADHP, ont été caractérisées par l'importation du modèle européen qui fait figure d'emblème. Mais la CJ CEDEAO, elle, n'est pas un modèle « importé » ; c'est, comme nous l'avions souligné plus haut, la seule juridiction d'une organisation internationale à vocation économique qui a reçu un mandat explicite pour se prononcer sur des cas de violation des droits de l'homme et ce, sans épuisement des voies de recours internes27(*).

La consécration formelle d'une action individuelle directe devant la cour est perçue comme une aubaine dans la sous-région. Dans cette veine, le changement de paradigme dont la juridiction communautaire est porteuse traduit des valeurs d'exemplarité et ancre désormais les Etats membres de la Communauté dans la nouvelle religion des temps modernes à savoir la « démocratie de protection des droits de l'homme »28(*). L'ouverture du prétoire de la juridiction aux particuliers est censée représenter une formule flexible pour permettre à ceux-ci de surmonter les inconvénients des systèmes de protection nationaux et au-delà du système régional.

La protection des droits de l'homme par la Cour de justice ouest africaine est originale et se différencie ainsi de celle de la Cour africaine. En effet, elle introduit une entorse au traditionnel principe de l'épuisement de voies de recours internes. Elle peut être saisie directement sans au préalable que le litige ne soit porté devant le juge national. L'autre spécificité est relative à ses instruments de référence. Ainsi, saisi d'un différend relatif aux droits de l'homme, le juge communautaire applique des textes non sécrétés ou générés par la CEDEAO. Elle travaille sur des bases textuelles hétérogènes29(*) contrairement à la Cour africaine qui dispose d'un droit positif propre.

D'un point de vue pratique, la réflexion met l'accent sur l'activisme des juridictions sous étude. Sur ce point, l'appréciation ne peut être que provisoire étant donné que la compétence de l'organe judiciaire de la CEDEAO en matière de protection des droits de l'homme est encore récente. Comme le souligne le professeur Alioune SALL « c'est au fil des saisines et du temps que les juges se pénètrent de leurs missions, forgent leur démarche, affinent leurs concepts, esquissent éventuellement une politique jurisprudentielle »30(*). Nous prenons toutefois le défi de jauger l'efficacité de la garantie des droits de l'homme par l'organe judiciaire de la CEDEAO en perspective avec la Cour ADHP. Dans l'optique de construction ou de consolidation de l'Etat de droit en Afrique, les juges de la Cour ADHP et ceux communautaires apparaissent comme la clé de voûte car appelés à dire le droit et se hisser au-delà de toute considération d'ordre politique. La mission est noble mais la réalité fait apercevoir un tableau contrasté. Le factuel semble décrire un fossé d'avec le formel.

A priori, la concurrence entre systèmes, et partant entre juridictions ne devrait pas exister. En effet, « chaque juridiction créée est censée opérer dans un espace géographique limité aux contours territoriaux des Etats membres de la Communauté ou de l'Organisation dont elle est l'organe de contrôle juridictionnel »31(*). Mais c'est sans compter avec les chevauchements entre organisations qui génèrent une concurrence territoriale, ainsi qu'avec le processus inexorable d'accroissement des compétences rationae materiae des juridictions qui engendre une concurrence matérielle.

L'étude de la protection de l'individu devant les juridictions africaines de protection des droits de la personne montre clairement que les questions de promotion et de protection de ces droits de l'homme ne sont plus une question d'éthique ou de morale. Ces questions n'intéressent plus exclusivement les relations interétatiques, et ce contrairement aux autres questions de droit international. Elles entretiennent plutôt des liens étroits avec diverses lois nationales : notamment les lois relatives à la lutte contre le terrorisme, au trafic des êtres humains, à l'immigration, etc. En bref, les liens entre les questions qui relèvent du droit international et celles qui relèvent du droit interne deviennent de plus en plus étroits.

Ainsi, devant la juridiction africaine, on se demande comment renforcer la voie directe d'accès à la Cour selon le mécanisme des recours individuels. Devant le juge de la CEDEAO par contre, la question est de savoir quels sont les moyens dont dispose la juridiction communautaire pour garantir d'une manière effective les droits humains. Quel est le mode de participation des individus à la procédure organisée par les juridictions africaines de protection des droits de l'homme ? Autant de questions qui sont aussi importantes les unes que les autres mais que la pédagogie de l'essentiel et du droit comparé nous amène à regrouper en une seule : la protection de l'individu par les juridictions africaines de protection des droits de l'homme est-elle efficace ?

Sous le prisme des textes et aussi de la pratique régionale et sous-régionale, une réponse positive s'impose. En effet, le juge « des droits de l'homme » des juridictions africaines est mis dans une situation optimale aussi bien sur le plan normatifqu'institutionnel pour assurer d'une manière efficace la protection des droits humains des citoyens africains.

Néanmoins, reconnaissons que ces juridictions ne sont pas exemptes de toute critique. Des facteurs exogènes et endogènes sont à l'origine de l'inefficience aussi bien de la Cour ADHP que de la CJ CEDEAO dans le cadre de leurs missions de protection des droits humains. La pusillanimité de ces juridictions est consubstantiellement liée à la toute-puissance des Etats. Sans prétendre disposer du remède miracle, nous proposerons des solutions aux problèmes sus-mentionnés.

L'hypothèse de notre recherche est le renforcement du mécanisme des recours individuels devant les juridictions africaines par la facilitation de l'accès et de la procédure à leur prétoire. A cet effet, la présente étude tournera essentiellement autour desdeux centres d'intérêt suivants. D'une part, il s'agira de mener une analyse dynamique sur l'effectivité de la protection de l'individu devant les juridictions africaines (Première Partie), et d'autre part, nous examinerons les faiblesses des juridictions africaines dans leurs missions de protection de l'individu (Seconde Partie).

PREMIERE PARTIE : L'EFFECTIVITE DE LA PROTECTION DE L'INDIVIDU DEVANT LES JURIDICTIONS

Aujourd'hui, l'humanité est en phase avec un véritable clavier des droits de l'homme qui résonne quelle que soit la partie du monde concernée, et dont l'existence participe du caractère sacré de la personne humaine32(*). En effet le droit international relatif aux droits de l'homme vise à protéger l'ensemble des droits dont chacun a besoin pour mener une vie pleine, sûre et saine en toute liberté et sécurité. Ces droits confèrent la dignité et l'égalité, ils garantissent la possibilité de répondre aux besoins fondamentaux de l'homme. La procédure de garantie des droits fondamentaux joue à ce titre un rôle majeur pour veiller au respect de ces droits. Celle-ci se résume à un ensemble de dispositions, et procédés visant à empêcher les violations des droits humains, à les sanctionner par la réparation des dommages subis du fait de ces atteintes33(*).

Il importe donc que l'application des droits de l'homme (droits civils et politiques, droits économiques, sociaux et culturels, droits de solidarité) déclarés indivisibles par ailleurs et des libertés fondamentales soit garantie par un système de protection efficace, dans le cadre des organisations universelles et régionales, les Etats ayant l'obligation « erga omnes » de les respecter34(*).

L'universalisation des droits de l'homme postule également l'universalisation des procédures : on ne peut pas prétendre adhérer à un système des valeurs en y soustrayant ce qui apparait en définitive comme la plus grande conquête en matière de défense des droits de l'homme à savoir la soumission des Etats à des juridictions internationales35(*).

Ce dernier aspect mérite de retenir l'attention. Il implique également qu'on s'y attarde en raison du fait qu'aussi importants et étendus que soient les droits de l'homme, ce sont les garanties de leur respect ou les réparations qu'impliqueraient leurs violations qui sont déterminantes.

Par ailleurs, il sied de noter que les juridictions africaines étant déjà en place, il fallait attendre une période encore plus récente pour que les États acceptent la compétence d'un juge continental (Cour ADHP) d'une part, pour des litiges les opposant à des particuliers et d'autre part, d'un juge communautaire (CJ CEDEAO) qui s'illustre à suffisance dans ce domaine. Ainsi, l'efficacité du système africain de protection des droits de l'homme est tributaire de l'accès des individus à la justice (Chapitre I). Pour que le droit au juge et ses composantes ne soient, pour reprendre une formule de la Cour européenne des droits de l'homme, « des droits non pas théoriques ou illusoires mais des droits concrets et effectifs »36(*), il faut impérativement que les garanties d'un accès à la justice soient assurées.

De plus, pour une protection effective et efficace des droits de l'homme, les juridictions africaines se doivent d'être impartiales dans l'examen des requêtes des individus, principales victimes des violations de ces droits. Ainsi, la recevabilité est une condition sine qua non pour l'examen au fond des requêtes individuelles (Chapitre II).

CHAPITRE I : L'ACCES AUX JURIDICTIONS, UNE CONDITION NECESSAIRE A LA PROTECTION DE L'INDIVIDU

Apriori, la question de l'accès de l'individu à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples semble réglée : le Protocole37(*) établissant la Cour prive l'individu du droit de la saisir directement, sauf à ce que l'Etat défendeur y ait consenti expressément par le biais d'une déclaration facultative d'acceptation de la juridiction obligatoire. Ce système optionnel, qui n'a suscité l'attrait que d'une petite minorité des Etats parties au Protocole, minerait l'espoir d'une protection juridictionnelle effective. Fort heureusement, la CJ CEDEAO semble venir à point nommé, ne serait-ce que pour pallier cette carence dans la communauté ouest africaine.

Au plan institutionnel, la Cour ADHP n'était pas encore entrée en fonction que fut lancé le chantier de sa fusion avec la Cour de Justice de l'Union africaine en vue de créer une Cour africaine de justice et des droits de l'homme38(*). En attente de la concrétisation de ce projet, la Cour, devenue opérationnelle depuis le 20 juin 2008, exerce sa fonction aux côtés de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (mais le Protocole ne clarifie pas totalement la relation de complémentarité entre ces deux organes indépendants)39(*).

Au demeurant, elle doit également s'accommoder de l'office des juridictions instituées dans le cadre des accords de coopération et d'intégration économique et parfois dotées de compétence en matière de protection des droits de l'homme comme c'est le cas de la CJ CEDEAO. En dehors de sa compétence explicite en la matière, la Cour de justice communautaire s'exclame d'un accès libéral à son prétoire (section 1). Alors que les difficultés auxquelles le requérant est confronté devant le juge continental ont progressivement restreint son accès au prétoire, il y a lieu de dire que l'accès de l'individu à la Cour africaine est relativement étendu (section 2).

Section 1 : Un accès exclusivement libéral devant le juge communautaire

L'originalité de la réforme introduite en 2005 est indiscutablement liée à la reconnaissance d'un droit de recours individuel aux citoyens de la communauté victimes de violations des droits de l'homme. En effet, à la lumière du protocole élargissant la compétence rationae materiae de la Cour de justice de la CEDEAO, un droit de recours est ainsi ouvert de plein droit aux ressortissants de la communauté se prétendant victimes de violation des droits de l'homme (paragraphe 1). Clé de voûte de la garantie de l'intégration régionale et du système de protection des droits de l'homme, la Cour se veut proche des justiciables. Elle est à ce titre une institution de proximité (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La CJ CEDEAO, une juridiction facilement saisissable

Le recours individuel est la pierre angulaire du mécanisme de protection des droits de l'homme aménagé par la CEDEAO. Les personnes physiques ont la possibilité de saisir directement la Cour de justice communautaire de la CEDEAO. La consécration de cette saisine individuelle (A) constitue sans doute une extension de la compétence explicite du juge communautaire (B).

A. La consécration de la saisine individuelle

Avant la réforme introduite par le Protocole de 2005, l'accès des particuliers à la juridiction communautaire était médiat ; la procédure devait être diligentée par l'Etat membre. Ainsi, selon l'article 9.3 du Protocole A/P.1/7/91 un Etat membre peut, au nom de ses ressortissants, diligenter une procédure contre un autre Etat membre ou une institution de la Communauté, relative à l'interprétation et à l'application des dispositions du Traité, en cas d'échec des tentatives de règlements à l'amiable. Dans un souci de se rapprocher davantage des particuliers, les Etats membres de la CEDEAO comptent élargir les compétences de leur organe judicaire commun aux cas de violation de droits humains. Les individus pourront le saisir mais ce sera après épuisement des voies de recours internes40(*).

Finalement, la révolution viendra du Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P/17/91 relatif à la Cour de justice de la Communauté qui va concrétiser cet espoir. Ce nouveau texte introduit la dimension « droits de l'homme » dans le nouveau chef de compétence de la Cour de Justice de la CEDEAO. Désormais les particuliers ont la possibilité d'intenter des recours pour demander la cessation de violations ou le redressement de leurs droits. Cette réforme fait désormais disparaitre l'écran étatique et met fin à la jurisprudence Afolabi41(*). Elle confère indiscutablement la qualité de droit des gens à l'individu42(*), quoique ce dernier reste un sujet mineur ou dérivé de droit international43(*).

A défaut de mécanismes garantissant une application effective du respect des droits de l'homme44(*) qui d'abord doit se concrétiser par l'accès au prétoire de la juridiction par le justiciable, tout droit proclamé paraît dénué de sens. La condition d'effectivité est liée principalement à un recours de droit individuel qui ne décime pas le justiciable dans un labyrinthe de procédures et qui se traduit par la suppression de certaines futilités. Sous ce rapport, la CEDEAO a déployé un véritable mécanisme45(*).

La première exigence également consacrée par d'autres juridictions46(*) va de soi ne serait-ce que pour des raisons de crédibilité de l'institution et aussi pour éviter divers abus. Pour que la requête soit donc recevable, elle doit spécifier le nom et l'adresse du demandeur, la désignation de la partie contre laquelle la demande est effectuée, le sujet des poursuites et un résumé des allégations en droit sur lesquelles la demande est fondée, etc.47(*)

En ce qui concerne la deuxième exigence, la saisine d'une autre instance juridictionnelle à caractère international rend irrecevable la requête individuelle devant la Cour. Cette règle est prévue dans tous les mécanismes internationaux d'enquête ou de règlement48(*) et est notamment applicable devant le prétoire de la Cour ADHP. Elle ne se limite pas cependant au principe de non bis in idem mais englobe également le cas de litispendance49(*). Selon Jonathan COHEN, elle a été expressément posée pour « exclure le cumul de procédures internationales »50(*) et repose sur un souci d'éviter une contrariété de jurisprudence. En effet en dépit de la prolifération des juridictions internationales, il n'existe aucune hiérarchie entre elles comme dans les systèmes judiciaires internes des Etats. Aucune d'entre elles n'est compétente pour réviser la décision d'une autre instance internationale51(*), ce qui semble davantage nourrir la concurrence notamment entre la CJ CEDEAO et la Cour ADHP.

Mais c'est surtout, plus spécifiquement au niveau des règles procédurales que la Cour de justice de la CEDEAO se singularise. En effet, le système de protection communautaire ne s'inscrit pas dans la lignée des procédures suivies par les autres juridictions continentales comme la Cour ADHP52(*). Ni commission de filtrage des requêtes individuelles, ni exigence de l'épuisement préalable des voies de recours internes à l'image de ses ainés53(*), le système de protection des droits de l'homme apparaît comme efficient. Le requérant est donc dispensé de prouver avoir utilisé dans son pays d'origine les recours internes, considérés comme un handicap, une règle contraignante pour les individus désireux de saisir les juridictions internationales et particulièrement la Cour africaine. Sur ce point la CEDEAO a osé en dérogeant au traditionnel principe de l'épuisement des voies de recours internes54(*).

Il ressort de cette consécration de la saisine individuelle devant le prétoire de la Cour de Justice que le mécanisme de protection institué par la CEDEAO pour préserver les droits de l'homme des citoyens ouest africains est à bien des égards révolutionnaire. Celui-ci tient principalement à la simplicité, à la lisibilité de l'édifice institutionnel, favorisées notamment par l'extension de la compétence explicite du juge communautaire.

B. Une extension de la compétence explicite du juge

L'émergence des juridictions communautaires est marquée par une revalorisation de la fonction juridictionnelle. Elle s'accompagne de l'établissement et de la redéfinition des compétences des juridictions des organisations d'intégration économique. Dans cette optique, le Traité du 18 mai 1975 instituant la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et révisé successivement par le Traité du 24 juillet 1993 et le Protocole additionnel de 2005, affiche comme ambitions : « la Communauté vise à promouvoir la coopération et l'intégration dans la perspective d'une union économique de l'Afrique de l'Ouest en vue d'élever le niveau de vie de ses peuples, de maintenir et d'accroître la stabilité économique, de renforcer les relations entre les États membres, et de contribuer au progrès et au développement du continent africain »55(*).

A la création de la Cour de justice de la CEDEAO, le Protocole du 6 juillet 1991 ne conférait pas à cette nouvelle institution judiciaire une compétence en matière de protection des droits humains. Sa compétence se limitait en vertu des articles 9 et 10 du Protocole à connaître des différends dont elle est saisie, conformément aux dispositions du Traité par les États membres ou par plusieurs États et les institutions de la Communauté à l'occasion de l'interprétation ou de l'application des dispositions du Traité. Cet instrument juridique se focalisait sur l'intégration économique et ne s'intéressait pas aux droits de l'homme. De même, les individus n'étaient pas autorisés à saisir la Cour, seuls les États pouvaient agir à leur place.

Par ailleurs, la révision du Traité de la CEDEAO le 24 juillet 1993 oriente les États qui s'engagent à la « promotion et la protection des droits fondamentaux de la personne conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples »56(*). Mais il a fallu attendre le Protocole sur la démocratie du 21 décembre 2001 pour voir l'annonce d'une « extension de la compétence de la Cour, entre autres aux violations des droits de l'homme après épuisement, sans succès, des voies de recours ». En effet, le droit de recours individuel, particulièrement en matière de droits de l'homme sera ouvert aux citoyens des États membres devant la Cour de justice de la CEDEAO en 2005. Le Protocole additionnel portant amendement du préambule et des articles 1er, 2, 9, 22 et 30 du Protocole relatif à la Cour de justice de la Communauté complète le Protocole de la CEDEAO. Désormais, la Cour a compétence pour examiner les litiges relatifs aux droits de l'homme sur saisine des particuliers. Ainsi l'article 3 dispose : « la Cour est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l'homme dans tout État membre ». Au surplus, l'article 4 institue un nouvel article 10 dans le Protocole de la Cour de justice de la CEDEAO qui précise : « peuvent saisir la Cour : (...) toute personne victime de violations des droits de l'homme ». En tant que cour des droits de l'homme, la CJ CEDEAO a la compétence explicite de recevoir des requêtes émanant des individus à des conditions même plus souples que celles retenues par la Cour africaine57(*).

Dans la perspective de cette disposition la Cour a eu à recevoir des requêtes opposant des individus à des Etats58(*), opposant des individus à d'autres individus59(*) et d'autres encore opposant des individus à des organisations internationales ou à leurs institutions60(*).

Cette reconnaissance explicite de la compétence de la Cour de justice de la CEDEAO en matière de droits de l'homme n'est pas unanime pour toutes les juridictions des Communautés Économiques Régionales (CER). En effet, pour les juridictions similaires des Communautés de l'Afrique australe (TSADC) et de l'Afrique de l'Est (CJ EAC), la compétence en matière des droits de l'homme est implicite. En effet, le Tribunal de la SADC a compétence pour connaître des cas relatifs à l'interprétation et l'application du Traité61(*). Ce dernier ne fait pas référence à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, mais il engage les parties au respect des droits de l'homme, à la démocratie, à l'Etat de droit, à la non-discrimination. Mieux, la Cour de justice de l'EAC a compétence pour connaître des cas relatifs à l'interprétation et l'application du Traité62(*) qui, engage les Etats à respecter les principes fondamentaux63(*), parmi lesquels les droits garantis par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. L'Article 27. 2) prévoit qu'un Protocole pourrait être adopté pour donner une plus large compétence à la Cour, notamment en matière de droits de l'homme.

En outre, une lecture croisée des compétences de ces juridictions communautaires dans le domaine des droits de l'homme permet de ressortir la pertinence de leur coexistence avec la Cour africaine. Faut-il le rappeler, le glissement jurisprudentiel du champ économique vers le champ de la protection des droits humains s'est réalisé à un moment où la Cour Africaine était hypothétique. Aujourd'hui, elle semble recouvrer sa vitalité, quoique la saisine individuelle reste conditionnée devant son prétoire. Il se posera inévitablement le problème de compatibilité des procédures et jurisprudences respectives des juridictions communautaires avec celles de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples64(*). C'est notamment le cas avec l'affaire Habré qui était pendante à la fois devant la Cour africaine et devant la CJ CEDEAO65(*). Dans le silence des textes qui régentent l'ordre juridique régional et continental, c'est la jurisprudence qui serait à même de règlementer les rapports entre ces juridictions.

Quoi qu'il en soit, les juridictions des CER à l'instar de la CJ CEDEAO sont connues comme des juridictions de proximité en raison notamment de leur accessibilité.

Paragraphe 2 : La CJ CEDEAO, une juridiction de proximité

Au regard du traité de la CEDEAO et des protocoles y afférents, on peut soutenir que la Cour de justice communautaire est une juridiction originale. La délocalisation des audiences hors de son siège d'Abuja, en cas de nécessité, fait d'elle une juridiction mobile (A), ce qui constitue sans doute une véritable aubaine pour le justiciable dans la sous-région (B).

A. La mobilité de la Cour de justice

Dans la dynamique de permettre à sa juridiction de remplir convenablement son office, la CEDEAO n'a pas manqué de faire d'elle une juridiction mobile au même titre que les autres juridictions internationales66(*). En effet, aux termes des dispositions de l'article 26 du Protocole de 1991 relatif à la Cour, « la juridiction communautaire peut se déplacer lorsque des circonstances l'exigent en tout lieu autre que celui de son siège ». Instituée dès sa création pour des questions liées à l'intégration économique, c'est dans le cadre de la protection des droits de l'homme que cette possibilité de siéger hors des murs d'Abuja prend tout son ampleur. En matière de violation des droits humains, les circonstances qui peuvent justifier le déplacement de la CJ CEDEAO sont diverses. Il peut s'agir par exemple des raisons liées à l'état impécunieux du justiciable pour accéder au juge ou alors pour l'audition des témoins. Cette aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de tout fondement.

Ainsi, « pour que l'accès au juge ne soit pas que vain principe et paravent d'incurie »67(*) afin que le droit à la justice soit un droit pour tous, et non un « privilège », le temple de la justice doit être ouvert à toutes les victimes, de quelque position sociale qu'elles soient pour une meilleure protection des droits de l'homme. Donc comme l'affirme Me Bane, il ne faudrait pas que la justice communautaire soit une justice des riches. Il faut que ça soit la justice de toute la population de l'espace de la CEDEAO68(*).

Le citoyen ouest africain bénéficie d'un droit d'accès assez particulier pour que sa cause soit entendue. La CJ CEDEAO peut se transformer en une juridiction foraine, qui peut se déplacer pour siéger hors de son siège du Nigeria le cas échéant. En réalité, l'éloignement du justiciable de la juridiction peut constituer un obstacle majeur pour l'accès au prétoire par les individus. C'est pourquoi dans l'affaire Dame Hadijatou Mani Koraou c/ République du Niger pour montrer que la justice de l'intégration n'est pas « éthérée »69(*), le juge a accédé à la demande de la requérante en raison de son « état d'impécuniosité » et la nécessité d'entendre les témoins résidant au Niger. Ainsi, comme le fait remarquer le professeur J. F. RENUCCI, « le justiciable ne doit en aucun cas être dissuadé d'accéder à la justice pour des raisons matérielles »70(*).

Le rayonnement de la Cour de justice communautaire de la CEDEAO, son prestige, est intimement lié à ce système d'assistance juridictionnelle. La solidarité dont elle fait montre avec les indigents, la discrimination positive qu'elle instaure entre les citoyens de l'espace communautaire sont gages d'une efficience certaine de la protection des droits de l'homme dans l'espace ouest africain. On peut donc se réjouir du fait que ce qui pouvait constituer un caractère rédhibitoire à l'accès au juge communautaire trouve désormais une alternative dans la mobilité de la Cour. C'est une véritable aubaine pour le justiciable.

B. Une aubaine pour le justiciable

Comme l'exprimait si bien Aristote, « ce sont toujours les plus faibles qui aspirent au droit et à l'égalité, les plus forts ne s'en soucient pas ». Si la victime, à cause de sa situation précaire ne parvient pas à saisir un juge, cela fait une injustice de plus mise sur son dos. On peut dire que cette possibilité offerte par la CEDEAO constitue indubitablement une aubaine pour le justiciable ouest africain, si on sait qu'en Afrique la plupart des populations vivent sous le seuil de la pauvreté. Selon Delphine d'ALLIVY KELLY, avec le caractère forain de la Cour, la CEDEAO a levé le voile pour permettre une « accessibilité pratique et économique »71(*). A cet effet, on est amené à dire qu'avec ce système d'assistance juridictionnelle, l'indigence n'est plus un handicap pour accéder à la justice communautaire.

A la lumière des arrêts rendus jusque-là par la CJ CEDEAO, on constate que les ressortissants nigérians sont les principaux requérants72(*). Cela s'explique, pas parce que le Nigeria est le mauvais élève de la CEDEAO en matière de protection des droits de l'homme mais simplement par le fait que le siège de la Cour se trouve à Abuja. La proximité avec la justice permet ainsi d'accéder plus facilement au prétoire du juge. L'obstacle financier, pour ceux qui se trouvent hors de son siège (Abuja) est ainsi endigué par cette mobilité de la Cour de justice communautaire.

Dans l'ensemble du système africain de protection des droits de l'homme73(*), il faut reconnaître que l'existence de la CJ CEDEAO est un véritable havre pour les citoyens ouest africains, victimes de violations de droits humains. Entre la juridiction communautaire et la Cour africaine, on est persuadé que le citoyen ouest africain choisira sans anicroche la première74(*). Sans pour autant être un pourfendeur aux idées nihilistes du système africain de protection des droits de l'homme, on peut relever certaines faiblesses institutionnelles qui semblent annihiler l'efficacité du contrôle juridictionnel continental. En effet, la Commission peine encore à imposer la protection des droits promus et protégés par la Charte africaine au sein des Etats75(*). La procédure des communications est emblématique du mandat de protection de la Commission. C'est par ce biais quasi-judiciaire que celle-ci est censée concrètement faire respecter les droits de la Charte par les Etats parties. Mais cette procédure est longue et les décisions prises au titre des communications sont trop souvent inappliquées par les acteurs étatiques76(*).

Toutes ces lacunes non exhaustives semblent à nos yeux justifier la mise en place d'un organe judicaire qui complétera le travail de la Commission. Là encore, s'il est vrai qu'avec la mise en place de la Cour ADHP77(*), l'Afrique peut « s'enorgueillir d'une véritable juridiction à l'échelle régionale en matière de protection des droits et libertés »78(*), il n'en demeure pas moins qu'elle prête elle aussi le flanc à la critique. Il serait illusoire dans la quête permanente d'une protection effective des droits de l'homme de prévoir un système de déclaration facultative unilatérale de la part des Etats qui acceptent la compétence de la Cour pour examiner les requêtes individuelles79(*). Le mimétisme hérité du modèle de la Convention européenne de 1950 abandonné en 1998 peut-il faire long feu en Afrique ? Il semble perceptible que ce système juridictionnel d'importation ne peut pas prospérer en l'état dans la réalité africaine actuelle80(*). Il faut souligner que depuis l'entrée en vigueur du Protocole établissant la Cour ADHP, seuls 26 Etats sur 54 membres de l'UA l'ont ratifié et parmi eux, seulement cinq Etats ont accepté la déclaration autorisant les individus et les ONG à saisir la Cour ADHP81(*).

Une justice encline à condamner les violations des droits de l'homme doit être généreuse sur le plan principiel avec les justiciables. Faute de quoi, elle reste à l'état virtuel. La CEDEAO déroge fondamentalement aux mécanismes de protection des droits de l'homme prévus à l'échelle continentale. Sur le plan principiel, elle est généreuse avec les justiciables. Ce qui n'est pas le cas devant le juge continental où, l'accès au prétoire est relativement étendu.

Section 2 : Un accès relativement étendu devant le juge continental

Tout comme la CJ CEDEAO, la Cour ADHP fait droit aux individus de formuler des requêtes devant elle pour dénoncer la violation de leurs droits fondamentaux. Mais à la différence de la première juridiction abordée supra, la Cour ADHP n'offre qu'un accès limité des individus à son prétoire. Il convient donc ici de montrer l'étendue du recours individuel (paragraphe 1), avant de s'appesantir sur les restrictions de l'accès de l'individu à la Cour continentale (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'étendue du recours individuel devant la Cour

L'étendue du recours individuel devant le juge d'Arusha se traduit par l'affirmation de la compétence du juge (A) d'une part, et d'autre part, à travers l'exclusion pour le justiciable du critère de l'intérêt à agir (B).

A. Une affirmation de la compétence du juge

La Cour est dotée d'une compétence matérielle sans commune mesure avec celle attribuée à la Commission82(*) et aux Cours européenne83(*) et interaméricaine84(*). Elle peut être saisie de tout différend portant sur l'application et l'interprétation de la Charte mais également « de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les États concernés »85(*). Entrent dans cette dernière catégorie les traités universels86(*) et régionaux87(*) de protection des droits de l'homme ainsi que les traités de coopération ou d'intégration économique entre Etats africains dès lors qu'ils contiennent des dispositions protégeant expressément les droits de l'homme, ou que leur application est subordonnée au respect des principes contenus dans la Charte88(*). La Cour accepte également d'être saisie de requêtes s'appuyant exclusivement sur des violations alléguées d'un texte de portée déclaratoire dès lors que la substance des droits invoqués se retrouve a minima dans la Charte ou dans un traité international ratifié par l'Etat défendeur89(*). Il en va de même pour les requêtes uniquement fondées sur des violations du droit interne90(*). Les justiciables sont donc encouragés à saisir la Cour, bien qu'il soit possible d'adresser deux critiques prospectives à cette compétence élargie. La première, de nature diplomatique, a trait à la réticence structurelle des Etats à se lier par avance au juge international91(*) d'autant plus que l'accès direct à la Cour n'y est pleinement réalisé qu'après consentement exprès et supplémentaire de la part de l'Etat défendeur92(*). La seconde critique est de nature procédurale : en acceptant de connaître de violations alléguées d'autres instruments internationaux que la Charte, la juridiction est amenée à prendre position sur des cas potentiellement soumis et/ou tranchés par des organes conventionnels, voire par d'autres juridictions internationales93(*).

L'accès de l'individu au prétoire est subordonné à la démonstration de l'existence d'une violation attribuable à un Etat lié par le Protocole à la date des faits allégués. Ratione personae, la juridiction n'est ainsi pas compétente pour connaître des requêtes dirigées contre des entités autres qu'étatiques telle l'Union africaine94(*) ou l'un de ses organes95(*). Temporis, seuls les Etats ayant ratifié le Protocole à la date des faits peuvent être attraits devant la Cour. Ce dernier est entré en vigueur à l'égard de quinze Etats le 25 janvier 200496(*). S'agissant des Etats parties qui ratifient ou adhèrent au texte après son entrée en vigueur, la Cour sera compétente à compter de la date du dépôt de l'instrument de ratification ou d'adhésion97(*).

La compétence temporelle ne pose pas de difficulté lorsque les violations ont eu lieu après l'entrée en vigueur du Protocole à l'égard de l'Etat défendeur. Au cas contraire, la juridiction pourra toutefois se déclarer compétente s'il est démontré que les violations alléguées ont un caractèrecontinu98(*). Un fait internationalement illicite n'acquiert pas ce caractère simplement parce que ses effets ou ses conséquences s'étendent dans le temps. L'assassinat d'un journaliste avant l'entrée en vigueur du Protocole à l'égard de l'Etat défendeur est ainsi une violation instantanée impropre à fonder la compétence ratione temporis de la Cour99(*). Elle estime que le fait que la douleur et la souffrance causées par ledit assassinat se prolongent ne change rien en termes d'accès de l'individu au prétoire du juge. Cela ne signifie pas que la juridiction ne sera pas amenée à prendre en compte ces douleurs et souffrances, mais elle ne le fera qu'au titre des obligations secondaires (réparation) résultant de la violation des obligations primaires. Le fait illicite proprement dit doit donc avoir pris naissance avant que l'Etat ait consenti à la compétence de la Cour et se poursuivre après qu'un tel consentement a été donné. C'est le cas de l'adoption et du maintien en vigueur de dispositions législatives incompatibles avec les obligations conventionnelles de l'Etat100(*), de la détention prolongée d'un requérant101(*), de l'obligation de garantir le respect des droits de l'homme, du droit à une égale protection de la loi, du droit à l'égalité devant la loi, du droit à la liberté d'expression et de l'obligation de respecter les droits des journalistes102(*). L'interprétation promue rejoint celle de la Cour européenne103(*), de la Cour interaméricaine104(*), du Comité des droits de l'homme105(*) et de la Commission africaine106(*).

Toutefois, cette hypothèse fort bien soutenue par une jurisprudence abondante n'est pas exempte de reproches. Aussi, dans l'affaire Peter Joseph Chacha c. Tanzanie, les juges ont-ils reconnu le caractère continu des violations invoquées sans donner plus d'explication sur les éléments leur permettant d'arriver à cette conclusion107(*). Il faut souligner que ces facteurs d'ouverture de la saisine individuelle sont confortés par l'exclusion du critère de l'intérêt à agir.

B. Une exclusion du critère de l'intérêt à agir

D'emblée, il faut souligner que l'intérêt à agir est un critère reconnu par plusieurs juridictions nationales et internationales pour intenter une action devant elles. Consacré en droit civil, ce principe soutient que le requérant soit directement la victime des violations alléguées. En matière de procédure, l'intérêt à agir est en effet une condition de recevabilité de la requête consistant dans l'avantage que procurerait au demandeur la reconnaissance par le juge de la légalité de sa prétention108(*). Le défaut de ce critère dans une action en justice constitue une fin de non-recevoir que le juge peut soulever d'office.

Mais en matière de protection des droits de l'homme, ce critère est relativement apprécié notamment devant les juridictions de protection desdits droits. Aux termes des dispositions de l'article 5, 3) du Protocole, « la Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux ONG dotées du statut d'observateur auprès de la Commission africaine d'introduire des requêtes directement devant elle ».

Sur cette question, la CJ CEDEAO a été plus exigeante que la Cour Africaine. En effet, devant la CJ CEDEAO le requérant doit être la victime directe des violations alléguées. Selon le principe, le requérant doit avoir subi personnellement les effets de la mesure litigieuse pour avoir la qualité de victime109(*). Le défaut de la qualité de victime étant un motif de rejet du recours, sans un examen au fond, on comprend que les États contre lesquels une violation est alléguée invoquent généralement l'absence de la qualité de victime réelle et effective du requérant110(*).

Mais, dans le souci d'une meilleure garantie des droits, les instances de contrôle interprètent de façon souple la notion de victime, étendant ainsi le champ d'application personnel des instruments de protection. Cette conception large permet d'ouvrir l'accès à leurs prétoires aux victimes dites « indirectes »111(*) et « potentielles ». La notion de victime potentielle, si elle n'a pas été explicitement ainsi nommée par la Cour de justice, est celle qui a été appliquée dans l'affaireCDP et autres c/ État du Burkina du 13 juillet 2013. La victime potentielle est la personne qui n'a pas encore subi de violation effective de ses droits, mais qui court le risque de la subir si une législation manifestement incompatible avec les droits garantis venait à s'appliquer112(*). Cette notion avait déjà été évoquée par la Cour de justice dans ses arrêts Hissène Habré c/ l'État du Sénégal du 18 novembre 2010 et Hadidjatou Mani Koraou c/ État du Niger du 27 octobre 2008.

L'appréciation de la notion de victime potentielle suscite toutefois des difficultés, à la fois d'ordre théorique et pratique. La première difficulté théorique est le risque de confusion avec l'actio popularis, c'est-à-dire la faculté de combattre de façon objective et dans l'abstrait les mesures nationales en dehors de tout acte d'application concrète au requérant113(*). La seconde difficulté théorique est le risque de disparition de l'exigence de violation réelle et effective, conduisant à une objectivisation du contentieux de la protection des droits de l'homme, pour les recours introduits à l'initiative des particuliers. Or, si les droits de l'homme ont un caractère objectif, car universellement attachés à la seule qualité d'être humain et échappant au principe interétatique de réciprocité, ils conservent une dimension subjective en raison du statut individuel de leurs titulaires114(*) et de leur mode d'exercice115(*). Ces caractéristiques subjectives trouvent leur traduction dans l'exigence de la qualité de « victime de violation » pour les requérants individuels.

Si cette hypothèse tend à élargir l'intérêt à agir du requérant individuel et par ricochet son accès à la juridiction communautaire, il n'en demeure pas moins qu'il existe des facteurs qui contribuent directement ou indirectement à restreindre l'accès de l'individu au prétoire du juge d'Arusha.

Paragraphe 2 : Les restrictions de l'accès individuel devant la Cour

L'accès de l'individu à la Cour africaine est certes consacré par les dispositions du Traité instituant la Cour, mais l'effectivité du droit de saisine directe reste à redouter (A). Par ailleurs, l'appropriation de la saisine indirecte du juge d'Arusha (B) constitue une limite à l'accès de l'individu à la juridiction pour faire respecter ou rétablir ses droits fondamentaux.

A. L'inexistence d'un droit de saisine directe

En devenant parties au Protocole, les Etats acceptent de plein droit la compétence de la Cour pour connaître des requêtes émanant des autres Etats parties, de la Commission ou des organisations intergouvernementales africaines116(*). A contrario, ils doivent expressément consentir à la saisine directe par les individus et les organisations non gouvernementales. L'article 34, 6) du Protocole dispose à cet effet qu'« à tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5, 3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle déclaration »117(*). C'est la règle de la déclaration facultative d'acceptation de la compétence de juridiction. Elle se présente comme un frein pour l'accès de l'individu à l'office du juge.

Objet de critiques récurrentes, elle fut attaquée à l'occasion de l'affaire Femi Falana c. Union Africaine118(*). Le requérant contestait à l'occasion la compatibilité de l'article 34, 6) du Protocole avec l'article 7 de la Charte qui garantit le droit d'accès à un tribunal119(*). Cette entreprise était vouée à l'échec pour deux raisons au moins. Au plan substantiel, l'article 7 ne garantit que l'accès à un tribunal national, comme l'a vivement rappelé la Commission120(*). Au plan procédural, l'incompétence ratione personae de la Cour était manifeste, cette dernière n'étant pas habilitée à connaître de requêtes dirigées contre des entités autres que des Etats parties au Protocole. Il eut été logique que la requête soit rejetée par une simple lettre du Greffier, sans que la juridiction n'eut à en connaître. Or, non seulement elle avait accepté de l'examiner mais avait décidé en sus d'y accorder un traitement judiciaire, c'est-à-dire une procédure contradictoire composée d'une phase écrite et d'une phase orale. Les opinions jointes à la décision ont mis au jour les dissensions traversant le banc avec pour seul mérite d'attirer l'attention sur des questions que la Cour n'était de toute façon pas habilitée à trancher. Selon l'opinion commune à trois juges, l'article 34, 6) n'était pas applicable en l'espèce121(*).

Pour autant, subordonner la saisine par l'individu d'une juridiction internationale au consentement renforcé des Etats n'est en rien une spécificité africaine122(*). Une exigence similaire a longtemps conditionné l'accès à la Cour européenne123(*) et est toujours en vigueur devant la Cour interaméricaine124(*). Elle n'est pas une réminiscence du passé liée à la lente constitution de la protection internationale des droits de l'homme. De futures juridictions internationales partagent déjà ce trait caractéristique : l'accès de l'individu à la Cour arabe des droits de l'homme125(*) n'y sera conçu que comme un processus médiat, soit par endossement de l'Etat126(*), soit par la représentation du requérant par une ONG, ce qui supposera toutefois dans ce dernier cas que l'Etat défendeur ait préalablement accepté cette possibilité127(*).

La portée réelle du caractère restrictif de l'article 34, 6) doit plutôt être appréciée à l'aune des accords d'intégration économique conclus entre Etats africains. En effet, la Cour n'a pas le monopole du contrôle des droits garantis par la Charte. Les juridictions établies dans le cadre des huit communautés économiques régionales reconnues par l'Union africaine sont également susceptibles de disposer d'une compétence implicite ou explicite en la matière128(*). Implicitement, lorsque l'exécution des obligations économiques du traité est conditionnée au respect de la Charte africaine. C'est le cas du Traité du marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA) qui institue une Cour de justice129(*), de l'ancien Tribunal de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC)130(*) et de la Cour de justice instituée par le Traité établissant la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE)131(*). Le traité ouvre également la possibilité de doter cette dernière d'une compétence spéciale en matière de protection des droits de l'homme par l'adoption ultérieure d'un protocole132(*).Toutes ces juridictions spécialisées, ajoutées à la CJ CEDEAO ont pour point commun de ne pas requérir le consentement préalable de l'Etat défendeur pour l'examen des requêtes individuelles.

Il faut admettre que le filtre de l'article 34, 6) ne constitue donc ni un trait propre au système africain de protection des droits de l'homme, ni un obstacle illicite à l'accès des individus à la Cour. Il faut à présent explorer la piste de la saisine indirecte pour le compte de l'individu

B. L'appropriation de la saisine indirecte

Les individus peuvent présenter des communications devant la Commission sans qu'un Etat partie ne puisse s'y opposer, dans l'espoir que celle-ci décide de porter l'affaire devant la Cour133(*). La Commission pourra ainsi décider de saisir la Cour (avant même l'examen de la recevabilité de la communication) si la situation portée à sa connaissance présente des violations graves et massives des droits de l'homme commises par un Etat partie au Protocole134(*). La Commission pourra également décider de saisir la Cour en cas d'inexécution de ses décisions (mesure provisoire135(*) ou décision au fond136(*)) par un Etat partie au Protocole de la Cour. Dans ces cas, les individus et ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission africaine pourront devenir des parties à la procédure.

L'article 5, 1, d), du Protocole réserve la possibilité qu'un Etat partie puisse saisir directement la Cour pour dénoncer la violation des droits de ses ressortissants par un autre Etat partie dans ce qui s'apparente à la protection diplomatique137(*). La compétence de la Cour sera obligatoire dans cette hypothèse, qui demeure pour le moment purement théorique. Le Protocole ménage enfin la possibilité pour une ONG disposant de la qualité d'observateur auprès de la Commission de saisir la juridiction pour le compte de l'individu. Dans ce dernier cas, toutefois, la compétence de la Cour redevient facultative. Aussi, une personne morale peut-elle se porter requérante devant la Cour seulement s'il s'agit d'une « organisation non gouvernementale » (première condition) « dotée du statut d'observateur auprès de la Commission africaine » (seconde condition). Le filtre de l'article 34, 6) du Protocole s'applique à nouveau dans cette hypothèse.

Ainsi, seules les organisations non gouvernementales peuvent saisir la Cour pour le compte de l'individu. Cette dernière n'a été confrontée qu'indirectement à la question des requêtes présentées par des personnes morales autres que des ONG. Dans l'affaire Delta International Investments S.A. et A.G.L. de Lange c. Afrique du Sud, elle avait été saisie par une entreprise, personne morale de droit privé, ainsi que par des individus personnes physiques. Elle ne s'est toutefois pas prononcée sur les conséquences de cette saisine, la requête ayant été rejetée par une décision d'incompétence constatant l'absence de déclaration de l'Etat défendeur au titre de l'article 34, 6) du Protocole138(*).

L'accès des ONG est en outre subordonné à la possession de la qualité d'observateur auprès de la Commission. Ce statut peut être obtenu par toute ONG oeuvrant dans le domaine des droits humains conformément aux principes fondamentaux et aux objectifs énoncés dans l'Acte constitutif de l'Union africaine et la Charte africaine139(*). L'octroi de ce statut n'est pas sans susciter de réticence de la part de certains Etats qui jugent la Commission trop encline à l'accorder à des organisations dont l'objet statutaire serait contraire aux « valeurs africaines »140(*). Il s'agit sans doute d'un futur cheval de bataille des ONG. En réalité, la refonte institutionnelle de la Cour entraînera une évolution du régime juridique applicable. La juridiction pourra ainsi être saisie par « les personnes physiques et les organisations non-gouvernementales accréditées auprès de l'Union ou de ses organes (...) »141(*), ce qui laisse entendre que la Commission ne pourrait plus être la seule autorité pouvant octroyer le statut d'observateur. Il est à noter que le nouveau protocole accordera également le droit aux institutions nationales des droits de l'homme de saisir la future Cour. Ces institutions se distinguent des ONG par leur caractère gouvernemental. Il s'agit d'organes statutaires établis par les gouvernements et qui ont la responsabilité de promouvoir et protéger les droits de l'homme dans leurs Etats respectifs142(*).

L'accès de l'individu au prétoire ne se réduit pas à la seule compétence du juge continental ou communautaire. Il est également conditionné par les nombreuses conditions de recevabilité de la requête. Les deux juridictions sous étude, et au-delà, les interprètent toutefois de façon à garantir l'accès le plus large des individus à leurs prétoires.

CHAPITRE II : LA RECEVABILITE, UNE EXIGENCE POUR L'EXAMEN AU FOND DE LA REQUÊTE INDIVIDUELLE

L'effectivité de la protection juridictionnelle de l'individu dépasse le strict cadre de son accès aux juridictions ; encore faut-il franchir l'obstacle de la recevabilité qui concerne essentiellement les vices formels ou matériels de la requête. Rien ne sert ainsi d'ouvrir l'accès au prétoire de la juridiction internationale si les herses de la recevabilité sont trop hautes à franchir et deviennent des obstacles dirimants à la suite de la procédure.

A cet effet, le Protocole renvoie à l'article 56 de la Charte qui fixe sept conditions cumulatives de recevabilité devant la Commission. Ce renvoi est logique, compte tenu de la coexistence de la Commission et de la Cour et leur interdépendance : en alignant les conditions de recevabilité des communications et des requêtes, les rédacteurs du Protocole cherchaient à assurer l'égalité d'accès de l'individu devant les deux organes. Cette complémentarité n'est toutefois pas parfaitement éclaircie, le Protocole disposant que la Cour « tient compte » des exigences de l'article 56 de la Charte, ce qui implique qu'elle dispose d'un certain pouvoir discrétionnaire pour envisager d'autres conditions de recevabilité143(*). L'adoption de son Règlement intérieur a dissipé ces doutes, son article 40 reproduisant fidèlement les conditions de l'article 56 de la Charte : six d'entre elles subordonnent la saisine de la Cour au respect de conditions formelles et substantielles de la requête. La septième condition vise quant à elle à préserver le rôle subsidiaire de la juridiction en imposant au requérant d'épuiser les recours internes.

En outre, l'élément fondamental de rivalité entre la Cour ADHP et la CJ CEDEAO réside dans la recevabilité des requêtes individuelles. En effet, la concurrence la plus sérieuse pour la Cour africaine provient de la Cour de justice de la CEDEAO144(*) dont les attributions ont été successivement précisées par le Protocole du 6 juillet 1991145(*) et le Protocole supplémentaire du 19 janvier 2005146(*). Ce dernier lui confère une compétence explicite en matière de protection des droits de l'homme147(*). Compétente au même titre que la Cour africaine pour connaître de l'interprétation et de l'application de la Charte, la Cour de justice de la CEDEAO s'est également émancipée des conditions de recevabilité exigeantes fixées par la Charte148(*). Nul besoin pour accéder à son prétoire de satisfaire aux conditions cumulatives de l'article 56 de la Charte : il suffit que la requête ne soit pas anonyme et qu'elle n'ait pas été soumise à une autre juridiction internationale149(*). Saisir la Cour africaine impose au contraire, en sus de la démonstration de sa compétence, la réunion de sept conditions cumulatives de recevabilité qui s'ajoutent au filtre de la déclaration de l'article 34, 6) du Protocole.

De ces analyses, il ressort que, les conditions de recevabilité d'une requête individuelle, notamment devant les deux juridictions africaines dont la présente étude fait cas, sont non seulement formelles (section 1), mais aussi substantielles (section 2).

Section 1 : Des conditions formelles de recevabilité

Avant d'apprécier le contenu substantiel de toute requête, les deux Cours comparées dans la présente étude doivent vérifier que les exigences formelles requises pour la mise en oeuvre de leur juridiction sont satisfaites. En raison des conditions qui sont souples pour l'une et relativement rigides pour l'autre, on déterminera ainsi une recevabilité adoucie au prétoire du juge communautaire (paragraphe 1), mais conditionnée pour le juge de la Cour africaine (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une recevabilité adoucie au niveau de la CJ CEDEAO

La souplesse des conditions résultant de la Charte africaine (A) ainsi que l'autonomie du juge communautaire dans l'application des modalités de cette Charte (B) sont des facteurs déterminants pour la recevabilité de la requête individuelle au prétoire du juge de la CEDEAO. Elles constituent également des critères de dissemblance avec la Cour ADHP dont le juge communautaire rivalise la compétence en matière de protection des droits de l'homme.

A. La souplesse des conditions résultant de la Charte africaine

La grande accessibilité du juge communautaire par les victimes de violations des droits humains est aussi l'émanation de la Charte africaine. En raison de la spécificité de la protection qu'elle offre, les requérants individuels ont la facilité d'évoquer ses dispositions pour dénoncer les violations dont ils auraient été victimes. A la lumière de ses dispositions, on constate avec aisance que les conditions qui émanent de la Charte sont assez explicites et suffisamment souples pour promouvoir et protéger efficacement les droits de l'homme. Aussi laisse-t-elle la latitude aux juridictions notamment africaines d'interpréter ses dispositions à leur propre guise150(*), pourvu que l'objectif de protection et de promotion des droits de l'homme soit atteint.

Or, d'après les articles 4.g) du traité révisé et 9. 4) du Protocole additionnel de 2005, la CJ CEDEAO fait de la Charte africaine une partie intégrante de son droit applicable en statuant conformément à ses clauses. Ainsi, dans sa décision rendue le 27 octobre 2008 dans l'affaire Dame Hadijatou Mani Koraou contre la République du Niger, la Cour confirme que l'article 4.g) du Traité révisé qui précise que les Etats membres adhèrent aux principes fondamentaux de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, est le souhait du législateur communautaire d'intégrer cet instrument dans le droit applicable devant la Cour. Il sied, par ailleurs de préciser que cette juridiction n'applique pas les conditions de recevabilité des communications telles que portées par l'article 56 de la Charte, jouissant ainsi d'une autonomie dans l'utilisation des modalités de la Charte151(*). Dans son arrêt de principe par lequel la CJ CEDEAO est entrée dans l'histoire en matière de protection des droits de l'homme sur le continent africain, ladite cour statue sur l'autonomie de son utilisation de la Charte152(*). Dès lors que la Partie II de la Charte concerne les modalités de son application par la Commission africaine, qui en outre, n'est pas une juridiction, il est logique qu'elles ne s'appliquent à la CJ CEDEAO. Ainsi, la République du Niger affirme que la CJ CEDEAO doit se référer à l'article 4. g) du traité révisé de la CEDEAO pour appliquer l'article 56, al. 7 de la Charte africaine153(*). Il s'agit bien d'une utilisation pragmatique de la Charte, texte qui ne saurait en revanche ajouter des contraintes procédurales à celles du système de la CJ CEDEAO.

Bien que contrairement au juge de la Cour africaine, le juge communautaire n'applique pas à la lettre les conditions de recevabilité prévues à l'article 56 de la Charte, il reste à relever que ce dernier s'est fondé sur les droits garantis par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples dans deux affaires importantes, concernant la détention arbitraire d'un journaliste gambien et la condition de servilité d'une nigérienne154(*). Le premier cas (affaire Chief Ebrimah Manneh c/ la République de Gambie) portait sur l'arrestation le 11 juillet 2006 et la détention d'un journaliste gambien du Daily Observer par les services secrets. Les avocats du requérant fondaient leur saisine sur le caractère arbitraire de l'arrestation et de la détention de leur client (art. 6 et 7 de la Charte africaine)155(*). La Cour a jugé que la Gambie était responsable de l'arrestation et de la détention arbitraire du requérant, enfermé in communicado sans jugement.

Quoique particulièrement régentée par des instruments juridiques exogènes156(*) dont notamment la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, il est évident que la CJ CEDEAO se veut indépendante dans l'application des modalités de celle-ci.

B. L'autonomie de la Cour dans l'application des modalités de la Charte

La Cour de justice communautaire de la CEDEAO jouit à l'égard de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) de pouvoirs que l'on pourrait qualifier de souverains. Elle ne se trouve pas liée par certaines conditions posées par la charte. C'est sans doute l'affirmation de l'autonomie de la Cour vis à vis de cette Charte. En effet, la Cour de justice communautaire n'est pas dans un lien de subordination hiérarchique avec la Cour africaine. Elle défend de ce fait son « pré-carré » jurisprudentiel, emblème de son autonomie vis-à-vis des juridictions internationales sans se situer néanmoins dans un nombrilisme avilissant.

Ainsi, faisant une lecture généreuse de cet instrument, la CJ CEDEAO indiqua dans son arrêt de principe157(*) qu'elle assure la protection des droits énoncés dans la Charte sans pourtant procéder de la même manière que la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Dans ce présent arrêt qui restera à jamais dans les annales judiciaires, la Cour, alors que même la pratique de l'économie des moyens aurait pu la conduire à s'en tenir aux textes endogènes, a jugé bon dans la mesure où cela servait son dessein pédagogique de se lancer dans l'expéditive. Ceci dans un but d'établir et d'asseoir son autonomie dans l'utilisation des modalités de la Charte. En effet, l'Etat Nigérien, défendeur en l'espèce a soulevé une exception d'irrecevabilité relative à l'épuisement des voies de recours internes158(*). Selon cet Etat incriminé, la condition d'épuisement des voies de recours internes ne figure pas parmi les conditions de recevabilité des cas de violations des droits de l'homme. En raison de cette lacune, les juges doivent s'inspirer de l'article 56159(*) de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples en exigeant préalablement la saisine du juge national. Mais le juge a récusé ces prétentions, en estimant que l'absence d'instruments juridiques de la CEDEAO relatifs aux droits de l'homme fait de la Charte son instrument privilégié pour se prononcer sur des cas de violations des droits de l'homme. Mais ajoute-t-il qu'une distinction doit être faite entre l'énoncé des principes fondamentaux de la Charte et les modalités de mise en oeuvre de ces droits160(*).

De ce fait, la Cour assure la protection des droits énoncés dans la Charte sans pourtant procéder de la même manière aussi bien de la Cour ADHP que de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Cette approche privilégiée par la CJ CEDEAO qui refuse ainsi d'imposer des contraintes procédurales montre la hardiesse et la témérité du juge communautaire. En accordance avec sa jurisprudence de principe, la Cour se complait jusqu'à présent dans cette attitude pragmatique pour demeurer un « bon juge » c'est-à-dire n'être ni au service des Etats ni au service des citoyens mais au service exclusif des droits de l'homme161(*).

Le juge d'Arusha se veut également être un bon défenseur des droits de l'homme, mais la procédure à suivre pour que la requête individuelle soit recevable devant son prétoire est beaucoup plus complexe que devant le juge communautaire.

Paragraphe 2 : Une recevabilité conditionnée au niveau de la Cour ADHP

Les conditions de recevabilité devant le prétoire du juge d'Arusha sont principalement posées dans les dispositions de la Charte africaine notamment en son article 56. Pour être recevable, l'individu doit s'assurer, non seulement de la caractérisation de sa requête (A), mais également d'avoir intenté son action dans un délai raisonnable (B).

A. La caractérisation de la requête individuelle

La caractérisation de la requête est une exigence qui répond à trois critères essentiels à savoir la compatibilité, la nouveauté et la sincérité de la requête portée devant le juge continental. Tous ces critères sont explicitement énoncés dans les dispositions de l'article 56 de la Charte africaine, instrument juridique privilégié de la Cour.

D'abord, en vertu de l'article 56, 2), la requête doit être compatible avec l'acte constitutif de l'Union Africaine ou les dispositions de la Charte. Cette condition sera remplie chaque fois que la requête fera état des faits suffisamment étayés et précis portant sur des violations de la Charte et/ou de tout instrument relevant de la compétence matérielle de la Cour au sens de l'article 3 de son Protocole162(*). Comme l'indique la Cour, « (...) ce qui est important pour qu'une requête soit compatible avec l'Acte constitutif de l'Union Africaine et la Charte est que dans leur substance, les violations alléguées dans la requête soient susceptibles d'être examinées par référence à des dispositions de l'Acte constitutif et/ou de la Charte, et ne soient pas manifestement en dehors du champ d'application de ces deux instruments »163(*). Il est donc attendu du requérant qu'il précise les griefs articulés contre l'Etat défendeur164(*). La Commission a développé sur ce point une abondante jurisprudence, déclarant irrecevable toute communication se bornant à présenter la situation générale de l'Etat défendeur, caractérisée par la corruption et l'immoralité165(*) ; déplorant la lenteur des procédures judiciaires sans démontrer l'existence d'un grief subséquent166(*) ou évoquant des incidents sans préciser les lieux, dates et les noms des victimes167(*). La requête ne doit en outre pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de la Charte de l'Union Africaine et soit des dispositions de la Charte africaine.

Ensuite, le Règlement intérieur de la Commission précise le sens donné à cet article en indiquant que la communication doit mentionner « une indication précisant que la plainte n'a été soumise à aucun organe international de règlement des litiges, ou de compétence similaire, conformément à l'article 56, 7) de la Charte africaine »168(*). Cette condition relative à la nouveauté de la requête n'est pas propre au système africain et constitue une condition de recevabilité des requérants individuels devant le juge européen169(*) et interaméricain170(*). Elle conditionne également la recevabilité des communications individuelles portées devant la majorité des organes conventionnels de protection des droits de l'homme171(*). Or, le Règlement de la Cour ne contient pas de telle précision172(*). Cette lacune est regrettable, puisqu'une telle disposition serait la conséquence logique de la compétence matérielle élargie de la Cour. L'équivoque est perceptible car, ni le Protocole ni le Règlement intérieur ne prévoient ces cas, à la différence d'autres juridictions qui opèrent sur la base d'une disposition claire telle la Cour européenne173(*) et la future Cour arabe174(*) des droits de l'homme.

Enfin, l'article 56, 4) de la Charte subordonne la recevabilité de la requête à l'apport, au moins sommaire, d'éléments permettant d'étayer les violations alléguées. A contrario, l'irrecevabilité sera prononcée lorsque son contenu repose « exclusivement »sur des nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse. Il suffit donc pour les requérants d'invoquer un élément de preuve à l'appui de leur requête pour que la condition de sincérité soit remplie175(*). La Cour n'a été confrontée qu'une fois à une exception préliminaire en ce sens. Dans l'affaire Frank David Omary et autres c. Tanzanie, le défendeur soutenait que la requête était irrecevable car les requérants ne produisaient, selon lui, que des coupures de journaux à l'appui de leur requête. La Cour rejeta cette exception au motif que les requérants avaient cité dans leurs écritures des noms de personnes qui auraient été victimes de brutalités, et avaient également décrit des brutalités policières dont elles auraient été témoins176(*). La solution de la Cour rejoint l'interprétation de la Commission selon laquelle, « tout en étant peu commode de se fier exclusivement aux nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse, il serait tout aussi préjudiciable que la Commission rejette une communication parce que certains des aspects qu'elle contient sont basés sur des informations ayant été relayées par les moyens de communication de masse. Cela provient du fait que la Charte utilise l'expression « exclusivement ». Il ne fait point de doute que les moyens de communication de masse restent la plus importante, voire l'unique source d'information (...) »177(*). D'ailleurs, cette situation n'est pas inédite car, bien avant ce cas, le génocide au Rwanda, les violations des droits de l'homme au Burundi, au Zaïre et au Congo pour n'en citer que quelques-uns, ont été révélés par les moyens de communication de masse. Ainsi, pour la Commission, « (...) la question ne devrait donc pas être de savoir si l'information provient des moyens de communication de masse, mais plutôt si cette information est correcte. Il s'agit de voir si le requérant a vérifié la véracité de ses allégations et s'il a pu le faire étant donné les circonstances dans lesquelles il se trouve »178(*).

Hormis ces exigences caractéristiques, il faudra également que le requérant individuel saisisse la Cour dans un délai raisonnable.

B. L'exigence d'un délai raisonnable de saisine

La saisine de la Cour dans un délai raisonnable est une exigence doublement consacrée. En effet, l'article 40 du Règlement intérieur de la Cour, reprenant l'article 56, 6) de la Charte, exige que la requête soit « introduite dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des voies de recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ». La juridiction en a précisé les contours, notamment en déterminant successivement le point de départet le caractère raisonnable.

Le point de départ du délai de saisine varie selon que le fonctionnement des recours internes est normal ou anormal. Premièrement, lorsque les recours internes fonctionnent normalement, le délai de saisine commence à s'écouler à compter du premier jour franc suivant l'épuisement des recours internes (soit, en pratique, la date de la dernière décision insusceptible de recours rendue par le juge national). Toutefois, une exception179(*) reste à dégager. En effet, lorsque la Cour est saisie directement par un individu ou une ONG disposant du statut d'observateur, tout dépendra de la date à laquelle l'Etat défendeur aura déposé sa déclaration au titre de l'article 34, 6) du Protocole180(*).Ainsi, dans l'affaire Alex Thomas c. Tanzanie, la dernière décision rendue par le juge interne datait du 29 mai 2009. L'Etat défendeur n'ayant fait la déclaration susvisée qu'un an plus tard, le 29 mars 2010, la Cour décida de prendre cette dernière date comme point de départ181(*).

Le point de départ du délai est donc calculé, sauf exception, par rapport à l'épuisement des recours internes pertinents182(*). A notre avis, un point d'ombre subsiste encore, celui de savoir si ce délai commence à courir lorsque le requérant a utilisé une voie de recours que la Cour juge peu appropriée (par exemple un recours en révision). Ce point n'a pas encore été éclairci dans la jurisprudence africaine, mais la Cour européenne n'y voit pas d'obstacle, ce qui peut donc conduire rapidement à l'irrecevabilité de la requête183(*).

Deuxièmement, le fonctionnement anormal184(*) des recours internes dispense-t-il le requérant individuel de saisir la Cour dans un délai raisonnable ? La réponse est négative ; cette situation n'affecte pas la règle, mais uniquement le calcul du point de départ du délai de saisine. Les requérants concernés ne sont ainsi pas fondés à soutenir que, puisqu'ils ne doivent pas épuiser les recours internes, ils peuvent saisir la Cour à leur guise sans restriction temporelle. La juridiction l'a fermement affirmé, relevant que « (...) cette position est intenable parce qu'elle signifierait que dans tous les cas où les requérants n'auraient pas eu à épuiser les voies de recours internes (parce qu'ils ne sont pas efficaces, ou parce que la procédure y relative se prolonge de façon anormale), le délai de saisine de la Cour ne commencerait jamais à courir. Par ailleurs, cette thèse est en contradiction fondamentale avec l'argument des requérants selon lequel il n'y aurait plus rien à attendre du système judiciaire national. On ne peut pas à la fois avancer cet argument et en tirer à son profit la conséquence que le délai de saisine de la Cour ne commencera à courir que lorsque le système judiciaire national, que l'on a pas voulu utiliser, aura réglé l'affaire »185(*).

Il reste donc à déterminer le point de départ du délai de saisine de la Cour dans ce cas particulier. La jurisprudence n'est pas encore très étoffée et il faut être prudent. Pour le moment, seul le point de départ du délai de saisine lorsque les recours internes se prolongent de façon anormale a été déterminé. La date qui doit être retenue est alors celle de l'expiration du délai de recours non exercé selon le droit national186(*).

En outre, le caractère raisonnable du délai de saisine sous-entendque la requête sera frappée d'irrecevabilité chaque fois que la Cour sera saisie dans un temps déraisonnable187(*) à compter du dies a quo188(*). Ni la Charte, ni le Règlement intérieur ne précisent ce délai, à la différence des Conventions européenne et américaine qui retiennent un délai de six mois189(*). Si l'introduction d'une requête quelques mois après l'épuisement des recours internes ne pose pas de difficulté190(*), la Cour accepte d'être saisie au bout de plusieurs années, pour peu qu'une justification sérieuse soit avancée par le requérant.

En tout état de cause, l'interprétation retenue favorise l'accès de l'individu au prétoire, la Cour accordant une grande attention à la situation personnelle du requérant (degré d'alphabétisation, indigence, détention ou non, etc.) ainsi qu'aux éléments objectifs susceptibles d'allonger les délais de saisine (entrée en fonction de la juridiction191(*), etc.). Comme elle l'a relevé, « (...) le fait que le requérant soit incarcéré ; le fait qu'il soit un indigent qui n'ait pas été capable de se payer un avocat ; le fait qu'il n'ait pas eu l'assistance gratuite d'un avocat (...) ; le fait qu'il soit illettré ; le fait qu'il a pu ignorer jusqu'à l'existence de la présente Cour en raison de sa mise en place relativement récente ; toutes ces circonstances justifient une certaine souplesse dans l'évaluation du caractère raisonnable du délai de saisine »192(*). Ont ainsi été jugés raisonnables des délais de 360 jours193(*) ; trois ans et cinq mois194(*) et trois ans et six mois195(*) après le dépôt par l'Etat défendeur de la déclaration d'acceptation de juridiction.

Cette largesse du juge de la Cour africaine semble le rapprocher du juge communautaire qui tient à relever le défi de la protection des droits de l'homme jadis inefficace. En dehors des conditions formelles, le forum shoppingdont fait office ces deux juridictions est également perceptible en ce qui concerne les conditions substantielles de recevabilité.

Section 2 : Des conditions substantielles de recevabilité

Il est évident que pour être recevable devant les juridictions africaines de protection des droits de l'homme, la requête individuelle doit répondre à certains critères matériels bien définis. Ces critères concernent d'une part le principe de l'épuisement des voies de recours internes (paragraphe 1) et d'autre part, la qualité du requérant individuel pour agir (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'épuisement des voies de recours internes

Les juridictions africaines de protection des droits de l'homme notamment la Cour africaine et la Cour de justice de la CEDEAO sont des juridictions subsidiaires, le juge interne (national) demeurant le juge de droit commun de la Charte196(*). A cet effet, elles ne devraient être saisie qu'après épuisement préalable des voies de recours internes par le requérant. Si cette exigence est d'application devant le juge de la Cour ADHP (A), le juge de la CEDEAO lui sort de cette exégèse et déroge à ce principe (B).

A. Une contrainte devant le juge de la Cour ADHP

Au demeurant, l'article 56. 5) de la Charte africaine subordonne la recevabilité de la requête à l'épuisement préalable des recours internes par le requérant, « s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifeste (...) que la procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale ». La règle vise à garantir que l'Etat ait eu connaissance de la violation et ait pu tenter d'y remédier197(*). Cette obligation cède toutefois lorsque les recours ne présentent pas les qualités indispensables à leur efficacité.

La règle de l'épuisement des voies de recours internes permet de ménager le rôle premier des autorités nationales dans la prévention et le redressement des violations alléguées de la Charte. En ce sens, la Cour n'a qu'un rôle subsidiaire, ce qui emporte deux conséquences. Primo, seuls les recours « internes »doivent être épuisés et non tous les autres recours prévus dans le cadre d'organisations internationales. Secundo, seuls sont visés les recours internes « ordinaires », entendus comme « toute action juridique interne pouvant donner lieu à la résolution de la plainte au niveau local ou national »198(*). En pratique, la règle vise donc l'ensemble des recours juridictionnels, qu'ils soient civils, pénaux ou administratifs199(*). Si le requérant dispose éventuellement de plus d'une voie de recours pouvant être effective, il est uniquement dans l'obligation d'utiliser l'une d'entre elles : l'usage d'une autre voie dont le but est pratiquement le même n'est pas exigé.

Cependant, la Cour comme la Commission n'exigent pas du requérant qu'il épuise les recours extraordinaires, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas de droit, qui ne peuvent être exercés qu'à titre exceptionnel et dans des conditions restrictives prévues par la loi200(*). Il s'agira notamment des recours qui dépendent de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire dont les archétypes sont les demandes en révision judiciaire et les recours gracieux et hiérarchiques201(*). L'obligation d'épuiser les recours constitutionnels dépendra largement des particularités du système juridique de l'État défendeur202(*). L'épuisement du recours en inconstitutionnalité tanzanien n'est ainsi pas exigé, la Cour y voyant une voie de recours extraordinaire. Au sens du droit interne pertinent, « la Haute Cour n'exerce pas sa compétence en vertu de cet article dès lors qu'elle est convaincue que les moyens de recours adéquats pour redresser la violation alléguée sont ou étaient disponibles dans le cadre de toute autre loi ou que la requête est simplement fantaisiste ou vexatoire »203(*). Pour la Cour, « ces dispositions démontrent que les recours en inconstitutionnalité pour faire reconnaître des violations des droits de l'homme ne sont examinés que lorsque d'autres voies de recours ne sont pas disponibles, et qu'il s'agit de recours extraordinaires »204(*).

En outre, le requérant doit apporter la preuve d'une tentative, fructueuse ou non, d'épuisement des recours internes pertinents205(*). Cet élément ne doit pas être entendu dans un sens étroit, la preuve attendue étant tant de nature procédurale que substantielle. Au plan procédural en effet, la condition ne sera remplie que si tous les degrés de juridictions ont été utilisés dans le système national, sauf si tout ou partie de ces recours ne présentent pas les qualités exigées par la Cour. Mais l'utilisation des recours internes ne libérera le requérant que lorsque le juge aura pu connaître et trancher le fond du différend : ils ne sont pas réputés épuisés lorsque les actions introduites sont rejetées ou radiées pour des questions de forme ou de procédure206(*). La solution a été critiquée car elle alourdit singulièrement le fardeau de la charge de la preuve des requérants207(*) et fait peu de cas de leur situation personnelle in casu208(*).

A ce volet procédural de l'épuisement s'ajoute donc un versant substantiel qui fait obligation au requérant de soulever les griefs pertinents devant le juge interne. L'identité des griefs soumis au juge interne et à la Cour est donc obligatoire, tout moyen surabondant présenté pour la première fois risquant d'entraîner l'irrecevabilité de la requête. La règle est toutefois appliquée avec une certaine souplesse209(*).

Toutefois, cette souplesse ne s'étend pas jusqu'à accepter que l'Etat défendeur puisse renoncer au bénéfice de la règle de l'épuisement lorsqu'il apparaît que le requérant n'a pas saisi toutes les juridictions concernées. Cette hypothèse s'est présentée pour la première fois dans l'affaire Urban Mkandawire c. République du Malawi. Cette affaire est singulière car elle a mis en prisme la Commission et la Cour africaine210(*). Ainsi, relevant que « le fait pour le défendeur de ne pas soulever la question de la non-conformité avec les exigences inscrites dans le Protocole et la Charte ne peut pas rendre recevable une requête qui est autrement irrecevable », la Cour procède d'office à cette vérification et conclut au rejet211(*). Cette retenue contraste avec la position de la Cour européenne, qui accepte cette renonciation à l'appui d'une pratique internationale bien établie en la matière212(*). La Cour semble avoir préféré faire preuve de fermeté et ne pas envoyer de signal d'une trop grande ouverture, quitte à freiner à court terme l'accès de l'individu à son prétoire213(*). En revanche, la CJ CEDEAO déroge à ce principe de l'épuisement des recours internes.

B. Une dérogation devant le juge communautaire

La CJ CEDEAO semble de toute évidence reconnaître le caractère subsidiaire de sa juridiction en tant qu'ordre international mais ne fait pas de cette règle de l'épuisement des voies de recours internes une condition pour la recevabilité des requêtes individuelles. En effet, cette dérogation s'illustre à suffisance dans l'affaire Dame Hadijatou Mani Koraou c/ la République du Niger214(*). Dans l'espèce, le Niger demandait à la Cour de justice de déclarer irrecevable la requête faute d'épuisement des voies de recours internes par la requérante. Relevant que le protocole instituant la Cour de justice n'exige pas un tel épuisement, le Niger demandait à la juridiction de combler cette lacune. A l'appui de son argument, l'Etat défendeur soutenait que la Cour était liée par les dispositions de l'article 56 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, en raison du renvoi général effectué par le traité instituant la CEDEAO à cet instrument215(*). La Cour de justice rejeta cet argument en deux temps. D'abord, en soulignant qu'il ne lui appartient pas de combler ce que les Etats ont exclu, de telle sorte que le Niger qui a consenti à ratifier le protocole ne saurait être fondé à se soustraire à ses obligations internationales216(*). Ensuite, qu'en subordonnant la mise en oeuvre des obligations générales (de nature économique) au respect des dispositions de la Charte, les Etats ont intégré cette dernière dans le droit applicable devant la Cour de Justice de la CEDEAO. Dès lors, cette dernière ne s'estime pas liée ni par l'article 56 de la Charte fixant les conditions de recevabilité et, par extension, ni par l'interprétation qui en est faite par la Commission et la Cour africaines217(*).

Le juge communautaire estime à bon droit que la protection des droits de l'homme par des mécanismes internationaux tout en demeurant subsidiaire peut s'accommoder avec une interprétation très souple de la règle de l'épuisement des voies de recours internes. Il rejoint ainsi la position de la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire Wilde, Ooms et Versyp c/ la Belgique du 18 juin 1971 lorsqu'elle déclare « conformément à l'évolution de la pratique internationale, les Etats peuvent bien renoncer au bénéfice de la règle de l'épuisement des voies de recours internes »218(*). Il s'agit là d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de la CEDEAO. Les particuliers n'ont pas besoin d'épuiser les recours internes pour pouvoir accéder au prétoire du juge communautaire. Ce qui semble favoriser la saisine abondante de la Cour de justice au détriment de la Cour africaine.

Curieusement, à la lumière de certaines décisions de la Cour communautaire, il est singulier de constater que les Etats incriminés de violations de droits humains se défendent souvent en affirmant que les requérants n'ont pas épuisé les voies de recours internes219(*). Mais, en accordance avec sa jurisprudence de principe, la CJ CEDEAO n'exige toujours pas l'épuisement de voies de recours internes. Cela risquerait évidemment d'obérer la protection des droits de l'homme au niveau des Etats, étant entendu que ces derniers peuvent être attraits devant la justice communautaire sans y être saisis au préalable de l'existence d'une violation alléguée des droits de l'homme.

Outre l'épuisement des voies de recours internes, la qualité du requérant individuel est un facteur déterminant pour la recevabilité de sa requête.

Paragraphe 2 : La qualité du requérant individuel pour agir

La qualité pour agir est bien connue en matière procédurale. Devant le juge de la Cour africaine, ce critère est extensif (A) en raison notamment de l'exclusion de l'intérêt à agir pour saisir la Cour. Par contre, devant le juge communautaire, la qualité pour agir se confond avec la qualité de victime directe et exige un intérêt personnel pour agir. Le critère est donc restreint à ce niveau (B).

A. Un critère extensif au niveau de la Cour ADHP

Aux termes des dispositions de l'article 5, 3) du Protocole, « la Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux ONG dotées du statut d'observateur auprès de la Commission africaine d'introduire des requêtes directement devant elle ». A la différence des autres cours régionales, l'accès de l'individu n'est donc pas limité à un intérêt particulier à agir, comme celui d'être une victime directe de la violation alléguée des droits220(*). Les requérants individuels peuvent également se faire représenter dans des conditions extrêmement libérales, sans commune mesure avec celles imposées dans le cadre européen221(*). Tout individu peut ainsi agir pour le compte d'une autre personne, sans le moindre intérêt personnel222(*). Aucun pouvoir spécial n'est exigé pour que la représentation soit valide223(*) et il suffit que la requête fournisse des indications précises sur la/les partie(s) demanderesses ainsi que sur celle(s) contre laquelle/lesquelles elle est dirigée224(*). Est également recevable la requête émanant d'un ou de plusieurs individu(s), ce qui autorise implicitement les peuples à ester en justice, soit par l'intermédiaire d'un représentant225(*), soit en désignant un groupe représentatif226(*). Cette ouverture de la saisine ne sera pas affectée par le projet de refonte institutionnelle de la Cour africaine227(*).

Dans la CEMAC par contre, le législateur a opté pour le silence sur cette question. En effet, ni la convention régissant la CJC, ni l'Acte additionnel portant Règles de procédure de la Chambre judiciaire de l'ancienne Cour de justice de la CEMAC ne précisent clairement la qualité que doit avoir le requérant. En attendant donc l'adoption du règlement de procédure de cette Cour, on peut se référer à celui de la CJCE où le requérant ne peut attaquer un acte que s'il en est le destinataire, à moins qu'il ne prouve que l'acte attaqué le concerne individuellement et directement228(*). Cette idée ne serait d'ailleurs pas totalement nouvelle devant la Cour de N'Djamena puisque dans l'affaire COBAC c/ Tasha L. Lawrence du 16 mai 2002, la Chambre judiciaire avait affirmé qu'ont la qualité pour agir en recours contre les décisions de la COBAC sur la base de l'article 4 alinéa 1 de l'ancienne convention portant création de la Cour de justice, « les dirigeants sanctionnés ». On peut certes y voir un intérêt à agir, mais aussi avant et en amont une qualité à agir qui résulte du statut de destinataire de l'acte.

Comme l'écrit le professeur Philippe Manin, lorsque des personnes physiques ou morales sont « destinataires d'une décision, elles ne sont soumises à aucune condition restrictive de recevabilité. En revanche pour pouvoir attaquer un acte dont elles ne sont pas destinataires- et notamment un règlement qui, par hypothèse, n'a pas de destinataire- elles doivent démontrer que l'acte les « concerne directement et individuellement »229(*). Cette hypothèse semble confirmée devant le juge de la CEDEAO qui exige aux requérants individuels d'être la victime directe des violations alléguées.

B. Un critère restrictif au niveau de la CJ CEDEAO

La qualité pour agir désigne l'importance selon laquelle, s'attachant pour le demandeur à ce qu'il demande, elle le rend recevable à le demander en justice (si cette importance est assez personnelle, directe et légitime) et à défaut de laquelle le demandeur est sans droit pour agir230(*). Aux termes des dispositions de l'article 10.d i) du Protocole additionnel à la CJ CEDEAO, la Cour peut être saisie par toute personne victime de violations des droits de l'homme231(*). Ainsi, l'exercice d'un droit de recours individuel est subordonné à la qualité de victime. Seule une personne « victime » d'une violation des droits garantis par les instruments juridiques faisant partie du droit positif des Etats peut exercer un recours individuel.

En outre, le demandeur peut être considéré comme une victime dès lors qu'il existe un lien suffisamment direct entre lui et la violation alléguée. A cet égard, pour que le requérant puisse se prétendre victime, il faut qu'il produise des indices raisonnables et convaincants de la probabilité de la réalisation d'une violation en ce qui le concerne personnellement, de « simples suspicions ou conjectures étant insuffisantes à cet égard »232(*). Par conséquent, seule une décision ou une mesure interne lésant concrètement les droits du requérant peut justifier un tel recours. Mais la notion de victime doit dès l'abord être mise en corrélation avec le statut du citoyen. La victime doit être un ressortissant de la Communauté c'est-à-dire « toute personne qui, par la descendance, a la nationalité d'un Etat membre et qui ne jouit pas de la nationalité d'un Etat non membre de la communauté »233(*).

Dans le contexte de « l'ordre juridique communautaire intégré de la CEDEAO »234(*), le juge se veut pragmatique dans sa démarche en interprétant les dispositions dégagées par le législateur communautaire dans un esprit de plus en plus favorable aux individus. Il en est ainsi dans l'affaire Hissène Habré c/ Etat du Sénégal235(*) où la Cour a constaté l'existence d'indices concordants de probabilité de réalisation de nature à violer les droits de l'homme du requérant sur la base des réformes constitutionnelles et législatives entreprises par l'Etat du Sénégal. Si on sait qu'une loi a priori se détermine dans l'abstrait236(*), le cas concret devenant difficile à constater, on peut dire ici que le juge communautaire a fait montre de hardiesse et de témérité. La Cour a interprété de façon autonome la notion de victime de sorte que le recours individuel est largement ouvert. Cet arrêt rappelle à bien des égards l'affaire Marcks où les juges européens ont admis la notion de victime potentielle ou éventuelle. Selon la Cour de Luxembourg, « un individu peut se prétendre victime du seul fait de l'existence d'une législation dont il risque de subir les effets mais indépendamment de toute application effective »237(*).

Le requérant individuel doit par ailleurs avoir un intérêt personnel à agir. Selon la Cour, la violation d'un droit de l'homme ne s'apprécie pas in abstracto mais in concreto et se constate a posteriori c'est-à-dire lorsqu'elle a déjà eu lieu. Par conséquent seule une décision lésant concrètement les droits de l'individu peut justifier un recours devant la Cour communautaire.

Cela s'explique par le fait que la Cour de justice communautaire n'a pas pour rôle d'examiner les législations des États membres de la Communauté in abstracto, mais plutôt d'assurer la protection des droits des individus lorsque ceux-ci sont victimes de violations de ces droits qui leur sont reconnus, et ce, par l'examen des cas concrets présentés devant elle238(*). C'est fort semblablement une condition exigée pour ne pas encombrer la juridiction communautaire par des recours superflus. Sous ce rapport, il ne faut pas se méprendre ; la Cour de justice communautaire demeure certes une vitrine des droits de l'homme mais refuse de devenir une vox populi en transformant les recours en une actio popularis qui risquerait de froisser la susceptibilité des Etats.

CONCLUSION PARTIELLE

Après s'être rassuré que sa requête remplissait les conditions requises pour sa recevabilité, l'individu ou l'ONG doit se poser la question sur les possibilités offertes pour saisir la Cour africaine. Pour cela, le Protocole lui donne un accès direct si l'Etat qu'il met en cause est partie au protocole et par là a fait la déclaration facultative prévue qui permet à la Cour de connaître des requêtes individuelles adressées à son égard239(*).

Les citoyens africains ne pouvant pas saisir directement la Cour il leur est offert une possibilité organisée par le Protocole pour y accéder. Il s'agit du contour par la commission africaine à la seule condition que l'Etat en cause ait ratifié le Protocole.

SECONDE PARTIE : LA FAIBLESSE DES JURIDICTIONS DANS LA PROTECTION DE L'INDIVIDU

Comme l'observait si bien l'éminent professeur Philippe Ardant, « celui qui étudie les droits fondamentaux ne peut se permettre d'être complaisant. Il doit décrire, montrer les forces comme les faiblesses, proposer peut-être des thèmes de réflexions, des solutions parfois »240(*). Cette hypothèse permet de montrer à suffisance que la protection des droits de l'homme par les juridictions africaines est relativement efficace et permanemment perfectible.

Le droit reconnu aux personnes physiques de déférer des requêtes relatives à la violation des droits de l'homme devant les juridictions aussi bien à l'échelle continentale que communautaire est une véritable révolution amorcée dans le système africain de protection des droits de l'homme. Néanmoins ce bond qualitatif se heurte à certains obstacles. En effet, même si les droits de l'homme sont devenus l'une des premières occupations majeures de la Communauté, il est tout de suite apparu que « les murs de l'oppression ne s'effondraient pas à la première sonnerie de clairon »241(*).

Suivant cette logique, on constate malgré l'imposant arsenal normatif que les insuffisances de la protection sont manifestes et pourraient hypothéquer le fonctionnement et l'efficacité de ces juridictions. Ainsi, la protection des droits de l'homme par les juridictions africaines n'est pas encore achevée ; elle est en perpétuelle construction. Et, c'est sans doute un truisme que d'affirmer que les juridictions sont entravées dans leurs actions par différents facteurs (Chapitre I).

Alors, que faire pour remédier à cette situation et rendre perfectible ou moins imparfaite la protection des droits de l'homme ? Sans prétendre disposer de l'antidote susceptible de résorber tous les maux, on est en mesure de proposer quelques solutions pour consolider la protection des droits de l'homme afin de la rendre plus efficace (Chapitre II).

CHAPITRE I : DES JURIDICTIONS ENTRAVEES DANS LEUR ACTION

L'encrage de la Charte dans les esprits est de plus en plus frappant. En témoigne par exemple l'invasion progressive du domaine de la protection des droits de l'homme, jadis considéré comme la citadelle imprenable des juridictions ou quasi-juridictions spécialisées, par les juges des communautés économiques régionales. Ce regain d'intérêt pour le contentieux des droits humains est fort saisissant dans la mesure où, par le jeu du droit de pétition individuel, il favorise la consolidation d'une jurisprudence africaine des droits fondamentaux242(*).

Toutefois, il faut remarquer qu'au plan continental, la réforme entreprise par le Protocole relatif à la Cour ADHP laisse un goût d'inachevé dans la mesure où au-delà de l'avancée observée dans le nouveau système africain, celui-ci recèle encore quelques limites qui pourraient être préjudiciables à son action. Cela procède notamment de l'hypothèse selon laquelle l'application de la Charte africaine est destinée à durer et que cela entraine à la fois des conséquences négatives et positives243(*).

Au plan communautaire, l'adhésion de la CEDEAO à la protection des droits de l'homme est certes un brevet de démocratie et augure une nouvelle ère visant à accorder une place primordiale à l'individu afin qu'il ait directement voix au chapitre lorsque les acteurs étatiques menacent ses droits. Mais, en dépit de tous les efforts déployés par l'organisation internationale et particulièrement par l'organe judiciaire pour le renforcement de la protection des droits de l'homme dans l'espace, l'on relève de réelles insuffisances. Ces dernières obèrent l'action de la Cour dans sa mission de protection des droits de l'homme.

Dès lors, les entraves à l'action des juridictions africaines de protection des droits de l'homme sont nombreuses et diversifiées. On peut les aborder en distinguant les contraintes normatives (section 1) des défaillances juridiques (section 2) notamment lors de l'examen au fond de la requête individuelle.

Section 1 : Les contraintes normatives dans l'examen au fond de la requête individuelle

Le Protocole du 19 janvier 2005 a élargi les compétences de la Cour de justice de la CEDEAO aux cas de violations des droits humains mais l'extension de la compétence rationae materiae ne s'est pas accompagnée d'une « charte » des droits de l'homme spécifique à la Communauté. A ce titre, la Cour de justice de la CEDEAO doit trancher des litiges relatifs à la violation des droits humains en se référant à des textes exogènes qui sont évidemment abondants (paragraphe 1).

A l'opposé de la CJ CEDEAO, la Cour ADHP quant à elle dispose d'un arsenal juridique propre qui a d'ailleurs précédé sa création. Dans son office d'examiner les requêtes, elle s'appuie donc essentiellement sur des textes de référence internes (paragraphe 2), avec une extension notable à d'autres instruments pertinents.

Paragraphe 1 : Le foisonnement des textes de référence du juge communautaire

Par essence, les droits de l'homme sont universels. L'Homme, parce qu'il est un être humain bénéficie de droits inaliénables et imprescriptibles qui ne peuvent être altérés. C'est pourquoi le temple de la Cour de justice ouest africaine n'est pas réfractaire à l'invocation de droits humains inscrits dans les instruments juridiques universels (A) ; qu'ils soient de portée générale ou à objet spécifique. Aussi, la Cour de justice communautaire se réfère-t-elle aux normes régionales africaines de protection des droits de l'homme (B) dans l'accomplissement de sa mission juridictionnelle.

A. Une référence aux instruments juridiques universels

D'emblée, notons que la juridiction communautaire de la CEDEAO déroge à l'ontologie classique, qui se matérialise notamment par l'adoption de Convention devant être le texte de référence de la juridiction même si cette juridiction peut se référer aux instruments universels244(*). Elle s'appuie donc sur un corpus extrêmement large, une mosaïque de textes exogènes. Cela s'explique par le fait que les autorités communautaires n'ont envisagé que tardivement la question des droits fondamentaux et de leur protection. Cette apathie justifie sans doute l'absence d'un texte adopté par la CEDEAO relatif à la protection des droits de l'homme destiné à la pérennisation des droits fondamentaux dans l'ordre juridique communautaire.

A l'orée, le tribunal de la CEDEAO créé en 1975 qui va devenir plus tard la Cour de justice de la Communauté après le traité de révision de Cotonou en 1993 était le garant de la réussite de l'intégration économique. Le Traité (lato sensu) constituait à cet égard la seule source de référence s'agissant de l'interprétation et de l'application des normes communautaires. Les droits de l'homme n'y figuraient pas encore.

C'est pourquoi la Cour de justice de la CEDEAO dans son office travaille avec des instruments généraux tels que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, les deux Pactes sur les droits Civils et Politiques de 1966. Au-delà des quolibets qu'on pourrait en porter sur ce schéma d'externalisation, force est de reconnaître que le souci majeur est d'entrebâiller les portes de la protection des droits de l'homme pour une action efficace. Après tout, comme l'affirme si bien Jules FERRY, all men are created equal245(*).

Dans le nouveau paradigme posé par la CEDEAO, le requérant peut invoquer des instruments juridiques universels tels que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les deux pactes pour arguer sur des cas de violations des droits humains. La généralité des textes et l'absence d'une définition précise et univoque de la notion des droits de l'homme sont une aubaine pour les citoyens d'Afrique de l'ouest, victimes de violations de droits de l'homme. Cette conception extensive des droits de l'homme246(*) est favorable aux saisissants. En effet, la DUDH, « universelle par son inspiration, par son expression, par son contenu, par son champ d'application, par son potentiel »247(*) proclamée le 10 décembre 1948 forme le portique du monument des droits de l'homme édifié par les Nations Unies. Les bienfaits de cet idéal commun se sont ruisselés dans presque toutes les contrées du monde. Il s'est donc agi de permettre aux ressortissants de l'espace communautaire de la CEDEAO de puiser dans ce trésor inépuisable pour une défense plus effective de leurs droits. Ce texte de portée universelle considéré par Bidegaray comme « le meilleur article d'exploitation de la pensée politique »248(*) des Etats de notre époque a ouvert une brèche dans laquelle presque tous les Etats se sont engouffrés pour rendre la société des hommes plus juste et plus généreuse. Il est considéré à juste titre comme le patrimoine commun, la Magna Carta de l'humanité. Les Etats ouest africains en faisant référence dans le préambule de leur constitution aux principes et droits de l'homme tels que définis par la DUDH lui confèrent valeur de droit positif249(*).

Au chapitre de cette faculté offerte aux victimes, les requérants, faute d'une définition prétorienne par le juge communautaire et textuelle opérée par la CEDEAO, ne manquent pas de se situer dans la « généralité » pour faire constater que leur droit a été violé par un Etat membre de l'organisation. Le juge communautaire se pose de ce fait en véritable juge d'un droit universel.

En outre, la Cour ne se réfère pas uniquement aux normes internationales à portée générale. Elle peut également être amenée à juger les violations par un Etat partie de tout autre instrument de protection des droits de l'homme, international ou africain, ratifié par celui-ci. La compétence de la Cour s'appuie donc sur un champ large d'instruments juridiques, permettant de compléter ces textes et d'en combler éventuellement les lacunes250(*).

A cet égard, sans prétendre dresser une liste exhaustive des instruments pertinents, dont le respect pourrait être contrôlé par la CJ CEDEAO lorsqu'ils sont ratifiés par l'Etat partie concerné, nous pouvons énumérer notamment la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979 et entrée en vigueur le 3 septembre 1981. Cette convention a été passée au peigne fin dans une retentissante affaire mettant en cause la dame Koraou et la République du Niger251(*). Dans la même décision, le juge s'est référé à la convention relative à l'esclavage du 25 septembre 1926 et la convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage du 7 septembre 1956. On citera également dans cette optique la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée le 21 décembre 1965, entrée en vigueur le 4 janvier 1969 ; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987252(*) ; la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990.

A la lumière de ce qui ce qui précède, on constate que la Cour de justice travaille avec une panoplie d'instruments juridiques pertinents eu égard aux droits qu'ils consacrent et à l'étendue de leur champ d'application. En plus de ces instruments, la Cour de justice communautaire se réfère aux normes régionales africaines de protection des droits de l'homme.

B. Une affirmation des normes juridiques régionales

L'insertion de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples au Traité de la Communauté donne pouvoir à la Cour en vertu de l'article 19 de son Protocole de connaître des cas de violation des droits de l'homme énoncés dans la Charte Africaine. En effet, considérée comme « un espoir pour l'homme et les peuples africains »253(*) dont le pragmatisme des rédacteurs fut d'essayer de « conceptualiser les droits de l'homme à partir des circonstances et données propres aux sociétés africaines »254(*) en cherchant à insérer « l'homme africain » dans « ce bouillonnement universel », selon Kéba Mbaye255(*), il devient ainsi tout à fait normal que cette Charte soit une source privilégiée du juge communautaire.

La CAHDP dite Charte de Banjul adoptée le 27 juin 1981 entrée en vigueur le 21 octobre 1986 est un texte de référence auquel le requérant peut s'appuyer pour faire constater qu'un Etat membre de la CEDEAO a violé un de ses droits reconnus ou proclamés par ladite convention régionale. En vertu de l'article 19 du Protocole relatif à la Cour, le citoyen peut se référer aux cas de violations des droits de l'homme énoncés dans la Charte Africaine. En effet, aux termes de l'article 4.g) du Traité de la Communauté, les Etats membres se sont engagés à adhérer aux principes juridiques fondamentaux tels que « respect, promotion et protection des droits de l'homme et des peuples conformément aux dispositions de la Charte africaine ». Le législateur communautaire a ainsi intégré cet instrument régional dans le droit applicable devant la Cour de justice de la CEDEAO. Cette possibilité est d'autant plus intéressante en ce sens que cette Charte fait partie du droit positif de tous les Etats membres de la CEDEAO.

Dans l'affaire Hon. Dr. Jerry Ugokwe v. République fédérale du Nigéria256(*), la Cour a déclaré que la référence à la Charte africaine dans son article 4 du Traité révisé de la CEDEAO aussi bien que dans les autres dispositions permettent à la Cour de « faire intervenir l'application de ces droits catalogués dans la Charte Africaine ». Dans d'autres affaires toutes aussi importantes, la Cour s'est fondée sur les droits garantis par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Il en est ainsi dans l'affaire Chief Ebrimah Manneh c/ la République de Gambie257(*). Elle a ainsi jugé que cet Etat était responsable de l'arrestation et de la détention arbitraire du requérant, enfermé in communicado sans jugement. Ce qui est aux antipodes des principes consacrés dans la Charte africaine notamment en ses articles 6 et 7. Dans cette affaire touchant la liberté d'expression, la Cour a, de manière cohérente et convaincante, protégé la libre parole en raison du rôle crucial que joue celle-ci dans le bon fonctionnement de la démocratie.

Ainsi, le législateur communautaire fait de la Charte une partie intégrante du droit applicable par la Cour de Justice de la CEDEAO. Elle est donc l'instrument qui actionne le juge pour examiner au fond la requête à lui adressée.

A la lumière de ce qui précède, il est permis de dire que l'arsenal juridique avec lequel travaille la Haute Juridiction communautaire est d'une pertinence indéniable et garantit ainsi une protection efficace des droits de l'homme. L'individu est au coeur de la « nouvelle » CEDEAO. Les textes régionaux et universels énoncent des valeurs communes et supérieures aux Etats créant ainsi des obligations objectives qui s'imposent à eux. Les « textes » de la CEDEAO offrent ainsi plus de droits aux citoyens de l'espace ouest africain en leur permettant d'accéder directement au prétoire du juge communautaire. Mais la dispersion de ses instruments ne facilite pas pour autant l'office du juge communautaire. C'est certainement ce qui semble amener le juge continental, qui opère dans une sphère plus étendue, à se confiner dans des textes de référence endogènes et spécifiques.

Paragraphe 2 : Le confinement des textes de référence du juge continental

Dans son office de protection des droits de l'homme, le juge de la Cour africaine se réfère non seulement aux instruments endogènes (A), mais prend également en compte les autres instruments pertinents (B).

A. Une référence aux instruments endogènes

Le buissonnement juridictionnel, nous enseigne L. B Larsen, est à son zénith dans toutes les parties du monde258(*). Le processus d'autonomisation et de développement des juridictions régionales et sous régionales s'est matérialisé par l'adoption de « convention » devant être le texte référence de la juridiction même si ces juridictions peuvent se référer aux instruments universels.

La Cour africaine, ainsi que ses homologues européenne et interaméricaine, est compétente pour interpréter et appliquer l'instrument régional général de protection des droits de l'homme. A cet effet, la Cour africaine259(*) est instituée pour le respect de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et ses Protocoles, la Cour européenne260(*) pour l'interprétation et l'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses Protocoles. Il en est de même de la Convention américaine des droits de l'homme dans le cas de la Cour interaméricaine261(*). La CJCE s'est dotée également en 2000 d'un texte spécifique, la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne. Il en est de même depuis le 26 juillet 2002 pour la Communauté andine qui est ainsi pourvue de son propre texte de référence, la Charte Andine de Promotion et de Protection des Droits de l'Homme.

On peut donc retenir que chaque juridiction régionale s'appuie sur un texte de référence endogène pour se prononcer sur des cas de violation des droits de l'homme : c'est le cas de la Cour ADHP. Toutefois, la prolifération des juridictions des Communautés Economiques Régionales semble rompre d'avec cette règle. On note surtout que la création de ces juridictions n'est pas suivie de l'adoption de textes de référence applicables. Elles ont donc coopté les instruments juridiques des autres institutions, tout en conservant une autonomie dans leur application, comme c'est notamment le cas de la CJ CEDEAO262(*).

A la lumière donc de ce qui précède, on retient que l'UA a secrété des instruments juridiques pertinents qui sont à la base de l'action devant la Cour. Le recours individuel est symptomatique des nouvelles ambitions ; la construction d'une communauté fondée sur le droit.Sur le même registre de ce principe sacro-saint de protéger les citoyens africains, ces derniers peuvent invoquer une panoplie d'instruments exogènes pour étayer le bien-fondé de leurs prétentions.

B. Une prise en compte des autres instruments pertinents

Pour ce qui est des sources légales, la compétence matérielle des deux autres Cours régionales est définie par leurs traités constitutifs, soit la Convention européenne des droits de l'homme pour la CEDH, soit la Déclaration des droits de l'homme et la Convention interaméricaine des droits de l'homme pour la CIADH263(*). À l'opposé, la compétence matérielle de la Cour africaine, selon l'article 3 (1) du Protocole de Ouagadougou264(*), est plus étendue puisqu'elle englobe tous les traités et les conventions relatifs aux droits de la personne et ratifiés par l'État contre lequel une plainte est déposée265(*). Ce champ très vaste dépasse de loin le champ de compétence de la Commission africaine qui est limité par la Charte de Banjul. La Commission africaine ne peut se référer au droit international et comparé des droits de la personne que dans le cadre de l'interprétation de la Charte de Banjul266(*).

Par ailleurs, la doctrine nous enseigne que, pour pouvoir considérer un traité international, autre que la Charte africaine, comme source de droit, celui-ci doit, en vertu de l'article 3 (1) du Protocole de Ouagadougou, posséder les trois caractéristiques suivantes :

- Qu'il soit un traité international contraignant ;

- Qu'il soit relatif aux droits de la personne ;

- Qu'il soit adopté et ratifié par l'État contre lequel la plainte est déposée267(*).

Dans cette conception particulière à l'Afrique, on peut mentionner plusieurs avantages. La protection des droits des femmes, qui est considérée comme insuffisante dans la Charte, pourrait être renforcée en vertu des autres instruments régionaux et internationaux s'ils sont ratifiés par l'État contre lequel une plainte est déposée268(*). Aussi, cela représente-t-il une occasion pour contourner les imprécisions, et ce en se fondant sur les autres instruments ratifiés par l'État. Elle a également pour effet d'élargir le champ des droits économiques et sociaux dont la violation pourrait être alléguée devant la Cour africaine269(*).

Toutefois, cette hypothèse ne fait pas l'unanimité. On peut craindre, par exemple que la Cour consacre une interprétation des instruments internationaux différente de celle donnée par les autres instances internationales. Mais Van Der Mei a montré que cet argument est mal fondé puisque dans la pratique, les tribunaux internationaux adoptent la même interprétation des textes internationaux270(*).

Une autre crainte est relative à une possibilité de contradiction des décisions de la Cour africaine avec celles de la Commission africaine, et ceci notamment dans les affaires qui pourraient être concurremment examinées par les deux instances. Cette crainte est réelle puisque les deux instances n'appliquent pas les mêmes normes271(*). En effet, la compétence de la Commission est limitée au texte de la Charte africaine, alors que la Cour africaine peut se référer aux autres sources internationales272(*). Ceci empêche la Commission d'appliquer, dans la même affaire, des normes acceptées par la Cour. La doctrine a suggéré, comme solution pour cette incohérence, que la Commission élargisse son champ de compétence, et ce en adoptant les « principes applicables » de la Charte de Banjul273(*). Elle peut ainsi appliquer les traités relatifs aux droits de la personne qui ont été ratifiés par les États membres, mais qui émanent des autres instances internationales et régionales274(*). C'est vraisemblablement une solution qui pourrait être difficile à appliquer par la Commission.

En bref, la Cour africaine est dotée d'une compétence rationae materiae plus large que celle des autres Cours régionales275(*) dans la mesure où elle n'est pas limitée par la Charte, son principal texte de référence. Mais un point d'interrogation demeure : c'est la question procédurale lors de l'examen au fond de la requête. Il serait intéressant de voir comment les juges de la Cour africaine et de la CJ CEDEAO ont examiné ce problème.

Section 2 : Les défaillances procédurales dans l'examen au fond de la requête individuelle

L'examen de la requête portée devant les juridictions africaines de protection des droits de l'homme est une phase cruciale pour le juge. Il consiste en effet à l'analyse au fond des prétentions des parties aux procès. A cette étape parsemée d'embuches, l'accent sera mis essentiellement sur les défaillances des juridictions africaines sous étude. En effet, si la procédure est globalement controversée au niveau du juge continental (paragraphe 1), elle reste quelque peu cohérente au prétoire du juge communautaire (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une procédure globalement controversée au niveau continental

Le Protocole portant création de la Cour africaine ne règle pas toutes les questions relatives à la procédure qui est suivie pour l'examen des requêtes. L'article 8 du Protocole stipule que « la Cour fixe dans son Règlement intérieur les conditions d'examen des requêtes dont elle est saisie en tenant compte de la complémentarité entre elle et la Commission ». Il en ressort donc une insuffisance qui obère la relation entre la Cour et la Commission (A). Cela constitue à tout point de vue une entrave à l'efficacité de la Cour (B).

A. L'ambigüité de la relation entre la Cour et la Commission

La Commission ADHP a été créée à défaut de pouvoir instituer à l'époque une véritable cour des droits de l'homme276(*). Etant le seul organe de contrôle d'alors, la Commission s'est vue investie à la fois des fonctions de promotion et de protection des droits de l'homme277(*). On aurait pu penser qu'avec le Protocole relatif à la Cour ADHP, on assisterait à une séparation claire entre les tâches de la Commission et celles de la Cour. Cette distinction des tâches devait alors impliquer la sortie de la fonction de protection du champ de compétence de la Commission en faveur de l'exclusive intervention de la Cour. Mais ce ne fut pas le cas ; la Commission garde toujours les prérogatives accordées à elle par la Charte.

La seule différence fondamentale entre la Cour africaine et la Commission, qui examinent les mêmes types de violations des droits de l'homme, est la judiciarisation de la procédure d'examen des requêtes278(*). Celle-ci permet la transparence dans le traitement des affaires, l'égalité des parties et leur représentation, selon les principes généraux du droit à un procès équitable reconnus par les traités régionaux et internationaux de protection des droits humains.

Loin de refondre alors le mécanisme de sauvegarde en plaçant au sommet la Cour ADHP, le Protocole n'a fait qu'ajouter une voie judiciaire parallèle obligée de tenir compte des prérogatives du système de conciliation préexistant. C'est ce qui ressort des dispositions de l'article 2 du Protocole de la Charte au terme duquel « la Cour (...) complète les fonctions de protection que la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a conférées à la Commission (...) »279(*). Pour Olivier DELAS et Eugène NTAGANDA, la principale limite de cette réforme institutionnelle intervenue dans le système africain des droits de l'homme est son absence de réorganisation de tout le système280(*). Cette observation prend toute sa valeur à la lecture du Protocole relatif à la Cour. Car, dans aucune de ses dispositions, rien n'est réellement prévu quant à une répartition des compétences entre la Commission et la Cour. Ce qui permet d'affirmer que celle-ci serait au sommet d'un système désormais judiciaire281(*).

Cette réalité s'illustre par le fait qu'aucun critère n'a été prévu pour savoir dans quels cas la Commission peut saisir la Cour282(*). De même, les conditions dans lesquelles la Cour, saisie d'une requête, devra choisir de la renvoyer à la Commission ne sont nullement précisées283(*). Le Protocole renvoie plutôt au Règlement intérieur de la Cour africaine, afin de régler sa relation avec la Commission284(*).

Or la Cour ADHP, qui devait faire preuve de témérité285(*), est restée trop prudente ou semble timorée par l'ampleur d'une telle tâche. Elle n'a pas définitivement résolu ce problème même si son règlement intérimaire consacre un article à cette question. En effet, il dispose en son article 29, paragraphe 3 : « conformément au Protocole, article 33, la Cour consulte la Commission chaque fois que de besoin, sur toute question de procédure touchant aux rapports entre les deux institutions ».

Ce clair-obscur entretenu dans les rapports entre les deux institutions fait dire à certains auteurs que la Cour africaine n'est pas l'organe principal, mais bien un complément, voire un accessoire de la Commission ADHP286(*). Ce fait, si avéré, constituerait indubitablement un bémol à la volonté de judiciariser le système africain des droits de l'homme, donc à l'efficacité tant recherchée de ce dernier.

B. Une entrave à l'efficacité de la Cour

La principale raison d'être de la Cour africaine est de compléter et renforcer la mission de protection de la Commission. Cette idée d'associer à la Commission africaine une Cour qui la renforce et la complète n'est pas en soi problématique ; elle procède de l'efficacité d'ensemble du système africain des droits de l'homme. Le système américain tout comme autrefois le système européen pratique ce bicéphalisme organique. Seulement, cette option requiert une certaine ingénierie institutionnelle quant à la répartition des tâches entre les différents organes.

Lors de sa création en 1986, la Commission africaine a été chargée d'un double mandat, celui de promouvoir les droits de l'homme et d'assurer leur protection sur le continent. Si au plan de la promotion, la Commission africaine peut se targuer d'avoir eu du mérite, on ne peut pas en dire autant de son office contentieux. Nombreux sont les facteurs qui expliquent cette faiblesse de la Commission africaine à mener à bien cette mission. Parmi les plus significatifs, figure au premier plan l'absence de force contraignante de ses recommandations287(*).

La mise sur pied de la Cour africaine n'a pourtant rien changé à l'architecture initiale du couple de missions assignées à la Commission africaine. Contrairement aux voeux de certains commentateurs, le mandat de protection de la Commission africaine n'a point disparu. Au contraire, il est réaffirmé aux termes de l'article 2 du Protocole. On peut légitimement s'interroger sur les vertus de maintenir une compétence contentieuse en vertu de son mandat de protection au profit de la Commission africaine alors même qu'un organe judicaire fut institué.

Le principe de complémentarité suppose que l'harmonisation des activités d'un ensemble d'institutions poursuivant des objectifs communs passe par l'octroi d'un mandat donné à l'institution la plus compétente et la plus habilitée. Il s'agit ici, d'une exigence de répartition optimale des tâches. Pour ce qui est du système africain des droits de l'homme, compte tenu de l'expérience peu reluisante de la Commission africaine, il semble acquis, que le mandat de protection ne devrait pas être sa mission de prédilection. Ainsi que le soutient Andreas O'SHEA la Commission africaine est un outil utile pour la promotion des droits de l'homme, mais un mécanisme largement inefficace pour leur protection288(*). Il aurait été ainsi souhaitable que le mandat de protection soit exclusivement dévolu à la Cour, tandis que celui de promotion laissé à part entière à la discrétion de la Commission africaine. Cette rationalité organisationnelle aurait constitué à coup sûr un facteur de performance des activités des deux institutions.

Le Protocole prévoit également la possibilité pour la Cour africaine « de régler à l'amiable les cas qui lui sont soumis conformément aux dispositions de la Charte africaine »289(*). Cette option du système africain qui s'éloigne de la pratique américaine et européenne d'avant-fusion mettait la Cour africaine dans une situation pour le moins délicate. En effet, au-delà du fait d'accorder à une entité judicaire des compétences en matière de règlement à l'amiable, démarche qui foncièrement n'est pas dépourvue de rationalité, l'idée que les mêmes juges intervenant dans le processus du règlement amiable soient également compétents en matière contentieuse, soulève des questions290(*).

D'une manière générale, la complémentarité restera une entreprise vaine si les rôles, les mandats et les tâches ne sont pas clairement définis291(*). L'architecture actuelle de la répartition des mandats constitue un terrain propice à l'éclosion des chevauchements qui handicaperont le système de manière globale292(*).

Ainsi que le soutiennent Andreas Zimmermann et Jelena Bäumler, malgré la différence d'approches méthodiques entre la Cour et la Commission africaines, il existe de nombreux chevauchements dans leurs champs d'activité matériels293(*). Ainsi, en dépit des moyens différents par lesquels elles s'y prennent, toutes deux peuvent interpréter la Charte africaine. Cette coïncidence de compétences au sujet de la Charte africaine serait de nature à « nuire à l'efficacité du mécanisme de la Charte africaine »294(*) car, le scénario de la divergence de solutions entre la Commission africaine et la Cour africaine pourrait à tout moment se réaliser295(*).

A la différence de la Cour ADHP, la CJ CEDEAO est autonome dans l'application des dispositions de la Charte et peut se targuer d'une procédure relativement cohérente dans son office.

Paragraphe 2 : Une procédure relativement cohérente au niveau communautaire

A ce niveau, il faut remarquer que l'efficacité de la protection des droits de l'homme est limitée en raison de la surabondance des textes de référence (A). Cette diversité des normes de référence risque de déboucher sur une divergence d'interprétation (B) lors du traitement des requêtes individuelles. Cet état de chose peut entrainer la fragmentation de la Charte  africaine, rendant ainsi inefficace le système africain de protection de l'individu.

A. Une efficacité relative en raison de la surabondance des textes de référence

Rappelons qu'aux termesdes dispositions du nouvel article 9 du Protocole du 19 janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P /17 /91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté, la juridiction de la CEDEAO est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l'homme dans tous les Etats membres. Cette formulation elliptique, lapidaire ouvre pourtant un champ de compétence indéterminée. Les règles qui délimitent les compétences de cette instance sont actuellement fragmentées et parfois obscures, en l'absence d'une précision de la notion des droits de l'homme et d'un catalogue ouest africain de ces droits. Pis encore, les juges d'Abuja n'ont pas encore procédé à l'élucidation conceptuelle de la notion de droits humains, tâche qui aurait certainement permis de mieux assurer plus efficacement le contrôle des droits humains. Une situation due certainement à la configuration institutionnelle de la Cour qui, rappelons-le, n'est pas une juridiction spécialisée dans la protection des droits de l'homme296(*).

On peut relever que les juridictions spécialisées dans la protection des droits de l'homme travaillent avec des instruments endogènes pertinents qui constituent les textes de référence essentiels des juges. Ce qui n'exclut pas la possibilité d'invoquer des instruments exogènes297(*). Mais la juridiction de la CEDEAO elle, déroge à cette ontologie classique en s'appuyant sur un corpus de règles extrêmement large, sur des bases textuelles hétéroclites.

L'absence d'un catalogue ouest africain des droits de l'homme avec des mécanismes de sanctions propres peut entrainer, à notre avis deux conséquences dommageables majeures. La première conséquence liée à cette extensibilité des sources est la dilution de la notion des droits de l'homme ; ce qui débouchera inexorablement sur sa banalisation par les requérants. En effet, la tendance actuelle est la croissance exponentielle des requêtes fantaisistes et imprécises présentées devant le prétoire du juge communautaire. Ainsi, en l'absence d'un standard jurisprudentiel des droits de l'homme, tout droit violé par un Etat membre est supposé être un droit de l'homme.

D'ailleurs, de nombreuses requêtes examinées par la Cour sont qualifiées souvent par les requérants comme étant de violations de droits humains alors qu'au fond elles sont loin de l'être. C'est par exemple, le cas dans la décision rendue par la Cour le 12 octobre 2007298(*). Dans cet arrêt, le requérant n'a spécifié aucun droit (droits civils et politiques, droits économiques, sociaux et culturels, droits dits de troisième et de quatrième générations) dont la violation aurait été commise par l'Etat du Mali. Pis, ce qui laisse le juge anxieux est que le requérant semble arguer que le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction des juridictions nationales constitue une transgression des droits de l'homme. Cette situation est pernicieuse pour la Cour car elle risque de se répercuter sur le raisonnement des juges ou alors entrainer un encombrement de son prétoire. Dans d'autres affaires toutes aussi singulières, des relations contractuelles entre particuliers ont été qualifiées à tort de droits de l'homme299(*). Dans l'affaire Mrs Alice Raphael Chukwudolue et Cie contre la République du Sénégal du 22 novembre 2007 aucun droit de l'homme n'a été spécifié. Parfois, c'est sous le couvert d'une violation des droits humains que les requérants saisissent la Cour pour des affaires relevant au fond du contentieux électoral300(*).

La généralité dans la formulation « des droits de l'homme » peut aussi avoir des effets négatifs sur l'office du juge lui-même, notamment sur son raisonnement. Si la requête ne présente pas avec toute la clarté souhaitable les faits et les problèmes juridiques, le débat judiciaire risque d'en pâtir. L'arrêt Hon. Dr Jerry Ugokwe du 7 octobre 2005 est symptomatique de cette incurie. En effet, la requête invoque la violation du « droit à un procès équitable » mais ne précise pas une telle violation. A la recherche de l'identification du problème qui lui est posé, la Cour d'Abuja oscille dans son raisonnement entre la question du contentieux électoral et celle de la violation du droit à un procès équitable. La Cour s'est alors lancée dans des développements qui ne se rapportent pas nécessairement à son office in casu ; le contentieux électoral.

En outre, dans certaines affaires, les saisissants mettent à mal le juge communautaire et le juge interne en ne visant pas les dispositions pertinentes relatives à la protection des droits de l'homme. Ainsi, les formulations sont souvent vagues, générales, imprécises et les requêtes ne sont pas assez circonstanciées. Certaines demandes présentées devant le prétoire de la Cour donnent parfois à penser que le juge communautaire serait appelé à corriger le juge national suprême. Si la Cour rejette généralement ces requêtes infondées301(*), elle semble avoir fourni l'exception en désapprouvant certaines décisions des juridictions nationales302(*). Ce qui laisse croire que la Cour de justice communautaire est une juridiction de cassation ou un troisième degré de juridiction censurant ainsi les décisions des juridictions suprêmes des Etats membres.

C'est à l'évidence la réforme opérée en 2005 qui porte une dynamique pernicieuse, des effets pervers susceptibles d'affaiblir le contrôle juridictionnel des droits humains. L'abondance des textes de référence, subséquente à l'absence d'un catalogue ouest africain des droits humains, aurait donc pour fâcheuse conséquence d'entrainer une dilution de la notion de droits de l'homme. Submergée par des requêtes fantaisistes et imprécises, la Cour en pâtira et affaissera ainsi son contrôle, si on n'y prête pas garde. Au surplus, elle risque de générer une divergence d'interprétation.

B. Un risque latent d'une divergence d'interprétation des textes

Devant l'imprécision de la notion des droits de l'homme, la multiplicité des textes de référence, la consécration d'un « ordre juridique autonome » de la CEDEAO, une divergence d'interprétation entre la Cour de justice communautaire et les autres Cours internationales pourrait se poser. Selon le professeur H. Ascensio, « les imprécisions, les lacunes, les incertitudes ne constituent nullement du droit. La fonction du juge est d'y pourvoir »303(*). En effet, les droits de l'homme n'étant pas des notions absolues et statiques, mais toujours très étroitement liées aux sociétés qui les appliquent, chaque juge interprétera un texte en fonction de sa formation, du milieu où s'applique le traité. C'est dire donc sous ce registre que « la technique d'interprétation est indissociable de la subjectivité de l'interprète »304(*). La subjectivité de l'interprète va se matérialiser par le choix de techniques interprétatives permettant soit la préservation de l'intérêt étatique,soitcelle de l'intérêt individuel.

Cependant, P. Bercis annonce qu'une « conception statique des droits de l'homme dans un monde dynamique est par avance vouée à l'échec »305(*). Mais une interprétation « dynamique » ou « évolutive » ne risquerait-elle pas d'aboutir sur une contrariété de jurisprudence ? Si des divergences existent sur l'interprétation d'un même texte, qu'en sera-t-il si le juge travaille avec une panoplie d'instruments ayant chacun son propre mécanisme de sanction ? Il faut admettre avec Ascensio que « l'activité juridictionnelle n'est pas un jeu de loterie, ni un automatisme »306(*), mais relève d'une dynamique d'interprétation en fonction des cas présentés. Ce qui laisserait a priori ouverte la possibilité d'une interprétation autonome dans le cadre de la CJ CEDEAO.

L'interprétation d'un texte ne relèverait-elle alors pas de la culture des juges et du milieu de sécrétion des instruments ? Le contenu évolutif des traités influe obligatoirement sur les méthodes d'interprétation. Instruments vivants, selon Sébastien Touzé « les traités des droits de l'homme doivent être continuellement mis à jour afin de rester dans les aspirations dans lesquelles ils évoluent, s'appliquent et sont invoqués »307(*). A cette fin, les organes de protection peuvent réévaluer le critère finaliste objectif aux dépens des critères de l'intention initiale des parties. Le choix du référentiel peut se fonder sur l'interprétation téléologique qui pourra de ce fait étendre la portée des droits garantis. La démarche qui peut dépendre de facteurs extra-juridiques est développée sur la base d'une alternative interprétative oscillant entre l'interprétation assurant le meilleur droit en l'espèce et un équilibre entre intérêt général et droits individuels. En effet, au regard des différentes conventions de droits de l'homme, les organes juridictionnels et quasi-juridictionnels de protection des droits de l'homme disposent d'une compétence générale d'interprétation et, à ce titre, peuvent mettre en oeuvre l'ensemble des techniques interprétatives à leur disposition308(*).

On peut donner l'exemple de divergence jurisprudentielle en se référant aux rapports entre la Cour de Strasbourg et la Cour de Luxembourg sur l'interprétation et l'application de la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour de justice des Communautés n'est pas juridiquement liée par l'interprétation des articles de la Convention donnée par les organes de Strasbourg309(*). Naturellement donc ceci peut entrainer des divergences d'interprétation. A titre illustratif, la Cour de justice a jugé que le droit au respect du domicile ne s'appliquait pas aux locaux commerciaux310(*) contrairement à la Cour européenne des droits de l'homme311(*). Il peut s'agir également de divergences virtuelles312(*). Evidemment, l'uniformité du Droit européen semble menacée313(*).

Le même raisonnement peut être fait s'agissant de l'organe judiciaire de la CEDEAO. La haute Cour de justice fait référence à la Charte africaine et non à l'interprétation donnée par la Cour africaine. La CJ CEDEAO et la Cour africaine deviendront-elle des « soeurs-ennemies » ? Ce qui risquerait d'aboutir sur une anarchie jurisprudentielle ou pire encore une « guerre des juridictions ». Mais on pourrait se demander si la Charte peut être séparée de son interprétation, lorsqu'on songe un tant soit peu à la jurisprudence de la Cour continentale qui a toujours affirmé que la Charte est un instrument vivant et doit être interprétée à la lumière du progrès du monde moderne. Une divergence de jurisprudence peut donc naître en l'absence d'une coordination et d'un minimum de centralisation entre les deux juridictions ; ce n'est nullement pour dire que la CJ CEDEAO doit allégeance et révérence à la Cour africaine. On s'imagine sans peine le désarroi du justiciable confronté à des législations concurrentes et potentiellement dissonantes.

Si la CJ CEDEAO interprète le contenu d'un droit fondamental d'une manière différente de celle de la Cour africaine, il y a un réel danger que l'autorité de l'une des deux soit ébranlée. Gare à celui qui rendra une mauvaise jurisprudence car prévient l'éminent professeur Karagiannis « une mauvaise jurisprudence en droit international ne pouvant pas être facilement corrigée, le juge qui l'aura rendue risquera de la trainer pendant longtemps comme un boulet »314(*). Une contrariété de jurisprudence surtout en matière de protection des droits humains ne se trouverait-elle pas ainsi affaiblie au moment où celle-ci doit être de plus en plus renforcée ?

CHAPITRE II : UNE NECESSAIRE CONSOLIDATION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE L'INDIVIDU

Il est évident que la protection de l'individu par les juridictions africaines n'est pas suffisamment efficace. Afin donc de dissiper les incohérences et corriger ainsi les insuffisances d'ordre factuel relevées, il devient nécessaire d'optimiser la protection juridictionnelle des droits de l'homme notamment assurée par la Cour africaine des droits de l'homme et la Cour de justice de la CEDEAO.

Tout d'abord, au plan juridico-institutionnel des réaménagements doivent être engagés pour une protection effective des droits de l'homme. En effet pour impérative que soit une reconnaissance explicite des droits fondamentaux, il convient également de veiller au renforcement de la protection des droits par des politiques et par des mesures structurelles y relatives. Ensuite au niveau opérationnel, il est nécessaire d'engager des reformes à même de faciliter l'accès de l'individu aux juridictions de protection de ses droits.

Ainsi, cette consolidation procèdera dans un premier temps de la rationalisation du système communautaire de protection des droits de l'homme (Section 1). Dans un second temps, il faudra songer à une redynamisation de la protection de l'individu au plan continental (Section 2).

Section 1 : La rationalisation de la protection individuelle au plan communautaire

La CEDEAO s'est lancée dans une croisade pour la protection des droits de l'homme. A cet effet, il est essentiel d'optimiser le mécanisme de protection mis en place. Cette rationalisation procède d'emblée d'une articulation des voies de recours et d'exécution (paragraphe 1) et d'une reconnaissance de l'autorité des décisions de la juridiction communautaire (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une articulation opportune des voies de recours et d'exécution du juge communautaire

Dans le but de favoriser une protection optimale des droits de l'homme, la Cour d'Abuja doit procéder à la priorisation des requêtes individuelles par le système de filtrage (A) et définir ainsi les modalités d'une application satisfaisante de ses décisions (B).

A. La priorisation des requêtes individuelles par le système de filtrage

On est convaincu de ce que la voie la plus parfaite pour assurer la protection des droits de l'homme consiste en la possibilité reconnue aux individus de recourir directement à un juge. Le système institué par la CEDEAO pour la garantie de ces droits est à bien des égards salutaire. Néanmoins, l'absence d'une structure spécifique chargée du filtrage des requêtes individuelles risque de handicaper lourdement la tâche des juges de la CEDEAO ; si elle ne l'est pas déjà. En effet, le système judicaire de la CEDEAO tel qu'il est structuré ne donne à la Cour de se prononcer à la fois sur la recevabilité et l'examen des requêtes individuelles315(*). Cette structuration actuelle peut entrainer deux effets pervers majeurs, nuisibles à toute garantie juridictionnelle des droits de l'homme : une croissance exponentielle des requêtes fondée à tort ou à raison sur une violation des droits de l'homme et une lenteur dans l'examen des requêtes déposées au prétoire de la Cour.

Depuis la réforme intervenue en 2005 qui a permis aux personnes physiques de saisir la justice communautaire pour faire constater qu'un Etat membre a violé un ou des droits de l'homme, la Cour d'Abuja est submergée de requêtes ayant essentiellement trait à ce nouveau titre de compétence316(*). Le contentieux massif auquel la Cour doit faire face soulève une appréhension justifiée, d'autant plus que l'extension légitime de la compétence ratione loci et ratione materiae de la Cour confère au juge d'Abuja la responsabilité de Juge suprême pour l'ensemble des Etats membres de la CEDEAO.

Ainsi, un aménagement du système actuel de protection des droits est nécessaire. La CEDEAO a ouvert le prétoire de la Cour à plus 300 millions de personnes. Ces dernières, lorsqu'elles sont victimes de violations de droits de l'homme peuvent ainsi saisir directement la juridiction communautaire sans épuiser les voies de recours internes. C'est pourquoi depuis la réforme opérée en 2005, la tendance qui se dessine est la croissance exponentielle des requêtes individuelles. Dans cette perspective, pour alléger la tâche de la Cour et faire montre d'une célérité dans le traitement des requêtes, il est nécessaire de créer une chambre qui se chargera exclusivement du filtrage des requêtes. En effet, toute amélioration ou « survie » du mécanisme contentieux devant la Cour suppose que soit en grande partie résorbé un obstacle de caractère structurel317(*). La Cour, si on n'y prête pas garde sera submergée de requêtes relatives à des cas de violations de droits de l'homme.

Face à un afflux massif de requêtes, la Cour européenne des droits de l'homme a dû procéder également à quelques modifications. Le Protocole n° 14, qui vise à garantir l'efficacité à long terme de la Cour en optimisant le filtrage et le traitement des requêtes, prévoit notamment la création de nouvelles formations judiciaires pour les affaires les plus simples et un nouveau critère de recevabilité318(*) notamment l'existence d'un préjudice important. Il est entré en vigueur le 1er juin 2010.

Cette future chambre de filtrage de la CJ CEDEAO aura fondamentalement pour fonction de décharger la Cour des requêtes qui sont manifestement irrecevables. Il s'agit en effet d'affaires susceptibles d'être recevables et bien fondées. Selon donc ce schéma, l'examen des affaires portées devant la Cour suivra deux étapes principales à savoir : la recevabilité et le fond de l'affaire c'est-à-dire l'examen des griefs. Ce filtrage efficace permettra ainsi une meilleure priorisation des requêtes par le rejet des requêtes manifestement mal fondées. De cette façon, il semble évident que la plus grande partie du contentieux serait apurée. La fonction de cette chambre consisterait à apurer le contentieux et à se prononcer sur la recevabilité des requêtes individuelles. Par la suite, les requêtes jugées recevables seraient examinées, principalement sur le fond. A ce titre, la Cour n'aurait ainsi à rendre qu'un nombre limité de « grands arrêts » par an. Sa tâche principale concernerait le fond du droit, et elle ne retiendrait que les affaires les plus importantes ou les plus graves. Elle se concentrera de ce fait sur les affaires les plus intéressantes et rendra de grands arrêts de principe.

C'est ici un ensemble de révisions minima, susceptibles d'assurer la survie d'un mécanisme de protection qui a déjà donné espoir aux citoyens de la Communauté. De même, il est nécessaire de revisiter les modalités de l'application des décisions de la Cour.

B. La définition des modalités d'une application satisfaisante des décisions

En dépit du caractère déclaratoire de ses arrêts et de l'absence d'un pouvoir d'injonction, la Cour de justice de la CEDEAO se doit de préciser plus clairement la portée de ses arrêts en vue de faciliter leur exécution. Elle pourrait sous ce rapport indiquer la meilleure forme de réparation ou alors en posant une alternative à l'Etat319(*). En effet, il est important pour éviter une diversité d'interprétation que la Cour de justice de la CEDEAO soit plus précise dans les arrêts qu'elle rend. Malgré le fait que les Etats aient accepté que leurs citoyens puissent s'adresser directement au juge communautaire, il ne faut pas perdre de vue qu'ils ne sont pas encore des démocraties mais en transition démocratique320(*). Sous ce rapport, les juges d'Abuja sont invités à produire une jurisprudence claire et exemplaire dénuée de toute ambigüité321(*). La Cour doit s'efforcer d'indiquer plus explicitement et plus précisément les enseignements généraux qui découlent de ses arrêts, dans le but d'éviter des violations répétitives.

A l'égard des Etats coupables d'avoir violé des droits de l'homme, la Cour de céans se montre souvent, assez « réservée »322(*). Elle n'indique que très rarement les conséquences de violations constatées323(*), sauf dans l'hypothèse peu banalisée de l'octroi de dommages et intérêts. La Cour de Justice de la CEDEAO saisie d'une requête introduite par neuf (09) anciens députés de l'Union des Forces de Changement (UFC) exclus de l'Assemblée Nationale, constate la violation, par l'Etat togolais, d'une liberté fondamentale des requérants, notamment le droit d'être entendu, prévu par les articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples324(*). Elle note en effet que les députés n'ont jamais exprimé leur volonté de démissionner de l'Assemblée Nationale. Par conséquent, l'Etat Togolais doit réparer le préjudice et allouer des dommages et intérêts aux victimes. Les autorités togolaises tirant prétextes du « flou artistique » de la décision de la Cour ont refusé la réintégration des députés déchus à l'hémicycle. Elles estiment en effet que la Cour de justice communautaire n'a point parlé de réintégration mais de réparation (compris seulement comme étant l'octroi de dommages-intérêts fixés à trois (3) millions de francs CFA). Les requérants semblent même être en phase avec le défendeur. Ils ont introduit une demande en révision dont le but est d'amener la juridiction communautaire à « remédier à l'omission qu'elle en a faite sur le chef de demande relatif à leur réintégration à l'hémicycle »325(*).

Une telle interprétation pouvait être évitée si le juge communautaire avait pris le soin de se prononcer en des termes plus simples. En matière de protection des droits humains, la réparation d'un droit violé exige que la victime soit complètement rétablie dans ses droits, c'est-à-dire qu'elle soit placée « in statu quo ante », en d'autres termes, dans l'état où les choses étaient auparavant. Cela suppose donc le rétablissement de la situation préexistante, et dans le cas d'espèce que les Neuf (09) députés exclus doivent être mis dans les conditions d'être entendus sur leur prétendue démission, d'où leur retour à l'Assemblée Nationale qui s'impose apriori. Elle suit en cela le régime de la responsabilité internationale ; l'engagement de la responsabilité entraîne trois obligations à savoir : l'obligation de cessation de l'illicite, l'obligation de réparation, enfin l'obligation d'éviter des violations semblables326(*).

Au sein de certaines communautés interétatiques, les textes régissant les Cours de Justice ont indiqué la manière d'exécuter ce genre de condamnation. Il en est ainsi en ce qui concerne la Cour Européenne des Droits de l'Homme. En effet, l'article 50 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose : « Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une partie contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la présente Convention, et si le droit interne de ladite partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée, une satisfaction équitable ». Les Etats membres de la CEDEAO n'ont pas prévu de pareille disposition dans les protocoles régissant la Cour de Justice. Les parties peuvent, dans ces conditions, s'accorder librement sur la façon de réparer en nature les conséquences politiques des violations. Il faut pallier cette carence en prévoyant dans le système normatif la satisfaction équitable327(*).

Dans le nouvel ordre juridique communautaire intégré de la CEDEAO328(*), la Cour d'Abuja doit s'affirmer en invitant les Etats membres à exécuter totalement et de bonne foi ses décisions. Etant donné que l'architecture institutionnelle de la Cour est symptomatique d'une volonté ferme des Etats membres de bâtir une politique communautaire en matière de protection des droits de l'homme conforme aux exigences internationales. Dans cette arène, il est plus que nécessaire qu'on reconnaisse une autorité aux décisions de la Cour.

Paragraphe 2 : Une reconnaissance de l'autorité des décisions de la CJ CEDEAO

La condition d'effectivité de la protection des droits de l'homme329(*) est non seulementliée à la force obligatoire des décisions de la juridiction communautaire (A) mais également à la mise en place d'une politique cohérente dans l'exécution des arrêts de la Cour (B).

A. L'affirmation du caractère obligatoire des décisions de la juridiction

C'est un pléonasme que de le dire car d'une façon tout aussi classique, un arrêt rendu par une juridiction doit s'imposer erga omnes avec la force contraignante qui sied. Cette exigence participe au premier chapitre à une protection efficace des droits visés dans les différents instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits humains. Ainsi, les décisions rendues par la Cour de justice de la CEDEAO sont obligatoires. Sur ce point on peut dire que la Cour communautaire n'a véritablement pas innové mais a rappelé des principes déjà reconnus et consacrés par les systèmes juridictionnels régionaux de protection des droits de l'homme.

Mais, il faut noter qu'il n'en était pas ainsi dans l'ancien article 11 du Traité de la CEDEAO de 1975 qui ne mentionnait pas la force obligatoire des décisions de la Cour. Source de droit, la jurisprudence communautaire, sous peine d'être vidée de sa substance doit être frappée du sceau de l' « obligatoriété ». Ainsi le droit positif de la CEDEAO affirme que les arrêts de violation des droits humains sont obligatoires pour les Etats condamnés qui sont tenus de les exécuter. En effet, le protocole de 1991 relatif à la Cour en son article 19 alinéa 2 et le Traité révisé en son article 15 alinéa 4 précisent clairement la portée du caractère obligatoire des décisions de la Cour à l'égard des Etats membres, des Instituions de la Communauté et des personnes physiques et morales. Les décisions sont donc définitives et exécutoires immédiatement. Aux termes de l'article 62 du règlement intérieur de la Cour, l'arrêt a force obligatoire à compter du jour de son prononcé.

En outre, on peut remarquer que l'arrêt rendu par la Cour de justice communautaire ne pourra jamais faire l'objet d'un recours devant une autre juridiction, qu'elle soit nationale ou surtout internationale. En réalité seule une révision des traités pourrait permettre de contrer la jurisprudence communautaire. Une telle possibilité est pour l'instant hypothétique.

La législation communautaire stipule en son article 76.2 du Traité révisé que la décision de la Cour de justice communautaire est exécutoire et sans appel. Cette valeur définitive des décisions de la Cour a été rappelée dans l'affaire Pr Etim Moses c. République de Gambie et l'université de Gambie du 29 octobre 2007. En effet l'Etat Gambien frustré par la première décision, celle du 14 mars 2007 a adressé une lettre au Président de la Commission pour leur permettre d'interjeter appel330(*). La juridiction communautaire dans une deuxième décision avant-dire-droit rappelle « qu'en l'état actuel de ses textes de procédure, les décisions qu'elle rend ne sont pas susceptibles d'appel mais seulement de demande en révision ». Les Etats signataires du protocole élargissant les compétences de la CJ CEDEAO semblent bien comprendre cette ligne de conduite. Ainsi dans l'affaire Dame Hadijatou contre Etat du Niger, le ministre nigérien de l'Intégration africaine, Saidou Hachimou, avait affirmé que « l'Etat du Niger se soumettra à la décision de la Cour de justice de la CEDEAO en s'engageant à verser le montant prévu »331(*).

Examinant aussi les décisions rendues par les juridictions nationales suprêmes relatives à des questions de droits de l'homme, les juges d'Abuja font montre d'une hardiesse et d'une témérité exemplaire. Certains observateurs avertis n'ont pas hésité à affirmer que « le juge communautaire désavoue sans conteste le juge constitutionnel »332(*). L'arrêt Isabelle Manavi Ameganvi et autres c/ Etat du Togo333(*)du 7 octobre 2011est illustratif à ce sujet. Contrairement au juge interne qui affirme que les députés en cause doivent être considérés comme ayant démissionné de l'hémicycle, le juge communautaire considère en l'espèce que « les députés en cause n'ont jamais régulièrement exprimé leur volonté de démissionner de l'assemblée nationale ». Dans ce cas de figure, le juge communautaire, sommes-nous tenté de le dire avec quelques nuances, relativise l'autorité de la chose jugée des juridictions internes et réaffirme sa plénitude de juridiction en se parant d'être le juge de dernier ressort.

Sous l'empire du droit communautaire, les autorités nationales doivent donc respecter les engagements auxquels ils ont souscrit notamment en se conformant aux décisions rendues par la justice communautaire. En ratifiant le Traité de la CEDEAO, les Etats sont déterminés selon l'article 5, à se « garder de toute action pouvant entraver la réalisation des (...) objectifs (de la Communauté) » et sont engagés « à honorer leurs obligations selon le présent Traité ».

Rendant ainsi des décisions qui s'imposent erga omnes, les Etats membres et les institutions communautaires doivent sans délai prendre toutes les mesures nécessaires propres à assurer l'exécution de celles-ci334(*).

B. Une efficacité recherchée dans l'exécution des arrêts de la Cour

La jurisdictio et l'imperium constituent les deux activités du juge. La première dimension est la capacité pour le juge à dire le droit tandis que la seconde consiste dans le pouvoir d'imposer une solution aux parties. En « se limitant donc à dire le droit et non à le faire, l'exécution lui échappe »335(*). Comme les arrêts rendus par la CEDH, la CIADH et la CIJ, ceux de la CJ CEDEAO ont un caractère fondamentalement déclaratoire, faute de « police générale »336(*). Mais ce « discours n'est là qu'en vue d'aboutir à une solution concrète. Il est un moyen et non une fin »337(*). Nous pouvons à ce titre citer François TUKENS qui affirme qu' « un arrêt (...) est la promesse d'un changement pour l'avenir, le début d'un processus qui doit permettre aux droits et libertés d'aller dans la voie de l'effectivité »338(*). En acceptant que les personnes physiques puissent s'adresser directement au juge communautaire, les Etats membres de la CEDEAO s'engagent à respecter les arrêts de la juridiction communautaire. La réforme intervenue en 2005 offre ainsi tout un maillage pour une garantie effective des droits des citoyens ouest africains au niveau même de la voie de l'exécution des arrêts de la Cour339(*).

L'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la haute juridiction conjuguée avec les principes de primauté et de l'effet direct renforcent cet idéal démocratique dont l'exécution ne peut se heurter au niveau national à aucun subterfuge juridique340(*). Il faut relever à ce propos qu'il n'existe pas un ordre juridique hiérarchique entre la Communauté et les Etats membres mais un ordre juridique intégré et harmonisé. La CEDEAO a consacré en effet un monisme juridique sans nécessairement le primat du droit communautaire. Cependant, cela ne dispense pas les Etats membres de l'obligation de mettre en exécution les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO. Fonctionnant sur la base du principe de primauté du droit communautaire sur le droit interne, les Etats membres sont dans l'obligation de mettre en oeuvre les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO. En effet la prévalence du droit communautaire sur le droit national induit que les autorités nationales prennent des mesures compatibles avec l'ordre juridique communautaire341(*). Sur ce point la Cour est très explicite. On peut citer l'affaire Chief Ebrimah contre la République de Gambie342(*) où les juges d'Abuja demandent aux autorités gambiennes de libérer le prévenu dès réception de la décision343(*).

Il appartient à l'Etat mis en cause de tirer les conséquences de la violation d'un droit de l'homme en permettant à la partie lésée de recouvrer ses droitsen cas d'impossibilité d'ordonner le versement d'une indemnité. L'exécution des arrêts de la Cour est réalisée par le biais du Tribunal de l'Etat membre concerné, en appliquant les Règles de Procédure Civile en vigueur dans ledit Etat membre344(*). La formule exécutoire est apposée sans autre contrôle que celui de la vérification de l'authenticité du Titre, par l'autorité nationale que le Gouvernement de chacun des Etats membres aura désignée à cet effet345(*). La Cour de justice communautaire a donc besoin nécessairement du concours des Etats membres pour l'application effective des règles communautaires. En effet, comme le fait remarquer Abdoulaye Dièye « la juridiction communautaire et les juridictions des Etats membres de la CEDEAO sont appelées à entretenir des rapports de coopération »346(*) pour une meilleure protection des droits de l'homme.

En outre, les décisions de la CJ CEDEAO vont souvent jusqu'à « neutraliser le pouvoir de révision des Etats membres »347(*) en indiquant aux Etats la voie à suivre. Dans l'affaire Hissène Habré contre Etat du Sénégal, le juge communautaire estime que même si le Sénégal « a reçu mandat de l'Union Africaine pour juger Monsieur Habré au nom de l'Afrique, la procédure de jugement ne doit pas être confiée aux juridictions nationales déjà existantes au risque de porter atteinte aux droits de l'ancien président tchadien »348(*). Selon la Cour « toute autre entreprise du Sénégal en dehors d'un tel cadre violerait, d'une part, le principe de la non rétroactivité de la loi pénale, consacré par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme comme étant un droit intangible et d'autre part, ferait obstruction au respect du principe de l'impunité consacré par les mêmes textes internationaux ».

En cas de non-respect de cette obligation relative à l'exécution des décisions de la Cour, la réforme de 2005 prévoit la possibilité d'exécution forcée. A cet effet l'article 77.1 du traité donne pouvoir à la Conférence d'imposer des sanctions contre un État membre qui ne remplit pas ses obligations envers la Communauté. La panoplie de moyens coercitifs énumérés par cette disposition et la crainte de leur application poussent les Etats à ne pas être récalcitrants quant à la nécessité de se conformer aux décisions de la Cour349(*). La suspension de mesure d'exécution forcée ne pouvant être relevée qu'en vertu d'une décision de la Cour. L'obligation d'exécuter les arrêts de la Cour suit donc le régime de la responsabilité internationale350(*).

Si, somme toute, un certain satisfécit peut être décerné à l'endroit de la Cour communautaire en matière de protection des droits de l'individu, la juridiction mère du continent elle (la Cour ADHP) mérite d'être redynamisée afin de recadrer et rendre efficace la protection des droits de l'homme par son office.

Section 2 : La redynamisation de la protection individuelle au plan continental

Pour rendre plus efficace la protection de l'individu devant le juge d'Arusha, il faut dans un premier temps procéder à l'émancipation du juge (paragraphe 1) et dans un second temps, aménager le prétoire de la cour en faveur du requérant individuel (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une émancipation du juge de la Cour ADHP

La facilitation des modalités de recours individuels (A) ainsi que l'élargissement de la compétence du juge de la Cour ADHP (B) peuvent militer en faveur de la protection des droits de l'homme.

A. La facilitation des modalités de recours individuels

Comme l'a souligné VILJOEN, le succès de la Cour africaine dépend de sa politique de traitement des plaintes individuelles. En effet, les particuliers constituent son public cible et ses bénéficiaires naturels351(*). Aussi, la Cour doit-elle acquérir une légitimité sur le continent africain. Cette légitimité dépend de plusieurs facteurs : l'accessibilité à la Cour, la simplicité de ses procédures, la qualité et la pertinence de ses arrêts352(*). En général, faciliter l'accès à la Cour permettra à cette dernière de réaliser sa mission en matière de protection des droits fondamentaux. Il est donc essentiel d'éliminer tous les obstacles et toutes les procédures trop complexes qui empêchent l'accès à la Cour353(*). Le modèle européen montre que la consécration du droit d'accès direct à la CEDH n'a été possible qu'après plusieurs décennies de travail et de jurisprudence qui ont mis les bases d'une véritable culture de droits de l'homme354(*). C'est cette longue expérience et cette culture qui manquent au système africain.

Il est important de noter que la majorité des victimes de violations des droits de la personne sont des analphabètes qui ignorent les droits consacrés par le système africain. Le rôle des ONG est donc primordial pour aider ce type de victimes à déposer leurs plaintes devant les instances africaines : la Commission ou la Cour355(*). L'étude des communications traitées par la Commission africaine montre que la plupart des plaintes individuelles ont été déposées grâce à l'aide fournie par les ONG africaines. Cela souligne encore une fois l'importance des ONG dans le système régional africain356(*).

Pourtant, selon le Protocole de Ouagadougou, seulement les ONG dotées du statut d'observateur auprès de la Commission africaine ont le droit d'accès direct à la Cour. Selon certains auteurs, cette restriction est injustifiée357(*). En effet, le nombre des ONG reconnues par la Commission africaine s'élève à 435 en 2012358(*). Ce nombre est très faible par rapport au nombre des ONG actives sur le continent. Cette restriction peut considérablement réduire l'accès des ONG à la Cour africaine. C'est pour cette raison que la doctrine appelle à adopter la solution retenue par le système interaméricain en la matière, lequel permet à toute ONG reconnue par un État membre de saisir la Commission interaméricaine359(*).

Par ailleurs, l'étude des affaires traitées jusqu'à présent par la Commission africaine montre qu'il est très rare qu'un État africain défende un individu ou dépose une plainte au nom d'un citoyen devant la Cour. En effet, une seule plainte a été déposée par un État contre un autre : c'est l'affaire de la République démocratique du Congo contre les États du Burundi, du Rwanda et de l'Ouganda, rendue en 1992360(*). La majorité des recours déposés devant la Commission africaine sont donc des recours individuels.

Les arrêts de la Cour africaine contribuent à l'évolution du droit de la protection des personnes dans le continent africain361(*). Il est essentiel à cet égard que la Cour ait une jurisprudence claire et bien fixée en la matière. Par ailleurs, l'efficacité du système africain dépend de la coordination entre la Cour et la Commission. En effet, celle-ci doit acheminer à la Cour tous les dossiers pertinents et la Cour ne doit pas hésiter à accueillir ce genre de dossiers. Les deux institutions ont enfin de compte une même mission : la protection des droits de la personne. C'est ce que rappelle l'article 2 du Protocole de Ouagadougou en stipulant que : « la Cour, tenant dûment compte des dispositions du présent Protocole, complète les fonctions de protection que la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (...) a conférées à la Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (...) »362(*).

Afin de garantir l'accès des individus à la Cour africaine, il faut non seulement que les États membres fassent la déclaration facultative de compétence évoquée à l'article 5 (3) du Protocole de Ouagadougou, mais il faut aussi éliminer tous les obstacles qui empêchent les individus d'accéder à la justice, et ce même à l'échelle nationale363(*). La Cour africaine a tiré la sonnette d'alarme dans son rapport d'activité présenté à l'assemblée de l'UA en 2012 en notant que : « son mandat judiciaire demeure gravement handicapé par le faible taux de ratification du protocole et par le nombre encore plus faible de pays ayant déposé la déclaration spéciale. Si cette situation perdure, tout le système de protection judiciaire des droits de l'homme à l'échelle continentale, qui est symbolisée par la Cour, risque d'en être affecté de façon négative »364(*).

Face à cet état de choses, d'aucuns ont proposé que la ratification par un État du Protocole de Sharm El-Sheikh365(*) rende ipso facto le droit de recours individuel opposable à son égard, quitte à ce que cet État fasse des réserves à l'effet de décliner ce droit. Malheureusement, cette approche n'a pas été adoptée par les rédacteurs du Protocole de Sharm El-Sheikh. Les États ont préféré maintenir le statu quo366(*).

Toutefois, la cour ADHP, à l'instar d'autres juridictions internationales a mené des démarches pour l'élargissement de sa compétence notamment pour juger les individus africains auteurs de crimes internationaux.

B. L'élargissement de la compétence du juge aux crimes internationaux

Face au manque de volonté et de capacité de certains tribunaux nationaux pour juger les auteurs des crimes les plus graves, des instances judiciaires extra nationales et internationales ont exprimé leur compétence pour lutter contre leur impunité et rendre justice aux victimes. Par exemple, la Cour pénale internationale a engagé des poursuites contre des ressortissants congolais, ougandais et soudanais. Un tribunal spécial composé de juges locaux et internationaux a été mis en place pour juger des criminels de guerre sierra léonais et libériens. Des tribunaux nationaux (africains, européens et américains) ont également engagé des poursuites contre des tortionnaires mauritaniens et tunisiens, des génocidaires rwandais, des criminels congolais et tchadien, selon le principe de la compétence universelle367(*).

Cette situation a amené l'Union africaine à réagir sur l'action de la justice internationale en Afrique. Ainsi, sollicité par le président Rwandais, Paul Kagame, qui contestait des procédures engagées en France contre des éléments du Front Patriotique Rwandais à propos de l'attentat de 1994 contre l'ancien président Habyarimana, l'UA a adopté en février 2009, lors de son 12ème sommet à Addis Abeba (Ethiopie), une décision relative à « l'utilisation abusive de la compétence universelle ». Dans ses recommandations, l'UA demandait à la Commission de l'UA, à la Commission africaine et à la Cour africaine d'étudier la possibilité d'élargir la compétence de la Cour africaine pour lui permettre de juger des individus ayant commis des crimes internationaux (crimes contre l'humanité, crimes de guerre et génocide). Cette même recommandation a été renouvelée par l'UA lors de son sommet de juillet 2009 à Sirte (Libye), à l'occasion d'une décision relative à la réunion des Etats africains parties à la CPI, en réaction à l'émission par la CPI du mandat d'arrêt contre le président Soudanais Omar El-Béchir.

En effet, le 14 juillet 2008, le procureur de la CPI avait requis la délivrance d'un mandat d'arrêt contre Omar El-Béchir. Après cette requête, les responsables du gouvernement soudanais avaient implicitement mais aussi explicitement menacé de représailles les forces internationales pour le maintien de la paix ainsi que les travailleurs humanitaires. Le 25 juillet, Bona Malwal, conseiller du président soudanais, a déclaré au sujet des forces du maintien de la paix : « Le monde doit savoir que suite à la mise en accusation de notre président, nous ne pouvons plus être responsables de la sécurité des forces étrangères au Darfour »368(*). Le président El-Béchir a également menacé d'expulser les forces internationales pour le maintien de la paix si un mandat était délivré.

Par ailleurs, le Conseil de sécurité de l'ONU, ses États membres, le Secrétariat Général de l'ONU, l'Union Européenne et l'Union Africaine ont eu à jouer un rôle crucial pour répondre rapidement aux éventuelles représailles gouvernementales au Darfour suite à la délivrance du mandat d'arrêt. Ainsi, une résolution du Conseil de sécurité oblige le gouvernement du Soudan à faciliter le déploiement de la Mission des Nations Unies et de l'Union Africaine au Darfour (MINUAD) et à coopérer avec la CPI. Conformément au droit international, le Soudan a l'obligation de protéger ses civils et d'autoriser un accès complet, sans danger et sans encombre au personnel venant en aide à ceux qui en ont besoin. Le mandat d'arrêt ne modifie ni ces obligations, ni les engagements de Khartoum à appliquer l'accord de paix global signé en 2005 avec le gouvernement du sud Soudan.

Etant donné que la CPI est une institution judiciaire indépendante, quoique le Soudan ne soit pas partie au Traité de Rome qui a établi la CPI, il est soumis à la compétence de cette dernière par l'intermédiaire de la résolution du Conseil de sécurité. En effet, selon le statut de la CPI, la qualité officielle d'un chef de l'État en exercice n'accorde pas l'immunité face à la responsabilité pénale. Toutefois, la CPI n'a pas été en mesure de faire exécuter ce mandat jusqu'à ce que le peuple soudanais ait pris la mesure des choses pour arrêter et juger le Président El Béchir par les juridictions nationales.

L'objectif avancé par l'UA à travers la recommandation d'élargir la compétence du juge d'Arusha pour connaître des crimes internationaux serait d' « africaniser » la justice internationale et ainsi d'éviter des procédures issues d'autres continents contre des ressortissants africains369(*).

En outre, cette solution ne semble pas viable considérant ses implications institutionnelles et financières. A cet égard, notre avis rejoint la FIDH qui préfère encourager les pays africains à adopter dans leur droit interne des lois définissant les crimes internationaux et à réformer leur système judiciaire pour leur conférer toute leur indépendance. La FIDH rappelle que la justice internationale n'intervient qu'en cas d'absence de volonté et de capacité des juridictions nationales à lutter contre l'impunité des auteurs des crimes les plus graves. Il faudrait donc aménager le prétoire de la Cour ADHP si l'on veut que cette dernière parvienne à protéger efficacement les droits humains.

Paragraphe 2 : Un aménagement du prétoire de la Cour ADHP

Le rapprochement du juge régional des justiciables (A) est un impératif pour rendre effective la protection juridictionnelle des droits de l'homme. Mais à l'analyse, la Cour ADHP, à la différence de la CJ CEDEAO, s'est avérée une juridiction éloignée et inadaptée au système africain de protection des droits de l'homme : d'où la nécessité de mettre en place une Cour africaine de justice et des droits de l'homme (B).

A. Le nécessaire rapprochement du juge continental des justiciables

Le rapprochement du juge des justiciables semble une approche favorable à la protection de l'individu. Elle procède de l'assistance juridique apportée aux requérants et susceptible de faciliter leurs actions devant le juge continental. En effet, l'article 10, paragraphe 2, du Protocole est la base juridique principale de l'aide publique aux requérants et prévoit qu'une représentation ou une assistance judiciaire peut être gratuitement assurée dans les cas où l'intérêt de la justice l'exige370(*). L'article 31 du Règlement intérieur reprend à son compte cet article en y apportant une limitation selon laquelle l'aide ne peut être accordée que dans « les limites des ressources financières disponibles » et une extension suivant laquelle l'aide peut viser une représentation et/ou une assistance judiciaire gratuite, là où le Protocole ne permet qu'une option entre les deux371(*).

Au début, la mise en oeuvre de ce mécanisme d'assistance juridique pour rapprocher davantage le justiciable de la justice continentale fut contrastée. Bien qu'opérationnelle depuis l'entrée en vigueur de son Règlement intérieur le 20 juin 2008, la Cour rejeta les premières demandes au motif qu'elle « (...) n'était pas en mesure de fournir l'assistance judiciaire demandée en raison du fait qu'elle ne disposait pas d'une politique d'assistance juridique »372(*). Ce fut chose faite suite à l'adoption de ce document lors de l'exercice 2013-2014373(*). Ratione personae, seuls les individus ou groupes d'individus sont éligibles, à l'exclusion de l'ensemble des autres requérants, ONG disposant du statut d'observateur comprises. L'aide pourra être accordée au titre de l'indigence du requérant374(*), pour la sauvegarde du principe de l'égalité des armes ou dans l'intérêt de la justice. Ratione materiae, l'aide pourra couvrir les frais de voyage, de représentation juridique, les frais liés aux témoins, notamment les témoins experts ainsi que les indemnités journalières de subsistance. Ratione temporis, l'aide pourra être demandée et accordée à tout moment de la procédure, même s'il apparaît judicieux d'en faire la demande dès le dépôt de la requête.

La pratique de la Cour démontre pour le moment une certaine préférence pour l'aide à la représentation plutôt que pour l'assistance financière375(*). Travaillant en étroite collaboration avec l'Union panafricaine des avocats, la juridiction a eu l'occasion de permettre à plusieurs requérants d'être représentés376(*) et d'obtenir des facilités auprès de l'Etat défendeur lorsque cela était nécessaire377(*). L'efficacité du programme dépendra à l'évidence de la pérennité de son financement. Lors des négociations du Protocole, la Namibie avait ainsi souligné qu' « il est indispensable que le Protocole précise qui fournira (paiera) la représentation ou l'assistance juridique gratuite »378(*). Faute d'accord, le texte final ne prévoit pas de telle précision. La Politique d'assistance judiciaire indique quant à elle que le programme est financé par les contributions statutaires et volontaires des États membres ainsi que par les partenaires à la coopération.

Ces hypothèses obèrent l'efficacité de la Cour africaine dans sa mission de protection des droits humains. C'est d'ailleurs ce qui a été à l'origine de la grande réforme annoncée pour la création d'une Cour africaine de justice et des droits de l'homme.

B. Vers une Cour Africaine de Justice et des Droits de l'Homme

En Afrique, la protection juridictionnelle des droits de l'homme a suscité d'innombrables revirements de positions, du rejet à l'acceptation, de la construction à la destruction, pour en permettre la transformation379(*). Elle semble récemment s'être stabilisée dans la figure de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, fusionnant les deux organes judiciaires régionaux actuels. Bien que son unicité aille à l'encontre de la prolifération des juridictions internationales, l'étendue de ses compétences ravive le débat concernant les risques de fragmentation du droit.

Depuis quelques années, la place de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples fait l'objet de vifs débats scientifiques et politiques. En effet, l'Assemblée des chefs d'Etats de gouvernements de l'Union africaine, lors de sa session ordinaire de juillet 2004 à Addis-Abeba décida que : « la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice seront fusionnées en une seule Cour ». Cette décision de l'Assemblée déboucha sur l'élaboration d'un projet de protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme. Depuis, le processus de fusion est largement avancé et sa cristallisation se manifestera avec l'adoption définitive du Projet de protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme. Toutefois, l'intérêt scientifique de cette réflexion ne réside pas dans le cadre du processus évolutif et formatif de l'institutionnalisation de la fusion, mais plutôt dans celui de l'opportunité de fusionner la Cour de justice de l'Union africaine avec la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples.

L'établissement de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples représente une avancée certaine vers une garantie efficace des droits et libertés des individus. Cependant, l'article 34 (6) du Protocole relatif à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples qui rend impossible la saisine de la Cour par les individus ou par les ONG sauf si l'Etat en cause a fait la fameuse déclaration, représente un véritable mécanisme de freinage partant des espoirs suscités par cette Cour. Or dans le cadre de la fusion, le Projet de protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme en son article 31 n'émet aucune réserve quant à la possibilité de saisine de la Cour par les individus ou les ONG, à l'instar du Protocole n° 11 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 11 mai 1994.

Toutefois, lors de la signature du Protocole, il est possible que les Etats puissent émettre des réserves, mais cet aspect est encore en négociation. Néanmoins, le texte initial ne comporte aucune exclusion. La fusion permet aussi une introduction dans l'ordonnancement institutionnel de l'Acte Constitutif de l'Union une section des droits de l'homme. Si le Protocole créant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples ne donne aucune force obligatoire aux arrêts de la Cour, le Projet de protocole de la Cour née de la fusion, prévoit la possibilité pour la Conférence de sanctionner l'inexécution d'un arrêt de la Cour en vertu de son article 47380(*). La fusion permet donc d'étendre le régime juridique des sanctions aux arrêts relatifs aux droits de l'homme.

En outre, certains auteurs381(*) estiment que l'argument de rationalisation des moyens et d'optimisation des coûts qui avait été retenu comme pilier pour la fusion des deux cours, masque en réalité une volonté d'ensevelissement de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. La qualification des juges pourrait ne pas avoir un lien avec les droits de l'homme, on assisterait par conséquent à une régression de la jurisprudence courageusement développée par la Commission africaine ces quinze dernières années.

La Cour africaine de Justice et des droits de l'homme, créée en 2008, n'est pas encore officiellement instituée, le Protocole qui en prévoit la mise en place n'étant pas entré en vigueur. Mais avant, son originalité se remarque dans la très large compétence ratione materiae qui lui a été attribuée. On se demande d'ailleurs si elle est totalement viable tant les voies de recours ouvertes devant la Cour sont de nature très différente.

Bien entendu « l'avènement d'une nouvelle juridiction ne pourra manquer de conforter les contempteurs de la fragmentation du droit international dans leurs critiques d'une trop grande anarchie dans les modes de règlement des différends internationaux »382(*). A sa manière, la Cour africaine de Justice et des droits de l'homme réduit pourtant en partie cette fragmentation puisqu'elle est le résultat de la fusion de deux autres juridictions qui ont vocation, de ce fait, à disparaître. Mais il faut concéder que sa large compétence ratione materiae lui donne le pouvoir d'empiéter sur le champ de compétence de bien d'autres juridictions ou mécanismes quasi-juridictionnels, à commencer par la Cour Internationale de Justice, suivie de la Cour de justice de la CEDEAO, avec lesquelles elle se trouvera directement en concurrence.

Tantôt classique et conservatrice, tantôt insolite et progressiste, la nouvelle Cour de justice et des droits de l'homme devra canaliser et réconcilier les dynamiques qui la sous-tendent pour s'installer en gardienne vigilante et efficace d'un ordre juridique aux ambitions communautaire et internationale, régionale et universelle, générale et spéciale.

CONCLUSION PARTIELLE

Il n'existe plus de doute sur le rôle joué par la Cour de justice de la CEDEAO dans la protection des droits de l'homme. Même si elle n'est pas une juridiction spécialisée en la matière à l'instar de la CEDH, la CIADH ou la Cour ADHP, elle baigne néanmoins dans une plénitude démocratique apparente. Suivant le cadre normatif et institutionnel dans lequel s'adosse son action, la protection des droits de l'homme se trouve ainsi garantie. On peut ainsi s'accorder avec Franca OFOR pour « dire sans possibilité de contradiction qu'il y a des mesures adéquates provisoires dans le cadre de la CEDEAO pour la protection des droits de l'homme dans la sous-région »383(*).

La présence de la Cour de justice de la CEDEAO à côté de la Cour africaine doit être conçue plus comme un apport de taille seulement si la Cour africaine qui a plus de notoriété sur le plan continental continue à prendre le devant en développant un dialogue permanent avec la Cour sous-régionale. Ainsi, une coexistence matérielle est indiquée pour préserver des désarrois aux justiciables et aux juges internes qui ne sauront plus, en cas de concurrence matérielle, à quelle législation se confier.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le but de tout système de protection des droits de la personne est la sauvegarde des droits des personnes qui se trouvent sous sa juridiction384(*). La mobilisation des ressources humaines et matérielles afin de faciliter l'accès des individus aux instances régionale et sous-régionale est louable, car la voie juridictionnelle reste la forme la plus aboutie de sauvegarde des droits fondamentaux385(*). Il est donc important de renforcer le droit de recours individuel devant les juridictions africaines de protection des droits de l'homme. Le système européen actuel est certainement un modèle à suivre. La réforme du système interaméricain qui a consacré le droit pour les individus de présenter à la CIADH, de manière autonome, toutes leurs « sollicitudes » et tous leurs moyens de preuve s'inscrit, elle aussi, dans un mouvement mondial en faveur de la reconnaissance de l'individu comme sujet de droit international.

Par ailleurs, un mouvement mondial se dessine en faveur de la reconnaissance de l'individu comme sujet de droit international. Cette reconnaissance est bien établie dans le droit international économique où les États et les particuliers sont placés sur un mêmepied d'égalité. Cette reconnaissance n'a pas encore trouvé son chemin en matière de protection internationale des droits de la personne. Pourtant, les systèmes régionaux de protection des droits de l'homme se dirigent lentement mais sûrement vers la reconnaissance de l'individu comme sujet de droit international.

Le système régional africain de protection des droits de la personne est un système jeune et ambitieux. La création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples constitue en fait un grand pas en matière de protection des droits fondamentaux en Afrique. Les États membres de l'UA ont pris la décision d'élargir les compétences de la jeune Cour : d'abord en la fusionnant avec la Cour de la justice et ensuite en dotant cette nouvelle Cour d'une section criminelle. La ratification des Protocoles de Sharm El-Sheikh et de Malabo et l'adoption de la déclaration facultative de compétence prévue à l'article 34 (6) du Protocole de Ouagadougou qui permet l'accès direct des individus à la Cour africaine, constitueront certainement un signe de bonne volonté de la part des dirigeants africains.

Au niveau communautaire également, il est significatif de remarquer que la CEDEAO est entrée dans une phase de maturité. Elle arbore un visage ouvert. Au frontispice de nouveaux objectifs dont elle entend jouer pleinement un rôle crucial figure en bonne place la protection des droits de l'homme. Ce projet ambitieux a été concrétisé par l'adoption du protocole du 19 janvier 2005 qui a élargi les chefs de compétence de la Cour d'Abuja aux cas de violation des droits humains. La métamorphose de la CJ CEDEAO, devenue au fil du temps une Cour qui protège les droits individuels sans être une juridiction spécialisée en la matière à l'instar de la Cour africaine ou encore européenne constitue une véritable aubaine pour les citoyens de l'Afrique de l'ouest en particulier.

Une étude comparée de la procédure contentieuse devant les deux juridictions nous a permis de voir l'originalité de la protection des droits de l'homme par la Cour d'Abuja qui se distingue de son aînée continentale par la facilité de sa saisine. Cette originalité est révélatrice de l'efficacité de la protection des droits de l'homme.

Sur le plan institutionnel, il s'agit d'une véritable avancée dans la protection des droits de l'homme. L'introduction du contentieux des droits de l'homme, bastion très sensible dans le chef de compétence de la juridiction communautaire vient ainsi parachever le processus d'intégration ouest africaine. Mais la grande réforme mise en oeuvre par la CEDEAO est certainement la possibilité accordée aux personnes physiques d'accéder au prétoire du juge de la CEDEAO sans épuiser les voies de recours internes pour des cas relevant des droits humains. Ce qui sans nul doute explique la croissance exponentielle des requêtes individuelles à son prétoire386(*), au détriment de la Cour ADHP qui tient pour principe fondamentale cette obligation. Le poids de la Cour de justice dans l'architecture institutionnelle et le rôle qu'elle doit jouer dans l'atteinte des objectifs de la Communauté sont donc considérables. En effet, si la violation des normes adoptées doit rester sans sanction, on peut affirmer sans se tromper qu'il n'y aura point d'intégration effective.

Cependant pour louable qu'elle soit, on doit relativiser sans dévaloriser l'oeuvre accomplie. En effet, cette garantie juridictionnelle des droits de l'homme n'est pas encore tout à fait effective. Schématiquement il existe des raisons qui obèrent l'efficience de la protection des droits de l'homme assurée par les deux juridictions. Alors que la Cour ADHP est entravée par l'inexistence d'un droit de saisine direct, la CJ CEDEAO est, quant à elle, confrontée à un usage exacerbé de ce droit. Pour la première, le manque de volonté politique des États pour reconnaître la compétence juridictionnelle de la Cour et l'obligation faite aux requérants individuels d'épuiser les voies de recours internes sont autant de limites à l'action individuelle. Pour la seconde par contre, c'est d'abord les facteurs endogènes (surabondance des textes de référence, modicité des moyens d'exécution, absence d'un organe de filtrage des requêtes, etc.) qui ont pour conséquence d'affaiblir le contrôle juridictionnel des droits de l'homme. Ensuite, il existe des facteurs exogènes qui consistent principalement en la faible intériorisation de la contrainte juridique et procédurale par les Etats malgré le fait qu'ils soient placés sous l'empire du droit. En effet, le comportement des justiciables étatiques est de nature à obérer l'action de la Cour. Le plus souvent, ils refusent manifestement de se plier à l'autorité de la Cour et à honorer leurs engagements relativement à l'exécution de ses arrêts. La volonté des Etats tient parfois les décisions aussi bien du juge continental quedu juge communautaire.

Afin de dissiper les incohérences et corriger ainsi les insuffisances d'ordre factuel relevées, il s'avère nécessaire d'optimiser la protection juridictionnelle des droits de l'homme assurée par les juridictions africaines sous étude afin de relever les défis aussi bien au plan juridique que sur le plan opérationnel.

Le premier défi d'ordre juridico-institutionnel relativement à la Cour communautaire consistera à mettre en oeuvre un catalogue ouest africain des droits de l'homme. Cette Charte des droits de l'homme aura comme effet, à notre avis, de promouvoir davantage un droit communautaire de la CEDEAO. Elle permettra ainsi de définir un standard de droits dont la Cour doit en assurer la garantie. Ce qui évitera les recours abusifs ou relatifs à des affaires futiles. Il faut rappeler que la Cour de justice travaille avec une panoplie d'instruments juridiques relatifs à la protection des droits de l'homme faute d'un texte spécifique en la matière propre à la Communauté. Or, cette mosaïque de textes est de nature à obérer la protection des droits de l'homme car la généralité est porteuse de confusions387(*).

Aussi, dans le but de favoriser une protection optimale des droits de l'homme, la Cour communautaire doit-elle être dotée d'une chambre chargée du filtrage des requêtes individuelles. La notion de délai raisonnable aura alors recouvert tout son sens. En effet, depuis l'ouverture de son prétoire aux particuliers, la Cour de justice est submergée de requêtes dont certaines sont imprécises, fantaisistes et dénuées de tout fondement relatif à une violation des droits humains. Victime de son propre succès, la Cour risque d'en pâtir. C'est ce qui semble justifier la prudence du juge d'Arusha dont la saisine est jonchée de critères. Son défi institutionnel majeur est celui de sa fusion avec la Cour africaine de justice et des droits de l'homme.

Le second défi d'ordre opérationnel, commun aux deux juridictions étudiées est relatif au comportement des Etats. Il est admis en effet pour importantes que puissent être les innovations induites par les réformes, qu'aucune politique de promotion et de protection des droits de l'homme n'est efficiente si les Etats ne font pas montre d'une réelle volonté politique. Nonobstant le rôle crucial joué par les organes judicaires, la protection effective des droits de l'homme commence et prend fin au plan national. Ainsi, en tant que source du mal, ils en constituent également le remède. Les Etats doivent donc exécuter de bonne foi les décisions de justice et ne doivent entraver de quelque manière que ce soit l'action des organes judiciaires. La Cour ADHP et la Cour de justice de la CEDEAO doivent également gagner la bataille de la visibilité car elles ne sont pas bien connues. Ce qui discrédite également les efforts entrepris pour une protection efficace des droits de l'homme.

Au demeurant, la restriction de l'accès direct des individus à la Cour africaine demeure un aspect fondamental de ses faiblesses388(*). Tel que le soutient Mamadou Falilou DIOP : « les restrictions relatives à l'accès direct des individus au prétoire de la Cour ne se justifient pas. De plus, elles ne sauraient avoir comme explication que la volonté manifeste des États de ne pas répondre des violations graves des droits de l'homme dont ils sont souvent accusés »389(*). Ainsi, comme l'affirmait si bien René CASSIN, « il faut protéger tout l'homme et protéger les droits de tous les hommes »390(*).

In fine, l'on retient que les juridictions africaines se sont, on peut le penser, inscrites dans une croisade pour la protection effective des droits de l'homme. Elles cherchent, à travers une ambition renouvelée, à atteindre cet idéal tant souhaité.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

I- OUVRAGES GENERAUX

- ALLAND (D.), RIALS (S.), (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, 2003, 1650 p

- DAILLIER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), Droit International Public, Paris, LGDJ-Lextenso éditions, 9e édition, novembre 2009, 1709 p

- GUINCHARD (S.) et DEBARD (Th.) (dir.), Lexique des termes juridiques, 22e édition, Dalloz, 2014, 1057 p

- HERTIG RANDALL (M.) et HOTTELIER (M.), (éd.). Introduction aux droits de l'homme, Genève, Schulthess, 2014, 850 p

- SALMON (J.) (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, 1198 p

- SALMON (J.), DAVID (E.), Droit des gens, Bruxelles, PUB, 21e édition, 2006, 915 p

- SATCHIVI (F.A.), Les sujets de droit, Contribution à l'étude de la reconnaissance de l'individu comme sujet direct du droit international, Paris, L'Harmattan, 1999, 592 p

- VASAK (K.) (dir.), Les dimensions internationales des droits de l'homme, Paris, Unesco, 1978, 780 p

II- OUVRAGES SPECIALISES

- BEAUD (M.), L'art de la thèse, Comment préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat ou tout autre travail universitaire (à l'ère du Net), Nouvelle édition, La Découverte, Guides Repères, Paris, 2013, 202 p

- CORTEN (O.), Méthodologie du droit international public, Editions de l'Université de Bruxelles, Belgique, 2009, 291 p

- DEGNI-SEGUI (R.), Les droits de l'homme en Afrique noire francophone : théories et réalités, Abidjan, Imprimob, 1998, 196 p

- DEGNI-SEGUI (R.), Les droits de l'homme en Afrique noire francophone: théories et réalités, Abidjan, 2e édition CEDA, 2001, 343 p

- FIDH, La Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples. Vers la Cour Africaine de justice et des droits de l'homme, Guide pratique, Paris, France, avril 2010, 218 p

- MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique, 2e édition, Paris, Pedone, 2002, 386 p

- OUGERGOUZ (F.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, une approche juridique des droits de l'homme entre tradition et modernité, Paris, PUF, 1993, 479 p

- SALL (A.), La justice de l'intégration : Réflexions sur les institutions judiciaires de la CEDEAO et de l'UEMOA, Editions CREDILA, 2011, 398 p

- SOMA (A.), Les grands textes des droits de l'homme en Afrique, Saarbrücken, Presses Académiques Francophones, 2014, 232 p

- SOMA (A.), Droit de l'homme à l'alimentation et sécurité alimentaire en Afrique, Collection Genevoise, Schulthess Verlag, Zürich, 2010, 586 p

- SUDRE (F.), Droit européen et international des droits de l'homme, Paris, PUF, 2015, 944 p

- TIGROUDJA (H.) et PANOUSSIS (I. K.), La Cour interaméricaine des droits de l'homme : analyse de la jurisprudence consultative et contentieuse, Bruxelles, Bruylant, 2003, 330 p

- VILJOEN (F.), International Human Rights Law in Africa, Oxford, OUP, 2007, XLVI-670 pp.

III- THESES ET MEMOIRES

A- THESES

- EKOUE (A. K.), La saisine de la Cour pénale internationale, Thèse pour le doctorat en droit public, Université de Poitiers/Université de Lomé, 2012, 446 p

- MANIRAKIZA (E.), La subsidiarité procédurale dans le système africain de protection des droits de l'homme. Thèse présentée en vue de l'obtention du titre de Docteur en droit aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, Faculté de Droit, Janvier 2009, 373 p

- TOUMEBA MABOU (G.), La réparation devant les juridictions judiciaires internationales, Thèse de Doctorat en droit, Université de Strasbourg, 2017, 468 p

B- MEMOIRES

- GUEDEGBE (I. S. B.), La protection des droits économiques, sociaux et culturels dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Mémoire de DEA en Droits de la personne humaine et démocratie, FADESP, UAC, Bénin, 2007, 114 p.

- KANE (Th.), La Cour de Justice de la CEDEAO à l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme, Université Gaston Berger de Saint- Louis, Sénégal, Mémoire de Maîtrises en Sciences Juridiques, 2012, 76 p.

- ZAKRI (B. E.), « L'application de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dans les Etats d'Afrique noire francophone », Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest- Unité Universitaire d'Abidjan (UCAO-UUA), Master 2 Recherche Droit public fondamental 2014, 76 p.

- HONONVI (J.-P., A.) La protection des droits de l'homme par la Cour de justice de la CEDEAO, Mémoire de DEA en Droit de la personne humaine et démocratie, FADESP, UAC, Bénin, 2011, 103 p

- KAMWANGA (K. D.), Les mécanismes internationaux de protection et l'effectivité des droits de l'homme, Mémoire de DEA en Droit de la personne humaine et démocratie, FADESP, UAC, Bénin, 2005, 123 p

- KODJO (E. K. J.-J.), La protection des droits de l'homme par la Cour de justice de la CEDEAO (CJC) dans les Etats membres, Mémoire de fin de formation en Master II Recherche « Droit International et Organisations Internationales », CDC, FADESP, UAC, Bénin, 2013, 112 p

- NDIAYE (M.), La protection des droits de l'homme par la Cour de justice de la CEDEAO, Mémoire de Master II, Master interdisciplinaire Dynamiques Africaines, Université Montesquieu Bordeaux IV/Université Montaigne Bordeaux III/IEP de Bordeaux, 2014, 83 p

IV- ARTICLES DE DOCTRINE ET CONTRIBUTIONS

- AÏVO (F. J.), « La Communauté des Etats sahélo-Sahariens (CEN-SAD), acteur complémentaire ou concurrentiel de l'Union Africaine ? », AFDI, 2009, pp.469-495

- ASCENSCIO (H.), « La notion de juridiction internationale en question », In La juridictionnalisation du droit international, Colloque de Lille de la SFDI, Paris, Pedone, 2003, pp. 163-210

- ATANGANA AMOUGOU (J.-L.), « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : la naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », Revue électronique des droits fondamentaux, n°3, Janvier - Décembre 2003, pp. 175-178

- ATANGANA AMOUGOU (J-L.), « La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples », In Droits fondamentaux N°1, juillet-décembre 2001, pp. 91-117

- BADET (G.), « Commentaire de l'arrêt Dame Hadidjatou Mani Koraou contre la République du Niger (CEDEAO-Cour de justice) ». In Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives, RBJA, n°23, année 2010, pp. 153-194

- BOUKONGOU (J.D.), « L'attractivité du système africain de protection des droits de l'homme », pp. 1-22.

- BURGOGUE-LARSEN (L.), « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international », In SFDI, La juridictionnalisation du droit international, Paris, Pedone, 2003, pp. 203-266

- CARVAJAL (I. F. C.), « Analyse de la compétence juridictionnelle à partir de la première décision de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples : l'affaire Hissène Habré », Bogotá, ACDI, 2012, Vol. 5, pp. 59-92.

- CIFENDE KACIKO (M.), « Les conditions de recevabilité des communications individuelles devant la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples : portée jurisprudentielle » In Revue de droit international et comparé, 2004, pp. 266-315, particulièrement pp. 286-305

- DABOYA (N. A.), « La Cour de justice de la CEDEAO et la protection des droits de l'homme » In Recueil de la Conférence Internationale sur « Le droit dans le processus d'intégration en Afrique de l'Ouest », Abuja, les 13 et 14 novembre 2007, pp. 163-174

- DELAS (O.) et NTAGANDA (E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de l'homme ? », In Revue québécoise de droit international, Etudes, 1999, pp. 99-124

- FALL (A. B.), « La charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme », Pouvoirs, n°129, 2009, pp. 77-100

- FALL (D.), « La protection juridictionnelle des droits des citoyens dans le cadre de la CEDEAO », In Droits et Lois, Revue trimestrielle d'informations juridiques et judiciaires, Octobre, novembre, décembre 2006, n°009, pp.5-10

- FRISON-ROCHE (M. A.), « Le droit d'accès à la justice et au droit », in Libertés et droits fondamentaux, 12e édition pp. 521-540

- KABANGU (T. M.), « Les droits de l'homme en Afrique : Enoncé, garanties et application », In Les droits de l'homme à l'aube du XXIe s. Karel Vasak, Amicorum Liber, Bruylant, Bruxelles, 1999, 1189 p, pp. 633-654

- KAMTO (M.) (dir.), « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et le protocole y relatif créant la Cour ADHP. Commentaire article par article », Bruxelles, Bruylant, 2011, 1628 p

- LAMBERT-ABDELGAWAD (E.), « L'exécution des décisions des juridictions internationales des droits de l'homme : vers une harmonisation des systèmes régionaux », ACDI, vol.3, 2010, pp. 9-55

- MELEDJE (D. F.), « L'appropriation des normes communautaires par les milieux universitaires et le monde judiciaire ». Troisième rencontre interjuridictionnelle des cours communautaires de l'UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l'OHADA, Dakar, 4, 5, et 6 mai 2010, 17 p

- MUBIALA (M.), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : Mimétisme institutionnel ou avancée judiciaire ? » In Revue Générale du Droit International Public, 1998-3, pp. 765-780

- OUGUERGOUZ (F.), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples - Gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », In Annuaire français de droit international, Vol.52, 2006, pp. 213-240

- OUGERGOUZ (F.), « L'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples par les autorités nationales en Afrique Occidentale », In Flauss (J.F.), Lambert-Abdelgawad (E.), (dir.), L'application nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Bruylant, Bruxelles, 2004, pp. 161-206

- POUGOUE (P. G.), « L'Etat des droits de l'homme en Afrique », In Recueil des cours, Cinquième session régionale de formation en droits humains, du 12 au 23 juillet 2004, Cotonou, Bénin, pp. 1-16

- SOMOA (J.), « La supranationalité de la CEDEAO et ses implications juridiques », In Recueil de la Conférence internationale sur « Le droit dans le processus d'intégration en Afrique de l'Ouest », Abuja, les 13 et 14 novembre 2007, 252 p

- SOSSA (D.), « Systèmes régionaux africains de protection des droits humains » In Recueil des cours : Onzième session régionale de formation en droits humains et droits des refugiés, Cotonou, Bénin, Atlantique Beach Hôtel, 19-30 juillet 2010, pp. 206-222

- TCHIKAYA (B.), « La juridictionnalisation du règlement des conflits internationaux en Afrique », Revue du droit public et de la science politique en France et à l'Etranger, n°2, mars 2006, pp. 459-487

- TIGROUDJA (H.), « Le système africain de protection des droits de l'homme : un laboratoire pour des droits universels ? Analyses des sources externes utilisées dans la jurisprudence de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples », In Humanisme et droit, Etudes en hommage au professeur Jean Dhommeaux, Paris, Pedone, 2013, pp. 1-15

- VASAK (K.), « Le droit international des droits de l'homme », RCADI, IV, 1974, pp. 333-416

- VASAK (K.), « Les droits de l'homme et l'Afrique : vers les institutions africaines pour la protection internationale des droits de l'homme ? » Communication personnelle au Congrès de Juristes africains francophones, Dakar, 5-9 janvier 1967, Commission internationale de Juristes, pp. 459-478

- VASAK (K.), « Les principes d'interprétation et d'application des droits de l'homme » In Boutros Boutros Ghali. Amicorum Discipulorumque Liber. Paix, développement, démocratie, Bruxelles, Bruylant, 1998, pp. 1428-1429

- YERIMA (S.S.Z.), « La Cour et la Commission africaines des droits de l'homme et des peuples: noces constructives ou cohabitation ombrageuse? », Annuaire Africain des Droits de l'Homme, 2017, pp.357-385

V- DOCUMENTS OFFICIELS

A- TEXTES NORMATIFS

- Acte constitutif de l'UA

- Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981

- Charte des Nations Unies du 26 juin 1945

- Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant

- Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance

- Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969

- Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique

- Protocole de la Cour de justice de l'Union Africaine

- Protocole de la Cour de justice de la CEDEAO

- Protocole additionnel A/SP.1/01/05 relatif à la Cour de justice de la CEDEAO de 2005

- Protocole additionnel A/SP.1/06/06 portant amendement du traité révisé de la CEDEAO

- Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour de justice de la CEDEAO de 1991

- Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples du 25 janvier 2004

- Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme

- Règlement de la Cour de justice de la CEDEAO du 3 juin 2002

- Règlement intérieur intérimaire de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples du 20 juin 2008

- Statut de la Cour Internationale de justice

- Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale

- Traité originaire de la CEDEAO du 28 mai 1975

- Traité révisé de la CEDEAO de 1993

B- RAPPORTS

- Amnesty International, Rapport 2015/2016, La situation des droits humains dans le monde, Editions francophones, 2016, 483 p

- Human Rights Watch, Rapport mondial 2015, Evénements 2014

- Rapport annuel d'activités de la Cour de justice de la CEDEAO pour 2012

C- DECISION

- Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement, Décision A./DEC.02/06/06 du 14 juin 2006 portant création d'un Conseil judiciaire de la Communauté

VI- AUTRES DOCUMENTS

- AHADZI (K.), Droits de l'homme et développement, Cours à la Chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie, UAC, 2002-2003, 80 p

- Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'homme, Questions fréquemment posées concernant les droits économiques, sociaux et culturels, Droits de l'homme, Fiche d'information N°3, imprimée aux Nations Unies, Genève, 4 mars 2009, 63 p

- SOMA (A.), Droit International des Droits de l'Homme, Notes de cours, Master Recherche Droit International et Organisations Internationales, CDC, FADESP, UAC, 2014-2015

VII- JURISPRUDENCES

A- COMMISSION ADHP

- Communication 241/01 - Purohit et Moore c/ Gambie

- Communication 232/99 - John D. Ouko c/ Kenya

- Communication 236/2000 - Curtis Francis Doebbler c/ Soudan

- Communication 64/92 - Achuthan et Autres c/ Malawi

- Communication 225/98 - CLO c/ Nigeria

- Communication 102/93 - Constitutional Rights Projet c/ Nigeria

- Communication 251/02 - Lawyers For Human Rights c/ Zwaziland

- Communication 102/93 - Constitutional Rights Project et Autres c/ Nigeria

- Communication 147/95 - Jawara c/ Gambie

- Communication 155/96 - Social and Economic Rights Action Center c/ Nigeria, 13 octobre 2001

- Communication 100/93 - Free Legal Assistance Group et Autres c/ Zaire

- Communication 74/92- Commission nationale des droits de l'homme et des libertés c/ Tchad

- République Démocratique du Congo c Burundi, Rwanda et Ouganda (2004), RADH 19 (ACHPR 2003).

B- COUR ADHP

- Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal, Cour ADHP, Requête n°001/2008

- Association Juristes d'Afrique pour la bonne gouvernance c. Côte d'Ivoire, Cour ADHP, Requête n°006/2011

- Emmanuel Joseph Uko et autres c. République Sud-africaine, Cour ADHP, Requête n°004/2012

C- CJCEDEAO

- CJCEDEAO, Affaire Afolabi Olajide c/ République du Nigeria, 2004

- CJCEDEAO, Affaire Hissein Habré c/ République du Sénégal, 2010

- CJCEDEAO, Affaire SERAP c/ Le gouvernement fédéral du Nigeria et UBEC, 27 octobre 2009

- CJCEDEAO, Affaire SERAP c/ République du Nigeria, 2010

- CJCEDEAO, Center for Democracy and Development et Center for Defence of Human Rights c. Niger, Arrêt N° ECW/CCJ/JUD/05/11 du 09 mai 2011.

- CJCEDEAO, Coordination Nationale des Délégués Départementaux (CNDD) c. Côte-d'Ivoire, Arrêt N° ECW/CCJ/JUD/05/09 du 17 décembre 2009.

- CJCEDEAO, Aziablévi Yovo et 31 c. Etat du Togo, Arrêt N°ECW/CCJ/JUD/04/12,du 31 janvier 2012

- CJCEDEAO, Affaire Pr Etim Moses Essien c. République de Gambie et l'université de Gambie du 29 octobre 2007

- CJCEDEAO, Affaire Dame Hadijatou Koraou c/ Etat du Niger, 2008

- CJCEDEAO, Affaire Isabelle Manavi Ameganvi et autres c/ Etat du Togo, 7 octobre 2011

- CJCEDEAO, AffaireMamadou Tandja c/ Etat du Niger, 8 novembre 2010

- CJCEDEAO, Musa Saidykhan c. République de Gambie, 16 novembre 2010

- CJCEDEAO, Chief Frank C. Ukor c/ Sieur Rachad Lalèyè et Gouvernement de la République du Bénin, 2 novembre 2007

- CJCEDEAO, Hon. Dr Jerry Ugokwe c/ République Fédérale du Nigeria,7 octobre 2005

- CJCEDEAO, Affaire Chief Ebrimah Manneh c/ République de Gambie, 5 juin 2008

D- CEDH

- Abbasov v/ Azebaijan, 1e section, 17/01/2008, N°24271/05

E- CIJ

- CIJ, Affaire Belgique contre Etat du Sénégal, 20 juillet 2012

VIII- WEBOGRAPHIE

- http:// www.achpr.org (La Commission ADHP)

- http://www.africa-union.org (Site de l'UA)

- http://www.droitshumains.org/Biblio/Txt_Afr/HP_Afr.htm (Les instruments africains de protection des droits de l'homme)

- http://www.icccpi.int/Menus/ICC/Home (La CJCEDEAO).

TABLE DES MATIERES

AVERTISSEMENT iii

DEDICACE iv

REMERCIEMENTS v

SIGLES ET ABREVIATIONS vi

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIERE PARTIE : L'EFFECTIVITE DE LA PROTECTION DE L'INDIVIDU DEVANT LES JURIDICTIONS 11

CHAPITRE I : L'ACCES AUX JURIDICTIONS, UNE CONDITION NECESSAIRE A LA PROTECTION DE L'INDIVIDU 13

Section 1 : Un accès exclusivement libéral devant le juge communautaire 14

Paragraphe 1 : La CJ CEDEAO, une juridiction facilement saisissable 14

A- La consécration de la saisine individuelle 14

B- Une extension de la compétence explicite du juge 17

Paragraphe 2 : La CJ CEDEAO, une juridiction de proximité 19

A- La mobilité de la Cour de justice 19

B- Une aubaine pour le justiciable 21

Section 2 : Un accès relativement étendu devant le juge continental 23

Paragraphe 1 : L'étendue du recours individuel devant la Cour 23

A- Une affirmation de la compétence du juge 23

B- Une exclusion du critère de l'intérêt à agir 27

Paragraphe 2 : Les restrictions de l'accès individuel devant la Cour 29

A- L'inexistence d'un droit de saisine directe 29

B- L'appropriation de la saisine indirecte 32

CHAPITRE II : LA RECEVABILITE, UNE EXIGENCE POUR L'EXAMEN AU FOND DE LA REQUÊTE INDIVIDUELLE 35

Section 1 : Des conditions formelles de recevabilité 36

Paragraphe 1 : Une recevabilité adoucie au niveau de la CJ CEDEAO 36

A- La souplesse des conditions résultant de la Charte africaine 37

B- L'autonomie de la Cour dans l'application des modalités de la Charte 38

Paragraphe 2 : Une recevabilité conditionnée au niveau de la Cour ADHP 40

A- La caractérisation de la requête individuelle 40

B- L'exigence d'un délai raisonnable de saisine 43

Section 2 : Des conditions substantielles de recevabilité 46

Paragraphe 1 : L'épuisement des voies de recours internes 46

A- Une contrainte devant le juge de la Cour ADHP 47

B- Une dérogation devant le juge communautaire 50

Paragraphe 2 : La qualité du requérant individuel pour agir 52

A- Un critère extensif au niveau de la Cour ADHP 52

CONCLUSION PARTIELLE 55

SECONDE PARTIE : LA FAIBLESSE DES JURIDICTIONS DANS LA PROTECTION DE L'INDIVIDU 56

CHAPITRE I : DES JURIDICTIONS ENTRAVEES DANS LEUR ACTION 57

Section 1 : Les contraintes normatives dans l'examen au fond de la requête individuelle 58

Paragraphe 1 : Le foisonnement des textes de référence du juge communautaire 58

A- Une référence aux instruments juridiques universels 58

B- Une affirmation des normes juridiques régionales 61

Paragraphe 2 : Le confinement des textes de référence du juge continental 63

A- Une référence aux instruments endogènes 63

B- Une prise en compte des autres instruments pertinents 64

Section 2 : Les défaillances procédurales dans l'examen au fond de la requête individuelle 66

Paragraphe 1 : Une procédure globalement controversée au niveau continentalal 66

A- L'ambigüité de la relation entre la Cour et la Commission 67

B- Une entrave à l'efficacité de la Cour 68

Paragraphe 2 : Une procédure relativement cohérente au niveau communautaire 70

A- Une efficacité relative en raison de la surabondance des textes de référence 71

B- Un risque latent d'une divergence d'interprétation des textes 73

CHAPITRE II : UNE NECESSAIRE CONSOLIDATION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE L'INDIVIDU 76

Section 1 : La rationalisation de la protection individuelle au plan communautaire 76

Paragraphe 1 : Une articulation opportune des voies de recours et d'exécution du juge communautaire 76

A- La priorisation des requêtes individuelles par le système de filtrage 77

B- La définition des modalités d'une application satisfaisante des décisions 78

Paragraphe 2 : Une reconnaissance de l'autorité des décisions de la CJ CEDEAO 81

A- L'affirmation du caractère obligatoire des décisions de la juridiction 81

B- Une efficacité recherchée dans l'exécution des arrêts de la Cour 83

Section 2 : La redynamisation de la protection individuelle au plan continental 86

Paragraphe 1 : Une émancipation du juge de la Cour ADHP 86

A- La facilitation des modalités de recours individuels 86

B- L'élargissement de la compétence du juge aux crimes internationaux 89

Paragraphe 2 : Un aménagement du prétoire de la Cour ADHP 91

A- Le nécessaire rapprochement du juge continental des justiciables 91

B- Vers une Cour Africaine de Justice et des Droits de l'Homme 93

CONCLUSION PARTIELLE 95

CONCLUSION GÉNÉRALE 97

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 101

* 1MAYOR (F.), ancien Directeur général de l'UNESCO, inLa DUDH, 40ème anniversaire 1948-1988, L'Harmattan, 1991, p.3.

* 2 Article 5 de la Charte ADHP, adoptée à la dix-huitième Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Organisation de l'Unité Africaine le 18 juin 1981 à Naïrobi, Kenya et ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986.

* 3 MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique, 2é édition, Paris, A. Pedone, 2002, 386 p, p. 38

* 4 MBAYE (K.), cité par Tshimpanga Matala Kabangou, « Les droits de l'homme en Afrique : Enoncés, garanties et applications », in VASAK (K.) Les droits de l'homme à l'aube du XXIe s, Amicorum Liber, Bruylant, Bruxelles, 1999, 1189 p, spéc. p. 645

* 5 Ministry Of Foreign Affairs, Report from the International Conference on Development Cooperation for Human Rights and Democracy, Stockholm, Graphic Systems AB, 1993, p. 15

* 6 KABANGOU (T. M.), « Les droits de l'homme en Afrique : Enoncés, garanties et applications ». In Les droits de l'homme à l'aube du XXIe s. Karel Vasak, Amicorum Liber, Bruylant, Bruxelles, 1999, 1189p, pp.645-646.

* 7 Par exemple, les Etats occidentaux ont une conception individualiste des droits de l'homme, les asiatiques une conception cosmogonique alors que certains Etats africains mettent au premier plan le groupe, la tribu, la famille.

* 8 La CIJ a affirmé que tous les Etats avaient un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés. Voir arrêt de la CIJ du 5 février 1970, Barcelona Traction. En outre, dans son Discours à l'occasion de la cérémonie de remise du prix des droits de l'homme de la République française le 11 décembre 2009, M. B.KOUCHNER rappelait ce principe universel « Non, les Droits de l'Homme ne varient pas au gré des cultures ! Non, ils ne doivent pas être relativisés au nom de valeurs prétendument traditionnelles ». L'éminent défenseur des droits de l'homme des premières heures René Cassin à l'annonce de son prix Nobel de la Paix en 1968 affirmait : « Il n'y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l'homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit ».

* 9 Selon le doyen Louis FAVOREU, les droits fondamentaux sont des « droits reconnus aux personnes physiques et morales par des textes et normes supra législatifs comme des "permissions" opposables aux prérogatives des trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) et même à celles des institutions supranationales ». Confer l'auteur, Droit des libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. Précis, 3ème éd., 2005, p. 2.

* 10 MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique noire, Paris, A. Pedone, 1992, p.76.

* 11 SALMON (J.) (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruylant/AUF Bruxelles 2001, p.901.

* 12 BOURGORGUE-LARSEN (L.), « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international », inLa juridictionnalisation du droit international, SFDI, colloque de Lille, Paris, Pedone, 2003, pp. 42 et s.

* 13 Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, adopté à Ouagadougou, Burkina Faso, le 10 juin 1998. Le texte du Protocole est disponible sur le site Internet de l'Union Africaine http://www.africa-union.org.

* 14 ATANGANA AMOUGOU (J-L.) « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », Droits fondamentaux, n° 3, janvier - décembre 2003, pp. 175-178. Disponible sur le site www.droits-fondamentaux.org.

* 15 En vertu de l'article 35, paragraphe 3, le Protocole est entré en vigueur 30 jours après le dépôt du 15ème instrument de ratification.

* 16 La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance a été adoptée le 30 janvier 2007 et est entrée en vigueur le 15 février 2012. Le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au Protocole relatif au Mécanisme de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité a été adopté le 21 décembre 2001 et est entré en vigueur en 2008. Voir Actions pour la protection des droits de l'homme (APDH) c Côte d'Ivoire (Arrêt du 18 novembre 2016, Fond) par. 49-65.

* 17 Sur 30 Etats parties, seuls 8 ont fait une telle déclaration. Il s'agit du Bénin (8 février 2016), du Burkina Faso (28 juillet 1998), de la Côte d'Ivoire (28 juillet 2013), du Ghana (10 mars 2011), du Malawi (09 octobre 2008), du Mali (19 février 2010), de la Tanzanie (29 mars 2010) et de la Tunisie (1er mai 2017). Le Rwanda, après avoir déposé sa déclaration le 6 février 2013, l'a retirée en 2016. Sur ce retrait, cf. Cour africaine, Umuhoza c Rwanda (arrêt du 3 juin 2016).

* 18 CANÇADO TRINDADE (A. A.), Evolution du droit international au droit des gens. L'accès des individus à la Justice Internationale, le regard d'un juge,2008.

* 19 NTSATSIESSE (F.), L'accès des personnes privées à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (2016) Mémoire de Master Recherche Droit public fondamental, Faculté de Droit et des Sciences Economiques, Université Omar Bongo, p. 5. Il convient de noter néanmoins que les personnes privées ont également un accès direct au Conseil des droits de l'homme des Nations-Unies, aux organes des traités de l'ONU, à la Commission interaméricaine des droits de l'homme et à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.

* 20 Rapport annuel sur le travail de la Cour interaméricaine des droits de l'homme à l'Assemblée générale de l'Organisation des Etats Américains, 2000.

* 21 Voir Delas (O.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de l'homme? », 1999, Revue Québécoise de Droit international, p. 99.

* 22 En effet, contrairement à la Commission africaine, la nouvelle Cour africaine n'a pas compétence pour examiner une plainte présentée directement par un individu ou une ONG, sauf si l'État contre lequel la plainte est dirigée a déposé une déclaration supplémentaire acceptant la compétence de la Cour pour examiner les requêtes individuelles déposées par ses citoyens.Un tel mécanisme de contrôle érige un obstacle à l'accès des individus à la Cour africaine. Il faut noter que pour une Cour régionale des droits de la personne, ce sont les individus qui ont le plus besoin de bénéficier de ses services, et pas les États. Voir notamment VILJOEN (F.), « Human rights in Africa: normative, institutional and functional complementarity and distinctiveness », South Afr. J. Int. Aff., 2011, p. 208; ENO (R.), « The jurisdiction of the African court of human and peoples' rights », Afr. Hum. Rights Law J., 2002, pp.223-233, spéc. p. 231.

* 23Confer Préambule du Traité révisé de la CEDEAO.

* 24Idem.

* 25Voir GNANDE (J.), « La protection des droits de l'homme au plan sous régional : une volonté affichée par la CEDEAO », CACIT, août 2016.

* 26Idem.

* 27 En Europe, La CJCE peut connaitre des différends relatifs aux droits fondamentaux mais l'accès des particuliers à la juridiction reste très limité en la matière. Les Cours de justice de la SADC et de la CEAE ont un mandat implicite en matière de droits humains même si elles engagent les parties au respect des droits de l'homme, à la démocratie, à l'Etat de droit, à la non-discrimination.

* 28 Cette expression est du professeur B. KANTE, in « Démocratie et gouvernance, facteurs de paix ? », Colloque international en hommage à Gerti HESSELING, les 15 et 16 décembre 2011 à L'UGB.

* 29 A ce titre, le requérant peut invoquer des instruments universels et régionaux protecteurs des droits de l'homme tels que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les deux Pactes de 1966 et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

* 30 SALL (A.), La justice de l'intégration. Réflexion sur les institutions judicaires de la CEDEAO et de l'UEMOA, Editions CREDILA, 2011, p. 20.

* 31 Voir TOUMEBA MABOU (G.), La réparation devant les juridictions judiciaires internationales, Thèse de Doctorat en droit, Université de Strasbourg, 2017, 468 p.

* 32 VASAK Karel cité par Keba MBAYE in Les Droits de l'homme en Afrique, 2ème édition, 2002, p. 26.

* 33 ETOA (L-H.), L'avènement de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : enjeux et défis ?, Mémoire de recherche pour l'obtention du diplôme d'université de 3ème cycle en Droit public, Université de Paris II, Panthéon Assas, 2004-2005, p. 8.

* 34 Au sens d'un « obiter dictum » de la CIJ dans l'affaire Barcelona Traction, Light and Power Company Limited, Rec. 1970, arrêt du 05 février 1970 (Belgique C. Espagne).

* 35 MUTOY MUBIALA cité par Ephraïm KAHAMIRE inLes droits de l'homme dans la région des Grands Lacs. Réalités et illusions, (S/Dir MUGANGU Séverin), FIUC, Bruylant academia, UCB- CEGEC, p. 77.

* 36 CEDH, Airey c/Irlande du 29 octobre 1979.

* 37Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples.

* 38 Cette dernière comprendrait une « section des droits de l'homme » qui se substituerait à l'actuelle Cour.

* 39 Voir entre autres QUILLERE-MAJZOUB (F.), « L'option juridictionnelle de la protection des droits de l'homme en Afrique », Revue trimestrielle des droits de l'homme, vol. 11, n° 44, 2000, pp. 729-785, spéc. pp. 766-770 ; JUMA (D.), « Complémentarité entre la Commission africaine et la Cour africaine », in UNION PANAFRICAINE DES AVOCATS, Guide de complémentarité dans le système africain des droits de l'homme, 2014, pp. 3-28.

* 40 Le Protocole A/SP.1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Voir l'art.39 : « Le Protocole A/P.1/7/91, adopté, à Abuja le 6 juillet 1991, et relatif à la Cour de Justice de la Communauté, sera modifié aux fins de l'extension de la compétence de la Cour, entre autres aux violations des droits de l'Homme après épuisement, sans succès, des recours internes ». Pour une lecture détaillée de ce protocole, lire FALL (I. M.) et SALL (A.), « Une constitution régionale pour l'espace CEDEAO : Le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance », disponible sur http// : www.laconstitution-en-afrique.com(consulté le 15 mars 2015).

* 41 Mr AFOLABI OLAJIDE c/ la République Fédérale du Nigeria du 27 avril 2004. C'est le premier arrêt rendu par la Cour de justice de la CEDEAO qui sera rejeté en l'absence de saisine directe de la Cour par les particuliers selon l'article 9.3 du Protocole de 1991.

* 42 Cette notion a été retenue pour rendre « le droit communautaire à ses origines internationalistes ». C'est pour notifier que le succès de bon aloi du droit communautaire de quelque aspect fut-il en la matière est intrinsèquement lié au droit international.

* 43Sur la question des sujets de droit international, voir DAILLIER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), Droit International Public, Paris, LGDJ, 9e édition, novembre 2009.

* 44 Sur cette question voir KEUDJEU DE KEUDJEU (J. R.), «L'effectivité de la protection des droits fondamentaux en Afrique subsaharienne francophone», Revue CAMES/SJP, n°001/2017, p. 99-129.

* 45En effet, la Cour, en vertu de l'article 9 (4) et 10 (d) du protocole a compétence pour se prononcer sur des cas de violation de droits humains à condition que la demande ne soit pas anonyme et que l'affaire ne soit pas pendante devant une autre juridiction internationale.

* 46 Art.35 para.1 de la CEDH.

* 47Pour connaître tout le formalisme, consulter le site http://www.claiminghumanrights.org/ecowas.

* 48 Art. 35.2.b) de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; Art. 56.7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme ; Art.46.c) de la Convention Américaine des Droits de l'Homme et des Peuples ; Art. 5.2.a) du Premier Protocole facultatif relatif au Pacte international relatifs aux droits civils et politiques.

* 49Aux termes des dispositions de l'article 10. d) du Protocole additionnel, la demande soumise par une personne victime des violations des droits de l'homme ne sera portée devant la CJCEDEAO lorsqu'elle a déjà été portée devant une autre Cour internationale compétente. Ces dispositions visent essentiellement que les individus n'abusent des possibilités de recours qui leur sont offertes, et qu'une affaire soit examinée en même temps par plusieurs organes.

* 50 COHEN (J.), « La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales », Economica, Paris 1989, p.143.

* 51 La CJCEDEAO a déjà eu à se prononcer sur cette condition par sa décision en date du 14 mai 2010, Hissène Habré c. Etat du Sénégal. Elle a affirmé que l'UA n'est pas une Cour de justice internationale au sens de la loi, et par conséquent, son rôle n'est pas d'administrer la justice ou de dire le droit. Ensuite, cette affaire étant déjà sous examen devant le comité des Nations unies contre la Torture, la Haute juridiction communautaire aborde la condition posée par l'article en posant que ce Comité n'est pas non plus une juridiction. Son rôle se limite à la surveillance de la mise en oeuvre par les Etats signataires, des dispositions issues de la Convention contre la torture. En tant que tel, il est un simple organe d'alerte dont les « recommandations » et autres « injonctions » restent dénuées de toute force exécutoire.

* 52L'innovation est audacieuse et précieuse et se distingue du dispositif institué par l'Europe, pionnière de la protection régionale des droits de l'homme et de l'Amérique avec la Cour de Jan José, la « petite soeur » de la Cour européenne.

* 53Article 35 1.de la CEDH : La Cour ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus, et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive.

* 54 Cet aspect sera abordé dans nos développements infra.

* 55Article 3 du Traité révisé de la CEDEAO de 1993 consacré aux buts et objectifs de l'organisation. Il y a lieu de rappeler les limites de la fonction juridictionnelle exercée par les juridictions communautaires avant la réforme des années 1990. En effet, le Traité créant la CEDEAO avait prévu à l'article 9, paragraphe 3 du Protocole de 1991 relatif au tribunal de la Communauté qu'un « État membre peut, au nom de ses ressortissants, diligenter une procédure contre un État membre ou une Institution de la Communauté, relative à l'interprétation ou à l'application des dispositions du Traité, en cas d'échec des tentatives de règlement amiable ».

* 56 Confer art. 4. g) du Traité de la CEDEAO du 24 juillet 1993.

* 57La procédure de saisine du juge de la CJ CEDEAO exclut notamment le principe de l'épuisement préalable des voies de recours internes. Voir nos développements supra.

* 58 On peut citer à titre indicatif l'affaire Garba C. Bénin, requête inscrite sous ECW/CCJ/APP/03/09; jugement ECW/CCJ/JUD/01/10, rendu le 17 Février 2010 ; affaire Habré C. Sénégal, inscrite ECW/CCJ/APP/07/08, jugement ECW/CCJ/APP/02/10, rendu le 14 Mai 2010 ; affaire Mani Hadidjatou C. Niger, ECW/CCJ/JUD/06/08, jugement rendu le 27 Octobre 2008.

* 59 Affaire David C. Uchwe, ECW/CCJ/APP/04/09, jugement ECW/CCJ/RUL/03/10, rendu le 11 Juin 2010.

* 60Voir affaire SERAP.

* 61 Confer art. 14 du Traité de la SADC.

* 62 Confer art. 23 du Traité de l'EAC.

* 63 Confer art.6.d) du Traité de l'EAC.

* 64 Voir BOURGORGUE-LARSEN (L.), op. cit., pp. 203-264.

* 65CARVAJAL (I. F. C.), « Analyse de la compétence juridictionnelle à partir de la première décision de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples : l'affaire Hissène Habré », Bogotá, ACDI, 2012, Vol. 5, pp. 59-92.

* 66 Selon l'article 19 de la CEDH : 1. Le siège de la Cour est fixé à Strasbourg, siège du Conseil de l'Europe. La Cour peut toutefois, lorsqu'elle le juge utile, exercer ses fonctions en d'autres lieux du territoire des Etats membres du Conseil de l'Europe. 2. La Cour peut décider, en tout état d'instruction d'une requête, qu'il est nécessaire qu'elle-même ou l'un ou plusieurs de ses membres procèdent à une enquête ou accomplissent toute autre tâche en d'autres lieux.

* 67FRISON-ROCHE (M. A.), « Le droit d'accès à la justice et au droit », in Libertés et droits fondamentaux, 12e édition pp. 521-540.

* 68Idem.

* 69 Selon l'expression du professeur Alioune SALL.

* 70 RENUCCI (J. F.), Droit européen des droits de l'homme, 2e édition, L.G.D.J, 2001, p.179.

* 71D'ALLIVY KELLY (D.), « Le juge africain est entré dans l'Histoire » (Commentaire de l'arrêt du 27 octobre 2008, Hadijatou Mani Koraou c/ Niger de la Cour de justice de la CEDEAO), disponible sur combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr (consulté le 20 janvier 2019).

* 72Voir Recueil de jurisprudence de la CJ CEDEAO.

* 73 Voir SOSSA (D.), « Systèmes régionaux africains de protection des droits humains » In Recueil des cours : Onzième session régionale de formation en droits humains et droits des refugiés, Cotonou, Bénin, Atlantique Beach Hôtel, 19-30 juillet 2010, pp. 206-222.

* 74 Dans l'affaire Chief Ebrimah Manneh c/République de Gambie du 5 juin 2008, on peut lire par exemple qu'un des témoins avait conseillé au requérant de saisir la CJ CEDEAO au détriment des autres juridictions.

* 75Voir à ce propos YERIMA (S.S.Z.), « La Cour et la Commission africaines des droits de l'homme et des peuples: noces constructives ou cohabitation ombrageuse? », Annuaire Africain des Droits de l'Homme, 2017, pp.357-385.

* 76Par exemple, la décision Diakité c/ Gabon a été rendue en 2000 alors que l'affaire avait été portée devant la Commission en 1990, soit dix ans après sa saisine.

* 77 Les Etats africains soucieux d'améliorer le système régional de protection des droits de l'homme ont signé le 9 juin 1998 le protocole de Ouagadougou créant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui va entrer en vigueur le 25 janvier 2004. Cette cour est opérationnelle depuis 2009.

* 78 FALL (A. B.), « La charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme », Pouvoirs, n°129, 2009, p. 77.

* 79 Aux termes des dispositions de l'article 5 § 3 du Protocole, « ont qualité pour saisir la Cour : a) la Commission ;b) l'Etat partie qui a saisi la Commission ; c) L'Etat partie contre lequel une plainte a été introduite devant la Commission ; d) l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des droits de l'homme, e) les organisations intergouvernementales africaines ».

* 80Faut-il le rappeler, la France avait attendu 1981 pour faire une telle déclaration alors que la convention existait depuis 1950, soit plus de trente ans après l'adoption du Traité de l'UE. Les Etats africains sont encore très jaloux de leur souveraineté pour permettre à leurs citoyens d'accéder au prétoire de la juridiction continentale. En introduisant la procédure de déclaration supplémentaire de compétence concernant les requêtes individuelles, le Protocole semble donc opérer un recul dans la pratique du système actuel de protection des droits de l'homme.

* 81 Selon le professeur Babacar Kanté, même « la décision prise par les Chefs d'Etat ou de gouvernement de fusionner la Cour africaine des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union Africaine n'est pas nécessairement de nature à garantir une protection plus efficace des droits fondamentaux. Voir KANTE (B.), « la production d'un nouveau constitutionnalisme en Afrique : Internationalisation et régionalisation du droit constitutionnel » in Land, Law and Politics in Africa, Mediating Conflict and Reshapping the State, Leiden-Boston, 2011, pp.240-257.

* 82 A la différence de la Cour, la Commission ne peut connaître que de l'interprétation et de l'application des droits garantis par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Confer art. 45 de la Charte africaine.

* 83Confer Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, art. 32, 1) (« Compétence de la Cour »), art. 33 (« Affaires interétatiques ») et art. 34 (« Requêtes individuelles »).

* 84 Convention américaine des droits de l'homme, art. 62. On relèvera toutefois que le règlement de la Commission interaméricaine a été amendé de manière à élargir la compétence matérielle de cette dernière ; le chapitre II de sa deuxième partie relative à la procédure traite désormais des requêtes se référant non seulement à la Convention américaine mais également à « tous autres instruments applicables ».

* 85 Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 8-10 juin 1998, art. 3, 1).

* 86 La Cour est fréquemment saisie de requêtes invoquant des violations du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. V., par exemple, Cour ADHP, Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso, requête n° 004/2013, arrêt au fond du 5 décembre 2014, §§ 35-37, spéc. § 36.

* 87 V., plus particulièrement, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (juillet 1990) ; la Convention de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme (14 juillet 1999) ; le Protocole à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (12 juillet 2003).

* 88Voir par exemple, l'article 66 (2), c) du Traité révisé instituant la CEDEAO qui fait obligation aux Etats parties « de respecter les droits des journalistes ». Ce texte a été invoqué avec succès pour fonder la compétence de la Cour dans l'affaire des Ayants droit de feu Norbert Zongo, Abdoulaye Nikiema dit Ablasse, Ernest Zongo et Blaise Ilboudo et le Mouvement burkinabé des droits de l'homme et des peuples c. Burkina Faso, requête n° 013/2011, arrêt au fond du 28 mars 2014, par. 48.

* 89 V. en dernier lieu Cour ADHP, Wilfred Onyango et al. c. Tanzanie, requête n° 006/2013, arrêt au fond du 18 mars 2016, para. 58-60 (renvoyant notamment à la position constante de la Cour et de la Commission sur la question) ; Mohamed Abubakari c. Tanzanie, requête n° 007/2013, arrêt au fond du 3 juin 2016, para. 30-35. Pour un exemple d'application avec la Déclaration universelle des droits de l'homme, voir Frank David Omary et autres c. Tanzanie, requête n° 001/2012, arrêt du 28 mars 2014, para. 69-77.

* 90 Pour une requête se fondant exclusivement sur des violations alléguées du droit interne et de la Constitution tanzanienne, voir Cour ADHP, Peter Joseph Chacha c. Tanzanie, requête n° 003/2012, arrêt du 28 mars 2014, para. 112 et 115 ; Alex Thomas c. Tanzanie, requête n° 005/2013, arrêt au fond du 20 novembre 2015, para. 45.

* 91 OUGUERGOUZ (F.), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », Annuaire français de droit international, vol. 52, 2006, p. 227.

* 92Voir infra, nos développements consacrés aux conditions de recevabilité de la requête individuelle notamment la déclaration facultative d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour déposée par les Etats défendeurs au titre de l'article 34, 6) du Protocole.

* 93 Cette hypothèse sera développée plus tard, à l'occasion de l'étude des critères de recevabilité de la requête.

* 94Cour ADHP, FemiFalana c. Union Africaine, requête n° 001/2011, décision du 26 juin 2012, §§ 63-73 ; Atabong Denis Atemnkeng c. Union africaine, requête n° 014/2011, décision du 7 décembre 2012.

* 95Cour ADHP, Pr. Efoua Mbozo'o Samwel c. Parlement Panafricain, requête n° 010/2011, décision du 30 septembre 2011, spéc. par. 6. Voir notamment les critiques formulées par le Juge F. OUGUERGOUZ dans son opinion individuelle.

* 96 Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 8-10 juin 1998, art. 34, 3). La juridiction est compétente depuis le 25 janvier 2004 à l'égard des quinze Etats suivants : Afrique du Sud, Algérie, Burkina Faso, Burundi, Comores, Côte d'Ivoire, Gambie, Île Maurice, Lesotho, Libye, Ouganda, Mali, Rwanda, Sénégal, Togo.

* 97 Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 8-10 juin 1998, art. 34, 4). Au 31 août 2016, la Cour est compétente ratione temporis à l'égard de quinze Etats aux dates suivantes (nous ne mentionnons ici que la date de dépôt de l'instrument de ratification ou d'adhésion qui constitue seule la date d'entrée en vigueur du Protocole à l'égard de l'Etat partie) : Bénin (22 août 2014), Cameroun (17 août 2015), Congo (06 octobre 2010), Gabon (29 juin 2004), Ghana (16 août 2005), Kenya (18 février 2005), Malawi (09 octobre 2008), Mauritanie (14 décembre 2005), Mozambique (20 juillet 2004), Niger (26 juin 2004), Nigéria (09 juin 2004), République arabe démocratique Sahrawi (27 janvier 2014), Tanzanie (10 février 2006), Tchad (08 février 2016), Tunisie (05 octobre 2007).

* 98 Projet d'articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite, art. 14, 1) (notion de fait instantané), 2) (durée dans le temps du fait continu), 3) (fait continu et obligation internationale imposant à l'Etat de prévenir un événement donné) ; CIJ, Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, arrêt du 24 mai 1980, CIJ Recueil, 1980, p. 37, para. 78 et 80 ; SA, Rainbow Warrior (Nouvelle-Zélande c. France), 30 avril 1990, Nations Unies, RSA, vol. XX, 1990, p. 264, para. 101. Voir parmi une abondante littérature, WYLER (E.), « Quelques réflexions sur la réalisation dans le temps du fait internationalement illicite », RGDIP, vol. 95, 1991, pp. 881-914.

* 99Cour ADHP, Ayants droit de feu Norbert Zongo, préc., arrêt sur les exceptions préliminaires du 21 juin 2013.

* 100 Pour l'adoption d'une législation interdisant les candidatures indépendantes, voir Cour ADHP, Tanganyika Law Society, The Legal and Human Rights Centre, Révérend Christopher R. Mtikila c. République de Tanzanie, requêtes n° 009/2011 et n° 011/2011 (jointes suite à l'ordonnance du 22 septembre 2011), arrêt au fond du 14 juin 2013, para. 84.

* 101Cour ADHP, Mohamed Abubakari c. Tanzanie, requête n° 007/2013, arrêt au fond du 3 juin 2016, para. 36.

* 102Cour ADHP, Ayants droit de feu Norbert Zongo, préc.,arrêt sur les exceptions préliminaires du 21 juin 2013.

* 103Voir, par exemple, Commission EDH, De Becker c. Belgique (1958-1959), CEDH Annuaire, n° 2, pp. 234 et 244 ; Cour EDH, Irlande c. Royaume-Uni, Série A, n° 25, 1978, p. 64 ; Cour EDH, Agrotexim c. Grèce, Série A, n° 330-A, 1995, p. 22, para. 58 ; Cour EDH, Papamichalopoulos et autres c. Grèce, Série A, n° 260-B (1993), para. 40 (saisie d'un bien sans expropriation formelle environ huit ans avant que la Grèce reconnaisse la compétence de la Cour) ; Cour EDH, Loizidou c. Turquie, fond, CEDH Recueil, 1996-VI, para. 41-47, 63-64 (conséquences de l'invasion de Chypre par la Turquie en 1974).

* 104 Cour IADH, Blake, Série C, n° 36, 1998, para. 67 (caractère continu d'une disparition forcée ou involontaire tant que le sort de la personne concernée est connu).

* 105 Comité des droits de l'homme, Lovelace c. Canada, communication n° R 6/24, Documents officiels de l'Assemblée générale, trente-sixième session, Supplément n° 40 (A/36/40) (1981), p. 184, para. 10-11 (perte du statut d'indienne de la requérante en 1970 constituant un fait continu justifiant la compétence du Comité, l'Etat défendeur n'ayant accepté celle-ci qu'en 1976).

* 106Voir par exemple Commission ADHP, Communication 335/2006, Dabalorivhuwa Patriotic Front c. Afrique du Sud, 53e session ordinaire, 9-22 avril 2013, décision du 18 octobre 2013, para. 73-76 : violation continue retenue pour un défaut d'indemnisation consécutif à la privatisation d'un fonds de pension deux ans avant l'entrée en vigueur de la Charte à l'égard de l'Etat défendeur (les requérants n'ayant pas été indemnisés au moment de la saisine de la Commission).

* 107Cour ADHP, Peter Joseph Chacha c. Tanzanie, requête 003/2012, arrêt du 28 mars 2014, § 126 ; Frank David Omary et autres c. Tanzanie, requête n° 001/2012, arrêt du 28 mars 2014, §§ 81-84. V. les critiques du raisonnement de la Cour par le Juge Fatsah OUGUERGOUZ dans son opinion individuelle jointe à la décision et qui porte exclusivement sur la question de la compétence ratione temporis.

* 108 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 17è édition 2010, p. 398.

* 109 Confer art. 10 d) du protocole sur le statut de la Cour. La Cour l'a d'ailleurs rappelé : « la Cour a toujours considéré qu'elle ne devait, en principe, sanctionner que des violations des droits de l'homme effectives, réelles, avérées, et non des violations possibles, éventuelles ou potentielles » (para. 15).

* 110 Dans l'affaireCDP et autres c/ État du Burkina du 13 juillet 2013, l'État burkinabé a soutenu dans son mémoire de défense l'incompétence de la Cour pour connaître de l'affaire, au motif qu'elle n'est pas saisie d'une violation concrète des droits de l'homme, mais tout au plus d'une violation éventuelle ou hypothétique, hypothèse dans laquelle elle se déclare incompétente.

* 111La victime indirecte est la personne qui a un intérêt légitime à introduire une requête en tant que proche d'une victime directe en cas de décès de cette dernière, qui a subi elle-même un préjudice du fait de la violation des droits d'un tiers ou qui a un intérêt à ce qu'il soit mis fin à une telle violation. Voir CEDH, Guide pratique sur la recevabilité, Strasbourg, Conseil de l'Europe, 2014, pp. 14-16.

* 112 Pour des cas d'application dans la jurisprudence de la CEDH, voir Commission européenne des droits de l'homme, 29 oct. 1992, Open Door et Dublin Well Woman c/ Irlande, série A, no 246 A, para. 44 ; 28 oct. 1981, Dudgon c/ Royaume Uni ; 22 oct. 1988, Norris c/ Irlande ; 7 juill. 1989, Soering c/ Royaume-Uni. La CEDH tend toutefois à restreindre la notion de victime potentielle (voir CEDH, 2005, Dayras et autres c/ France et SOS sexisme c/ France ; CEDH, 28 juin 2011, La Ligue des musulmans de Suisse et autres c/ Suisse).

* 113 Reposant sur une violation non encore réalisée, la notion de victime potentielle conduit à exercer un contrôle a priori des mesures litigieuses. Des précautions sont généralement posées par les organes de contrôle pour la distinguer de l'actio popularis. L'application de la notion de victime potentielle ne devrait même intervenir qu' « à titre très exceptionnel ». Confer CEDH, 28 juin 2011, Ouardiri c/ Suisse, req. n° 65840/09.

* 114 Leurs titulaires sont les particuliers, personnes physiques ou morales, qui ne sont pas des sujets classiques du droit international.

* 115 Certains droits sont cependant collectifs. Il en est ainsi des droits de l'action politique. Voir CEDH, 2 mars 1987, Mathieu-Mohin et Clerfayt c/ Belgique. Voir également SUDRE (F.) (dir.), Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l'homme, Paris, PUF, 7ème éd., 2015, pp. 750 et suiv. ; Droit européen et international des droits de l'homme, Paris, PUF, 12ème éd., 2015, p. 807).

* 116 Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, art. 5, 1), 2).

* 117 Disposition reconduite à l'identique pour la future Cour : Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, art. 8, 3) : « Tout Etat partie, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification ou d'adhésion, ou à toute autre période après l'entrée en vigueur du Protocole peut faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 30 (f) et concernant un Etat partie qui n'a pas fait cette déclaration ».

* 118Cour ADHP, Femi Falana c. Union Africaine, requête n° 001/2011, décision du 26 juin 2012, §§ 63-73.

* 119Confer Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, art. 7, 1), a) : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : (...) le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur ».

* 120 La Commission avait été saisie suite à la suspension du Tribunal de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) consécutive à des décisions rendues en défaveur du Zimbabwe. Les requérants soutenaient que la décision des organes de la SADC de suspendre le Tribunal portait atteinte au droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 7 de la Charte. Cela sera dénié très fermement par la Commission : « Les termes de l'Article 7, 1), a) de la Charte indiquent eux-mêmes clairement que la disposition envisage le droit des individus d'avoir accès à une juridiction nationale (...) », voir Communication 409/12, Luke Munyan du Tembani et Benjamin John Freeth (représentés par Norman Tjombe) c. Zimbabwe et treize autres, 54è session ordinaire, 22 octobre-5 novembre 2013, décision du 30 avril 2014, para. 135-145, spéc. par. 138.

* 121 Ils soutenaient en effet que dans la mesure où l'article 34, 6) refuse l'accès direct des individus à la Cour, ce que la Charte ne leur refuse pas, cet article, loin de constituer une mesure supplémentaire pour améliorer la protection des droits de l'homme, comme prévu à l'article 66 de la Charte, fait exactement le contraire. Il est en contradiction avec l'objectif, la lettre et l'esprit de la Charte car elle empêche la Cour de connaître des requêtes introduites par les individus contre un Etat qui n'a pas fait la déclaration, même lorsque la protection des droits de l'homme inscrits dans la Charte, est en jeu. Nous estimons donc qu'il est incompatible avec la Charte. Nous le disons, étant pleinement conscients de l'article 30 de la Convention de Vienne sur le droit des traités relatifs à l'application des traités successifs portant sur le même objet. « Nous sommes d'avis que cet article n'est pas applicable en l'espèce, étant donné que nous n'avons pas affaire à deux traités, mais plutôt à un seul (la Charte) et un simple protocole y relatif (le Protocole) ». Confer Cour ADHP, Femi Falana c. Union Africaine, requête n° 001/2011, préc., opinion individuelle commune aux juges Sophia A. B. AKUFFO, Bernard M. NGOEPE, Elsie N. THOMPSON, para.16.

* 122 SARKIN (J.), « The Role of Regional Systems in Enforcing State Human Rights Compliance : Evaluating the African Commission on Human and People's Rights and the New African Court of Justice and Human Rights with Comparative Lessons from the Council of Europe and the Organization of American States », Inter-American and European Human Rights Journal, vol. 1, 2008, pp. 199-242.

* 123 Voir l'article 46 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et, avant son entrée en vigueur, le Protocole n° 11 qui ont restructuré le mécanisme de contrôle établi à cet effet.

* 124 Convention américaine des droits de l'homme, art. 62.

* 125 Décision du Conseil de la Ligue des États arabes au niveau des ministères des Affaires étrangères, séance (142), n° 7790, E.A (142) C 3, du 07/09/2014. Sur la Cour, voir MAJZOUB (T.), QUILLERE MAJZOUB (F.), « De l'utilité de la future Cour arabe des droits de l'homme : de quelques réflexions sur son Statut », Revue trimestrielle des droits de l'homme, vol. 26, 2015, pp. 645-671 ; MAJZOUB (T.), QUILLERE MAJZOUB (F.), « La future Cour arabe des droits de l'homme : des espoirs à la déconvenue », RGDIP, vol. 119, n° 2, 2015, pp. 361-382 ; MIDANI (M. A.), « Le mécanisme de la Charte arabe des droits de l'homme de 2004 et la création d'un organe de contrôle : la Cour arabe des droits de l'homme », in DIZDAREVIC (A. S.), KOUSSETOGUE KOUDE (R.) (dir.), Les droits de l'homme : défis et mutations. Actes des travaux marquant le XXVe anniversaire de l'IDHL, Paris, L'Harmattan, 2013, pp. 101-113.

* 126 Statut de la Cour arabe, 7 septembre 2014, art. 19, para. 1 : « L'État partie dont l'un de ses ressortissants prétend être une victime de violation de l'un des droits de l'homme, a le droit de recourir à la Cour à condition que l'État requérant et l'État défendeur fassent parties du Statut, ou qu'elles aient accepté la compétence de la Cour en vertu de l'article 20 du Statut ».

* 127 Statut de la Cour arabe, 7 septembre 2014, art. 19, para. 2 : « Les États membres peuvent, en cas de ratification ou adhésion au Statut ou à tout moment par la suite, accepter le fait qu'une ou plus d'organisations nationales non-gouvernementales autorisées et travaillant dans le domaine des droits de l'homme du même État dont l'un de ses ressortissants prétend être une victime de violation d'un droit des droits de l'homme, puissent avoir recours à la Cour ».

* 128Voir la Cour de Justice de la CEEAC, Traité instituant la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale, 18 octobre 1983, art. 16-18. Voir également la Cour maghrébine de justice de l'UMA créée par le Traité instituant l'Union du Maghreb Arabe, 17 février 1989, art. 13, qui ne prévoit pas l'accès de l'individu au prétoire de la Cour. Sur cette dernière Cour, voir BOUONY (L.), « La Cour maghrébine de justice », Revue belge de droit international, 1993/2, pp. 360-361.

* 129 Traité du marché commun de l'Afrique orientale et australe, Chapitre V (art. 19-44), spéc. art. 23 (compétence générale de la Cour) et art. 26 (saisine par les personnes morales et physiques). Voir également l'article 6, e) du traité qui dispose que dans la poursuite des objectifs et buts du traité, les Etats conviennent de la « reconnaissance, promotion et protection des droits de l'homme et des peuples, conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits de la personne humaine et des peuples ».

* 130 Le Tribunal est prévu par l'Article 9(f) du Traité de la SADC. Le Protocole portant création du Tribunal et ses Règles de Procédures ont été adoptés en 2000 et sont entrés en vigueur en 2001. Le Tribunal est devenu opérationnel en novembre 2005 et prêt à recevoir des affaires en mars 2007. Le Traité ne fait pas référence à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, mais il engage les parties au respect des droits de l'homme, à la démocratie, à l'Etat de droit, à la non-discrimination. Le Tribunal de la SADC fut toutefois suspendu à la demande du Zimbabwe. Sur ce processus, voir EBROBRAH (S. T.), NKHATA (M. J.), « Is the SADC Tribunal Under Judicial Siege in Zimbabwe? Reflections on Etheredge v. Minister of State for National Security Responsible for Lands, Land Reform and Resettlement and Another », Comparative and International Law Journal of Southern Africa, vol. 43, n° 1, 2010, pp. 81-92 ; RUPPEL (O.), « The Southern African Development Community (SADC) and its Tribunal : Reflexions on a Regional Economic Communities' Potential Impact of Human Rights Protection », Verfassung und Recht in Übersee, vol. 42, n° 2, 2009, pp. 173-186 ; JONAS O., « Neutering the SADC Tribunal by blocking Individuals' Access to the Tribunal », International Human Rights Law Review, vol. 2, n° 2, 2013, pp. 294-321.

* 131Treaty establishing the East African Community, 30 novembre 1999, art. 9. Sur les attributions de la Cour, voir, dans le même texte, Chapitre 8, art. 23-46, spéc. art. 27, 2) (possibilité pour les Etats parties d'adopter un Protocole ouvrant la compétence de la Cour de justice à la protection des droits de l'homme), art. 30 (accès de l'individu au prétoire de la Cour). Voir également les Règles de procédures de la Cour dans leur dernière version (2013). En doctrine, se référer à LAWENA (S.), « The Human Rights Jurisdiction of the East African Court of Justice: Challenges and Prospects », Journal of African and International Law, vol. 6, n° 1, 2013, pp. 119-190; POSSI (A.), « The East African Court of Justice: Towards Effective Protection of Human Rights in the African Community », Max Planck Yearbook of United Nations Law, vol. 17, 2013, pp. 173-195.

* 132Treaty establishing the East African Community, préc., art. 27, 2).

* 133 MALILA (M.), « Daunting Prospects : Accessing the African Court Through the African Commission », Human Rights Law Journal, vol. 31, 2011, pp. 61-72.

* 134 Art. 118, 4) du Règlement intérieur intérimaire de la Commission. Par ailleurs, sans même être saisie par une communication, la Commission pourra décider de transmettre à la Cour des cas de violations graves et massives des droits de l'homme, dont elle aura eu connaissance via des informations recueillies auprès des ONG, des individus ou des instances internationales. Voir, en dernier lieu, Cour ADHP, Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye, requête n° 002/2013, arrêt au fond du 3 juin 2016.

* 135 Règlement intérieur intérimaire de la Commission, art. 118, 2).

* 136Idem, art. 118, 1).

* 137Sur ce point, voir PALCHETTI (P.), « Can State Action on Behalf of Victims Be an Alternative to Individual Access to Justice in Case of Grave Breaches of Human Rights ? », Italian Yearbook of International Law, 2014, vol. 24, pp. 53-62.

* 138 Cour ADHP, Delta International Investments S.A. et A.G.L. de Lange c. Afrique du Sud, requête n° 002/2012, décision non datée.

* 139 Quatre-cent-soixante-dix-sept ONG disposent de cette qualité au 31 août 2016 : 20 % (96) d'entre elles sont basées hors d'Afrique, l'immense majorité restante (381) ayant leur siège directement sur le continent. Hors d'Afrique, le classement est nettement dominé par les Etats européens qui comptent soixante-treize (73) ONG disposant du statut d'observateur auprès de la Commission africaine. Les plus gros contributeurs européens sont la France (12), le Royaume-Uni (19) et la Suisse (17). Le reste des ONG est enregistré en Amérique et se répartissent entre les Etats-Unis (17), le Canada (5) et le Brésil (1). La liste complète est accessible sur la page dédiée du site de la Commission africaine : http://www.achpr.org/fr/network/ngo/ (consulté le 31 août 2016).

* 140En effet, l'affaire fait suite à la demande, en 2015, du Conseil exécutif de l'Union africaine à la Commission de prendre en compte les valeurs, l'identité fondamentale et les bonnes traditions de l'Afrique lorsqu'elle accorde le statut d'observateur, et de retirer celui-ci aux ONG qui agiraient en sens contraire. Le Conseil exécutif a ainsi demandé à la Commission de retirer le statut d'observateur accordé à la Coalition des lesbiennes africaines qui a par la suite saisi la Cour d'une demande d'avis consultatif. Confer Cour ADHP, Demande d'avis consultatif n°002/2015, Centre des Droits de l'Homme de l'Université de Pretoria (CHR) & la Coalition des Lesbiennes africaines (CAL).

* 141 Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, art. 30 (« Autres entités admises à ester devant la Cour »).

* 142 Voir par exemple, la Commission nationale des droits humains du Burkina Faso. La Commission africaine promeut l'association étroite de ces institutions à ses activités, en exprimant régulièrement le souhait qu'elles se conforment aux Principes des Nations Unies relatifs au statut et au fonctionnement des Institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l'homme (Principes de Paris).

* 143 Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, préc., art. 6, 2) : « la Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l'article 56 de la Charte ».

* 144 Traité révisé de la CEDEAO, 24 juillet 1993, art. 6 et 15.

* 145 Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour de justice de la CEDEAO, 6 juillet 1991.

* 146 Supplementary Protocol A/SP.1/01/05 amending the Preamble and articles 1, 2, 9 et 30 of Protocol A/P.1/7/91 Relating to the Community Court of Justice and Article 4, § 1, of the English version of the said Protocol.

* 147 Supplementary Protocol A/SP.1/01/05, art. 4, d). V. not. MCALLISTER J. R., « A New International Human Rights Court for West Africa : the ECOWAS Community Court of Justice », American Journal of International Law, vol. 107, n° 4, 2013, pp. 737-779 ; ADJOLOHOUN H. S, « The ECOWAS Court as a Human Rights Promotor ? Assessing Five Years' Impact of the Koraou Slavery Judgment », Netherlands Quarterly of Human Rights, vol. 31, n° 3, 2013, pp. 342-371 ; EBOBRAH S. T., « A Rights-Protection Goldmine or a Waiting Volcanic Eruption ? Competence of, and Access to, the Human Rights Jurisdiction of the ECOWAS Community Court of Justice », African Human Rights Law Journal, vol. 7, n° 2, 2007, pp. 307-329.

* 148 Voir infra l'analyse des conditions de recevabilité structurant l'accès de l'individu à la Cour africaine.

* 149 Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour de justice de la CEDEAO, tel que révisé par le Protocole supplémentaire, art. 10.

* 150Sur l'application des dispositions de la Charte, voir ZAKRI (B. E.), « L'application de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dans les Etats d'Afrique noire francophone », Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest- Unité Universitaire d'Abidjan (UCAO-UUA), Master 2 Recherche Droit public fondamental, 2014, 76 p.

* 151 Certes, la CEDEAO affirme l'intégration de la Charte africaine dans le droit qu'elle applique (et ce d'autant que tous les États membres de la CEDEAO ont aussi ratifié la Charte africaine), mais elle affirme également l'autonomie de la CJCEDEAO dans les modalités d'utilisation (partie I de la Charte), qu'elle distingue des principes fondamentaux (partie II de la Charte). Voir infra, nos développements sur la question.

* 152 D'ALLIVY KELLY (D.), « Le juge africain est entré dans l'Histoire (Cour de justice de la CEDEAO, 27 octobre 2008, Hadijatou Mani Koraou c/ Niger) », publié le 10 mai 2009, pp. 6-7.

* 153Cet article dispose en effet que les communications visées à l'article 55 reçues à la Commission et relatives aux droits de l'homme et des peuples doivent nécessairement, pour être examinées, remplir les conditions ci-après : « Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine et soit des dispositions de la présente Charte ».

* 154 Cette affaire concernant Hadijatou Mani Koraou c/ Niger a été abondamment analysée dans cette étude, notamment pour avoir été à l'origine de la propulsion de la CJ CEDEAO en matière de droits de l'homme.

* 155Aux termes des dispositions de ces articles : art. 6 : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement » ; art. 7 : al. 1. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend:

a. le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur;

b. le droit à la présomption d'innocence, jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente;

c. le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix;

d. le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale ».

al. 2. « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une infraction légalement punissable. Aucune peine ne peut être infligée si elle n'a pas été prévue au moment où l'infraction a été commise. La peine est personnelle et ne peut frapper que le délinquant ».

* 156 Il faut noter que la CJ CEDEAO n'a pas ses propres instruments juridiques de protections des droits de l'homme. Cette question sera abordée dans nos développements à suivre.

* 157 CJ CEDEAO, Affaire Dame Hadijatou Mani Koraou c/ la République du Niger du 27 octobre 2008.

* 158 Sur la question de l'épuisement des voies de recours internes, voir nos développementsinfra.

* 159 Cet article dispose en effet que « Les communications visées à l'article 55 reçues à la Commission et relatives aux droits de l'homme et des peuples doivent nécessairement, pour être examinées, remplir les conditions ci-après:

1. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Commission de garder l'anonymat;

2. Etre compatibles avec la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine ou avec la présente Charte;

3. Ne pas contenir des termes outrageants ou insultants à l'égard de l'Etat mis en cause, de ses institutions ou de l'OUA;

4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse;

5. Etre postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale;

6. Etre introduites dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine;

7. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine et soit des dispositions de la présente Charte ».

* 160 Pour plus de développement à ce propos, voir ZAKRI (B. E.) « L'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples dans les Etats d'Afrique noire francophone », Mémoire en vue de l'obtention du diplôme de master droit public fondamental, Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest- Unité Universitaire d'Abidjan (UCAO-UUA), 2014, 76 p.

* 161 Voir utilement GNANDE (J.), « La protection des droits de l'homme au plan sous-régional : une volonté affichée par la CEDEAO », éd. Cacit, 2016.

* 162 Cour ADHP, affaire Frank David Omary et autres c. Tanzanie, requête n° 001/2012, arrêt du 28 mars 2014, par. 91-94, spéc. par. 93.

* 163 Cour ADHP, affaire Mohamed Abubakari c. Tanzanie, requête n° 007/2013, arrêt au fond du 3 juin 2016, par. 50.

* 164 Voir l'approche similaire retenue par la Commission : Communication 13/88, Affaire Hadjali Mohamad c. Algérie, 27 avril 1994, 7e rapport annuel d'activités (1993-1994), Recueil africain des décisions des droits humains, 2000, p. 17, par. 2.

* 165 Commission ADHP, Communication 1/88, Affaire Frederick Korvah c. Liberia, 4e session ordinaire, octobre 1988, 7e Rapport annuel d'activités (1993-1994), Recueil africain des décisions des droits humains, 2000, p. 138 ; Communication 63/92, Congress for the Second Republic of Malawi c. Malawi, 7e rapport annuel d'activités (1993-1994), Recueil africain des décisions des droits humains, 2000, p. 141.

* 166 Commission ADHP, Communication 13/88, Affaire Hadjali Mohamad c. Algérie, préc., par. 2.

* 167 Commission ADHP, Communications 104/93, Affaire Centre pour l'Indépendance des Magistrats et des Avocats c. Algérie, 7e Rapport annuel d'activités (1993-1994), Recueil africain des décisions des droits humains, 2000, p. 17 ; Communications 109-126/93, Affaire Centre pour l'Indépendance des Magistrats et des Avocats c. Algérie, 8e rapport annuel d'activités, Recueil africain des décisions des droits humains, 2000, pp. 18-19, par. 2-6.

* 168 Règlement intérieur de la Commission africaine, art. 93, 2), j).

* 169 Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, art. 35, 2), b) : « La Cour ne retient aucune requête individuelle introduite en application de l'article 34, lorsque (...) elle est essentiellement la même qu'une requête précédemment examinée par la Cour ou déjà soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement, et si elle ne contient pas de faits nouveaux ».

* 170 Convention américaine relative aux droits de l'homme, art. 46, 1), c) : « La Commission ne retient une pétition ou communication présentées conformément aux articles 44 ou 45 que sous les conditions suivantes, à savoir (...) que l'objet de la pétition ou communication ne soit pas en cours d'examen devant une autre instance internationale ».

* 171 Voir, par exemple, pour le Comité des droits de l'homme : Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, art. 5, 2), a). La condition de non-examen par un autre organe ou mécanisme international d'enquête ou de règlement ne constitue pas une condition de recevabilité des communications individuelles portées devant le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale : ni la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965, ni l'article 91 du Règlement intérieur du Comité qui établit les critères de recevabilité n'y font référence.

* 172 Règlement intérieur intérimaire de la Cour, art. 40, 7) : « Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de l'Acte constitutif de l'Union africaine et soit des dispositions de la Charte ou de tout autre instrument juridique de l'Union africaine ».

* 173 Pour déterminer si elle a compétence pour statuer au titre de cette disposition de la Convention, la Cour européenne doit décider si l'affaire dont elle est saisie est essentiellement la même qu'une requête déjà soumise en parallèle à une autre instance et, si oui, si celle-ci peut passer pour « une autre instance internationale d'enquête ou de règlement » au sens de l'article 35 par. 2 b) de la Convention. Pour un exemple d'application, voir prioritairement Cour EDH, Affaire OAO Neftyanaya Kompaniya Yukos c. Russie, arrêt (au principal) du 20 septembre 2011, par. 517-526, spéc. par. 523-525 (conflit CPA / Cour EDH).

* 174 Le Statut de la future Cour arabe des droits de l'homme tient compte de l'existence de la Cour africaine (et de son évolution institutionnelle) : son article 18, par. 2 dispose à cet effet que la requête sera irrecevable lorsque celle-ci aura déjà été portée « pour une même affaire devant une autre Cour régionale des droits de l'homme ».

* 175 Voir parmi de nombreux exemples, Commission ADHP, Communication 259/2002, Affaire Groupe de Travail sur les Dossiers Judiciaires Stratégiques c. République Démocratique du Congo, 14e session extraordinaire, 20-24 juillet 2013, décision du 10 mars 2015, p. 40 : la fourniture d'extraits des jugements pertinents suffit à remplir la condition fixée par l'article 56, 4) de la Charte.

* 176 Cour ADHP, Affaire Frank David Omary et autres c. Tanzanie, requête n° 001/2012, arrêt du 28 mars 2014, par. 95-97.

* 177 Commission ADHP, Communications 147/95 et 149/96, Affaire Sir Dawda K. Jawara c. Gambie, 27e session ordinaire, 27 avril-11 mai 2000, 13e rapport annuel d'activités, par. 23-27, pp. 101-102. La jurisprudence ultérieure de la Commission a confirmé l'interprétation souple de cette condition de recevabilité : Communication 307/2005, M. Obert Chinhamo v Zimbabwe, 42e session ordinaire, novembre 2007, 23e rapport annuel d'activités, African Human Rights Law Reports, 2007, par. 50, p. 104 ; Communication 245/2002, Zimbabwe Human Rights NGO Forum c. Zimbabwe, 39e session ordinaire, mai 2006, 21e rapport annuel d'activités, Recueil africain des droits de l'homme, 2006, par. 43, p. 133.

* 178 Commission ADHP, Communications 147/95 et 149/96, Affaire Sir Dawda K. Jawara c. Gambie, 27e session ordinaire, 27 avril-11 mai 2000, 13e rapport annuel d'activités, par. 23-27, pp. 101-102.

* 179 Nous évoquons ici une seule exception valable parce que la seconde n'a, aujourd'hui, qu'une portée historique. En effet, durant la phase transitoire où le Protocole était entré en vigueur mais la juridiction n'était pas encore pleinement opérationnelle, la Cour décida que le délai de saisine devait commencer à courir à compter de l'adoption de son règlement intérieur (le 20 juin 2008) et non pas à partir de l'épuisement des recours internes. C'est ainsi que dans l'affaire des Ayants droit de feu Norbert Zongo et al, les juges estimèrent qu'une interprétation raisonnable et de bonne foi devait conduire à apprécier la question du délai raisonnable à partir du 20 juin 2008 au lieu du 22 août 2006 (date correspondant au premier jour franc à compter de l'épuisement des recours internes).

* 180Si la déclaration a été déposée avant que le requérant n'a épuisé les recours internes pertinents, le délai de saisine commencera à courir à compter du premierjour franc suivant la date d'épuisement des recours internes. Rien ne change dans ce cas, le principe s'applique.En revanche, si la déclaration a été déposée après que le requérant a épuisé les recours internes pertinents, le délai de saisine commencera à courir à compter de la date du dépôt de la déclaration, et non à compter de celle de la dernière décision judiciaire rendue.

* 181 Cour ADHP, Affaire Alex Thomas c. Tanzanie, requête n° 005/2013, arrêt au fond du 20 novembre 2015, par. 73.

* 182 Il faut noter que l'épuisement des voies de recours internes exclut les recours extrajudiciaires. Voir nos développementsinfra.

* 183 Cour EDH, Rezgui c. France, décision sur la recevabilité, requête n° 49859/99, p. 3.

* 184 Voir supranos développements sur les dérogations au principe de l'épuisement des voies de recours internes.

* 185 Cour ADHP, Ayants droit de feu Norbert Zongo, préc., arrêt sur les exceptions préliminaires du 21 juin 2013, par. 116.

* 186Ibid., par. 118. Dans cette affaire, les parties ont indiqué que le délai de pourvoi en cassation était de cinq jours francs depuis le prononcé de l'arrêt objet du recours. Comme l'arrêt en question a été prononcé le 16 août 2006, ce délai aurait expiré le 21 août 2006, et la date de départ du délai de saisine de la Cour africaine serait en conséquence le 22 août 2006.

* 187 CORTEN (O.), L'utilisation du « raisonnable » par le juge international : discours juridique, raison et contradictions, Bruylant, 1997, 696 p.

* 188 Cette expression signifie littéralement la date de départ du délai de saisine.

* 189 Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, art. 35 ; Convention interaméricaine des droits de l'homme, art. 46.

* 190 Cour ADHP, Wilfred Onyango et al. c. Tanzanie, requête n° 006/2013, arrêt au fond du 18 mars 2016, par. 97-102 : un délai de quatre mois pour introduire la requête est considéré comme raisonnable.

* 191 Cour ADHP, Ayants droit de feu Norbert Zongo, préc., arrêt sur les exceptions préliminaires du 21 juin 2013.

* 192 Cour ADHP, Affaire Mohamed Abubakari c. Tanzanie, préc., par. 92 ; La jurisprudence de la Cour ne s'éloigne ainsi pas de celle de la Commission. Voir notamment, Communication 307/2005, Affaire M. Obert Chinhamo c. Zimbabwe, 42e session ordinaire, 23e rapport annuel d'activités, 15-28 novembre 2007.

* 193 Cour ADHP, Affaire Tanganyika Law Society, The Legal and Human Rights Centre, Révérend Christopher R. Mtikila c. République de Tanzanie, requêtes n° 009/2011 et n° 011/2011, arrêt au fond du 14 juin 2013, par. 83.

* 194Ibid., par. 74.

* 195 Cour ADHP, Affaire Mohamed Abubakari c. Tanzanie, op. cit., par. 78-93.

* 196 KAMTO (M.), « Charte africaine, instruments internationaux de protection des droits de l'homme, constitutions nationales : articulations respectives », in FLAUSS (J.-F.), LAMBERT-ABDELGAWAD (E.) (dir.), L'application nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Bruylant, 2004, pp. 11-47 ; pour une approche globale ; voir également LAGRANGE (E.), « L'efficacité des normes internationales concernant la situation des personnes privées dans les ordres juridiques internes », RCADI, vol. 356, 2011, pp. 243-552.

* 197 Commission ADHP, Communications 25/89, 47/90, 56/91, 100/93, Free Legal Assistance Group, Lawyers Committee for Human Rights, Union Interafricaine des Droits de l'Homme, Les Témoins de Jéhovah c. Zaïre, 9e rapport annuel d'activités, Recueil africain des décisions des droits humains, 2000, par. 45, pp. 303-304 : l'épuisement des recours internes a une finalité procédurale, « fondé(e) sur le principe qu'un gouvernement devrait être informé des violations des droits de l'homme afin d'avoir l'opportunité d'y remédier avant d'être appelé devant une instance internationale ».

* 198 Commission ADHP, Communication 299/05, Anuak Justice Council c. Ethiopie, 39e session ordinaire, mai 2006, 20e rapport annuel d'activités, African Human Rights Law Reports, 2006, par. 50, p. 106.

* 199 Commission ADHP, Communication 304/2005, FIDH, Organisation nationale des droits de l'homme (ONDH) et Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (RADDHO) c. Sénégal, 40e session ordinaire, novembre 2006, 21e rapport annuel d'activités, African Human Rights Law Reports, 2006, par. 44, p. 127.

* 200 Cour ADHP, Mohamed Abubakari c. Tanzanie, préc., par. 72 ; Tanganyika Law Society, The Legal and Human Rights Centre, Révérend Christopher R. Mtikila c. République de Tanzanie, requêtes n° 009/2011 et n° 011/2011, arrêt au fond du 14 juin 2013 : la Cour fait notamment référence à la jurisprudence de la Commission (Communications n° 147/95 et 147/96, Sir Dawda Jawara c. Gambie) selon laquelle « les recours doivent être disponibles, efficaces et suffisants » ; Communication 221/98, Cudjoe c. Ghana (sur la notion de recours internes qui vise les recours judiciaires). La Cour fait également référence à la jurisprudence de la Commission interaméricaine (Commission IADH, Velasquez-Rodriguez c. Honduras, 29 juillet 1998, Série C, n° 4, p. 64 : sur le caractère adéquat des recours internes, ces derniers ne devant pas être épuisés en cas contraire) ainsi qu'à la Cour européenne (Cour EDH, Akdivar et autres c. Turquie, requête n° 21893/93, 16 septembre 1996, § 66 : sur la notion de recours disponible et suffisant devant permettre à l'individu d'obtenir réparation des violations qu'il allègue). Pour plus d'éclairage sur l'ensemble de la jurisprudence de la Commission, voir ONORIA (H.), «The African Commission on Human and People's Rights and the exhaustion of local remedies under the African Charter », African Human Rights Law Journal, vol. 3, n° 1, 2003, pp. 1-24.

* 201 C'est le cas du recours en révision prévu par le droit tanzanien, qui doit être porté devant le même juge interne que celui qui a rendu la décision contestée, qui est tranché par les mêmes juges et qui ne peut être intenté que dans des cas limitatifs : Cour ADHP, Alex Thomas c. Tanzanie, requête n° 005/2013, arrêt au fond du 20 novembre 2015, par. 64 : « The Court is persuaded by the reasoning of the African Commission in Southern African Human Rights NGO Network v. Tanzania, where it stated that the remedies that need to be exhausted are ordinary remedies ». La solution a été reconduite à l'identique dans Cour ADHP, Wilfred Onyango et al. c. Tanzanie, requête n° 006/2013, arrêt au fond du 18 mars 2016, § 95 ainsi que dans Cour AfDHP, Mohamed Abubakari c. Tanzanie, préc. par. 71-73. Pour un parallèle, voir l'interprétation de la Commission de ce recours : Commission ADHP, Communication 243/2001, Women's Legal Aid Center (on behalf of Sophia Moto) c. Tanzanie, 36e session ordinaire, Recueil africain des décisions des droits humains, 2004, par. 24-31, pp. 83-84 et par. 47, p. 127.

* 202 Voir, par exemple, Cour ADHP, Alex Thomas c. Tanzanie, requête n° 005/2013, arrêt au fond du 20 novembre 2015, par. 64-65.

* 203 Article 8, 2), de la Loi tanzanienne sur la mise en oeuvre des droits fondamentaux et des devoirs.

* 204 Cour ADHP, Mohamed Abubakari c. Tanzanie, préc., par. 68-70.

* 205 Règlement intérieur de la Cour, art. 34, para. 4 : « La requête doit indiquer la violation alléguée et comporter la preuve de l'épuisement des voies de recours internes ou de leur prolongation anormale, ainsi que les mesures attendues ou injonctions sollicitées (...) ».

* 206 Cour ADHP, Peter Joseph Chacha c. Tanzanie, requête 003/2012, arrêt du 28 mars 2014 (irrecevabilité de la requête faute d'épuisement des recours internes au titre de l'article 56, 5) de la Charte), par. 129-144. L'unité d'interprétation est assurée par un renvoi à la jurisprudence de la Commission sur le sujet. La Cour cite les communications 263/02, Kenyan Section of the International Commission of Jurists, Law Society of Kenya and Kituo cha Seria c. Kenya, 18e rapport annuel d'activités, juillet 2004 - décembre 2014, par. 41 et surtout 299/05, Anuak Justice Council c. Ethiopie, 20e rapport annuel d'activités, janvier 2006-juin 2006, par. 54.

* 207 Cour ADHP, Peter Joseph Chacha c. Tanzanie, préc., opinion dissidente du juge F. OUGUERGOUZ, par. 18-32 et par. 52-75.

* 208 Voir utilement les critiques du juge Ouguergouz : le requérant « détenu, indigent, vraisemblablement analphabète et sans être assisté d'un avocat, a fait tout ce que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour épuiser les voies de recours internes de l'Etat défendeur » : Ibid., par. 54. Voir dans le même sens, l'opinion dissidente commune aux juges Sophia A. B. AKUFFO, Elsie N. THOMPSON et Ben KIOKO, par. 1-22.

* 209 D'abord, il n'est pas nécessaire que le droit consacré par la Charte ou par tout autre instrument entrant dans la compétence matérielle de la Cour soit explicitement invoqué dans la procédure interne. Le requérant peut donc soulever des moyens d'effet équivalent ou similaire fondés sur le droit interne, pour autant que le grief soit soulevé en substance. Ensuite, l'identité des arguments soulevés devant le juge interne et la Cour doit être assurée, mais n'a pas à être parfaite. Pour plus d'éclaircissements, voir Cour ADHP, affaire Mohamed Abubakari c. Tanzanie, préc., par. 75-76.

* 210 En effet, le requérant avait d'abord saisi la Commission, qui avait conclu à la recevabilité de la requête, avant de retirer sa plainte et de saisir la Cour. Lors des débats, le Malawi avait reconnu que le requérant avait épuisé les recours internes, la Commission concluant immédiatement à la satisfaction de cette condition de recevabilité. Une fois la plainte retirée et la Cour saisie, l'Etat défendeur ne souleva plus d'exception d'irrecevabilité en ce sens. La requête sera pourtant déclarée irrecevable, faute d'épuisementdes voies de recours internes. Voir Commission ADHP, Communication n° 357/2008, Urban Mkandawire c. République du Malawi, par. 102.

* 211 Cour ADHP, Urban Mkandawire c. République du Malawi, préc., par. 37.

* 212 Cour EDH, De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, arrêt du 18 juin 1971, par. 55 : « En outre, rien n'empêche les Etats de renoncer au bénéfice de la règle de l'épuisement des voies de recours internes, qui a pour but essentiel de protéger leur ordre juridique national. Il existe à ce sujet une longue pratique internationale à laquelle la Convention n'a sûrement pas entendu déroger car elle se réfère, en son article 26, aux principes de droit international généralement reconnus. Si pareille renonciation intervient devant la Commission, on n'imagine guère que le gouvernement intéressé puisse la rétracter à sa guise après la saisine de la Cour ».

* 213 De l'aveu de la Cour, « l'épuisement des recours internes est une règle fondamentale dans les relations entre les Etats parties avec le Protocole et la Charte, d'une part, et avec la Cour, d'autre part. Les Etats parties ratifient le Protocole en tenant pour acquis que les recours internes doivent d'abord être épuisés avant que la Cour ne soit saisie : la déclaration prévue à l'article 34, 6) du Protocole est également faite sur cette base ». Voir Cour ADHP, Urban Mkandawire c. République du Malawi, préc., § 37 ; voir également sur ce point les critiques formulées dans l'opinion dissidente commune des juges G. NIYUNGEKO et E. H. GUISSE, para. 11-15.

* 214 Cour de Justice de la CEDEAO, Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger, requête n° ECW/CCJ/APP/0808, arrêt ECW/CCJ/JUD/06/08, 27 octobre 2008, African Human Rights Law Reports, 2008, pp. 186-188, par. 36-45.

* 215 L'article 4, g), du Traité révisé fait ainsi obligation aux Etats membres de respecter, promouvoir et protéger les droits de l'homme et des peuples conformément aux dispositions de la Charte africaine lorsqu'ils mettent en oeuvre les buts et objectifs économiques fixés par l'article 3 du traité.

* 216 Cour de Justice de la CEDEAO, Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger, préc., p. 187, par. 40.

* 217 Cour de Justice de la CEDEAO, Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger, préc., p. 187, par. 40.

* 218 Cité par le juge de la CEDEAO dans l'arrêt, Dame Hadjijatou Mani Koraou c/ la République du Niger.

* 219 Les langues de certains Etats membres de l'organisation s'étaient déliées pour exiger l'épuisement préalable des voies de recours internes avant la saisine de la Cour et la soumission des décisions de celle-ci à une procédure d'appel (une demande avait été introduite par la Gambie au niveau des instances communautaires). La riposte n'avait pas tardé puisque des organisations non gouvernementales et des citoyens ouest africains avaient saisi la Cour en 2009 aux fins de déclarer illégales et contraires aux principes de la CEDEAO les demandes introduites par la Gambie.

* 220 Confer article 34 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui dispose que « La Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles (...) ».

* 221 Devant la Cour européenne, la représentation des requérants est subordonnée à la signature d'un pourvoi écrit (art. 45 par. 3 du Règlement de la Cour). Les représentants doivent démontrer avoir reçu des instructions précises et explicites de la part de la personne qui se prétend victime et au nom de laquelle ils entendent agir devant la Cour : Cour EDH, Post c. Pays-Bas, décision du 20 janvier 2009, requête n° 21727/08.

* 222 La règle vaut également devant la Commission : voir Communication 31/89, Maria Baes c. Zaïre, 8e rapport annuel d'activités, Recueil africain des décisions des droits humains, 2000, p. 297 et s. : communication introduite par une ressortissante danoise pour le compte de son collègue universitaire, détenu pour ses motivations politiques.

* 223 Règlement intérieur intérimaire de la Cour ADHP, 20 juin 2008, art. 28.

* 224 Règlement intérieur intérimaire de la Cour ADHP, 20 juin 2008, art. 34, § 2.

* 225 La question ne s'est pas encore posée devant la Cour, à la différence de la Commission africaine. V., par exemple, Communication 266/03, Kevin Mgwanga Gunme et al c. Cameroun, 45e session ordinaire, mai 2009, 26e rapport annuel d'activités, African Human Rights Law Reports, 2009, p. 9 et s.

* 226 Commission ADHP, Communication 75/92, Congrès du peuple Katangais c. Zaïre, 8e rapport annuel d'activités, Recueil africain des décisions des droits humains, 2000, p. 298 et s.

* 227 Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, art. 30. f) : (« Autres entités admises à ester devant la Cour »).

* 228 Voir ISAAC (G.) Droit communautaire général, Paris, Armand Colin, 5ème édition, 1997, pp.256-257 ; MOUTON (J. D.) et SOULARD (C.), La CJCE, Paris, PUF, Que sais-je ?,1998, pp32-33 ; MANIN (P.), Les communautés européennes, Paris, Pedone, Etudes internationales, N° 6, 5ème édition, 1999, pp.379-385 ; CEREXHE (E.), Le Droit européen. Les objectifs des institutions, Bruxelles, Bruylant, Nauwelaerts, 1989, pp.200-201.

* 229 MANIN (Ph), Les communautés européennes, Op. Cit. p.379.

* 230Cela répond au principe de droit commun « pas d'intérêt, pas d'action ». Ce principe veut en effet que celui qui intente une action en justice ait un intérêt à agir.

* 231 Protocole additionnel A/SP.01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P.1/7/91 du 06 juillet 1991 relatif à la Cour.

* 232 CJ CEDEAO, affaire Hissène Habré c .Etat du Sénégal, 18 novembre 2010.

* 233 Est considéré comme citoyen de la communauté d'après le protocole du 29 mai 1982 portant code de citoyenneté de la Communauté : « toute personne qui, par la descendance, a la nationalité d'un Etat membre et qui ne jouit pas de la nationalité d'un Etat non membre de la communauté ».

* 234 CJ CEDEAO, affaire Hon. Dr. UGOGWE C. République fédérale du Nigeria, 7 octobre 2007, par. 32.

* 235 CJ CEDEAO, affaire Hissène Habré c/ République du Sénégal, 18 novembre 2010.

* 236 C'est en effet un truisme de rappeler qu'une loi se caractérise par la généralité et l'impersonnalité.

* 237 Voir SUDRE (F.), Droit international et européen des droits de l'homme, 10ème édition, PUF, 2006, p. 300.

* 238 CJ CEDEAO, Aff.Hadijatou Mani Koraou c/ Rép. Niger, 27 octobre 2008.

* 239 Ce sont les Etats qui décident de souscrire ou non à la déclaration d'acceptation de juridiction obligatoire des Cours de protection des droits de l'homme. La déclaration facultative, révolue du système européen, est toujours le vestige puissant des souverainetés américaines et africaines. Des citoyens africains ne tardent pas à la qualifier de contraire aux droits que la Cour est appelée à protéger.

* 240 ARDANT (Ph.), « Les problèmes posés par les droits fondamentaux dans les Etats en voie de développement », Collection de droit public dirigé par FAVOREU (L.), Droit constitutionnel et droits de l'homme, Economica, 1987, 511 p

* 241 LAQUEUR (W.) et RUBIN (B.), Anthologie des Droits de l'Homme, Editions Nouveaux horizons, 1998, p.2.

* 242 BAKER DJOUMESSI KENFACK (S.), « L'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples par les juridictions sous-régionales : regards croisés sur les affaires Koraou C. République du Niger et Hissène Habré C. République du Sénégal devant la Cour de justice de la CEDEAO », Institut des relations internationales du Cameroun.

* 243 EBOBRAH (S.), « L'application de la Charte africaine par les organisations africaines sous-régionales : des gains, des peines et le futur », Thème exposé en marge de la conférence 30 ans de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Faculté de Droit, Université de Pretoria, 11 juillet 2011.

* 244 Cette conception est inspirée du processus d'autonomisation et de développement des juridictions régionales et sous régionales. Pour plus de détail sur cette question, voir LARSEN (L. B.), « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international », Colloque de Lille, SFDI, La juridictionnalisation du droit international, Pedone, 2003, pp.203-264.

* 245 Jules FERRY dans des propos iniques affirment que « les droits de l'homme ne sont pas faits pour les Nègres » (cité par Edem KODJO,...Et demain L'Afrique, Stock 1985, p.168). Et Koffi Annan renchérit, oublie-t-il que « les droits de l'homme ne sont étrangers à aucune culture; ils appartiennent à tous les pays; ils sont universels », Kofi A. Annan, ancien Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies. Allocution prononcée à l'Université de Téhéran le 10 décembre 1997, à l'occasion de la Journée des droits de l'homme.

* 246 Il s'agit notamment des droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels, droit des peuples.

* 247 CASSIN (R.), « L'homme sujet de droit international et la protection universelle de l'homme », Mélanges Georges Scelle, La technique et les principes du droit public, L.G.D.J., 1950, T. 1, p. 77.

* 248 BIDEGARAY (C.), « La définition constitutionnelle des droits et libertés en France » in FAVOREUX (L.) (dir.), Droit constitutionnel et Droits de l'Homme, Economica, 1987, p. 14-38.

* 249Voir notamment le préambule de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.

* 250 Un requérant peut ainsi saisir la Cour de justice communautaire en invoquant la violation des dispositions d'une convention ratifiée par l'Etat en cause qui garantit un éventail de droits plus étoffé que ceux visés dans ces instruments.

* 251 Affaire Hadijatou Mani Koraou c/ Rép. Niger, 27 octobre 2008.

* 252 Il faut noter que la CJ CEDEAO a fait référence à cette convention dans sa décision du 16 novembre 2010, dans l'affaire Musa Saidykhan, c. République de Gambie.

* 253 GONIDEC (P-F.), « Un espoir pour l'homme et les peuples africains ? La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », Le Mois en Afrique, juin-juillet 1983, p. 23.

* 254 FALL (A. B.), « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme », Pouvoirs n°129/2 avril 2009 p.77-100.

* 255MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique, 2e édition, Paris, Pedone, 2002.

* 256 CJ CEDEAO, Aff. Hon. Dr. Jerry Ukogwe c. République fédérale du Nigéria du 7 octobre 2005, (par.29).

* 257 CJ CEDEAO, Aff. Chief Ebrimah Manneh c/ République de Gambie 5 juin 2008.

* 258 L'expression est de LARSEN (L. B.), « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international », Colloque de Lille, SFDI, La juridictionnalisation du droit international, Pedone, 2003, pp.203-264.

* 259 La Charte africaine des droits de l'homme et des Peuples du 27 juin 1981 n'avait pas institué de juridiction ; elle s'est contentée de prévoir une simple Commission africaine des droits de l'homme. Les Etats africains soucieux d'améliorer le système régional de protection des droits de l'homme ont signé le 9 juin 1998 le Protocole de Ouagadougou créant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui est entré en vigueur le 25 janvier 2004.

* 260 La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a été fondée en 1959 dans le but d'appliquer la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le modèle européen du fait de son originalité est considéré comme « le plus achevé ». Voir à ce propos SUDRE (F.), Droit international et européen des droits de l'homme, 7ème éd., PUF, coll. Droit fondamental, 2005, n° 289, p. 531.

* 261 Le continent américain a précédé l'Europe dans la reconnaissance des droits de l'homme grâce à la Charte constitutive de l'Organisation des États Américains du 30 avril 1948, en revanche, il faut attendre la convention du 22 novembre 1969 pour instituer une Cour interaméricaine habilitée à recevoir les requêtes des personnes pour violation des droits de l'homme. Cette Cour n'est entrée en fonction qu'en 1978.

* 262 Voir infra, l'autonomie de la Cour dans l'application des modalités de la Charte.

* 263 UDOMBANA (N. J.), « Towards the African Court on Human and Peoples' Rights: Better Late Than Never », 2000, 3 Yale Hum. Rights Dev. Law J., p. 90; ENO (R.), « The jurisdiction of the African court of human and peoples' rights », (2002) 2-2 Afr. Hum. Rights Law J., p. 226.

* 264 PROTOCOLE DE LA COUR AFRICAINE, « Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », disponible sur le site : <http://www.achpr.org/fr/instruments/court-establishment/> (consulté le 6 janvier 2017).

* 265 UDOMBANA (N. J.), « An African human rights court and an African union court: a needful duality or a needless duplication? », (2003) 28-3 Brooklyn J. Int. Law, p. 842.

* 266 Confer articles 60 et 61 de la Charte de Banjul.

* 267 DIOP (A-K.), « La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples Ou le Miroir Stendhalien du Système Africain de Protection des Droits de l'Homme », Cah. Droit, 2014, p. 536.

* 268 UDOMBANA (N. J.), op. cit., p. 90 ; voir également ENO (R.), op. cit., note 18, 227.

* 269Idem.

* 270 VAN DER MEI (A. P.), « The New African Court on Human and Peoples Rights: Towards an Effective Human Rights Protection Mechanism for Africa? », (2005) 18-1 Leiden J. Int. Law, pp. 113-129.

* 271 Voir entre autres YERIMA (S. S. Z.), « La Cour et la Commission africaines des droits de l'homme et des peuples: noces constructives ou cohabitation ombrageuse? », Annuaire Africain des Droits de l'Homme, 2017, pp. 357-385, disponible sur le site : http://doi.org/10.29053/2523-1367/2017/v1n1a17.

* 272 ENO (R.), op. cit., p. 229.

* 273 Par exemple, la Charte africaine ne contient aucune référence aux élections, et ce à la différence de la Déclaration universelle des droits de l'homme (article 21) et de la Convention européenne (article 3 du Protocole additionnel) où le droit à des élections libres est mentionné explicitement. La Déclaration américaine considère la participation aux élections non seulement comme un droit, mais aussi comme un devoir des citoyens (articles X et XXII). Voir Charte africaine, « Charte africaine des droits de l'homme et des peuples / Instruments juridiques / CADHP », disponible sur le site : <http://www.achpr.org/fr/instruments/achpr/> (consulté le 14 septembre 2018).

* 274 QUILLERÉ-MAJZOUB (F.), « L'option juridictionnelle de la protection des droits de l'homme en Afrique », 2000-44 Rev. Trimest. Droits Homme, 2002, pp. 729-786, spé. p. 760.

* 275 DIOP (A-K.), op. cit., p. 535.

* 276 ATANGANA-AMOUGOU (J. L.), « La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples », Droits fondamentaux, N° 1, juillet - décembre 2001, p.91.

* 277 Article 45 de la Charte africaine.

* 278 FIDH, La Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples. Vers la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, 2010, p. 99.

* 279 Très suggestif est également le préambule du Protocole de la CADHP qui affirme que la Cour est créée pour « compléter et renforcer la mission de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples ».

* 280 DELAS (O.), NTAGANDA (E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de l'homme ? » op.cit., p.117.

* 281 DELAS (O.), NTAGANDA (E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de l'homme ? » op.cit., p.117.

* 282 Article 5, par. 1 du Protocole CADHP.

* 283 Article 6, par. 1 du Protocole CADHP.

* 284 Article 33 Protocole CADHP.

* 285 MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afriqueop.cit., p.307.

* 286 Sur cette question, voir KOWOUVIH (S.), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : une rectification institutionnelle du concept de « spécificité africaine en matière de droits de l'homme », op.cit., p.766 ; et DELAS (O.), NTAGANDA (E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de l'homme ? », op.cit., p.118.

* 287 VILJOEN (F.), « A Human Rights Courts for Africa, and Africans », Brooklyn Journal of International Law, 2004, p.11.

* 288 O'SHEA (A.), « A critical reflection on the proposed African Court on Human and People's Rights »,African Human Rights Law Journal, 2001,p. 285.

* 289 Confer Article 9 du Protocole.

* 290 EBOBRAH (S. T.), « Towards a positive application of complementarity in the African human rights system », European Journal of International Law, 2011,p. 676.

* 291 RUDMAN (A.), « The Commission as a party before the Court - reflections on the complementarity arrangement », Potchefstroom Electronic Law Journal, 2016, p. 24.

* 292 ODINKALU (C. A.), « From architecture to geometry: the relationship between the African Commission on Human and Peoples Rights and organs of the African Union », Human Rights Quarterly, 2013, p. 857.

* 293 ZIMMERMANN (A.) et BÄUMLER (J.), « Current challenges facing the African Court on Human and People's Rights », KAS International Reports, 2010, p.50.

* 294 ODINKALU (C. A.), « From architecture to geometry: the relationship between the African Commission on Human and Peoples Rights and organs of the African Union », op. cit., p. 858.

* 295 ZIMMERMANN (A.) et BÄUMLER (J.), « Current challenges facing the African Court on Human and People's Rights », op. cit., p. 50.

* 296 Elle est rattachée à une organisation régionale dont l'objectif premier est l'intégration économique et à ce titre, elle doit veiller à l'application et à l'interprétation des normes communautaires.

* 297 Voir supra, nos développements sur les contraintes normatives devant les juridictions.

* 298Affaire Sieur Moussa Léo Keita contre Etat du Mali.

* 299 Affaire Chief Frank C. Ukor contre Sieur Rachad Laleye et le gouvernement de la République du Bénin, 2 novembre 2007.

* 300 CJ CEDEAO, Aff. Hon. Dr. Jerry Ugokwe c/ République Fédérale du Nigeria, 7 octobre 2005.

* 301 Dans l'arrêt du 12 octobre 2007, Sieur Moussa Léo Keita contre Etat du Mali, la Cour a affirmé qu'elle « n'a pas compétence pour statuer sur les décisions rendues par les juridictions des Etats membres ».

* 302 Dans l'affaire Isabelle Manavi Ameganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011, le juge communautaire est allé à contre-courant du juge constitutionnel togolais en estimant que « les députés n'ont jamais exprimé régulièrement leur volonté de démissionner de l'Assemblée nationale ».

* 303 ASCENSIO (H.), « La notion de juridiction internationale en question », SFDI, Colloque de Lille, La juridictionnalisation du droit international, Pedone, 2003, pp. 163-202.

* 304 Gérard FIZTMAURE, dans son opinion dissidente sous l'arrêt Cour EDH du 21 février 1975, Golder c. Royaume Uni, a indiqué que la démarche interprétative des organes de protection des droits de l'homme repose sur ce postulat général.

* 305 BERCIS (P.), Guide des droits de l'homme, la conquête des libertés, Hachette 1993, p.110.

* 306 ASCENSIO (H.), « La notion de juridiction internationale en question », op.cit., p. 163.

* 307 TOUZE (S.), « Les techniques interprétatives des organes de protection des droits de l'homme », R.G.D.I.P, 2011, p.517-532.

* 308Voir notamment les directives interprétatives de la Convention de vienne de 1969.

* 309 Voir PECHEUL (A.), Droit communautaire général, Ellipse, 2002, p.112.

* 310 CJCE, 21 septembre 1989, Hoescht.

* 311 CEDH, 30 mars 1989, Chappell c/ Royaume Uni.

* 312 Au libéralisme qui caractérise l'interprétation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (protection de la vie privée et familiale) effectuée par la Cour de Strasbourg, CEDH (Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal du 21 décembre 1999) sur le traitement de la question de l'homosexualité, répond le conservatisme de la Cour de Luxembourg (CJCE, Lisa Jacqueline Grant c/ South -West Trains Ltd, arrêt du 17 février 1998).

* 313 On relèvera à ce propos un passage intéressant dans l'arrêt Grant contre South-West Trains Ltd du 17 février 1998 ; la Cour de justice des Communautés européennes affirme ne pas être tenue de s'aligner sur la signification que le Comité des Droits de l'Homme semblait avoir reconnu à la notion de « discrimination fondée sur le sexe » telle qu'elle figure aux articles 2 et 26 du PIDCP. Selon la Cour de justice, « cet organe (le Comité des Droits de l'Homme) qui n'est d'ailleurs pas une instance juridictionnelle, et dont les constatations sont dépourvues de valeur juridique contraignante s'est borné à faire une observation en ce sens sans motivations particulières ».

* 314 KARAGIANNIS (S.), « La multiplication des juridictions internationales, un système anarchique ? » in La juridictionnalisation du droit international, colloque de Lille, Paris, Pedone, 2003, pp. 8-161.

* 315 Rappelons à cet effet que les requérants n'ont pas besoin d'épuiser les voies de recours internes pour saisir la Cour. Voir nos développements supra.

* 316 La Cour de justice de la CEDEAO, a reçu entre 2005 et 2011, 81 requêtes avec 76 arrêts dont 46 qui concernent la violation des droits humains.

* 317 Voir à ce propos KANE (Th.), La Cour de Justice de la CEDEAO à l'épreuve de la protection des droits de l'homme, Université Gaston Berger de Saint- Louis, Sénégal, Mémoire de Maîtrise en Sciences Juridiques, 2012, 76 p.

* 318 Précédemment abordé dans la présente étude.

* 319 Cela s'avère d'autant plus nécessaire quand on sait combien les Etats d'Afrique en général sont évasifs sur l'application des décisions issues d'une juridiction notamment de protection des droits de l'homme. Sur cette question, voir utilement BORSUS (H.), La place de l'individu dans le système de la responsabilité internationale, Master de spécialisation en droit international, UCL, 2016, 34 p.

* 320 La transition démocratique est par définition le passage d'un régime oligarchique à un autre plus libéral fondé sur des valeurs démocratiques. Pour le professeur Théodore HOLO, la transition démocratique est entendue comme un passage graduel d'un régime autoritaire vers un ordre démocratique ; voir l'auteur « Démocratie revitalisée ou démocratie émasculée ? Les constitutions du renouveau démocratique dans les États de l'espace francophone africain : régimes juridiques et systèmes politiques », RBSJA n° 16, 2006, p. 18. Voir également CONAC (G.), « Les processus de démocratisation en Afrique », in CONAC (G.), (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993 pp. 11-41 ; FALL (I.), « Esquisse d'une théorie de la transition : du monopartisme au multipartisme en Afrique », in CONAC (G.), (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., pp. 43-53 ; AMOR (A), « L'émergence démocratique dans les pays du tiers monde : le cas des pays africains », in CONAC (G.), (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., pp. 55-58 ; EDEM (K.) « Environnement international et Etat de droit : le cas de l'Afrique », in CONAC (G.), (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., pp.83-87.

* 321 Voir à ce propos OUEDRAOGO (Y.), « Retour sur une décision controversée : l'arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO du 13 juillet 2015, CDP et autres c/ État du Burkina, Les Annales du Droit, n°10, 2016, 37 p. Consulté le 04 décembre 2018.

* 322 Cette prudence est probablement observée dans le but de ne pas froisser la susceptibilité de ces Etats.

* 323 Elle agit ainsi, contrairement à d'autres juridictions internationales ou au Comité des droits de l'homme des Nations Unies.

* 324 CJ CEDEAO Isabelle Manavi Ameganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011. La décision est ainsi libellée dans son dispositif : par ces motifs... ; Au fond, Dit qu'il y a violation par l'Etat du Togo du droit fondamental des requérants à être entendus tel que prévu aux articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. En conséquence, ordonne à l'Etat du Togo de réparer la violation des droits de l'homme des requérants et à payer à chacun le montant de trois millions (3.000.000) Francs CFA.

* 325 CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo 13 mars 2012.

* 326 Il s'agit là de l'obligation de non-répétition de l'illicite. Voir BORSUS (H.), La place de l'individu dans le système de la responsabilité internationale, op. cit., 34 p.

* 327 Toutefois, il faut saluer l'audace dont elle fait montre dans certaines décisions. On peut à ce titre citer l'affaire Hissène Habré contre Etat du Sénégal et Mamadou Tandja contre Etat du Niger et l'affaire Chief Ebrimah Manneh.

* 328 Il s'agit de la reforme intervenu en 2005 enjoignant à l'organe juridictionnel de l'Organisation régionale une compétence explicite en matière de protection des droits de l'homme.

* 329 Voir à cet effet, KEUDJEU (J. R.), « L'effectivité de la protection des droits fondamentaux en Afrique subsaharienne francophone », Revue CAMES/SJP, n°001/2017, pp. 99-129.

* 330 C'est d'ailleurs une démarche que la doctrine a qualifié de « curieuse » ; voir à ce sujet TOUNKARA (D.), «L'ordre public procédural ouest-africain : contribution à la théorie du procès équitable en Afrique de l'Ouest », pp. 27 et ss. ; Dieye (A.), « La Cour de justice de la CEDEAO et les juridictions nationales des Etats membres. Quelles relations ? », in Les Nouvelles Annales Africaines n°1, p. 187 et s.

* 331 Selon une dépêche de l'Agence de Presse Africaine (APA-Dakar) en date du 5 avril 2009, l'on apprend que cette amende a été honorée :« le Niger a exécuté un arrêt de la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) le condamnant à payer 10 millions de francs CFA (20.000 dollars) à Hadijatou Mani Koraou, une citoyenne nigérienne qui avait porté plainte contre l'Etat pour violation de ses droits fondamentaux.

* 332 BOLLE (S.), « La Cour de Justice de la CEDEAO: une cour (supra)constitutionnelle ? », disponible sur www.la constitution- en -afrique.com. Consulté le 18 mars 2019.

* 333 CJ CEDEAO, 7 octobre 2011, Isabelle Manavi Ameganvi et autres c/ Etat du Togo.

* 334 Cf. art 22 par. 3 du Traité de la CEDEAO.

* 335 CJ CEDEAO, 7 octobre 2011, Isabelle Manavi Ameganvi et autres c/ Etat du Togo.

* 336 ROSENNE (S.), « L'exécution et la mise en oeuvre des décisions de la Cour Internationale de Justice » RGDIP, 1953, pp.532-583.

* 337 SPITZ (E.), « L'acte de juger », RDP, 1995, pp.289-302.

* 338 TUKENS (F.) Cité par Elisabeth Lambert ABDELGAWAD, « L'exécution des décisions des juridictions européennes (Cour de justice des Communautés européennes et Cour européenne des droits de l'homme », AFDI, 2006,p. 677-724

* 339 En effet, l'article 6 du Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 stipule que « les arrêts de la Cour qui comportent à la charge des personnes ou des Etats une obligation pécuniaire, constituent un titre exécutoire ».

* 340 Sur l'autorité de la chose jugée, Voir ADELOUI (A.-J.), « L'autorité de la chose jugée par les juridictions constitutionnelles en Afrique », RTSJ, n°26, 2011, pp. 137-187.

* 341 Dans l'arrêt Mamadou Tandja contre Etat du Niger, le requérant dont « l'arrestation et la détention sont (jugés) arbitraires » demande l'exécution immédiate de la décision de la Cour en application de l'article 15 paragraphe 4 du Traité Révisé de la CEDEAO. Le juge communautaire a rappelé que les Etats membres de la CEDEAO ont l'obligation d'exécuter les décisions de la Cour conformément aux articles 22 du Traité Révisé et 24 du Protocole Additionnel relatif à la Cour. Qu'à ce titre les Etats doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour se conformer à ces dispositions ; qu'ainsi la Cour n'a point besoin d'ordonner l'exécution immédiate de ses propres décisions qui sont « exécutoires à l'égard des Etats dès leur notification ».

* 342 Dans l'affaire Chief Ebrimah Manneh du 8 juin 2008 la Cour a ordonné à la République de Gambie de remettre en liberté et sans délai Chief Ebrimah Manneh et ce, dès réception de la décision.

* 343 Dans cette affaire, la Cour de justice de la CEDEAO a établi que l'arrestation du journaliste Musa Saidykhan, et son placement en détention par les autorités gambiennes étaient illégaux et portaient atteinte à son droit à la liberté personnelle et à un procès équitable, garantis par les articles 6 et 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. La Cour a ordonné à cet effet sa libération.

* 344Les Etats membres désigneront l'autorité nationale compétente pour recevoir ou exécuter la décision de la Cour et notifieront cette désignation à la Cour.

* 345 Art.6 du protocole de 2005 ou art.24 nouveau relatif au Protocole de la Cour de justice.

* 346 DIEYE (A.), « La Cour de justice de la Communauté CEDEAO et les juridictions nationales des Etats membres : quelles relations ? », in Actes du Colloque sur les droits communautaires africains, Nouvelles annales africaines, 187-197.

* 347 BOLLE (S.), « Etes-vous CEDEAO compatible ? » in www.laconstitution-en-afrique.com (consulté le 20-08 2018).

* 348 Car selon la Haute Cour de justice l'expression « (...) juridiction compétente (...) » contenue dans ce mandat ne signifie rien d'autre que la mise en place d'un cadre judiciaire ad hoc dont la création et les attributions trouveraient leur bas-relief dans les dispositions de l'article 15. 2 du Pacte International sur les Droits Civils et Politiques et que le Sénégal est chargé de proposer au mandant les formes et modalités de mise en place d'une telle structure. Ce qui signifie que « la mise en oeuvre du mandat de l'Union Africaine doit se faire selon la coutume internationale qui a pris l'habitude dans de telles situations de créer de juridictions ad hoc ou spéciales ».

* 349 En effet, la Cour commune de justice de la CEDEAO peut refuser d'entendre toute requête introduite par l'État membre incriminé jusqu'à ce qu'il applique sa décision.

* 350 Voir BORSUS (H.), La place de l'individu dans le système de la responsabilité internationale, Master de spécialisation en droit international, 2016, 40 p.

* 351 VILJOEN (F.), « A human rights courts for Africa, and Africans », Brooklyn J. Int. Law, 2004, p. 4.

* 352Idem, p. 6.

* 353 WESTON (B. H.), « Regional human rights regimes: a comparison and appraisal », (1987) 20-4 Vanderbilt J. Transnatl. Law, pp. 585-637, spéc. p. 615.

* 354 On peut comparer l'article 7 de la Charte africaine avec les articles 7 et 13 de la Convention européenne et les articles XXV et XXVI de la Déclaration américaine et les articles 8, 9, 24 et 25 de la Convention américaine.

* 355 VAN DER MEI (A.P.), « The New African Court on Human and Peoples Rights: Towards an Effective Human Rights Protection Mechanism for Africa? », Leiden J. Int. Law, 2005,pp. 113-129.

* 356 NGUEMA (N. E.), « Recevabilité des communications par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples », Rev. Droits L'homme 2014.5, 4. Voir les communications: n°31/89 (Baes c. Zaire), n°266/2003 (Kevin Ngwanga Gunme et al. c. Cameroun), n°275/2003 (Article 19 c. para.65, et n° 155/96 (The social and economic rights action center and the center for economic and social rights c. Nigéria) para. 49.

* 357 VAN DER MEI (A.P.), op. cit., p. 121.

* 358 NGUEMA (N. E.), « Recevabilité des communications par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples », op. cit., p. 10. Présentement, il y a 477 ONG qui sont reconnues par la Commission africaine. Voir http://www.achpr.org/fr/network, Consulté le 30 novembre 2017.

* 359 CANÇADO TRINDADE (A. A.), International Law for Humankind, Brill, 2010, p. 273.

* 360 YERIMA (T. F.), « Comparative Evaluation of the Challenges of African Regional Human Rights Courts », (2011) 4 J. Polit. Law, p.123.

* 361 MURRAY (R.), « A comparison between the African and European courts of human rights », Afr. Hum. Rights Law J., 2002, pp. 2195-222, spéc. p. 213.

* 362Idem, p. 202.

* 363 CANÇADO TRINDADE (A. A.), International Law for Humankind, op. cit., pp. 17-47.

* 364 DIOP (A-K.), « La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples Ou le Miroir Stendhalien du Système Africain de Protection des Droits de l'Homme », Cah. Droit, 2014, pp.529-556, spéc. p. 546.

* 365 Protocole qui a fusionné la Cour des droits de l'homme avec la Cour de justice.

* 366 BARSAC (T.), La Cour africaine de justice et des droits de l'homme, coll. Perspectives internationales, Paris, Éditions Pedone, 2012, p. 20.

* 367 La compétence universelle est un principe d'exception à la compétence territoriale classique. Elle est prévue par certaines conventions internationales qui demandent aux Etats parties d'élargir la compétence de leurs tribunaux pour juger des individus étrangers ayant commis les crimes les plus graves (torture, crime de guerre, génocide) contre des victimes étrangères. Cette exception est souvent soumise à certaines conditions, notamment la présence sur le territoire de l'auteur présumé des crimes commis.

* 368 Pour ce faire, Richard Dicker, Directeur du Programme Justice Internationale au sein de Human Rights Watch avait déclaré que « Le Conseil de sécurité et les gouvernements concernés devraient imposer des sanctions ciblées contre les officiels soudanais responsables de toutes représailles violentes, et envisager de prendre d'autres mesures telles que d'imposer davantage de restrictions bancaires ou de renforcer l'embargo sur les armes ».

* 369Cette vision est une conception erronée de la justice universelle basée sur des conventions internationales ratifiées par la majeure partie des Etats africains. Par ailleurs, donner à la Cour africaine la compétence pour juger des individus ne permettrait pas à cette instance de se substituer à la justice internationale. Elle deviendrait une instance supplémentaire chargée de juger la responsabilité pénale internationale des individus, avec le risque évident de la concurrence des juridictions et des jurisprudences.

* 370 Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, préc., art. 10, para. 2. Le projet de fusion des cours n'affectera pas l'assistance qui sera maintenue dans son principe ; voir Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, art. 52, para. 2 : « Dans les cas où l'intérêt de la justice l'exige, une assistance judiciaire gratuite peut être assurée à l'auteur d'une communication individuelle, selon des conditions qui seront déterminées dans le Règlement de la Cour ».

* 371 Règlement intérieur, art. 31 : « En application de l'article 10(2) du Protocole, la Cour peut, dans l'inteìre^t de la justice, et dans les limites des ressources financières disponibles, décider de l'octroi à une partie d'une représentation et/ou d'une assistance judiciaire gratuite ».

* 372 Rejet d'une demande d'assistance judiciaire en vue de faciliter le voyage d'un requérant et de ses deux conseils pour assister à l'audience publique : Cour AFDHP, Tanganyika Law Society, The Legal and Human Rights Centre, Révérend Christopher R. Mtikila c. République de Tanzanie, requêtes n° 009/2011 et n° 011/2011, arrêt au fond du 14 juin 2013, § 45 ; même solution in Cour AFDHP, Frank David Omary et autres c. Tanzanie, requête n° 001/2012, arrêt du 28 mars 2014, § 25.

* 373 Cour ADHP, « Projet de politique d'assistance judiciaire de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », 2013-2014 (reconduite jusqu'en 2015), http://tinyurl.com/jb8j3ql (consulté le 10 mars 2019).

* 374 Cette indigence doit notamment être constatée d'office par la Cour ou après examen des pièces demandées.

* 375 Deux demandes ont ainsi été traitées par la Cour : l'une favorablement (octroi d'une aide, une assistance financière à un requérant pour se rendre à Maurice où elle tenait sa session : Cour ADHP, Urban Mkandawire c. République du Malawi, requête no 003/2011, arrêt du 21 juin 2013, § 13) ; l'autre négativement (rejet non motivé de la demande d'un requérant de préparer ses conclusions sur les mesures demandées : Cour ADHP, Révérend Christopher R. Mtikila c. République de Tanzanie, requête n° 011/2011 et n° 011/2011, arrêt portant sur la réparation du 14 juin 2013, § 9).

* 376 Cour ADHP, Mohamed Abubakari c. Tanzanie, requête n° 007/2013, arrêt au fond du 3 juin 2016, § 10 ; Peter Joseph Chacha c. Tanzanie, requête 003/2012, arrêt du 28 mars 2014, § 15 ; Wilfred Onyango et al. c. Tanzanie, requête n° 006/2013, arrêt au fond du 18 mars 2016, §§ 34-35.

* 377 V., par exemple, Cour ADHP, Peter Joseph Chacha c. Tanzanie, préc., § 26 : la Cour demande à l'Etat défendeur de donner des instructions au responsable de la prison d'Arusha pour faciliter les réunions de consultation avec l'Union panafricaine des avocats.

* 378 OUA, « Commentaires et observations des Etats membres sur le projet de Protocole portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », doc. OAU/LEG/EXP/ ACHPR/Comm. (3), annexe I, décembre 1997, p. 3.

* 379 BARSAC (T.), La cour africaine de justice et des droits de l'homme : entre régionalisation et universalisation du mode judiciaire de règlement des différends au sein de l'Union africaine, Paris, Pedone, p. 10.

* 380Aux termes des dispositions de cet article : « En cas de contestation du sens ou de la portée d'un arrêt, il appartient à la Cour de l'interpréter, à la demande de toute partie ».

* 381 BOUKONGOU (J. D.), « Le système africain de protection des droits de l'homme », inProtection des droits de l'homme en Afrique, Yaoundé, PUCAC, 2007, p. 114.

* 382 Avant-propos de Mathias FORTEAU, in BARSAC (T.), La cour africaine de justice et des droits de l'homme : entre régionalisation et universalisation du mode judiciaire de règlement des différends au sein de l'Union africaine, op. cit., p. 6.

* 383 OFOR (F.), « Protection juridique des droits de l'homme dans le cadre de la CEDEAO: les possibilités offertes par le juge communautaire ». Lors d'un atelier de formation sur le renforcement de la promotion et de la protection des droits de l'homme en Afrique de l'Ouest par la Cour Communautaire de la CEDEAO, BAMAKO, MALI 7-9 décembre 2006.

* 384HEYNS (Ch.), « The African regional human rights system: in need of reform? », Afr. Hum. Rights Law J. 2001, p. 156. On peut comparer l'article 7 de la Charte africaine avec les articles 7 et 13 de la Convention européenne et les articles XXV et XXVI de la Déclaration américaine et les articles 8, 9, 24 et 25 de la Convention américaine.

* 385 CANÇADO TRINDADE (A. A.), « Vers la Consolidation de la capacité juridique internationale des pétitionnaires dans le système Interaméricain de protection des droits de la personne », Revue Québécoisede Droit International, 2001, p. 227.

* 386 En effet depuis 2005 l'activité de la Cour d'Abuja en la matière est au zénith.

* 387 Cette situation nous paraît non seulement abusive en soi mais également dangereuse pour les droits protégés en raison du double risque de banalisation trop importante de ces droits garantis (les droits de l'homme seraient dilués dans un ensemble flou) et de la dénaturation du mécanisme de protection.

* 388 MUBIALA (M.), « L'accès de l'individu à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », in KOHEN (M. G.) (éd.), La promotion de la justice, des droits de l'homme et du règlement des conflits par le droit international, 2006, p. 369.

* 389 DIOP (M. F.), « Plaidoyer pour l'accès direct des individus à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et à la future Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples », RDP, 2016, p.653.

* 390 CASSIN (R.), « La déclaration universelle des droits de l'homme et la mise en oeuvre des droits de l'homme », Recueil des Cours de l'Académie de la Haye, 1951, pp. 240-362.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard