Introduction
Dans le cadre de nos études en soins infirmiers, nous
devons réaliser un travail de fin d'études.
Durant mes différents stages, au cours de ma formation,
j'ai pu rencontrer des situations qui m'ont plus ou moins touchées. J'ai
plus particulièrement été touchée par l'annonce
d'un diagnostic de cancer. En effet, les infirmiers sont de plus en plus
confrontés à l'annonce de cette maladie qui touchent de
nombreuses personnes, de nos jours. C'est pour cela que j'ai choisi comme
thème la gestion des émotions du soignant suite à
l'annonce d'un diagnostic de cancer. Ma question de départ est « en
quoi l'annonce d'un diagnostic de cancer a un impact sur la relation soignant -
soigné ? »
Dans mon travail, premièrement, vous trouverez la
situation qui m'a interpellé et m'a amené à un ensemble de
questions. En seconde partie, j'ai réalisé des recherches qui
s'articulent sur deux axes principaux : l'annonce d'un diagnostic de cancer et
la relation soignant - soigné. A la suite de ces différentes
recherches, j'ai formulé une hypothèse qui est «
l'expérience aurait une influence sur la gestion des émotions du
soignant face à l'annonce d'un cancer ». Afin de vérifier et
d'analyser cette hypothèse, j'ai réalisé des entretiens
semi-directifs auprès d'infirmiers travaillant en oncologie mais
également en service de pneumologie.
Enfin, en conclusion de ce travail de fin d'études,
vous trouverez une perspective professionnelle ainsi qu'une ouverture
éventuelle sur un autre sujet ...
I. Situation d'appel
La situation se passe durant mon stage du semestre 2, en
qualité d'étudiante infirmière à l'hôpital en
service de diabétologie qui accueille 16 patients diabétiques et
2 patients de polysomnographie, où, il y a 10 chambres individuelles et
4 chambres doubles. Pour respecter le secret professionnel, j'utiliserai la
première lettre du nom de la patiente. La situation se passe le samedi
10 juin 2017 alors que j'étais de poste de l'après-midi. Une
patiente Mme F. âgée de 67 ans, mariée et mère de
deux filles doit normalement être transférée en service
gériatrique, mais
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est accueillie dans le service de diabétologie par
manque de place dans l'autre service. Cette patiente est arrivée aux
urgences le vendredi 9 Juin à 21 heures, accompagnée de son mari.
Mme F. a eu un cancer du sein droit il y a maintenant 10 ans mais a
été traité par radiothérapie et
hormonothérapie. L'oncologue n'a pas mis en place de traitement de
chimiothérapie et il n'y a pas eu de mastectomie d'effectuée non
plus. Madame, depuis son cancer, effectue chaque année un contrôle
par mammographie. Lors des derniers contrôles, tout était
normal.
La patiente a perdu 15 kilogrammes ces 6 derniers mois sans
raison et a de nombreuses difficultés à se déplacer depuis
3 mois ainsi que des douleurs au niveau des hanches et des jambes. Elle
consulte à plusieurs reprises son médecin traitant qui lui dit
qu'il s'agit d'arthrose. L'état de la patiente se dégrade de
jours en jours donc sa fille décide de l'emmener chez un autre
médecin afin d'obtenir un second avis, celui-ci prescrit donc un bilan
sanguin. Les résultats du bilan ne sont pas très bons. Il propose
donc d'aller aux urgences. Son mari l'emmène, la patiente explique sa
situation et l'urgentiste décide de faire quelques examens
(radiographie, bilan sanguin...) afin d'essayer de diagnostiquer son
problème. Quelques heures après, l'urgentiste est revenu pour lui
annoncer le diagnostic, la patiente a donc des métastases osseuses au
niveau des hanches.
Le 10 Juin à 14H30 j'effectue le tour des constantes
avec l'infirmière. J'entre dans la chambre de la patiente qui me dit
« je suis trop stressée », je lui réponds donc «
ne vous inquiétez pas » puis en sortant de la chambre, je transmets
à l'infirmière que Mme F. se sent très angoissée
suite à l'annonce de son cancer.
L'infirmière et moi décidons donc de prendre du
temps et de discuter avec la patiente afin de la calmer et de la rassurer.
Madame F. est dans un déni total car elle parle de sa vie personnelle,
de son adolescence jusqu'à aujourd'hui, en nous expliquant tout le
parcours de sa vie.
Je suis très à l'écoute face à
cette patiente. Puis, l'infirmière aborde le sujet de sa maladie et
demande ce que son mari pense de cela, la patiente répond « vous
savez lorsque vous voyez votre mari pleurer ... ce n'est pas facile car il me
dit qu'il a encore besoin de moi », étant très
touchée par ce qu'elle dit je décide donc de sortir quelques
minutes de la chambre. Je reviens 2 minutes après et l'infirmière
propose à Madame de nous appeler lorsque son mari et sa fille arriveront
pour que
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l'on puisse discuter avec eux. 15 minutes après, alors
que nous sommes encore dans la chambre avec la patiente, son mari et sa fille
arrivent. Nous avons discuté avec eux et l'infirmière dit
à la patiente : « restez forte Madame F., vous savez le moral joue
beaucoup pour votre santé et si vous n'êtes pas bien moralement,
cela ne fera qu'empirer les choses ». La famille est d'accord. Puis en
plein milieu de la discussion, la patiente se met à pleurer et à
dire en me regardant « j'ai tellement envie de voir mes petites filles
encore au moins 1 ou 2 ans ». Sa fille la regarde, lui tient la main et se
met à pleurer. Et là une difficulté totale se met en place
pour moi, il m'est impossible de gérer mes émotions, je n'ai pas
répondu à la patiente puis je me suis mise à pleurer
également et je suis sortie rapidement de la chambre. Je suis
restée quelques instants devant la porte de la patiente à me
demander si j'allais rentrer à nouveau. Mais cette patiente était
tellement attachante et disait des paroles très touchantes qu'il a
été difficile pour moi de gérer cette situation sans
montrer mes émotions (qui était là surtout la tristesse)
et, pour moi, cela a donc eu un impact sur la relation que j'aurai pu
créer avec la patiente. Quant à l'infirmière, elle est
restée à discuter avec cette patiente pendant 1 heure environ.
Je suis alors partie vers la salle de pause où
étaient les deux aides-soignantes d'après-midi et qui ont tout de
suite compris que je revenais de la chambre de cette patiente, puisqu'elles ne
voulaient pas non plus aller dans la chambre car elles trouvaient la patiente
très émouvante. J'ai donc décidé de parler sur ce
sujet avec elles afin de ne pas garder en moi cette tristesse.
Je me demande comment aurais-je pu réagir autrement face
à cette situation ?
Je me pose la question si c'est le fait d'être
étudiante qui m'a empêché de retenir mes larmes puisque
l'infirmière a réussi ?
Je me demande également si l'expérience joue un
rôle, par rapport à l'infirmière qui a réussi
à accompagner cette patiente ?
Est-ce que le fait d'avoir pleuré devant la patiente est
un signe de faiblesse ? La patiente n'a-t-elle pas pris mes larmes comme une
incompétence ?
Est-ce que les soignants mettent en place des
mécanismes de défense face à une telle situation ?
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Ce qui m'a réellement posé problème dans
cette situation est le fait d'avoir pleuré et montrer ma tristesse
devant la patiente. Je suis une personne très sensible, il est
difficile, pour moi, de réussir à gérer mes
émotions. Ma crainte est de montrer à nouveau mes émotions
devant des patients et j'ai peur qu'ils prennent cela comme une
incompétence ou un signe de faiblesse mais également qu'ils
pensent que je suis incapable de les prendre en charge.
Durant mes différents stages, j'ai pu rencontrer une
autre situation qui m'a également ému mais ce n'était pas
face à l'annonce d'un cancer. Il s'agit de la situation d'un monsieur
qui devait se faire amputer la 2ème jambe. Il s'est mis
à pleurer face à cette annonce et m'a demandé pour que je
m'occupe de lui jusqu'à son opération car après il sera
trop tard selon lui.
Ce qui me motive à réaliser mon travail de
recherche sur le sujet de la gestion des émotions des soignants suite
à l'annonce d'un diagnostic de cancer est que tout au long de ma
carrière professionnelle, je serai confrontée à des
annonces de diagnostic grave ou moins grave. Et pour moi, je pense qu'il est
important de savoir gérer ses émotions devant le patient afin de
le prendre en charge dans les meilleures conditions et de lui donner du courage
mais également pour créer une bonne relation avec le patient.
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