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Cancer, quand l'annonce du diagnostic au patient fait naître l'émotion chez le soignant.


par AnaàƒÂ¯s Lariouat Braulle
Institut de formation en soins infirmiers, croix rouge française  - Diplôme d'infirmière 2019
  

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Introduction

Dans le cadre de nos études en soins infirmiers, nous devons réaliser un travail de fin d'études.

Durant mes différents stages, au cours de ma formation, j'ai pu rencontrer des situations qui m'ont plus ou moins touchées. J'ai plus particulièrement été touchée par l'annonce d'un diagnostic de cancer. En effet, les infirmiers sont de plus en plus confrontés à l'annonce de cette maladie qui touchent de nombreuses personnes, de nos jours. C'est pour cela que j'ai choisi comme thème la gestion des émotions du soignant suite à l'annonce d'un diagnostic de cancer. Ma question de départ est « en quoi l'annonce d'un diagnostic de cancer a un impact sur la relation soignant - soigné ? »

Dans mon travail, premièrement, vous trouverez la situation qui m'a interpellé et m'a amené à un ensemble de questions. En seconde partie, j'ai réalisé des recherches qui s'articulent sur deux axes principaux : l'annonce d'un diagnostic de cancer et la relation soignant - soigné. A la suite de ces différentes recherches, j'ai formulé une hypothèse qui est « l'expérience aurait une influence sur la gestion des émotions du soignant face à l'annonce d'un cancer ». Afin de vérifier et d'analyser cette hypothèse, j'ai réalisé des entretiens semi-directifs auprès d'infirmiers travaillant en oncologie mais également en service de pneumologie.

Enfin, en conclusion de ce travail de fin d'études, vous trouverez une perspective professionnelle ainsi qu'une ouverture éventuelle sur un autre sujet ...

I. Situation d'appel

La situation se passe durant mon stage du semestre 2, en qualité d'étudiante infirmière à l'hôpital en service de diabétologie qui accueille 16 patients diabétiques et 2 patients de polysomnographie, où, il y a 10 chambres individuelles et 4 chambres doubles. Pour respecter le secret professionnel, j'utiliserai la première lettre du nom de la patiente. La situation se passe le samedi 10 juin 2017 alors que j'étais de poste de l'après-midi. Une patiente Mme F. âgée de 67 ans, mariée et mère de deux filles doit normalement être transférée en service gériatrique, mais

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est accueillie dans le service de diabétologie par manque de place dans l'autre service. Cette patiente est arrivée aux urgences le vendredi 9 Juin à 21 heures, accompagnée de son mari. Mme F. a eu un cancer du sein droit il y a maintenant 10 ans mais a été traité par radiothérapie et hormonothérapie. L'oncologue n'a pas mis en place de traitement de chimiothérapie et il n'y a pas eu de mastectomie d'effectuée non plus. Madame, depuis son cancer, effectue chaque année un contrôle par mammographie. Lors des derniers contrôles, tout était normal.

La patiente a perdu 15 kilogrammes ces 6 derniers mois sans raison et a de nombreuses difficultés à se déplacer depuis 3 mois ainsi que des douleurs au niveau des hanches et des jambes. Elle consulte à plusieurs reprises son médecin traitant qui lui dit qu'il s'agit d'arthrose. L'état de la patiente se dégrade de jours en jours donc sa fille décide de l'emmener chez un autre médecin afin d'obtenir un second avis, celui-ci prescrit donc un bilan sanguin. Les résultats du bilan ne sont pas très bons. Il propose donc d'aller aux urgences. Son mari l'emmène, la patiente explique sa situation et l'urgentiste décide de faire quelques examens (radiographie, bilan sanguin...) afin d'essayer de diagnostiquer son problème. Quelques heures après, l'urgentiste est revenu pour lui annoncer le diagnostic, la patiente a donc des métastases osseuses au niveau des hanches.

Le 10 Juin à 14H30 j'effectue le tour des constantes avec l'infirmière. J'entre dans la chambre de la patiente qui me dit « je suis trop stressée », je lui réponds donc « ne vous inquiétez pas » puis en sortant de la chambre, je transmets à l'infirmière que Mme F. se sent très angoissée suite à l'annonce de son cancer.

L'infirmière et moi décidons donc de prendre du temps et de discuter avec la patiente afin de la calmer et de la rassurer. Madame F. est dans un déni total car elle parle de sa vie personnelle, de son adolescence jusqu'à aujourd'hui, en nous expliquant tout le parcours de sa vie.

Je suis très à l'écoute face à cette patiente. Puis, l'infirmière aborde le sujet de sa maladie et demande ce que son mari pense de cela, la patiente répond « vous savez lorsque vous voyez votre mari pleurer ... ce n'est pas facile car il me dit qu'il a encore besoin de moi », étant très touchée par ce qu'elle dit je décide donc de sortir quelques minutes de la chambre. Je reviens 2 minutes après et l'infirmière propose à Madame de nous appeler lorsque son mari et sa fille arriveront pour que

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l'on puisse discuter avec eux. 15 minutes après, alors que nous sommes encore dans la chambre avec la patiente, son mari et sa fille arrivent. Nous avons discuté avec eux et l'infirmière dit à la patiente : « restez forte Madame F., vous savez le moral joue beaucoup pour votre santé et si vous n'êtes pas bien moralement, cela ne fera qu'empirer les choses ». La famille est d'accord. Puis en plein milieu de la discussion, la patiente se met à pleurer et à dire en me regardant « j'ai tellement envie de voir mes petites filles encore au moins 1 ou 2 ans ». Sa fille la regarde, lui tient la main et se met à pleurer. Et là une difficulté totale se met en place pour moi, il m'est impossible de gérer mes émotions, je n'ai pas répondu à la patiente puis je me suis mise à pleurer également et je suis sortie rapidement de la chambre. Je suis restée quelques instants devant la porte de la patiente à me demander si j'allais rentrer à nouveau. Mais cette patiente était tellement attachante et disait des paroles très touchantes qu'il a été difficile pour moi de gérer cette situation sans montrer mes émotions (qui était là surtout la tristesse) et, pour moi, cela a donc eu un impact sur la relation que j'aurai pu créer avec la patiente. Quant à l'infirmière, elle est restée à discuter avec cette patiente pendant 1 heure environ.

Je suis alors partie vers la salle de pause où étaient les deux aides-soignantes d'après-midi et qui ont tout de suite compris que je revenais de la chambre de cette patiente, puisqu'elles ne voulaient pas non plus aller dans la chambre car elles trouvaient la patiente très émouvante. J'ai donc décidé de parler sur ce sujet avec elles afin de ne pas garder en moi cette tristesse.

Je me demande comment aurais-je pu réagir autrement face à cette situation ?

Je me pose la question si c'est le fait d'être étudiante qui m'a empêché de retenir mes larmes puisque l'infirmière a réussi ?

Je me demande également si l'expérience joue un rôle, par rapport à l'infirmière qui a réussi à accompagner cette patiente ?

Est-ce que le fait d'avoir pleuré devant la patiente est un signe de faiblesse ? La patiente n'a-t-elle pas pris mes larmes comme une incompétence ?

Est-ce que les soignants mettent en place des mécanismes de défense face à une telle situation ?

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Ce qui m'a réellement posé problème dans cette situation est le fait d'avoir pleuré et montrer ma tristesse devant la patiente. Je suis une personne très sensible, il est difficile, pour moi, de réussir à gérer mes émotions. Ma crainte est de montrer à nouveau mes émotions devant des patients et j'ai peur qu'ils prennent cela comme une incompétence ou un signe de faiblesse mais également qu'ils pensent que je suis incapable de les prendre en charge.

Durant mes différents stages, j'ai pu rencontrer une autre situation qui m'a également ému mais ce n'était pas face à l'annonce d'un cancer. Il s'agit de la situation d'un monsieur qui devait se faire amputer la 2ème jambe. Il s'est mis à pleurer face à cette annonce et m'a demandé pour que je m'occupe de lui jusqu'à son opération car après il sera trop tard selon lui.

Ce qui me motive à réaliser mon travail de recherche sur le sujet de la gestion des émotions des soignants suite à l'annonce d'un diagnostic de cancer est que tout au long de ma carrière professionnelle, je serai confrontée à des annonces de diagnostic grave ou moins grave. Et pour moi, je pense qu'il est important de savoir gérer ses émotions devant le patient afin de le prendre en charge dans les meilleures conditions et de lui donner du courage mais également pour créer une bonne relation avec le patient.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon