VII- Résultats
1) Analyse quantitative et qualitative
J'ai décidé d'analyser mes entretiens question par
question.
Question 1 : Depuis quand exercez- vous le métier
d'infirmier ? Quel est votre âge ?
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Résultats
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IDE 1
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- Depuis 4 ans
- Age : 26 ans
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IDE 2
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- Depuis 23 ans
- Age : 46 ans
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IDE 3
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- Depuis 36 ans
- Age : 57 ans
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IDE 4
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- Depuis 9 mois
- 23 ans
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IDE 5
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- Depuis 13 ans
- Age : 41 ans
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IDE 6
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- Depuis 18 ans
- Age : 40 ans
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IDE 7
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- Depuis 9 mois
- Age : 24 ans
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IDE 8
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- Depuis 6 ans
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30
- Age : 29 ans
Sur 8 infirmiers interrogés, 3 sont
diplômés depuis moins de 5 ans dont 2 qui n'ont que 9 mois
d'expérience et 5 ont plus de 5 ans dans le métier.
En ce qui concerne l'âge, ça varie entre 23 ans
et 57 ans. Ce qui veut dire que des infirmiers ont vécu plus de choses
dans leur vie que d'autres ainsi nous pouvons constater que le panel
d'infirmiers est élargi, ce qui va permettre une analyse de
qualité et des réponses variées.
Nous pouvons donc remarquer que l'IDE 4 et l'IDE 7 ont peu
d'expérience contrairement à l'IDE 3 qui m'informe qu'elle
partira en retraite la semaine suivant notre entretien.
En effet, l'IDE 1 et l'IDE 4 ont commencé leur
carrière en oncologie et le sont toujours. En ce qui concerne l'IDE 4,
elle a également effectué 4 stages dans des services d'oncologie
ou de chimiothérapie.
Ainsi, nous pouvons dire que l'IDE 1 est un infirmier
compétent dans le domaine de l'oncologie dû fait de son
expérience depuis son diplôme c'est-à-dire il y a 3 ans.
Concernant l'IDE 4, elle a effectué divers stages lors
de sa formation en oncologie et en chimiothérapie ; mais elle n'a
qu'environ 1 an d'expérience dans ce domaine. On peut alors dire qu'il
s'agit d'une infirmière débutante dans le domaine de
l'oncologie.
L'IDE 8 travaille en pneumologie depuis qu'elle est
diplômée. Dans ce service, des annonces de cancer sont
réalisées également ainsi, cette infirmière a donc
des connaissances et des compétences concernant ce sujet.
L'IDE 5, avant, n'était pas dans le domaine du
paramédical mais travaille en oncologie depuis quelques années
déjà et intervient également dans le dispositif d'annonce.
Ainsi, nous constatons qu'il a de l'expérience dans ce domaine.
L'IDE 7 travaille dans le service de pneumologie depuis 1 mois
uniquement. En effet, auparavant, elle travaillait en gériatrie ce qui
permet de constater qu'elle n'a pas beaucoup d'expérience dans le
domaine de l'annonce d'un cancer.
31
Enfin, les IDE 2, 3, 5 ont travaillé dans d'autres
services avant d'intégrer les services d'oncologie ou de pneumologie.
Ils ont travaillé aux urgences, en SSR, en EHPAD ... Ces
infirmières ont donc acquis divers compétences et connaissances,
nous pouvons dire qu'elles ont assez d'expérience.
Nous pouvons donc constater que chaque infirmier a un
parcours différent et donc des expériences différentes.
Question 2 : pour vous, qu'est-ce qu'une émotion
?
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Résultats
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IDE 1
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- Un ressenti, tout ce que ne peut
pas être visible
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IDE 2
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- Difficile à définir
- Pleins de choses
- Un ressenti
- Peut être négatif ou positif
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IDE 3
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- Sentiment que l'on ressent plus
ou moins facile à gérer
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IDE 4
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- N'a pas vraiment de définition
- C'est quelque chose en nous
- Propre à chacun
- Ça va toucher une personne en
fonction de son vécu
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IDE 5
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- Un ressenti
- Peut prendre des proportions
différentes selon les personnes
|
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32
- Tous les sens sont en action
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IDE 6
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- Un sentiment que l'on ressent
sur un moment, sur un instant
devant une situation posant
problème ou qui nous ravis
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IDE 7
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- Un ressenti qui peut être positif
ou négatif
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IDE 8
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- Un ressenti positif ou négatif
suite à une situation
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Pour 7 infirmiers sur 8, une émotion est un ressenti,
un sentiment suite à une situation. Parmi les 7, il y en a 4 qui
évoquent le fait qu'elle peut être négative ou positive et
1 infirmier dit qu'une émotion pourra prendre des proportions
différentes selon l'individu.
Pour 2 personnes, il s'agit d'un terme difficile à
définir. En effet, une infirmière a eu des difficultés
à donner une définition de ce terme en disant qu'il s'agit de
« quelque chose en nous, que ça touchera la personne en fonction de
son vécu » et qu'«il n'y a pas vraiment de définition
mais c'est une chose propre à chacun. »
Enfin, 3 infirmiers disent qu'une émotion peut
être plus ou moins facile à gérer et que cela
dépendra des personnes.
Ainsi, selon mes différentes recherches, je retrouve
qu'une émotion est quelque chose de difficile à définir
selon Ferh et Russel (1984), et selon le Larousse il s'agit « d'un
trouble subit, une agitation passagère causée par un sentiment
vif de peur, de surprise, de joie ... C'est également une
réaction affective transitoire d'assez grande intensité,
habituellement provoquée par une stimulation venue de
l'environnement32. »
De plus, effectivement, une émotion peut être
positive ou négative comme la joie, la tristesse, la colère ...
et celle-ci serait gérée de façon différente selon
la personne.
32 Larousse (en ligne)
33
Enfin, malgré les réponses différentes de
chaque infirmier, leur « définition » de l'émotion se
rapproche de la théorie.
Question 3 : êtes-vous souvent
confronter à l'annonce d'un diagnostic de
cancer ?
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Résultats
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IDE 1
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- Oui, tout le temps
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IDE 2
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- Peu mais annonce de
métastases, de récidive oui !
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IDE 3
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- Oui, « je suis plus protégée que
certains collègues »
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IDE 4
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- Oui
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IDE 5
|
- Oui, tout le temps, plusieurs par
jour
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IDE 6
|
- Oui, régulièrement
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IDE 7
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- Très peu
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IDE 8
|
- Oui, tout le temps
|
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6 infirmiers sur 8 sont tout le temps confrontés
à l'annonce d'un diagnostic de cancer et 2 sont peu confrontés
à ces annonces.
En effet, un infirmier est confronté à ces
annonces plusieurs fois par jour en ce qui le concerne, puisqu'il travaille au
sein du dispositif d'annonce.
Une infirmière rencontre tout le temps des annonces de
diagnostic et généralement lorsque l'annonce est faite, le
patient est déjà à un stade qui nécessite une
hospitalisation, c'est donc à ce moment qu'elle est faite.
L'IDE 3 est aussi confronté à ces annonces mais
se sent « plus protégée » que certains collègues
puisqu'elle reçoit plutôt les patients en 3ème
ou 4ème cure.
En ce qui concerne l'IDE 4, lorsque le patient arrive, il a
déjà reçu son diagnostic mais une seconde annonce est
réalisée afin de voir s'il a compris les différents
termes. Elle est donc plus dans l'écoute et l'accompagnement.
2 infirmiers disent qu'ils sont très peu
confrontés à cette annonce. Il s'agit de l'IDE 2 et l'IDE 7 mais
elles affirment qu'elles l'ont déjà vécu.
34
L'IDE 2 dit qu'elle est plus confrontée à
l'annonce de métastases ou de récidives mais rarement à
une première annonce et dit que généralement les annonces
se font dans le bureau du médecin sans infirmière sauf si le
patient doit être hospitalisé là, l'infirmière est
présente. Contrairement à l'IDE 7 qui déclare qu'elle en
voit peu puisqu'elle est jeune diplômée.
Enfin, nous pouvons constater que chaque infirmier a
déjà plus ou moins était confronté à
l'annonce d'un diagnostic de cancer.
Question 4 : comment réagissez- vous lorsque le
patient reçoit son diagnostic de cancer ?
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Résultats
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IDE 1
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- Explications et reformulation au
patient en étant calme
- Accompagnement
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IDE 2
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- Touchée
- C'est difficile
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IDE 3
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- Ecoute
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IDE 4
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- Explications
- Ecoute
- Heureux si le traitement est bien
- Difficile si mauvais pronostic
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IDE 5
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- Ressent des émotions
- Ecoute
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IDE 6
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- Touchée
- Ne laisse pas insensible
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35
- Ça dépend également de la
relation entretenue avec le patient
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IDE 7
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- Comme avec tous les autres
patients
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IDE 8
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- Compatissante
- Reformulation
- Ne pas pleurer
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5 infirmiers sur 8 reformulent, expliquent les termes aux
patients et les écoutent. Ils sont donc dans une posture d'écoute
active et d'accompagnement. Ils laissent le patient dire tout ce qu'il souhaite
dire. Par contre, s'il n'emploie pas le mot « cancer » ou ne parle
pas du tout de sa maladie, le soignant ne va pas lui parler de ça.
Ainsi, nous pouvons remarquer que les soignants
réalisent ce qu'il est important de faire durant le temps
d'accompagnement soignant. En effet, durant ce temps, il faut accueillir le
patient ainsi que sa famille pour les écouter mais également pour
reformuler les différents termes que le médecin aurait pu
employer.
De plus, l'écoute active est un élément
clé afin de créer une relation d'aide.
5 personnes ressentent des émotions, elles trouvent
que cela est un moment difficile et sont donc touchées. Une personne sur
les 5 déclare ressentir des émotions négatives donc de la
tristesse, lorsque le traitement ne fonctionne pas mais également des
émotions positives qu'elle partage avec le patient lorsque le traitement
fonctionne bien.
Le fait que ce moment soit ressenti comme difficile par le
soignant est normal mais toute fois, il sera important de faire attention au
non verbal.
Une infirmière déclare qu'elle a réussi
à « se forger une carapace » avec le temps. Aussi, une
infirmière dit qu'elle essaie de ne pas pleurer devant le patient
puisqu'il a besoin de quelqu'un de « fort » pour l'accompagner. Dans
mes recherches, je
36
retrouve effectivement qu'avec le temps, le soignant va «
se forger » et sera toujours en évolution.
Par contre, 1 infirmière, qui est jeune
diplômée déclare de manière très
spontanée qu'elle n'a pas de réaction particulière et
évoque le fait qu'elle réagit comme avec tous les autres
patients. Suite à cette réponse, j'ai essayé de prendre un
peu de recul en me questionnant : peut-être que cette infirmière
n'ose pas exprimer le fait qu'elle a des émotions par peur de jugement
ou de honte ? Cela, ne serait qu'une hypothèse et non une certitude ...
Pour le moment, au vu des diverses réponses, cette réponse n'est
pas exploitable.
Question 5 : bénéficiez-vous
suffisamment de formation vous
permettant d'être préparé
à l'annonce d'un cancer ?
|
Résultats
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IDE 1
|
- Oui, grâce à une formation sur
les soins palliatifs
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IDE 2
|
- Non
- Ne voit pas l'intérêt d'en avoir
puisque difficile d'être préparé à
cela
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IDE 3
|
- Oui, formation sur
l'accompagnement post- annonce
- Jamais suffisant
- Formé avec l'expérience
|
IDE 4
|
- Non, aucune formation depuis
mon arrivée dans le service
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IDE 5
|
- Non
|
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37
- On ne peut jamais être préparé
à
tout
- Formation pour rentrer dans la
consultation d'annonce mais plus avec des exemples de
situations
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IDE 6
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- « Je ne les ai pas faites »
- Formée et habituée avec
l'expérience
- « Si j'en ressentais le besoin, je
demanderais une formation »
- Différentes formations
reviennent à ce sujet
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IDE 7
|
- Non
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IDE 8
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- Non, mais d'accord pour en avoir
une.
- A déjà demandé une formation
de 3 jours mais n'a pas pu y aller
|
|
Sur les 8 infirmiers qui ont été
interrogés, 1 pense être suffisamment formé, notamment
grâce à une formation sur les soins palliatifs où il a pu
apprendre les différentes questions qui pouvaient être
posées par le patient ou par la famille.
2 sur 8 pensent qu'il n'y a pas de formation qui puisse
permettre d'être préparé à ce genre d'annonce mais
parmi ces 2 personnes, 1 a bénéficié d'une formation pour
rentrer au sein du dispositif d'annonce. Ainsi, afin de rentrer au sein du
dispositif d'annonce, il y a une formation minimale qui est demandée,
celle-ci se fait sur la base du volontariat.
38
Enfin, des formations sont proposées par des
professionnels expérimentés afin que les établissements de
santé puissent bénéficier de celles-ci.
De plus, 2 personnes évoquent le fait qu'elles ont
été « formées » avec l'expérience. En
effet, la maitrise des tâches lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer
peut être liée à l'expérience mais également
à l'ancienneté et à l'âge de la personne. Lorsque
l'infirmière montre une certaine expérience, les familles se
sentent plus en confiance.
Question 6 : avez-vous des
émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de
cancer au patient ? Si
oui, quelles sont les types d'émotions que
vous éprouvez ?
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Résultats
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IDE 1
|
- Oui, dépend de la situation du
patient
- Souvent de la tristesse
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IDE 2
|
- Oui, toujours
- De la tristesse
- De l'empathie
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IDE 3
|
- Toujours, car transfert et par
rapport à son histoire de vie, sa famille, son
âge
- Un peu de tristesse et de colère
|
IDE 4
|
- Oui, mais plus s'il décède
- Un peu de tristesse, de
l'empathie
|
|
39
IDE 5
- Oui, mais c'est le contexte de la
personne qui fait que j'ai des émotions
- Tristesse
|
IDE 6
|
- Oui, mais par rapport à son
histoire de vie, son âge ...
- De la tristesse, de la
compassion, de l'empathie
- Transfert
|
IDE 7
|
- Oui, mais lorsqu'il parle de sa
famille ou par rapport à son devenir
- Tristesse
|
IDE 8
|
- Oui, selon la personne, l'âge, s'il
a encore des enfants
- Tristesse, colère parce qu'ils ne
méritent pas ça
|
|
La totalité des personnes interrogées ont des
émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer et tous
éprouvent de la tristesse.
Parmi les 8, il y en a 2 qui éprouvent
également de la colère parce qu'elles pensent que le patient ne
mérite pas cela.
Il y en a 3 personnes qui éprouvent de l'empathie.
5 personnes parmi les 8 qui ont des émotions lors de
l'annonce d'un diagnostic de cancer, ne sont pas liées à
l'annonce en elle-même. Celles-ci sont liées à l'histoire
de vie de la personne, selon son âge, si la personne a des enfants ou
non, selon son contexte de vie.
40
1 personne ressent des émotions surtout lorsque le
patient décède et 1 infirmière lorsque le patient parle de
sa famille ou s'intéresse à son devenir.
2 infirmiers déclarent également être
joyeux, ils partagent cela avec le patient, surtout lors des
chimiothérapies. Une personne déclare « lorsque le
traitement fonctionne bien, je suis contente avec le patient » et l'autre
dit « on rigole beaucoup avec nos patients, c'est la joie de vivre ici !
» Au regard de ces réponses, nous constatons effectivement qu'il
n'y a pas que des émotions négatives comme la tristesse ou la
colère qui ressort. Par contre, les émotions positives sont
partager avec le patient contrairement aux émotions négatives qui
essaient d'être gérées ou cachées...
En ce qui concerne les émotions, nous remarquons, en
effet, qu'il y a 6 émotions de base selon Charles DARWIN : la joie, la
surprise, la colère, la tristesse, la peur et le dégoût.
Donc les infirmiers qui ont été interrogés ressentent des
émotions de base.
Selon mes différentes recherches, le soignant ressent
de la tristesse suite au décès d'un patient ou bien lors de la
prise en charge d'un patient ayant une pathologie incurable ou lourde, ici, le
cancer fait donc parti d'une pathologie lourde donc il est normal que
l'infirmier ressente de la tristesse.
D'autres déclarent ressentir de l'empathie, il s'agit
d'une capacité de s'identifier à l'autre afin de comprendre ce
qu'il ressent. Ainsi, l'empathie est une réponse émotionnelle. Il
s'agit d'un concept important dans la relation d'aide.
Question 7 : lorsque vous avez des difficultés
lors de la gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose
problème ?
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Résultats
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IDE 1
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- Contexte du patient
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IDE 2
|
- La façon dont, c'est annoncé
- Identification possible
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IDE 3
|
- Age du patient
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41
- Identification
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IDE 4
|
- Pas assez d'expérience
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IDE 5
|
- Oui, contexte du patient
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IDE 6
|
- Par rapport à l'âge du patient
- Identification
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IDE 7
|
- Devenir du patient
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IDE 8
|
- Le vécu personnel
- L'annonce brutale de la part du
médecin
- Histoire de vie de la personne
(jeune, enfants...)
|
|
Pour 5 infirmiers sur 8, ce qui pose problème dans la
gestion de leurs émotions est le contexte du patient, son histoire de
vie, son âge ... Et surtout lorsqu'il s'agit d'un patient jeune ou bien
un patient qui a encore de jeunes enfants ...
En effet, suite au témoignage d'une infirmière
dans l'ouvrage « regards d'infirmières sur le dispositif d'annonce
d'un cancer », l'histoire de vie du patient peut générer des
émotions.
3 personnes se trouve en difficulté puisqu'elles
déclarent s'identifier au patient parmi les 3, il y en une qui
évoque son vécu personnel également.
1 infirmière dit que le problème est qu'elle
n'a pas assez d'expérience et 1 autre dit que le devenir du patient lui
pose problème dans la gestion de ses émotions, notamment
lorsqu'il s'agit du décès.
Enfin, 2 personnes pensent qu'elles pourraient avoir des
difficultés à gérer leurs émotions, suite à
une annonce trop brutale de la part du médecin.
En effet, lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer, il n'y
a pas de bonne ou de mauvaise annonce ... Certes, dans mes recherches je
retrouve comme certaines
42
infirmières peuvent le déclarer, des annonces
qui sont réalisées de façon plus ou moins brutale.
De plus, des infirmières déclarent s'identifier
au patient. N'ayant pas exploiter cette notion dans mon cadre théorique,
j'ai donc réalisé des recherches à ce sujet.
L'identification est, selon Lalande (1968), « un
processus psychologique par lequel un individu A transporte sur un autre B,
d'une manière continue plus ou moins durable, les sentiments qu'on
éprouve ordinairement pour soi, au point de confondre ce qui arrive
à B avec ce qui lui arrive à lui-même33
».
Dans la psychanalyse, ce concept découle d'un
attachement affectif à une personne, ici il s'agirait d'un attachement
au patient. C'est donc pour cela, qu'il est important de respecter une distance
professionnelle. Selon l'article « le mal-être quotidien du soignant
», « bien soigner requiert une certaine dose d'identification au
malade 34». Mais, l'identification peut en effet
être considérer comme source de frein aux soins malgré
qu'elle puisse générer de l'aide ou de la compassion.
Question 8 : comment repérez-vous vos
émotions ?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- « Je me connais » 4
connaissance de soi
- Reste calme
|
IDE 2
|
- « Je sais comment je suis » 4
connaissance de soi
|
IDE 3
|
- « Je sens que je commence à
rougir » 4 connaissance de soi
|
IDE 4
|
- « Je ne suis pas expressive du
tout »
|
IDE 5
|
- « par la RAGE »
|
|
33
https://www.cnrtl.fr/definition/identification
34 Article « le mal-être quotidien du soignant »
(Ethique et amp) ; santé, volume 1, n°2 - mai 2004, pp 77
43
- « J'ai repéré un problème
émotionnel, quand j'ai besoin de parler »
|
IDE 6
|
- « Je me connais, ça me prend un
peu à la gorge, j'aurai peut-être envie de verser
une larme » 4 connaissance de soi
- Marquée par la situation
|
IDE 7
|
- Ne sait plus quoi dire, ne parle
plus 4 va communiquer par le
non-verbal (prendre la main, faire un geste) ?
connaissance de soi
|
IDE 8
|
- « Moi ça monte tout de suite ! Je
pleure vite ... Puis je le sens tout de suite quand ça
ne va pas aller ... » 4 connaissance de soi
|
|
6 personnes sur 8 repèrent leurs émotions
grâce à une connaissance de soi.
En effet, dans mes recherches, selon Rudolf Steiner qui
emploie le concept « d'alphabétisation émotionnelle »,
nous constatons qu'il faut être en capacité de comprendre nos
propres émotions. Ainsi, le fait de se connaitre permet d'être
plus compétent afin de gérer des situations difficiles comme ici
l'annonce d'un diagnostic de cancer. Ainsi, puisque les soignants
interrogés ont déjà été confronté
à l'annonce d'un diagnostic de cancer à plusieurs reprises, cela
leur a permis de connaître leur propre limite donc cela sera plus «
facile » pour eux, ici de gérer au mieux leurs émotions.
1 personne indique qu'elle n'est pas très expressive
donc il est compliqué de repérer ses émotions.
1 personne repère ses émotions surtout
lorsqu'elle ressent le besoin de parler de la situation qui la
touché.
44
Question 9 : faites-vous un travail émotionnel
? Si oui, comment faites-vous ?
Résultats
|
IDE 1
|
- Non
|
IDE 2
|
- Non
|
IDE 3
|
- Non
|
IDE 4
|
- ?
|
IDE 5
|
- Faire activités après le travail
(sport, courses, promenade ...)
|
IDE 6
|
- « C'est l'expérience qui le donne
au fil du temps »
- « Je le fais naturellement sans
m'en rendre compte »
|
IDE 7
|
- Oui, ne parle plus. Utilisation de
langage non verbal.
|
IDE 8
|
- « Avec le temps, on se forge »
expérience
|
|
La moitié des personnes dit qu'ils ne font pas de travail
émotionnel.
2 pensent que le travail émotionnel est fait avec le
temps, grâce à l'expérience. En effet, le fait de vivre
plusieurs fois des situations similaires ou de même type, la gestion sera
plus facile et notamment nous pouvons revenir ici, sur le concept de la
connaissance de soi, qui au fil des situations vécues, cela nous aura
aidé à connaitre nos propres limites et donc une meilleure
gestion de nos émotions.
1 personne fait un travail émotionnel notamment en
faisant des activités après sa journée de travail et 1 dit
qu'elle ne parle plus et utilise un langage nos verbal (notamment par le regard
et le toucher).
Le fait de réaliser des activités sportives
sont, en effet, de travail émotionnel. 1 personne n'a pas répondu
à cette question.
45
En effet, si je rattache la question suivante (question 10)
à cette question, toutes les personnes se sentent soutenues par leurs
collègues si elles éprouvent des émotions
négatives. Elles n'hésitent pas à en parler entre elles.
Dans mes recherches, nous retrouvons que le fait de valoriser, de parler et de
s'entraider entre collègues sont des stratégies de travail
émotionnel. Donc chaque infirmier réalise un travail
émotionnel en parlant de ses émotions à l'équipe,
parfois même des infirmiers n'hésitent pas à « passer
la main » à certains de leur collègue parce que la situation
sera plus difficile.
Question 10 : si vous éprouvez des
émotions négatives durant votre poste
de travail, êtes-vous soutenue par vos collègues ?
|
Résultats
|
|
IDE 1
|
- Oui, énormément
- Equipe soudée
|
|
IDE 2
|
- Oui
|
|
IDE 3
|
- Oui
- Possibilité de remplacer
quelqu'un a du mal à gérer
|
si
|
IDE 4
|
- Oui, même par les médecins
|
|
IDE 5
|
- Oui
|
|
IDE 6
|
- Oui, discussion avec l'équipe
|
|
IDE 7
|
- Oui
|
|
IDE 8
|
- Oui
|
|
|
Toutes les personnes sont soutenues par leurs
collègues si elles éprouvent des émotions
négatives. Elles n'hésitent pas à en parler entre
elles.
(Question rattachée à la question ci-dessus)
46
Question 11 : (IDE moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à
gérer
vos émotions qu'une infirmière ayant
plus d'expérience que vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer
?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Absolument pas
- Mise en place d'une distance
professionnelle suffisante
|
IDE 4
|
- Oui, « Moi je n'ai pas assez de
recul »
|
IDE 7
|
- Dépend aussi du caractère de la
personne
- « L'expérience ça y fait c'est
sur ! »
|
|
Parmi les 3 infirmiers ayant moins de 5 d'expérience,
1 pense qu'il n'a pas plus de difficulté à gérer ses
émotions qu'une personne ayant plus d'expérience. Ainsi, il
déclare « j'ai même moins de difficulté à
gérer mes émotions que certaines anciennes travaillant dans le
service ». En effet, celui-ci évoque le fait qu'il arrive à
mettre en place une distance suffisante avec le patient.
Les 2 autres pensent qu'elles ont plus de difficulté
qu'une personne ayant de l'expérience parce qu'elles n'ont pas assez de
recul ... dont 1 qui pense également que le caractère de la
personne joue un rôle dans la gestion des émotions.
Pour revenir, à la réponse de
l'infirmière qui avait déclaré de façon
spontanée que sa réaction était la même qu'avec tous
les autres patients. Ici, elle évoque que le caractère de la
personne peut également être un atout dans la gestion des
émotions, en plus de l'expérience. Ainsi, je me pose la question
si cette infirmière, a peut-être une personnalité qui
permet de se protéger face aux émotions ?
47
La personnalité, n'est pas un concept que j'ai
développé dans mon cadre théorique. Ainsi, selon Le
Larousse, la personnalité est « un ensemble des traits
physiques et moraux par lesquels une personne est différente des autres
; aspect par lequel quelqu'un affirme une originalité plus ou moins
accusée 35».
Question 12 : (IDE plus de 5 ans dans le domaine), au
fil de vos
postes de travail, avez-vous remarqué une
amélioration dans la gestion de vos émotions ? Si
oui,
quelle(s) peut(vent) être la
(les) raison(s)
|
Résultats
|
IDE 2
|
- Oui
- Age, expérience
|
IDE 3
|
- Un peu (même caractère)
- Connaissance de certaines
choses 4 apprentissage au fil du temps
|
IDE 5
|
- Oui
- L'expérience.
|
IDE 6
|
- Oui
- Age, années de métier
(4 expérience)
|
IDE 8
|
- Oui
- Expérience, apprentissage
|
|
Sur les 5 infirmiers qui ont plus de 5 ans
d'expérience, tous ont remarqué une amélioration dans la
gestion de leurs émotions.
35 Larousse (en ligne)
48
Pour les 5 personnes, la raison principale est
l'expérience. Mais l'apprentissage ressort également, ainsi que
l'âge. Ainsi, les années dans le métier font le soignant a
réussi, petit à petit, à « se forger une carapace
».
En effet, dans l'ouvrage « Regards d'infirmières
sur le dispositif d'annonce du cancer », l'âge et
l'expérience ressort dans les témoignages des différentes
infirmières. De même, qu'un médecin déclare qu'une
jeune infirmière sortant de l'école ne peut pas faire ce genre
d'annonce, puisqu'elle n'a pas assez d'expérience et cela pourrait la
toucher émotionnellement.
Question 13 : pensez-vous que
l'expérience est un point fort dans la gestion
de vos émotions ?
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Résultats
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IDE 1
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- Non
- Mais quand même un minimum
d'expérience (pas en année !)
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IDE 2
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- Oui vraiment
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IDE 3
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- Oui
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IDE 4
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- Oui
- Les plus anciens arrivent à
mettre des barrières plus facilement
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IDE 5
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- Oui
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IDE 6
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- Oui ? indéniable
- Rôle en tant que plus ancienne
? réassurer les jeunes « Ne t'inquiète
pas, oui ça te fait mal au coeur mais tu verras avec le temps ...
»
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IDE 7
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- Oui
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IDE 8
|
- Oui
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49
Pour 7 personnes sur 8, l'expérience est un point fort
dans la gestion des émotions dont 1 qui insiste sur le fait que cela est
indéniable et que son rôle en tant qu' « ancienne » dans
le service est de rassurer les jeunes diplômés par rapport
à ce sujet.
Ainsi, une infirmière pense que les plus anciens
arrivent à « mettre des barrières » plus facilement
avec les patients grâce à leur expérience. Tandis qu'elle,
elle n'arrive pas pour le moment à prendre du recul ...
Et un infirmier déclare que lorsqu'il était
jeune diplômé, il rentrait chez lui directement après le
travail et il se retraçait sa journée de travail, il repensait
aux patients et à tout ce qu'il avait fait, il affirme que petit
à petit, il a réussi à mieux gérer cela, notamment
en faisant des activités après sa journée de travail afin
de différencier sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Chose qui
n'était pas faite lorsqu'il était jeune diplômé.
De plus, une infirmière m'indique qu'au début
de sa carrière, elle assistait aux enterrements des patients
décédés dans le service mais qu'au fil du temps, elle a
réussi à « se forger » et donc maintenant arrive
à mieux gérer ses émotions et n'assiste plus aux
enterrements.
1 personne pense que l'expérience n'est absolument pas
un point fort dans la gestion des émotions, même si elle indique
qu'il faut un minimum d'expérience mais pas en année. Par rapport
à cette réponse, j'aurai peut-être dû faire une
question de relance en demandant à la personne ce qu'était
vraiment pour elle l'expérience.
En effet, l'expérience est « un savoir-faire,
un savoir qui a été acquis par l'usage, par la pratique en dehors
d'une connaissance théorique ». De plus, elle peut être
inné ou développée grâce à des acquis ou des
formations. Donc le fait d'avoir de l'expérience ne veut pas
forcément dire qu'il faut avoir de nombreuses dans le domaine ...
Donc pour tous, l'expérience est effectivement un
point fort dans la gestion des émotions.
50
Question 14 : d'après vous, existe-il des
moyens de gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de
cancer ?
Résultats
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IDE 1
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- Consulter le psychiatre
- Direction compréhensive
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IDE 2
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- Ne sait pas
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IDE 3
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- Sophrologie, « mais moi je ne
sais pas faire »
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IDE 4
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- Peut-être, mais ne connait pas
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IDE 5
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- Se préparer avant l'annonce
- Pause entre entretien d'annonce
et écrit du compte rendu
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IDE 6
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- Peut-être, mais ne sait pas
lesquels
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IDE 7
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- Par le geste, par le regard,
apaiser les mots
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IDE 8
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- Ne pense pas, « à moins d'avoir
un coeur de pierre »
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3 personnes sur 8 ne connaissent pas ou ne savent pas s'ils
existent des moyens de gérer les émotions. Une infirmière
déclare « je ne pense qu'il en existe à moins d'avoir un
coeur de pierre », ainsi cette réponse m'interpelle un peu, puisque
ce n'est pas parce qu'une personne arrive à gérer ses
émotions, qu'elle aura un « coeur de pierre », il est possible
d'avoir des émotions tout en les gérant.
Or, lorsque les infirmiers en parlent avec leur
collègue de travail, ils effectuent une gestion de leurs
émotions. Il existe différentes manières de gérer
nos émotions : parler à quelqu'un donc ici les infirmiers le
font, combattre les idées négatives ou encore se reposer, rester
seul, faire du sport. En effet, un infirmier gère ses émotions en
se préparent avant l'annonce et en prenant un temps de repos
après l'annonce (se pose un peu entre l'annonce et l'écriture du
compte rendu de la
51
consultation). Cette méthode permet de penser à
autres choses et d'écrire l'essentiel des transmissions sans faire
paraitre ses émotions.
1 personne dit qu'elle pourrait gérer ses
émotions en consultant le psychiatre de l'établissement mais ne
le fait pas puisqu'il n'en ressent pas le besoin et une autre dit qu'il y a de
la sophrologie qui fonctionne très bien pour gérer nos
émotions mais elle déclare « moi je ne sais pas faire la
sophrologie ». En effet, dans mes recherches, je retrouve qu'il existe des
formations pour les soignants ayant des difficultés à
gérer leurs émotions et on y retrouve de la relaxation.
De plus, une infirmière pense qu'il est possible de
gérer ses émotions par le geste, par le regard mais
également par la parole notamment en apaisant nos mots. Par rapport
à cette question, je n'ai pas effectué de question de relance
afin de savoir ce qu'elle voulait dire par le geste et par le regard. Ainsi, il
ne m'est pas possible d'exploiter cette réponse.
Enfin, les mécanismes de défenses sont
également des moyens qui sont mis en place inconsciemment, afin de
gérer nos émotions. Et lorsque le soignant s'identifie au
patient, il s'agit d'un mécanisme de défense qui est
appelé l'identification projective et il s'agit en effet, d'un
mécanisme qui est souvent utilisé par les soignants.
Question 15 : avez-vous des
informations supplémentaires
à m'apporter à ce sujet ?
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Résultats
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IDE 1
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- Emotions dépendent vraiment de
la situation du patient
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IDE 2
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- Patient entouré par associations
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IDE 3
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- Peut-être besoin d'un suivi
psychologique
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52
- Explication d'une situation vécue
? IDE pleure lorsqu'elle m'explique cela
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IDE 4
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- Plus touchés par les patients qui
reviennent (récidive ou échec de traitement)
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IDE 5
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- « On pense être passé par toutes
les émotions mais toujours des nouveautés
»
- Annonce au patient mais aussi
au proche ? annonce à sa soeur 4 difficulté
supplémentaire
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IDE 6
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- Importance d'être à l'écoute,
accepter les émotions du patient (tristesse,
colère ...)
- Revient toujours sur
l'expérience ! 4 mot clé de cet entretien
- Transfert
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IDE 7
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- Débute donc sujet compliqué
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IDE 8
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- Aimerait qu'il y a des moments
de paroles comme dans les
unités de soins palliatifs (« palliatocafé
»)
- L'équipe subit le mal-être des
familles
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- Présence d'une équipe mobile de soins
d'accompagnement
mais pas toujours présente
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53
1 personne ajoute que les émotions dépendent
vraiment de la situation du patient qui est présent en face de nous.
2 personnes pensent qu'un suivi ne serait pas de refus, une
infirmière parle d'un suivi psychologique alors qu'une autre
évoque la mise en place d'un groupe de parole comme dans les services de
soins palliatifs qui se nomme le « palliatocafé ».
Une infirmière déclare qu'il faut
également être capable d'accepter les émotions du patient
selon nos capacités émotionnelles. Pour elle, le mot clé
de cet entretien est l'expérience.
Une infirmière explique une situation vécue
avec un patient jeune et a des émotions lorsqu'elle raconte cela
puisqu'elle pleure.
Enfin, 1 infirmier dit que l'annonce d'un diagnostic de
cancer ne se fait pas seulement qu'aux inconnus ! Il est possible de l'annoncer
à un membre de sa famille ! Et donc, ce soignant dit que nous pensons
que nous sommes passés par toutes les émotions mais qu'il y aura
toujours une situation nouvelle qui fera que nous aurons des émotions.
En effet, c'est pour cela qu'il est important de faire preuve de
capacité d'adaptation lors des diverses situations. Et comme
mentionné, ci-dessus dans mon cadre théorique, chaque situation
sera unique et dépendra en effet de la personne qui se trouve en face de
nous ou de son histoire de vie.
Pour une infirmière, le fait de voir à nouveau
les patients dont elle a déjà pris en soins, cela sera plus
difficile et elle sera plus touchée parce qu'elle se dit que le patient
devra « se battre à nouveau ». Effectivement dans «
regards d'infirmières sur le dispositif d'annonce du cancer », une
infirmière affirme qu'il est très difficile
émotionnellement de prendre en charge un patient qui est
déjà venu dans le service et à qui il faut annoncer des
métastases ou une récidive ... Il serait préférable
d'annoncer une bonne nouvelle !
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