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HASSAN I1 DE CASABLANCA
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L'impact du pacte d'actionnaires
dans une société anonyme
Rédigé par : KHARMOUDY Ranya
Sous la direction du Pr. HILANI Imane
Filière : Droit Privé
Année universitaire : 2017-2018
Remerciements
Je tiens à adresser mes plus vifs remerciements et
ma profonde reconnaissance au Professeur HILANI Imane pour l'encadrement,
l'orientation, la confiance, la patience, qui ont constitué un apport
considérable sans lequel ce travail n'aurait pas pu être
mené au bon port. Ses conseils et ses remarques me furent en tous point
précieux.
Mes remerciements s'étendent également
à Mr. MAHFOUD Anis, avocat associé au cabinet d'affaires et de
fiscalité AB Avocats & Associés pour avoir su
m'éclairer le chemin de la recherche grâce à ses
explications pertinentes.
Je remercie le Professeur ZOUHRY Leila de m'avoir
initié au droit des sociétés et de m'avoir permis de
développer un réel intérêt pour cette
matière.
J'ai enfin une pensée affectueuse pour tous mes
camarades de promotion avec qui j'ai passé des moments exceptionnels
ainsi qu'à mes proches qui n'ont jamais cessé de me
soutenir.
Liste des abréviations
AMMC L'autorité Marocaine des Marchés de
Capitaux
B.O Bulletin Officiel
CA Arrêt d'une Cour d'appel
CD Décision du conseil constitutionnel
CDVM Conseil Déontologique des Valeurs
Mobilières
COB Commission des opérations de bourse
D. Recueil Dalloz
Dr. Sociétés Droit des sociétés
DOC Droit des obligations et contrats
JCP E Jurisclasseur périodique (semaine juridique),
édition entreprise
LGDJ Librairie Juridique de références en
ligne
OPA Opération d'acquisition de parts d'une
société cotée en Bourse
Op.cit. Operecitato (ouvrage cité)
p. Page
S. Recueil Sirey
SA Société anonyme
SAS Société par actions simplifiée
Sommaire
Introduction générale 6
Partie I : Formation du pacte d'actionnaires 11
Chapitre 1 : Formalisme du pacte d'actionnaires 11
Section 1 : les conditions de fond et de forme 12
Sous-section 1 : les conditions de fond 13
Sous-section 2 : les conditions de forme 15
Section 2 : L'effet de la forme juridique du pacte d'actionnaires
15
Sous-section 1 : L'avantage d'un écrit 16
Sous-section 2 : l'impact de la publicité 16
Chapitre 2 : Une liberté contractuelle encadrée
17
Section 1 : les limites légales, statutaires et pratiques
17
Sous-section 1: les dispositions légales et statutaires
18
I- La primauté de la loi 18
A- Nullité des clauses contenues dans le pacte
d'actionnaires 18
B- La validité des pactes d'actionnaires 19
II- La primauté des statuts et de l'intérêt
social 21
A- Les effets des statuts sur les pactes d'actionnaires 21
B- La conséquence de l'intérêt social sur
les pactes d'actionnaires 22
Sous-section 2 : les limites pratiques 22
I- La confidentialité des pactes d'actionnaires 23
A- L'avantage des statuts sur la confidentialité des
pactes d'actionnaires 23
B- L'avantage des pactes d'actionnaires confidentiels sur les
statuts 24
II-Le recours à l'intuitu personae 25
A- La diversité de la nature de l'intuitu personae 25
B- La diversité des formes de l'intuitu personae 26
Section 2 : L'intérêt du pacte d'actionnaires lors
de la constitution de la SA 26
Sous-section 1 : un domaine ajustable et évolutif 27
I- Le pacte d'actionnaires : un domaine ajustable 27
A- La souplesse quant aux parties contractantes 27
B- La souplesse quant à la transmission du pacte 28
II- Le pacte d'actionnaires : un contenu évolutif 29
A- L'absence de formalisme pour la modification du pacte 29
B- L'atténuation contractuelle de la
précarité du pacte 30
Sous-section 2 : Dépendance du pacte d'actionnaires au
contrat de société 30
I- Une existence dépendante 31
A- Influence de la transformation du contrat de
société sur le pacte 31
B- Influence de la perte de la qualité d'actionnaire sur
le pacte 32
II- Un contenu dépendant 32
A- Un contenu encadré par le domaine
réservé aux statuts 33
B- L'emprise des stipulations statutaires sur le contenu du
pacte d'actionnaires 33
Partie II : Mise en oeuvre du pacte d'actionnaires 34
Chapitre 1 : L'exécution du pacte d'actionnaires 34
Section 1 : Les effets de l'exécution du pacte
d'actionnaires 35
Sous-section 1 : La force obligatoire du pacte d'actionnaires
35
Sous-section 2 : L'interprétation du pacte d'actionnaires
37
Section 2 : Classification des obligations contenues dans le
pacte 37
Sous-section 1 : L'obligation de donner 38
Sous-section 2 : L'obligation de faire 38
Sous-section 3 : L'obligation de ne pas faire 39
Section 3 : Typologie des pactes 40
Sous-section 1 : Les clauses relatives à l'organisation de
la gestion 40
Sous-section 2 : Les clauses relatives à l'actionnariat
41
Chapitre 2 : L'inexécution du pacte d'actionnaires 43
Section 1 : Les conséquences de l'inexécution du
pacte 43
Sous-section 1 : Les sanctions communes découlant du DOC
44
Sous-section 2 : L'exécution forcée 45
Section 2 : Les clauses garantissant l'exécution du pacte
46
Sous-section 1 : La clause pénale 47
Sous-section 2 : La clause résolutoire 47
Sous-section 3 : L'astreinte conventionnelle 48
Sous-section 4 : Les clauses de sortie 48
Sous-section 5 : La nullité partielle 49
CONCLUSION 50
Annexe n°1 : Modèle de pacte d'actionnaires 51
Annexe n°2 : principales distinctions Contrat de
société/Pacte d'associés 52
BIBLIOGRAPHIE 53
6
Introduction générale
« L'homme est un loup pour l'homme »1.Ce
postulat se retrouve particulièrement dans le monde des affaires,
marqué par la primauté à l'individualisme et au profit. Ce
monde étant particulièrement dynamique, les lois qui le
gouvernent doivent constamment être mises à jour, de façon
à assurer le développement de l'entreprise et son
épanouissement. En effet, depuis quelques années, l'on assiste
à d'innombrables changements qui ont éminemment affecté le
fonctionnement des sociétés, notamment la société
anonyme, caractérisée comme étant un merveilleux
instrument créé par le capitalisme moderne.
Société commerciale2 de capitaux,
assignée aux projets d'envergure, la société anonyme est
la forme la plus usitée au Maroc, elle consacre l'idée selon
laquelle les associés, appelés actionnaires, sont liés
à la société, par la détention d'un titre
négociable. L'actionnaire investi dans la société en
question dans le seul but d'en tirer profit, pour son propre compte, et non en
raison des relations qu'il pourrait éventuellement entretenir avec le
fondateur. Compte tenu de son importance, le statut juridique
règlementant la SA présente l'inconvénient d'être
notablement rigide et rigoureux, manquant atrocement de flexibilité,
laissant peu de marge de manoeuvre aux hommes d'affaires, ce qui risque
d'étouffer le développement des sociétés et de
constituer un frein au progrès. Cette flexibilité s'avère
en effet indispensable, ces dernières étant des acteurs
importants du développement économique des affaires, tant au
niveau national qu'international, faisant ainsi face à une concurrence
des plus rudes.
Ce souci de flexibilité ne peut être
résolu qu'à travers la liberté contractuelle, engendrant
ainsi un phénomène de contractualisation, apportant un certain
renouveau au droit des sociétés marocain. Ce
phénomène s'est manifesté par l'utilisation croissante de
la technique contractuelle afin de répondre aux besoins
manifestés par les associés, notamment les actionnaires,
d'adapter le Dr. Sociétés3.
C'est dans ce contexte que sont nés les pactes
d'actionnaires, objet de notre étude. Leur origine remonte au fruit
d'une pratique exercée en dehors de toute réglementation propre,
par référence au droit comparé.
Les statuts des sociétés ne sont plus l'unique
source régissant les relations entre actionnaires. En effet, en vue de
réglementer le fonctionnement de leur société
1 La première référence à
cette locution est de Plaute dans sa comédie Asinaria (La Comédie
des Ânes).
2 Article 1er du Dahir n°1-96-124 (14 RABII II
1417) portant promulgation de la loi 17-95 relative aux sociétés
anonymes (Modifié et complété par les lois 81-99, 23-01,
20-05, 78-12).
3 G. Goffaux-Callebaut, « Du contrat en droit des
sociétés : essai sur le contrat instrument d'adaptation du droit
des sociétés », éd. L'Harmattan, 2008,
n°2.
7
constituée à plusieurs, les actionnaires peuvent
rédiger des statuts mais également conclure un pacte
d'actionnaires.
Bien qu'il ne soit pas nouveau, le pacte d'actionnaires peut
être considéré à juste titre comme étant un
sujet de haute importance. La nature incontestable et l'actualité du
pacte ne peut être remise en cause. Le recours à ce type de
contrat peut être justifié par le besoin des partenaires et des
actionnaires des sociétés ou entreprises commerciales de
gérer les rapports entre eux, particulièrement soucieux de la
survie de leur bijou commun. Du point de vue théorique, les relations
entre les actionnaires et avec la société sont régies dans
le cadre des statuts de la société. Néanmoins, il est
assez courant que les actionnaires cherchent à compléter ces
statuts officiels par une convention contractuelle, cette dernière est
alors qualifiée de contrat extrastatutaire qui produit des effets
à l'égard des tiers.
Les pactes extrastatutaires sont légions dans les
sociétés, ceux-ci sont plus fréquents dans les
sociétés par actions, dans la mesure où dans les autres
formes de sociétés, la personnalité des associés
est largement prise en compte, ces derniers étant souvent peu nombreux,
ils n'ont guère besoin de l'intervention d'une convention
particulière. Les pactes d'actionnaires concernent exclusivement les
sociétés anonymes et les sociétés par actions
simplifiées. Notre étude concernera spécifiquement les
pactes d'actionnaires dans la société anonyme.
Il convient alors de définir le pacte d'actionnaires
avant d'entamer une étude approfondie sur le sujet. Il s'agit d'un
contrat de droit privé, devant être constaté par
écrit tel que prévu dans l'article 114 de la loi 78-12
relative aux sociétés anonymes, modifiable par avenant à
l'unanimité, signé entre tout ou partie des associés d'une
entreprise, la société anonyme, le cas échéant. Ce
contrat complémentaire aux statuts a pour finalité de clarifier
les relations entre les principaux actionnaires, fixant ainsi les engagements
de chacun des signataires leur garantissant des droits et ce, en fonction des
clauses qu'il contient. Il ne faut cependant pas ignorer que sa fonction
capitale consiste à préparer un éventuel divorce.
Malgré leur grande diversité résultant de
la créativité et du souci des praticiens de répondre tout
au mieux aux multiples attentes de leurs clients, les pactes d'actionnaires ont
tous en commun de porter soit alternativement soit cumulativement sur les deux
éléments constitutifs de la structure et du fonctionnement de la
société.5
Qui a la qualité d'actionnaire ?
L'actionnaire ne se rencontre que dans trois types de
sociétés, à savoir la société en commandite
par actions, la société en actions simplifiées, dans ces
deux sociétés, la
4Article 11 de la loi 78-12
modifiant et complétant la loi 17-95 relative aux sociétés
anonymes
5 Caroline Leroy, le pacte d'actionnaires dans
l'environnement sociétaire, thèse de l'université
Paris - Est Crétail Val de Marne (Paris XII), soutenue publiquement le
14 Juin 2010, p. 83.
8
situation déterminant la qualité d'actionnaire
est quelque peu complexe, et la société anonyme. Par
référence à la définition donnée par Yves
Guyon, l'actionnaire est : « titulaire d'un titre négociable
représentant une quote-part du capital dans la société, et
donnant le droit de participer au partage des bénéfices et de
voter à l'assemblée générale ». Il existe
plusieurs types d'actionnaires, mais pour le législateur, seul un seul
modèle est pris en considération. Il peut s'avérer parfois
difficile de l'identifier, même dans une situation n'ayant rien de
complexe.
Offrant de la souplesse face à la rigidité du
droit des sociétés, que ce soit lors de son établissement,
son administration ou encore lors de sa révision ou son abrogation, le
pacte d'actionnaires est particulièrement avantageux, son principal
attrait réside dans sa confidentialité, contrairement aux statuts
d'une société qui peuvent être consultés par tous,
seuls les signataires y ont accès. Les signataires sont
nécessairement actionnaires mais tous les actionnaires ne sont pas
nécessairement signataires. Il permettrait ainsi de régler en
toute discrétion certaines dispositions concernant l'organisation de la
société. Les fondateurs ont la possibilité, à titre
d'exemple, de s'octroyer des avantages sans que les investisseurs le
sachent.
En outre, ces clauses secrètes constituent un
véritable moyen d'anticipation des éventuelles difficultés
pouvant advenir entre les associés dans le futur. «Bien que
plusieurs s'y refusent au moment de la constitution de la société
par actions, ou lors de l'arrivée d'un nouvel actionnaire, force est
d'admettre que lorsque survient un conflit ou une impasse entre les
actionnaires, la présence d'une telle convention n'est plus un
luxe», c'est ce qu'a expliqué Mohamed Mernissi, arbitre et
professeur en droit des sociétés.6
La jurisprudence marocaine reconnait les pactes d'actionnaires
comme étant totalement licites au vu du droit des
sociétés. Conclus au nom de la liberté contractuelle,
principe qui n'est pas contredit dans les dispositions relatives au droit des
contrats prévues dans le DOC, ces clauses n'ont rien de frauduleux,
elles doivent cependant obéir aux règles générales
du droit des contrats formulées par le DOC mais également
respecter la réglementation propre au droit des sociétés.
De manière générale, l'ensemble des techniques
utilisées en matière de conventions extrastatutaires est
considéré comme licite par la jurisprudence à la condition
de l'existence d'une juste contrepartie et de leur limitation dans le temps.
Ayant une force obligatoire à l'égard des actionnaires
signataires, l'inexécution des pactes entre actionnaires peut donner
lieu à des indemnisations sous forme de
dommages-intérêts.
Compte tenu de l'intitulé du thème et de son
intérêt pratique dans le monde des affaires, il est possible de
formuler les problématiques suivantes:
6La Vie éco,
hebdomadaire économique et financier marocain créé en
1957
9
Le pacte d'actionnaires, qui concerne exclusivement les
sociétés anonymes, constitue un éclairage organisant au
sein de la société, les rapports entre tout ou partie des
associés. Offrant une plus grande liberté de rédaction que
ce qu'accorderaient éventuellement les statuts, il permet de renforcer
les intérêts réciproques des actionnaires concernés,
mais également de rechercher un juste milieu entre les
intérêts divergents de ces derniers, étant donné la
dissemblance de leurs situations.
Par ailleurs, c'est cette même liberté,
accordée aux actionnaires de décider du contenu de cet accord,
qui a suscité l'intérêt du législateur. En effet,
l'efficacité du pacte d'actionnaires est une question récurrente
en droit des sociétés, il ne peut, cependant et en aucun cas
contenir des clauses ne respectant pas le droit des sociétés et
allant à l'encontre des statuts.
Décider du contenu d'un pacte d'actionnaires en y
insérant les bonnes clauses n'est pas chose facile. Il est
nécessaire de se faire bien accompagner et conseiller, afin de s'assurer
de l'efficacité de l'acte extrastatutaire et de garantir sa
validité au point de vue du droit marocain, évitant ainsi son
inexécution. Ainsi faut-il adapter les clauses à la forme sociale
de la société en question et des objectifs poursuivis par les
signataires. Ces derniers se doivent d'être particulièrement
minutieux, étant donné l'importance que revêt ce pacte.
Il convient de souligner à cet égard que toutes
ces prérogatives suscitent bien des interrogations.
En quoi se présente le formalisme du pacte d'actionnaires
?
Quelles sont les limites de la liberté contractuelles
accordée aux parties ?
Et quelle est l'étendue de mise en oeuvre des clauses
pouvant y figurer ?
10
Afin de répondre convenablement aux problématiques
de notre étude, et dans le but de procéder à l'analyse
conceptuelle qui en découle, il convient, à priori, de structurer
notre travail en deux parties subdivisées en deux chapitres :
La première partie aura vocation à traiter les
règles relatives à la formation du pacte d'actionnaires.
Les dites règles sont divisées en deux :
? Le formalisme du pacte d'actionnaires (Chapitre 1) ? Une
liberté contractuelle encadrée (Chapitre 2)
La seconde partie, quant à elle, sera consacrée
à la mise en oeuvre du pacte d'actionnaires, subdivisée à
son tour en deux chapitres :
? L'exécution du pacte d'actionnaires (Chapitre 1) ?
L'inexécution du pacte d'actionnaires (Chapitre 2)
11
Partie I : Formation du pacte d'actionnaires
Nul ne peut nier l'importance accordée aux pactes
d'actionnaires dans le milieu sociétaire, ceci se manifeste notablement
par la complémentarité de ces pactes aux dispositions
légales mais aussi au niveau de la circulation des capitaux.
Fondées sur la base du principe de la liberté contractuelle, ces
conventions sont le plus souvent conclues entre les investisseurs et les
actionnaires majoritaires de la société anonyme qui agissent en
leur nom propre et non en leur qualité de dirigeants de la
société en question. Contrairement aux statuts, les pactes
d'actionnaires ne produisent des effets qu'à l'égard des parties
signataires et sont, par principe, inopposable à la
société cible lorsque celle-ci n'est pas partie à la
convention. De ce fait, un cadre juridique a été mis en place
afin d'assurer la bonne application de ces conventions. Peu importe la nature,
la finalité ou l'objectif poursuivi par le pacte, du fait qu'il ne soit
régit par aucune règle qui lui est spécifique, il est
soumis à l'application des règles de droit commun. Les
actionnaires choisissant de recourir à cet arrangement contractuel en
constatent la particularité tant lors de la formation de la
volonté des parties que lors de la conclusion du pacte.
C'est ainsi que dans un premier temps, nous nous occuperons
d'analyser les dispositions encadrant la conclusion du pacte d'actionnaires
(Chapitre 1). Dans un deuxième temps, nous allons nous attarder sur les
limites de la liberté contractuelle accordée aux parties
(Chapitre 2).
Chapitre 1 : Formalisme du pacte d'actionnaires
Considéré comme une illustration du principe de
la liberté contractuelle, permettant aux actionnaires de conforter,
d'adapter et d'apporter plus de précisions aux règles
statutaires, le pacte d'actionnaire est un engagement contractuel comme les
autres. Cette même liberté est loin d'être une
liberté absolue compte tenu de la bivalence de ces conventions. En
effet, sa nature « sui generis »7 le soumettra aux
règles générales de droit commun
énumérées par le DOC, telle que les conditions relatives
à la capacité, objet, cause et parties. Le respect des
dispositions impératives du droit des sociétés est
également de rigueur étant donné l'importance que
revêtent ces dispositions d'ordre public tant pour l'intérêt
social de la société que pour l'économie et les
investissements, or, les pactes d'actionnaires ne font l'objet que de quelques
dispositions épuisées dans le droit des sociétés,
notamment une présence timide à
7« Sui generis » signifie qui est propre
à une espèce ou à une chose. Ce terme d'origine latine
signifie littéralement « de son espèce ».
12
travers certains articles de la loi 15-95 relative aux SA
à savoir les 2218, 2539 et 25710.
Cependant, le principe du consensualisme adopté par la
législation marocaine implique que le dit contrat soit conclu par
l'échange des consentements lorsque les conditions de formation sont
remplies, les exigences de forme n'étant imposées que pour des
soucis de preuve et de protection conventionnelle, d'où la
nécessité d'un écrit.
C'est ainsi que dans ce chapitre, il s'agira de se pencher sur
les conditions de fond et les conditions de formes relatives au pacte
d'actionnaires (section 1) pour ensuite analyser l'effet de la forme juridique
du pacte (section 2)
Section 1 : les conditions de fond et de forme
La notion de contrat, de pacte, est une notion fondamentale
dans la vie en société, qui organise les rapports humains. Sans
elle, ces derniers auraient été inconcevables. Il est vrai que le
« droit naturel » est éminemment incertain, faute de contenu
qui se retrouve en tout temps et en tous lieux ; S'il existe bien un concept
qui représente cette permanence et cette universalité, qu'aucune
société ou groupe humain n'a pu ignorer, c'est bien celui de la
parole donnée « Pacta sunt servanda»11,
ce qui veut dire : les accords doivent être
respectés. En ce qui concerne les rapports des membres du groupe
social entre eux, cette notion intéresse fondamentalement le droit
civil, entendu au sens large des relations entre sujets de droit, ce qui inclut
le droit des affaires. D'où la nécessité de l'existence
d'un certain nombre de dispositions du droit des obligations et contrat, ayant
un caractère imposant. Il s'agira alors d'établir tout d'abord,
les conditions de
8 Article 221 dispose expressément que : « Les
actionnaires opposés à la transformation ont le droit de se
retirer de la société. Dans ce cas, ils recevront une
contrepartie équivalente à leurs droits dans le patrimoine
social, fixée, à défaut d'accord, à dire d'expert
désigné par le président du tribunal, statuant en
référé.
La déclaration de retraite doit être
adressée, par lettre recommandée avec accusé de
réception dans les trente jours de la publication prévue à
l'article 218 (2e alinéa).
Est réputée non écrite toute clause
tendant à exclure le droit de retraite. »
9 Article 253 ajoute que: « Sauf en cas de succession ou
de cession soit à un conjoint soit à un ascendant ou à un
descendant jusqu'au 2e degré inclus, la cession d'actions à un
tiers à quelque titre que ce soit peut être soumise à
l'agrément de la société par une clause des
statuts.
Une telle clause ne peut être stipulée que si
les actions revêtent exclusivement la forme nominative en vertu de la loi
ou des statuts. »
10 Article 257 précise que : « Des conventions
entre actionnaires ou entre actionnaires et des tiers peuvent porter sur les
conditions de cession des droits sociaux et stipuler notamment que cette
cession ne pourra avoir lieu qu'après un certain délai ou qu'elle
sera, le cas échéant, opérée d'office, de
façon préférentielle, au profit de personnes actionnaires
ou non, bénéficiaires d'un droit de préemption, au prix
qui serait offert par un tiers de bonne foi ou qui serait fixé dans les
conditions prévues aux statuts. »
11 « Pacta sunt servanda » (« Les
conventions doivent être respectées ») est une locution
latine signifiant que les parties sont désormais liées au contrat
venant d'être conclu et qu'à ce titre elles ne sauraient
déroger aux obligations issues de cet accord. C'est un principe de droit
des obligations et de droit international public. Ce principe a valeur
constitutionnelle depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 9
avril 1992 (no 92-308 DC).
13
fond (sous-section 1) et de forme (sous-section 2) communes
à tout contrat, à savoir le pacte d'actionnaires.
Sous-section 1 : les conditions de fond
Si la liberté de contracter confère au pacte
d'actionnaires une grande souplesse en limitant le contrôle de
l'autorité publique, il est cependant nécessaire que certaines
conditions minimales soient réunies pour que l'accord des
volontés prenne place dans l'ordre juridique étatique. Ainsi,
comme tout contrat, quatre conditions s'avèrent nécessaires pour
la validité même du pacte, tel que prévu à l'article
2 du DOC : le consentement des parties, la capacité de contracter, un
objet certain formant la matière de l'engagement et une cause licite
dans l'obligation. Les trois premières conditions ne présentent
pas de problèmes spécifiques au regard du pacte d'actionnaires.
Cependant, lors de la négociation et spécifiquement entre membres
d'une même famille, il faudra s'attacher à respecter ces
conditions, notamment sur le consentement de chacune des parties.
1- Le consentement des parties :
En principe le contrat se forme par un simple échange
des volontés, c'est la rencontre simultanée d'une offre et d'une
acceptation, ce qui fait dire que le consensualisme est la règle et le
formalisme est l'exception12. Le pacte d'actionnaires n'en fait pas
l'exception. L'offre devra alors indiquer la volonté de son auteur
d'être lié en cas d'acceptation. Si aucun délai n'a
été fixé, elle peut être retirée tant qu'elle
n'a pas été acceptée, sous réserve de respecter un
délai raisonnable dont la durée est souverainement
appréciée par les juges du fonds. Quant à l'acceptation,
celle-ci doit être pure et simple. Si tel n'est pas le cas, elle sera
qualifiée de contre-proposition. C'est ainsi qu'au sens de l'article 19
du DOC : « La convention n'est parfaite que par l'accord des parties sur
les éléments essentiels de l'obligation, ainsi que sur toutes les
autres clauses licites que les parties considèrent comme essentielles
». Pour être valable, l'acceptation doit être expresse. Le
consentement doit être libre et éclairé. Ces exigences se
rapportant à la qualité du consentement ont fait naitre un
dispositif de protection connu sous le nom de la « théorie des
vices du consentement » qui sous réserve de quelques
aménagements se retrouve aux articles 39 à 56 du DOC. En effet,
l'article 39 du DOC dispose : « Est annulable le consentement donné
par erreur, surpris par dol ou extorqué par violence ». L'article
54 quant à lui précise que « les motifs de rescision
fondés sur l'état de maladie et autres cas analogues sont
abandonnés à l'appréciation du juge ». L'erreur, le
dol, la violence, la maladie et les cas analogues peuvent entrainer
l'annulation du contrat, quand elles sont constatées.
12 Voir en ce sens, Cours de droit des contrats au Maroc,
http://www.cours-de-droit.net/droit-des-contrats-au-maroc-a126316344
14
2-La capacité de contracter :
En droit marocain, l'incapacité est régie par le
nouveau code de la famille13. La capacité est définie
comme étant l'aptitude d'une personne à acquérir des
droits et à les exercer. Elle est régie par le DOC14.
Il existe deux sortes de capacités : la capacité de jouissance
qui correspond à la faculté dont dispose la personne en vue
d'acquérir des droits et d'assumer des obligations tels que fixés
par la loi. Cette capacité est attachée à la personne
durant toute sa vie et ne peut lui être enlevée (art.207 du
nouveau code de la famille) et la capacité d'exercice qui est l'aptitude
à exercer un droit dont on est titulaire sans avoir besoin de
l'assistance ou de la représentation d'un tiers. Elle suppose que l'on
détienne la personnalité juridique(art.206 du nouveau code de la
famille).
3- Un objet certain :
L'objet est spécifiquement la chose ou la prestation
sur laquelle porte le contrat. L'article 58 du DOC dispose que : « La
chose qui forme l'objet de l'obligation doit être
déterminée au moins quant à son espèce... ».
En effet, l'obligation qui a pour objet une chose ou un fait impossible,
physiquement ou en vertu de la loi, en vertu de la loi, est nulle,
conformément à l'article 59 du DOC. A priori, l'objet doit
répondre à certaines conditions. Il doit exister au moment de
l'engagement, être déterminé ou déterminable,
possible et licite.
4- Cause licite :
Le DOC subordonne la validité de tout contrat à
l'existence d'une cause licite de l'obligation. Quant à l'existence de
la cause, la notion varie en fonction de la nature de l'acte. Dans les contrats
synallagmatiques, la cause de l'obligation de chaque partie réside dans
l'obligation de l'autre. L'obligation sans cause ou fondée sur une
fausse cause est nulle. L'article 6 du DOC dispose « que toute obligation
est présumée avoir une cause certaine et licite » et
l'article 64 ajoute que » lorsque la cause est exprimée, elle est
présumée vraie jusqu'à preuve du contraire. » Il ne
s'agit là que de présomptions simples qui peuvent donc tomber
devant la preuve contraire. Selon l'article 449 du DOC « Les
présomptions sont des indices au moyen desquels la loi ou le juge
établit l'existence de certains faits inconnus ». Il existe des
présomptions établies par la loi ou présomptions
légales et des présomptions simples qui sont remises à la
prudence du juge. « Nulle preuve n'est admise contre la présomption
de la loi ». En somme, la cause d'un contrat, d'un pacte, n'est autre que
sa justification. Son pourquoi.
13 Dahir portant promulgation de la Loi n°70-03 portant Code
de la famille.
14 Articles 3, 4, 5, 6,7, 8, 10, 11,12 et 13 du DOC
15
Sous-section 2 : les conditions de forme
Le pacte d'actionnaires est un outil qui permet de
déterminer des règles entre tous les associés ou une
partie d'entre eux. Son contenu est laissé à leur entière
liberté. Par ailleurs, et pour des raisons de preuve, il est
indispensable d'établir un écrit en autant d'exemplaires que de
signataires15. Concernant la forme exacte que doit prendre cet
écrit, un acte sous seing privé suffit puisque le texte est
silencieux à ce sujet, la loi n'exige pas d'acte authentique. Deux cas
de figure où il est conseillé par la loi d'avoir recours à
un acte notarié, car cela évite les ennuis comme les
requalifications. L'acte n'a pas à être rédigé par
un avocat ou un notaire, mais il est recommandé de demander l'aide d'un
spécialiste lors de sa préparation et de sa rédaction. Un
tiers, neutre et objectif, abordera les différentes questions sans parti
pris. Ce professionnel saura mettre en évidence les points qui
nécessiteront un accord et proposera une rédaction
adaptée. L'accord n'étant pas enregistré, à la
différence des statuts, aucun formalisme n'est exigé. Sauf
précisions contraires, il entre en vigueur à la signature de tous
les intéressés. Toutes sortes de clauses peuvent être
prévues. Certaines se retrouvent dans la majorité des pactes
d'actionnaires, d'autres sont particulièrement adaptées aux
entreprises familiales.
Section 2 : L'effet de la forme juridique du pacte
d'actionnaires
En principe, le formalisme du pacte d'actionnaires n'est pas
d'une grande exigence que ce soit pour sa rédaction ou encore sa
modification. L'accord unanime des signataires est néanmoins
exigé. Les pactes d'actionnaires, comme nous l'avons
précédemment cité, sont soumis aux conditions essentielles
des droits des contrats : le consentement des parties, la capacité de
contracter, un objet certain et une cause licite selon les termes bien connus
de l'article 2 du DOC applicable. Ces critères sont
considérés comme étant des critères de
référence pour un grand nombre de pays, et pas uniquement le
Maroc. Concernant le droit marocain la volonté des parties et
l'échange de consentement ne sont pas toujours suffisants pour que le
contrat soit formé. Certaines conditions de forme doivent être
respectées pour que le contrat soit considéré comme
conclu. Dans certains cas, un formalisme s'impose lors de la formation du
contrat et des conditions spécifiques, notamment l'écriture et la
signature du projet d'accord commercial, doivent être
rencontrées.. Ces pactes peuvent aussi bien être
insérés dans les statuts de la société, ou
être publiés par le biais de la publicité légale. Il
s'agit donc d'analyser, en premier lieu, l'avantage de la présence d'un
écrit (sous-section première) et ensuite de vérifier
l'impact de la
15 Article 11 alinéa 5 de la loi 17-95 relative aux
sociétés anonymes dispose expressément que : «
Les pactes entre actionnaires doivent être constatés par
écrit »
16
publicité statutaire pour voir si elles permettent
d'assurer l'opposabilité aux tiers des pactes d'actionnaires
(sous-section deuxième).
Sous-section 1 : L'avantage d'un écrit
Même si le pacte d'actionnaires n'est pas explicitement
cité dans les Codes civil et de commerce marocain, en appliquant la
règle de l'accessoire en vertu de laquelle l'accessoire suit le sort du
principal16, le pacte d'actionnaires, qui est
considéré comme l'accessoire, est tenu par l'obligation de
l'écrit, tout comme le contrat de société qui pourra
être considéré comme le principal. L'existence d'un
écrit permettra en premier lieu d'aboutir à la formation du
contrat, par suite à sa conclusion. La formation du contrat par
l'écrit en bonne et due forme permettra ensuite d'utiliser ce moyen
comme moyen de preuve en cas de conflit et différend émergeant de
la relation commerciale entre les parties signataires. Cette dualité
d'effets, caractérisant la forme du pacte d'actionnaires, permettra de
préserver l'ordre public économique du marché marocain, ce
qui contribuera indirectement à la transparence et la bonne gouvernance
des sociétés commerciales, cotées ou non, à
l'égard des tiers non directement impliqués. Concernant les
sociétés anonymes dont les actions ne sont pas cotées en
bourse, celles-ci demeurent soumises aux dispositions de l'article 11 de la loi
17-95 relative aux sociétés anonymes qui prévoit un
écrit pour les contrats de société. Bien qu'aucune
disposition n'oblige la notification des pactes d'actionnaires ou autres
accords sociétaires aux organismes compétents, tels que
l'autorité marocaine des marchés de capitaux, lors de la mise en
oeuvre de la cession des actions, cette transaction devra toujours suivre la
procédure imposée par le législateur marocain. Le respect
de cette disposition tire également son importance de la protection de
l'ordre public sociétaire et économique.
Sous-section 2 : l'impact de la publicité
Les pactes extrastatutaires ne sont soumis à aucune
obligation de publicité légale, ce qui contribue à leur
attrait en assurant une grande confidentialité. Toutefois, certains
pactes conclus entre actionnaires d'une société cotée, et
donc sur un marché réglementé, sont parfois soumis
à cette obligation de publicité et de déclaration, et non
pas de publication, afin de garantir la transparence du marché. De ce
fait, le législateur impose la publicité des pactes portant sur
des actions de sociétés cotées, mais uniquement dans un
souci de transparence et non dans le but de renforcer l'efficacité des
droits des bénéficiaires. Les pactes peuvent être
insérés dans les statuts de la société, ou alors
peuvent être publiés par le biais de la publicité
légale. L'inscription des clauses relatives aux cessions de titres dans
les statuts leur confère une efficacité supérieure
à celle des pactes extrastatutaires, et ce compte tenu de leur
opposabilité aux associés, à la société et
aux tiers. En effet, les statuts sont opposables de plein droit à la
société et aux tiers du fait de leur dépôt au
registre du commerce et des sociétés. Les pactes d'actionnaires
ont, lorsqu'ils ne sont pas intégrés dans les statuts, une
portée moindre par rapport à celle des dispositions statutaires.
Leur publication aurait donc un effet important concernant
16 La véritable expression est "Accessorium
sequitur rnaturam rei principalis" (l'accessoire suit la nature de la
chose principale)
17
leur opposabilité à l'égard des tiers,
mais les pactes perdraient par là même leur intérêt,
puisque leur caractère confidentiel est leur finalité majeure.
Par ailleurs, la modification des statuts nécessite une procédure
plus lourde que la modification des contrats contenus dans les pactes
d'actionnaires. C'est là que se reflète principalement
l'importance de l'existence d'accords extrastatutaires dont la souplesse et la
discrétion compensent leur inopposabilité aux tiers.
Chapitre 2 : Une liberté contractuelle
encadrée
La force des dispositions statutaires est incontestable.
Toutefois, le recours au pacte d'actionnaires n'est pas chose rare.
Stabilité du capital et de l'actionnariat, contrôle de
l'entreprise ou des modalités de sa transmission, nombreux sont les
avantages offerts par le pacte d'actionnaires, poussant des dirigeants dans le
monde entier à y recourir, assoiffés par l'envie d'atteindre
leurs objectifs, et pour les plus ambitieux d'entre eux, être au summum
de la puissance et de la gloire. Ceci peut se justifier notamment pour de
multiples raisons. Par ailleurs, l'on peut citer leur confidentialité
indéniable, leur périmètre considérablement
distinct des clauses statutaires, leur adaptabilité, la liberté
de décider de leur durée17. Cependant, derrière
tous ces avantages, se cachent certaines difficultés concernant leur
application, relevant d'une part, des limites fixés par le
législateur, et d'autre part, de la pratique, que les dirigeants ne
peuvent ignorer sous peine de nullité. La flexibilité du pacte
d'actionnaires n'est pas sans bornes. Il faudra alors combiner entre la
liberté contractuelle et l'ordre sociétaire.
Par ailleurs, la validité des ces pactes, au regard de
la jurisprudence marocaine, est liée à l'existence d'une juste
contrepartie et leur limitation dans le temps.
Dans ce chapitre, il s'agira d'établir d'une part, les
limites légales, statutaires et pratiques de cette liberté
contractuelle (section 1), et d'autre part, les limites de cette
flexibilité du pacte tant convoitée (section 2).
Section 1 : les limites légales, statutaires et
pratiques
Soucieux de la bonne intégration des pactes
d'actionnaires dans le milieu sociétaire, le législateur marocain
a mis en place un cadre juridique, largement inspirée de la loi
française, permettant de tracer les limites de la liberté
contractuelle accordée aux protagonistes afin de leur garantir une
meilleure application de leurs pactes d'actionnaires, produisant ainsi les
effets recherchés. Cet encadrement juridique fût
17 Voir en ce sens, le pacte d'actionnaires,
www.blog.valoxy.org/pacte-dactionnaires/
18
tout d'abord traduit par des dispositions légales
organisant ainsi la répartition des pouvoirs entre les différents
organes de la société anonyme, et par la mise en place des
aménagements statutaires, qui bénéficient de la
primauté à l'égard de toute autre convention
extrastatutaire allant à leur encontre (Sous-section 1). Des limites
relevant de la pratique ont également su s'imposer (Sous-section 2).
Sous-section 1: les dispositions légales et
statutaires
Le législateur marocain a toujours veillé
à l'organisation de la société en exerçant un
réel contrôle sur tout ce qui pourrait affecter son
fonctionnement, cette intervention découlant essentiellement des valeurs
d'ordre public et d'intérêt général. C'est ainsi que
les engagements pris dans le cadre de l'établissement du pacte
d'actionnaires captent son attention, puisque ce dernier contribue à
résoudre les difficultés que même la loi n'est pas parvenue
à y apporter réponse. Le pacte d'actionnaires ne doit en aucun
cas contenir des engagements contraires à la loi et les statuts. C'est
bien pour cette raison que le législateur se charge de dicter les
principales modalités affectant l'organisation de la
société (I), et confère aux statuts une primauté
incontestable face aux pactes d'actionnaires (II).
I- La primauté de la loi
Les actionnaires ont principalement recours aux pactes
d'actionnaires dans la finalité de répondre à leurs
besoins commerciaux, mais ces objectifs poursuivis par les protagonistes
peuvent se heurter aux dispositions prises par la loi réglementant
l'environnement des affaires.18 En outre, la loi marocaine
prévoit la nullité des stipulations établies par les soins
des actionnaires lorsque celles-ci contraires à la loi (A), comme elle
peut attester de la validité des pactes d'actionnaires, quand rien de
particulier n'est à signaler et que tout semble correct et dans l'ordre
prévu par les dispositions légales (B).
A- Nullité des clauses contenues dans le pacte
d'actionnaires
Les protagonistes élaborent leurs affaires dans un
climat de liberté contractuelle sur un marché ouvert et
réglementé, ce qui nécessite une surveillance pour
recadrer leurs ambitions parfois irraisonnables. D'où l'existence de
l'impossibilité d'inclure
18Mazin Galal Sayed, le pacte d'actionnaires en
droit égyptien sous le prisme du droit français, thèse de
l'université Lumière Lyon 2, soutenue publiquement le 9 mars
2016, p. 37
19
certaines clauses. Cette impossibilité peut d'une part
se justifier par le caractère illicite de certaines stipulations, qui ne
peuvent encore moins être insérées dans les statuts, du
fait de leur prohibition par la loi. Ainsi, toute clause où l'on
pourrait retrouver une stipulation dans le genre ne pourra aucunement donner
lieu à une exécution forcée ou à une quelconque
sanction judiciaire, et entrainera de ce fait la nullité du pacte dans
son intégralité lorsque celle-ci constitue une condition
déterminée ou déterminante, exprimée de
manière tacite ou expresse par les parties.
S'agissant des clauses considérées comme
étant non valables, l'on pourrait citer à titre d'exemple
l'insertion de clauses dans le pacte d'actionnaires interdisant à un
actionnaire possédant des actions à dividende prioritaire sans
droit de vote de participer à l'assemblée spéciale, tel
que le prévoit l'article 26619alinéa 2 de la loi 1795.
Ou encore une clause conférant le droit de modification des statuts dans
toutes leurs dispositions à une personne autre que l'assemblée
générale extraordinaire (Art 110 alinéa 1erde
la même loi20). Il en est de même des clauses qui
stipulent un dividende fixe au profit des actionnaires, à moins que
l'Etat n'accorde aux actions la garantie d'un dividende minimal (Art 331 de la
même loi21). Ces dispositions sont, entre autres, des
dispositions d'ordre public.
B- La validité des pactes d'actionnaires
Bien qu'ayant fait l'objet de plusieurs contestations, les
pactes d'actionnaires sont reconnus par le droit des sociétés
marocain comme étant totalement licites dans la mesure où les
techniques utilisées pour la formation de ceux-ci ne sont guères
nouvelles, telle que par exemple la clause d'agrément et clause de
préemption, ces dernières pouvant être
insérées dans les statuts de la société. Etant
fondées sur le principe de la liberté contractuelle, qui n'est
pas contredit en la matière, le DOC considère ces clauses comme
n'ayant rien de frauduleux.
Cependant, la jurisprudence conditionne la validité de
ces clauses à la réalisation de trois points fondamentaux,
à savoir leur limitation dans le temps, l'existence d'une juste
contrepartie mais également la spécificité du droit
boursier.
19 Article 266 alinéa 2 du Dahir n°1-96-124
portant promulgation de la loi n°17-95 dispose expressément que :
« Tout actionnaire possédant des actions à dividende
prioritaire sans droit de vote peut participer à l'assemblée
spéciale. Toute clause contraire est réputée non
écrite. »
20 Article 110 alinéa 1er du même
Dahir dispose expressément que : « L'assemblée
générale extraordinaire est seule habilitée à
modifier les statuts dans toutes leurs dispositions ; toute clause contraire
est réputée non écrite. Elle ne peut, toutefois, comme il
est dit à l'article premier, augmenter les engagements des actionnaires,
sous réserve des opérations résultant d'un regroupement
d'actions régulièrement effectué, ni changer la
nationalité de la société. »
21 Art. 331 alinéa 5 du même Dahir dispose
expressément que : « Il est interdit de stipuler au profit des
actionnaires un dividende fixe ; toute clause contraire est
réputée non écrite à moins que l'Etat n'accorde aux
actions la garantie d'un dividende minimal. »
20
L'article 257 de la loi 17-95 dispose que les pactes
d'actionnaires peuvent porter sur les conditions de cession des droits sociaux.
En effet, les actions, s'agissant de biens comme les autres, peuvent faire
l'objet de convention extrastatutaire prévoyant un droit de
préemption à tout signataire souhaitant céder ses actions.
Or, ces conventions ne sont valables que s'ils sont soumis à un terme,
ceci s'explique par le fait qu'un actionnaire ne peut renoncer
indéfiniment à son droit de propriété. Toutefois,
ce terme peut faire l'objet de prorogation. La jurisprudence a confirmé
ce principe en reconnaissant comme étant valide la restriction
temporaire de négociabilité d'actions (Cour de cassation
2008).
La licéité de ces clauses est également
liée à l'existence d'une juste contrepartie. Pour Yves Guyon
« l'impossibilité de quitter la société, en raison du
défaut de juste prix offert par le bénéficiaire de la
préemption ou du droit de préférence et en l'absence de
recours à l'expertise » serait une atteinte à la loi,
motivée par le désir de tourner la réglementation ayant un
caractère impérative22.
S'agissant du droit boursier, celui-ci apparait comme
étant incompatible avec le pacte d'actionnaires, compte tenu, d'une
part, de la transparence des sociétés côtés en
bourse et d'autre part, de la confidentialité du pacte. Vient alors se
poser la question spécifique de savoir si la réglementation des
AMMC pourrait considérer le pacte d'actionnaires comme étant non
valide. Il semblerait que la réponse est négative, tout en
constatant l'absence d'une décision relevant de la jurisprudence
marocaine, la jurisprudence française a par ailleurs été
claire sur ce point là. Prenant le cas de COB23 (AMMC au
Maroc), sa mission se limite à la réglementation des
marchés placés sous son contrôle, or, le régime des
pactes d'actionnaires relève du droit des sociétés et du
droit commun mais aucunement d'une question boursière. C'est ainsi que
vouloir proclamer l'invalidité des pactes d'actionnaires dans les
sociétés côtés est liée de façon
prioritaire au bon déroulement d'une OPA. De ce fait, l'interdiction de
techniques telles que le droit de préemption ou de
préférence dans les sociétés côtés
semble aller à l'encontre des principes législatifs et
jurisprudentiels anciens et cohérents, relevant du droit commun des
sociétés, heurtant ainsi le principe de la liberté des
conventions, celui-ci jouant un rôle majeur en la
matière24.
22 Voir en ce sens, Yves Guyon, « droit des affaires :
tome 1, Droit commercial général et sociétés,
2ème édition, Delta.
23 « Commission des opérations de bourse »
organisme français créé en 1967 pour formuler des avis ou
prendre des décisions concernant l'admission des valeurs à la
cote officielle. La COB a été fusionnée en 2003 avec le
Conseil des marchés financiers pour former l'AMF
24Mazin Galal Sayed, op.cit., p.40
21
II- La primauté des statuts et de
l'intérêt social
Il convient à priori de distinguer entre les statuts et
les pactes d'actionnaires, étant donné la divergence des
intérêts poursuivis par chacun d'eux, dans le but d'effectuer les
choix les mieux adaptés aux intérêts des associés et
investisseurs mais également dans l'intérêt de la
société et de ses actionnaires. Les statuts sont chargés
de définir l'objet et les règles de fonctionnement de la
société, considérés à juste titre comme les
actes constitutifs de celle-ci. Les pactes d'actionnaires, de leur part,
s'occupent d'organiser les rapports et relations au sein de la
société sur des questions spécifiques, ils jouent ainsi un
rôle complémentaire aux statuts et ne peuvent contenir une clause
contraire à une disposition statutaire. Ce qui nous poussera à
nous pencher sur les effets que peuvent avoir les statuts sur les pactes
d'actionnaires (A), et de chercher la conséquence de
l'intérêt social sur ces pactes (B).
A- Les effets des statuts sur les pactes d'actionnaires
La supériorité juridique des statuts sur les
pactes d'actionnaires est incontestable. Les statuts étant
antérieurs au pacte, ce dernier est plus récent et exprimerait
mieux la volonté des actionnaires qui ont choisi de leur plein
grès d'y recourir. Par ailleurs, la loi relative aux
sociétés anonyme considère les statuts comme le pilier des
rapports sociétaires et le document fondamental organisant le
fonctionnement de la société. De ce fait, il serait
préférable de prévoir les aménagements de haute
importance dans les statuts plutôt que dans les conventions
extrastatutaires. En effet, dans le cas où une disposition statutaire
contredirait le pacte d'actionnaires, ceci atténuera la force
obligatoire de ce dernier. De même, les statuts qui prévoient une
clause d'agrément dans leur contenu entraineraient la paralysie de la
mise en oeuvre d'un pacte de préférence. Cette
supériorité pourrait également se ressentir au niveau des
sanctions infligées en cas de violation de chacun des statuts et du
pacte d'actionnaires. La violation du pacte entrainerait des sanctions, le plus
souvent, moins rigoureuses que la violation des statuts25. Le DOC
prévoit dans ce cas la condamnation du responsable à des
dommages-intérêts et la résolution du pacte. C'est ainsi
qu'apparait le recours à la société par actions
simplifiée SAS dotée d'une grande souplesse comme étant
une meilleure solution alternative.
25Pascal Julien Saint-Amand et Paul-André
SOREAU, Pacte d'actionnaires et engagements Dutreil, Francis Lefebvre, 2012,
n° 61, p. 12.
22
B- La conséquence de l'intérêt social
sur les pactes d'actionnaires
Les pactes d'actionnaires sont valables dès lors qu'ils
ne vont pas à l'encontre d'une règle d'ordre public, d'une
stipulation statutaire ou encore de l'intérêt social.
L'intérêt social est un concept standard,
à contenu variable. Il s'agit d'une règle déontologique,
d'un impératif de conduite qui imposerait de se soumettre à un
intérêt qui serait supérieur à son
intérêt personnel. Il est qualifié à juste titre
comme « la boussole des dirigeants »26. Celui-ci n'a pas
de définition légale et est laissé à
l'appréciation des juges, en fonction de la nature du litige, du fait de
la méfiance du législateur envers l'existence d'un standard
juridique permettant au juge d'apporter de la souplesse au droit des
sociétés. La protection de la société et de ses
différents composants a conduit la jurisprudence à imposer le
respect de cette notion, même en l'absence de textes précis,
notamment dans le cas où un acte pris au nom de la société
représente une menace ou au contraire, favorise son bon fonctionnement.
Cependant, l'intérêt social, étant l'intérêt
de la société, ne peut se dissocier de l'intérêt des
associés. Ces derniers souhaitant profiter des avantages qu'offre leur
structure, qui dispose d'une personnalité morale distincte de la leur.
Les intérêts sociaux et ceux des associés sont en
réalité complémentaires. C'est ainsi que lors de la
formation des pactes d'actionnaires, il est tout aussi bénéfique
pour les actionnaires de prendre en compte de l'intérêt social,
puisque l'objectif poursuivi n'est autre que le bon fonctionnement de la
société cible et celui du secteur économique de
l'état27.
Sous-section 2 : les limites pratiques
La liberté contractuelle accordée aux parties
est non seulement tenue de respecter le cadre légal et statutaire
fixé par le législateur, mais elle est également
subordonnée aux rapports existants entre les parties. Le terme «
pratique » renvoie spécifiquement à la pratique
adoptée par les protagonistes dans le monde des affaires, étant
donné l'impact direct que ces éléments peuvent avoir sur
la forme et la nature du pacte d'actionnaires. En effet, certains
éléments peuvent concerner le pacte en lui-même, d'autres
relèvent plutôt de l'identité des parties et des relations
personnels, professionnels ou même statutaires au sein de la
société concernée28. C'est ainsi que la
protection du contenu de ces types d'accord nous parait indispensable, visant
à assurer la confidentialité de ces derniers (I), en tenant
compte du caractère d'intuitu personae du cocontractant (II) , dans le
but de garantir leur bonne application et de veiller à ce qu'ils
remplissent les objectifs poursuivis par les signataires.
26 Voir en ce sens, l'intérêt social en droit
marocain,
https://www.pimido.com/droit-public-et-prive/droit-international/dissertation/interet-social-droit-marocain-80096.html
27 Dominique SCHMIDT, « De l'intérêt social
», JCP E 1995, I, n° 488 28MazinGalal Sayed,
op.cit., p.85
23
I- La confidentialité des pactes
d'actionnaires
Ayant un caractère confidentiel, le pacte
d'actionnaires présente un avantage considérable par rapport aux
statuts, incitant divers acteurs du monde des affaires à y recourir,
exception faite des sociétés cotées en bourse. En outre le
secret des affaires est le pilier même du bon fonctionnement de la
société. La divulgation d'une information quelque soit sa nature
peut avoir de lourdes conséquences sur la continuation de cette
dernière. Ce qui explique le choix des protagonistes de recourir
à la confidentialité de leurs intérêts communs,
contrairement aux statuts qui doivent faire l'objet d'une publication. Notons
aussi que le pacte peut être inséré dans les statuts ou
bien figurer dans un document annexe, comme il peut ne concerner que certains
actionnaires, dans ce cas les autres associés n'en n'auront aucune
connaissance.
Cependant, le choix entre pacte statutaire ou extrastatutaire
peut parfois s'avérer délicat, d'où la
nécessité pour les protagonistes de peser les avantages de chacun
des statuts (A) et des pactes d'actionnaires (B) en fonction de leurs attentes
de confidentialité.
A- L'avantage des statuts sur la confidentialité des
pactes d'actionnaires
Depuis la création de la société, les
statuts sont considérés comme l'élément clés
donnant naissance à la personnalité morale lui permettant d'agir
et de s'engager envers des tiers. Ces derniers sont régis par un
formalisme très précis et doivent faire l'objet de publication
permettant à tout tiers d'en prendre connaissance et dissuadant toute
personne de transgresser les règles qu'ils contiennent, ce qui renforce
d'avantage leur efficacité. Ceci n'est pas requis pour le pacte
d'actionnaires qui échappe à l'obligation de publication, sauf
pour les sociétés faisant appel public à l'épargne,
qui sont tenus de rendre publics leurs pactes d'actionnaires. Or au Maroc, et
en l'absence d'une liste limitative des journaux d'annonces légales,
tous les titres de presse peuvent remplir valablement cette
formalité29. Les dispositions statutaires définissent
l'ensemble des règles de fonctionnement de la société
opposables aux tiers et auxquelles aucun actionnaire n'est en droit d'y
déroger. La violation des statuts est en effet punie de manière
sévère, contrairement aux pactes d'actionnaires, ce qui assure la
sécurité des statuts, entrainant la nullité dès
qu'il y a violation d'une règle impérative de droit. Comme nous
l'avons vu précédemment, les pactes d'actionnaires ne peuvent
contredire une disposition statutaire, cette dernière prévale
toujours. Toutefois, les protagonistes souhaitant agir en secret et à
l'abri des
29 Voir en ce sens,
www.lavieeco.com/news/argent/tout-savoir-sur-les-pactes-dactionnaires-et-leurs-clauses-12195.html
24
regards, manifestent une préférence
évidente pour les pactes extrastatutaires notamment lorsque ceux-ci ne
concernent que les parties signataires, en dépit de la
sécurité et l'efficacité sûre des
statuts30. Le développement de la société
requiert parfois la prise de risques et leur maitrise, ce qui peut donner lieu
à des avantages décisifs.
B- L'avantage des pactes d'actionnaires confidentiels sur
les statuts
Le principal attrait des pactes d'actionnaires réside
dans leur confidentialité. Le recours à ces conventions
extrastatutaires peut se justifier soit par le fait que ces derniers ce
concernent que les partie signataires, d'où l'inutilité de
communiquer ces stipulations aux tiers non concernés, ou simplement dans
une perspective purement stratégique31. En effet, la
communication d'informations relatives aux transactions conclues
contractuellement pourrait entrainer une baisse de richesse32.
Toutefois, cet avantage ne concerne pas les sociétés
cotées en bourse. Par ailleurs, ce caractère confidentiel peut
aller à l'encontre du principe de la transparence des relations
commerciales et professionnelles pour lequel la loi n°06-99 a
consacré tout un chapitre33, d'où la
nécessité de l'intervention du législateur afin d'accorder
d'une part, l'intérêt des parties de recourir à la
confidentialité dans leurs affaires, et le besoin de transparence du
marché. Ainsi, par application du principe de la transparence des
marchés réglementés au Maroc, à l'instar d'autres
pays comme la France, les protagonistes ont l'obligation de fournir les
informations de leurs accords à l'autorité marocaine des
marchés de capitaux afin de contrôler les principes permettant le
bon fonctionnement du marché de capitaux ainsi que le respect de l'ordre
public Ainsi, comme l'autorité des marchés financiers en France,
l'AMMC34 maintient le secret des parties signataires et ne menace
pas de divulguer les accords des parties mais en informe uniquement le
marché à travers un résumé sans détails,
dans le seul but de veiller à la transparence et la bonne gouvernance
des échanges. En dépit des avantages que présentent les
statuts, les protagonistes préfèrent dans la majorité des
cas préserver la confidentialité de leurs accords d'où
leur recours aux pactes d'actionnaires, ces derniers n'ayant pas à
être déposés et ne sont donc pas consultables par des tiers
ni par les actionnaires non signataires. Cependant, lorsque
30 Voir en ce sens,
www.lettredesreseaux.com/P-1089-485-A1-l-efficacite-des-pactes-d-actionnaires.html
31 Olympe Dexant - De Bailliencourt, « Les pactes
d'actionnaires dans les sociétés cotées »,
Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de thèse, Volume
115, p 78.
32 La divulgation de la liste de la clientèle d'un fond
de commerce ou d'une société, du savoir-faire, des lieux
d'implantations ainsi que du réseau commercial permettrait d'augmenter
le nombre de concurrents dans un domaine particulier, lié à
l'activité visée, ce qui mènera à la perte de parts
de marché.
33 Dahir n°1-00-225 (2 rabii I 1421) portant promulgation
de la Loi n° 06-99 dans son « Chapitre II » sur la
liberté des prix et de la concurrence.
34 En tant qu'autorité de régulation des
marchés de capitaux, le CDVM a été institué par le
Dahir portant loi n° 193-212. L'Autorité marocaine du marché
des capitaux ou AMMC se substitue au Conseil Déontologique des Valeurs
Mobilières ou CDVM avec un périmètre plus large et une
indépendance plus forte par rapport au pouvoir politique
25
ceux-ci sont intégrés aux statuts, ils perdent
par là tout leur intérêt et sont de ce fait opposables aux
tiers.
II-Le recours à l'intuitu personae
Les pactes d'actionnaires ont permis d'introduire dans les
sociétés par actions une certaine dose d'intuitu personae, qui
à l'origine est absent dans cette forme de sociétés. Cet
intuitu personae peut-être qualifié de négatif en raison
notamment de l'expression qu'il représente de la volonté des
actionnaires d'en écarter d'autres jugés indésirables au
regard des intérêts égoïstes poursuivis par les
auteurs du pacte ou encore, en raison de l'inutilité de leur
présence au lieu d'attirer d'autres actionnaires pour leurs
qualités majeures.35Ceci transforme le pacte en un
véritable « instrument de domination et de confiscation du
pouvoir ».36Ainsi, les pactes d'actionnaires viseraient
à priori la satisfaction des intérêts individuels et
particuliers de certaines catégories d'actionnaires, signataires de ces
pactes, et sont donc bien loin de la poursuite de l'intérêt commun
des actionnaires qui anime les statuts de la société. Par
ailleurs, cela ne signifie aucunement que les pactes d'actionnaires seraient
incompatibles avec les finalités des statuts. Au contraire, ces pactes
permettent avant tout d'instaurer « un équilibre entre les
différents intérêts des acteurs qui font vivre la
société ».37 Il existe diverses natures de
l'intuitu personae, et ce, en fonction de l'intérêt poursuivis par
les signataires à travers le pacte d'actionnaires (A). Cet intuitu
personae peut également revêtir diverses formes (B).
A- La diversité de la nature de l'intuitu
personae
La pratique démontre, en effet, que la plupart des
pactes d'actionnaires ne s'appliquent qu'à certains actionnaires,
contrairement aux statuts qui lient l'ensemble des actionnaires, d'où
l'existence d'un fort intuitu personae entre les signataires. Certes, cette
analyse ne concerne pas tous les pactes conclus, mais les conventions
fondées sur la base de cet aspect sont bien répandues. Dans les
sociétés de capitaux, plus spécifiquement les
sociétés anonymes, l'intuitu personae peut être juridique
pour tenir compte de la personne cocontractante, soit son identité
juridique et administrative, ou financier pour la solvabilité de cet
actionnaire, stratégique pour l'appartenance du signataire à un
certain groupe financier ou l'unification de la vision en détenant le
contrôle de la société cible, industriel pour le
savoir-faire et enfin commercial concernant l'aptitude commerciale et le
réseau du cocontractant38. A titre d'exemple, le pacte
d'actionnaires peut, dans certains cas, définir de manière
précise les organes collégiaux prévus par la loi, comme le
casdu
35V. Cuisinier, « L'affectio societatis »,
n°551, renvoyant à M. Contamine-Raynaud, L'intuitu personae dans
les contrats, thèse Paris, 1974, n°180.
36 V. Cuisinier, op. cit., n°551
37 V. Cuisinier, op. cit., n°552
38 Jean Marc MOUSSERON, Technique contractuelle, Francis
Lefebvre, 3e édition, 2005, Édition par Pierre MOUSSERON, Jacques
RAYNARD et Jean-Baptiste SEUBE, n° 1186, p. 458.
26
conseil d'administration, du directoire ou du conseil de
surveillance dans les SA, ou mis en place de manière spontanée
par les signataires du pacte dans le but de soumettre les représentants
sociaux, pour des mesures sortant de la gestion quotidienne, à une
codécision ou une concertation. Ce contrôle peut intervenir de
manières diverses, soit par la mise en place d'un organe
collégial de surveillance, soit l'extension du champ de
compétences des assemblées générales des
associés par rapport aux dispositions légales. Ce recours peut
intervenir aussi afin de renforcer des droits de vote des investisseurs ou
autres associés minoritaires aux assemblées, cela en augmentant
le nombre de voix et en institutionnalisant le droit de veto pour certaines
décisions, ou enfin en approfondissant les droits d'information
prévus par la loi. Le cumul de ces mesures n'est pas interdit, dans la
mesure où tous interviennent dans le but d'organiser le cadre
organisationnel de la société39.
B- La diversité des formes de l'intuitu personae
En ce qui concerne la mise en forme du principe de l'intuitu
personae, plus spécifiquement son emplacement dans les pactes
extrastatutaires élaborés par les protagonistes afin de
régir leur relation, celui ci peut-être inséré sous
diverses rédactions comme il peut prendre plusieurs formes dans le dit
contrat. Dans certains cas, l'intuitu personae peut-être
précisé de manière explicite où il sera
souligné de manière claire et non équivoque par les
parties, dans d'autres, il sera intégré de façon
implicite, où l'on pourra constater le principe à partir des
éléments entourant le pacte d'actionnaires conclu, tels que les
pourparlers, les avant-contrats, les dispositions du contrat ou même les
échanges entre les parties. Concernant sa place dans le contrat,
l'intuitu personae peut figurer dans le préambule, afin de permettre la
compréhension de l'intérêt poursuivi par les parties et
leurs objectifs les menant à conclure le contrat, ou dans le corps du
pacte sous forme de clause. Cette dernière peut également prendre
la forme d'une clause d'intuitu personae en prenant compte de la personne de
chaque partie signataire ou encore sous forme de clause classique venant pour
définir les conditions de sorties de l'engagement
conclu40.
Section 2 : L'intérêt du pacte
d'actionnaires lors de la constitution de la SA
Les pactes d'actionnaires disposent de caractéristiques
propres qui les différencient des statuts de la société et
explique le choix entrepris par les actionnaires d'y recourir. En effet, le
régime du pacte exhale la liberté contractuelle, ce qui offre
une
certaine souplesse et flexibilité aux actionnaires,
tant au niveau de son établissement et sa transmission, qu'au niveau
de sa modification (sous-section première). Toutefois, bien qu'il soit
fondamentalement distinct des statuts, ceci
39 Sophie SCHILLER, « Les limites de la liberté
contractuelle en droit des sociétés », Tome 378,
LGDJ, 2002, n° 752.
40 Jean Marc Mousseron, Technique contractuelle,
Francis Lefebvre, 3e édition 2005, Édition par Pierre MOUSSERON,
Jacques RAYNARD, Jean-Baptiste SEUBE, n° 119, p. 66-67
27
n'empêche pas le fait qu'il reste dans la
dépendance de ces derniers (sous-section deuxième).
Sous-section 1 : un domaine ajustable et
évolutif
Comme tout contrat, le pacte d'actionnaires est avant tout
l'expression de l'autonomie de la volonté de ses parties signataires. La
jurisprudence admet, en effet, leur validité, en l'absence de toute
disposition légale expresse, dans le principe même de leur
existence, au nom de la liberté contractuelle. Le pacte d'actionnaires
est donc un outil sur mesure, dont les dispositions sont librement
négociables et ajustables, dans la limite de l'ordre public et selon
l'habilité de leur auteur, aux besoins spécifiques de leurs
signataires. Le pacte d'actionnaires a ainsi un domaine ajustable (I). En
outre, son contenu est susceptible d'être modifié simplement par
le commun accord des signataires, tenant compte de l'évolution de leurs
besoins (II).
I- Le pacte d'actionnaires : un domaine ajustable
Le pacte d'actionnaires est un contrat qui suppose la
réunion de deux actionnaires au moins. Sa souplesse le distingue
principalement des statuts, permettant ainsi d'individualiser l'accord de
façon à ce qu'il ne concerne que certains actionnaires,
c'est-à-dire ceux qui sont concernés par l'objet du pacte (A).
Notons aussi que dans le cas où un actionnaire venait
à se retirer de la société en cédant ses titres, il
est permis d'écarter l'effet relatif du pacte de manière assez
souple, en organisant, dans le respect des dispositions du droit commun
énumérées par le DOC, la transmission du pacte au
cessionnaire des titres (B).
A- La souplesse quant aux parties contractantes
Les pactes d'actionnaires sont des accords qui ont vocation,
dans la majorité des cas, à ne concerner que certains
actionnaires, soit en mettant à leur charge des obligations
particulières, soit, au contraire, en les faisant
bénéficier de certains droits41.
Le plus souvent, ces pactes sont conclus entre les
actionnaires majoritaires de la société afin d'assurer la
stabilité de l'actionnariat et des dirigeants. La pratique a
assisté à l'émergence, depuis de nombreuses années,
des pactes contractés par des actionnaires majoritaires au profit
d'actionnaires minoritaires, notamment des
41 Caroline Leroy, Op.cit. , page 39
28
sociétés de capital-investissement, lesquels
exigent des dirigeants majoritaires, comme condition de leur apport financier,
un aménagement de leurs conditions de sortie42. Les pactes
d'actionnaires introduisent, comme on a pu le voir précédemment,
une certaine forme d'intuitu personae absente à l'origine dans la
société anonyme et qui tient au fait que ces pactes ont pour
finalité la satisfaction d'intérêts particuliers. Le
domaine du pacte d'actionnaires est particulièrement ajustable dans la
mesure où ce dernier n'a d'effet qu'à l'égard des
actionnaires qui, d'un commun accord, ont décidé de se lier par
un contrat extrastatutaire dans la finalité de poursuivre une certaine
tactique. Ainsi, seules les parties signataires sont tenues par la convention
pour une durée n'excédant pas la durée de leur
participation dans la société mais qui peut également
être plus courte. Ceci entraine, par ailleurs, une certaine
instabilité du pacte d'actionnaires, qui ne se transmet pas de plein
droit aux cessionnaires de titres. Il est ajustable en ce sens aussi qu'il
permet aux signataires de décider conventionnellement de transmettre le
pacte aux cessionnaires de leurs titres avec pour objectif de garantir une
meilleure pérennité de cet accord.
B- La souplesse quant à la transmission du pacte
La cession d'actions dans la société anonyme est
soumise à des règles assez souples contrairement à
d'autres formes de sociétés telles que la société
à responsabilité limitée.43Ceci n'écarte
pas, par ailleurs, la possibilité pour les statuts de prévoir des
conditions plus strictes. C'est ainsi qu'au décès d'un
actionnaire, auteur du pacte d'actionnaires, aux termes de l'article 229 du
DOC, les ayants cause à titre universel44, devenus alors
actionnaires, seront tenus par celui-ci, sauf disposition contraire, ou
à démontrer le caractère strictement personnel des
engagements souscrits par leur auteur dans le pacte. Les promesses de vente et
pactes de préférence ou de préemption, seraient alors
transmissibles à moins qu'ils ne soient conclus en tenant compte de la
personne du cocontractant et comportent donc une certaine dose d'intuitu
personae. Certes, cette dose ne serait pas toujours suffisante pour permettre
l'échec du principe de la continuation de la personne. Si le principe
d'effet relatif45, tel que prévu à l'article 228 du
DOC, des conventions exclut que le pacte engage ou bénéficie aux
cessionnaires des actions détenues par l'un des partenaires, les
signataires du pacte sont, par ailleurs, libres d'organiser
42 Sur cette question, voir J-J. Daigre, « Pactes
d'actionnaires et capital-risque », « Pacte d'actionnaires et
capital-risque : Typologie et appréciation »,
Bull. Joly, 1993, p. 157 et s. et infra, Partie I, Titre 2, Chap.
2,
Sect° 2, § 2.
43Dahir n°1-96-124 (14 RABII II 1417)
portant promulgation de la loi 17-95 relative aux sociétés
anonymes (Modifié et complété par les lois 81-99, 23-01,
20-05, 78-12)
44 Les ayant cause à titre universel ou universel sont
les personnes qui recueillant la totalité ou une partie du patrimoine
Selon l'article 229 du DOC : « Les obligations ont effet, non
seulement entre les parties, mais aussi entre leurs héritiers ou ayant
cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne
résulte de la nature de l'obligation ou de la loi. Les héritiers
ne sont tenus toutefois que jusqu'à concurrence des forces
héréditaires et proportionnellement à l'émolument
de chacun d'eux. Lorsque les héritiers refusent d'accepter la
succession, ils ne peuvent y être contraints et ils ne sont nullement
tenus des dettes héréditaires : les créanciers ne peuvent,
dans ce cas, que poursuivre leurs droits contre la succession ». Pour
plus de précisions, voir le nouveau code de la famille Titre IX de la
liquidation de la succession : arts. 373 à 395).
45Article 228 du DOCK Les obligations
n'engagent que ceux qui ont été partie à l'acte : elles ne
nuisent point au tiers et elles ne leur profitent que dans les cas
exprimés par la loi ».
29
conventionnellement une telle transmission du pacte. La clause
dite de «sortie» ou de «ratification du pacte», aux termes
de laquelle les partenaires s'engagent à ne céder leurs actions
qu'au profit d'une personne ayant expressément adhéré aux
dispositions du pacte, en ce que ces dernières s'appliquent aux titres
cédés, laquelle personne sera alors substituée dans les
droits et obligations que son auteur tenait du pacte, peut prendre plusieurs
formes. Selon que ce sont des droits ou des obligations qui sont transmises, on
recourt aux procédés de la promesse de porte fort46,
de la condition suspensive ou de la stipulation pour autrui47, telle
qu'autorisée par l'article 34 du DOC.
II- Le pacte d'actionnaires : un contenu
évolutif
Le pacte d'actionnaires donne la possibilité aux
partenaires de convenir les termes de leur convention et de modifier cette
dernière dans un cadre relativement souple et d'une façon des
plus simples, à savoir leur commun accord, compte tenu de
l'évolution de leurs besoins.
En effet, la procédure de modification du pacte
d'actionnaires se fait de manière moins formaliste que celle requise
pour la modification des statuts (A). Cependant, celle-ci est susceptible
d'entrainer une précarité de la dite convention notamment lorsque
les dispositions de cette dernière semblent ne plus assouvir les besoins
des partenaires et que ces derniers n'arrivent plus à se mettre d'accord
(B).
A- L'absence de formalisme pour la modification du
pacte
La nature purement consensuelle du pacte d'actionnaires fait
que les stipulations de ce contrat peuvent être rectifiées ou
supprimées ainsi que la possibilité d'ajout de nouvelles clauses,
dans les mêmes conditions que celles prévues pour la formation du
contrat48, à savoir l'unanimité. Cependant, cette
souplesse contraste avec le formalisme lourd imposé en droit des
sociétés pour la modification des statuts. En effet, dans les
sociétés anonymes, il convient de réunir une
assemblée générale extraordinaire, dans des conditions
précises concernant la convocation, les délais, le quorum et la
majorité, conformément à l'article 110 de la loi
n°20-0549. La procédure de modification des pactes
d'actionnaires, qui requière l'accord unanime de tous les signataires
pour la modification du pacte extrastatutaire paraît donc plus simple,
et
46 La promesse de porte-fort constitue une sûreté
personnelle qui n'est ni accessoire ni autonome mais indemnitaire, rôle
que la lettre de l'article 1120 du code civil français ne lui interdit
nullement de jouer. En droit marocain, n'étant pas consacrée par
le code civil, la promesse de porte-fort reste une question de la
liberté contractuelle des parties
47« Article 34 » du DOC:«
Néanmoins, on peut stipuler au profit d'un tiers, même
indéterminé, lors que telle est la cause d'une convention
à titre onéreux que l'on fait soi-même ou d'une
libéralité qu'on fait au promettant».
48 Article 2 du DOC.
49 Article 110 (Complété par l'article 1er de la
loi n° 20-05 promulguée par le dahir n° 1-08-18 du 23 mai 2008
- 17 joumada I 1429 ; B.O. n° 5640 du 19 juin 2008) dispose
expressément : « L'assemblée générale
extraordinaire est seule habilitée à modifier les statuts dans
toutes leurs dispositions... »
30
bien moins contraignante que la procédure de
modification des statuts de sociétés anonymes, laquelle, outre
son formalisme, suppose de recueillir l'avis d'un beaucoup plus grand nombre
d'actionnaires qui, on sait, ne se sentent pas tous vraiment concernés
par la conduite des affaires dans la société .Toutefois, Cette
procédure est relativement contraignante sur le fond en ce sens qu'elle
conduit inévitablement à une situation de blocage si jamais les
partenaires n'arrivent pas à s'entendre sur les modifications à
apporter au pacte, qui sont pourtant jugées nécessaires
permettant l'évolution de la conjoncture et de l'environnement
extérieur. Les pactes d'actionnaires ne seraient pas alors
adaptés pour régir des relations qui sont amenées à
perdurer dans le temps, à l'opposé des statuts, qui eux
bénéficient d'une permanence tout au long de la vie de la
société.
B- L'atténuation contractuelle de la
précarité du pacte
Le pacte d'actionnaires est un outil ajustable et
malléable, suivant l'évolution des besoins des signataires, par
des modifications de faible ampleur. Cependant, celui-ci survit difficilement,
en revanche, à un changement trop radical par rapport à la
configuration dans laquelle les partenaires se trouvaient au moment de sa
conclusion. C'est ainsi que, plus la durée prévue pour
l'application du pacte est longue et plus le risque est important qu'il se
produise un changement d'envergure ayant la fâcheuse conséquence
d'enfermer les partenaires dans un pacte qui ne leur convient plus mais que ces
derniers n'arrivent pas à modifier ni même à
résilier d'un commun accord. Il est fortement recommandé alors,
d'encadrer l'application du pacte dans une durée relativement
limitée, tout en ménageant la possibilité pour les
partenaires de faire perdurer leur accord au moyen d'une clause de prorogation
ou de tacite reconduction. La fixation de la durée du pacte est une
question assez sensible qui doit être requière d'être
étudiée avec précaution, étant donné qu'elle
conditionne l'efficacité du pacte qui peut être directement
influencée. Les avantages de souplesse et plasticité du pacte
d'actionnaires révèleraient ainsi leurs limites, dans le cas
où l'unanimité n'est pas réunie pour modifier voire
même résilier le pacte,les partenaires se trouvent ainsi
prisonniers de cet accord qui n'est plus adapté à la nouvelle
situation.
Sous-section 2 : Dépendance du pacte d'actionnaires
au contrat de société
Le pacte d'actionnaires est sous la dépendance du
contrat de société, en ce sens que le principal commande à
la fois l'existence et les dimensions de l'accessoire50, ce qui
correspond à la forme accessoire du pacte aux statuts. Cette
dépendance se ressent à deux niveaux, à savoir d'une part,
le fait que le pacte d'actionnaire ne peut fondamentalement exister en dehors
de l'existence du contrat de société, lui même, et les
actionnaires signataires du pacte sont parties à ce contrat (I). D'autre
part, le pacte d'actionnaire ne peut contredire ni concurrencer les statuts,
son contenu se trouve alors limité par les dispositions statutaires
(II).
50 Voir G. Goubeaux, La règle de l'accessoire en droit
privé, LGDJ, T. 93, 1969, n°40 et s.
31
I- Une existence dépendante
Le pacte d'actionnaires ne peut exister sans le contrat de
société. Ceci caractérise essentiellement la dimension
d'accessoire dans le rapport juridique dans lequel se place le premier à
l'égard du second51. En effet, la transformation du contrat
de société a une forte influence sur le pacte en ce sens qu'elle
pourrait mettre en jeu sa survie(A).
Il semblerait, par ailleurs, que le pacte d'actionnaires ne
survit pas en cas de perte de la qualité d'actionnaire d'un partenaire
(B).
A- Influence de la transformation du contrat de
société sur le pacte
La disparition du contrat de société
entrainerait nécessairement celle du pacte d'actionnaires. Quelle que
soit la cause de la dissolution de la société, extinction
à la suite de l'arrivée du terme du contrat de
société, ou par la réalisation de l'objet social,
nullité pour vice de formation, ou toute autre cause. Notons que pour le
Professeur Moury « un pacte extrastatutaire n'a de réalité
que dans la dépendance d'une autre convention à laquelle s'adosse
obligatoirement, le contrat de société »52. Cette
caducité peut s'expliquer à travers l'hypothèse selon
laquelle le contrat régulièrement formé à l'origine
vient à perdre, au cours de son exécution, l'un de ses
éléments essentiels53. Rappelons que,
conformément aux dispositions du droit commun, le pacte est
considéré comme conclu pour une durée
indéterminée avec la conséquence, déjà
évoquée, que chaque partenaire dispose, à tout moment, de
la faculté d'ordre public de dénoncer unilatéralement, en
l'absence de précision expresse d'une durée
déterminée dans un pacte d'actionnaires, ou que cette
durée ne peut être déduite d'éléments
précis et concrets exprimant clairement la volonté des
partenaires54. L'enjeu serait alors la force obligatoire du pacte
d'actionnaires dans le temps. Les éventuelles causes de caducité
proviendraient souvent de l'évolution inhérente au contrat de
société, l'on pourrait citer à titre d'exemple
l'introduction de la société en bourse, l'émergence d'un
conflit entre les actionnaires constituant un handicap pour la gestion de la
société, le redressement judiciaire de cette dernière, ou
la modification du seuil de participation dans la société d'un
actionnaire. Ce lien de dépendance se manifeste notamment par la
disparition du pacte dans le cas où les actions cesseraient d'exister de
façon temporaire, il en est de même de leur transformation ou de
la transformation de la société.
51 « L'extinction de l'obligation principale
entraîne aussi l'extinction du cautionnement, puisqu'il est de la nature
des choses accessoires de ne pouvoir subsister sans la chose principale
», Pothier par J.-J. Bugnet, OEuvres de Pothier annotées et
mises en corrélation avec le Code civil et la législation
actuelle, Paris, Cosse Delamotte et Videcocq, 1848, Tome II n°377.
52 J Moury, « Remarques sur la qualification,
quant à leur durée, des pactes d'associés »,
commentaire sous Cour d'appel de Paris 15 décembre 2006, ci-après
cité, D., 2007, p. 2045, n°10.
53 A. Bénabent, Droit civil - Les obligations,
Montchrestien, 11ème éd., 2007, n°201.
54 Y. Guyon, Traité des contrats - Les
sociétés, aménagements statutaires et conventions entre
associés, n°202.
32
B- Influence de la perte de la qualité d'actionnaire
sur le pacte
Le pacte d'actionnaires ne survit pas à la perte de la
qualité d'actionnaire d'un partenaire. Cette perte est susceptible
d'intervenir dans différentes circonstances. Cet évènement
peut tout d'abord se réaliser suite à l'extinction du contrat de
société, ce qui entrainerait, comme nous venons de le citer la
caducité automatique du pacte. L'on pourrait citer également la
probabilité selon laquelle la personne-même de l'actionnaire
venait à disparaitre, qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale.
Cependant, l'extinction du pacte qui pourrait en résulter, pas toujours
de façon immédiate, constitue avant tout un effet propre de la
disparition du signataire du pacte et extérieur au lien de
dépendance du pacte au contrat de société.
L'hypothèse de la perte de la qualité d'actionnaire ou encore de
la cession des actions est celle qui retient particulièrement notre
attention. La perte de la qualité d'actionnaire qui résulte de la
cession des actions de l'un des partenaires, entraîne la disparition du
pacte, sauf dans le cas d'une organisation conventionnelle de la transmission
du pacte au cessionnaire. La préservation de la qualité
d'actionnaire est en effet un élément essentiel qui conditionne
l'existence même du pacte. La portée de cette disparition
dépend, par ailleurs, du nombre de partenaires signataires du pacte et
du nombre de titres cédés. C'est ainsi que lorsqu'un pacte est
conclu entre deux actionnaires et que l'un d'entre eux perd sa qualité
d'actionnaire par la cession de la totalité des actions qu'il
détient, le pacte disparaît. En revanche, si dans ce même
pacte, l'un des actionnaires ne cède qu'une partie de ses actions, le
pacte disparait en ce qu'il porte sur les actions cédées mais
survit en ce qu'ilporte sur les actions demeurant la propriété du
partenaire cédant.55
II- Un contenu dépendant
La dépendance des dispositions du pacte d'actionnaires
au contrat de société est indéniable, ceci se justifie
notamment par le fait qu'elles soient soumises à la
«prééminence des statuts, par hypothèse conformes
à la loi»56. En effet, en cas d'incohérence ou de
contradiction entre le pacte d'actionnaires et les statuts, ces derniers
surpassent les dispositions du pacte et les dominent. C'est ainsi que le
contenu du pacte d'actionnaires se retrouve encadré par le domaine
réservé aux statuts (A). Les stipulations statutaires auraient
alors une emprise directe sur le contenu de la convention extrastatutaire
(B).
55Caroline Leroy, Op.cit, p.61.
56 Y. Guyon, Traité des contrats - Les
sociétés, aménagements statutaires et conventions entre
associés,
LGDJ, 5ème éd., 2002, n°286. On parle
également de « primauté des statuts », D.
Velardocchio-Flores, Les accords extrastatutaires entre
associés, PUAM, 1993, n°250 et s.
A- 33
Un contenu encadré par le domaine
réservé aux statuts
L'existence d'un domaine propre aux dispositions statutaires
et exclusivement dédié à ces dernières, ne pouvant
être pénétré par les pactes d'actionnaires, est
inébranlable. Cependant, la délimitation de ce bloc
réservé aux statuts est parfois délicate. Les statuts
peuvent être assimilés à un noyau dur à
géométrie variable, avec, en son coeur les mentions obligatoires
visées aux articles 2 et 12de la loi 17-95 relatives aux
sociétés anonymes. Ce noyau dur est par ailleurs élargi
par la loi qui prévoit des dispositions supplétives
légales qui doivent impérativement être stipulées
dans les statuts. Doivent être inclus dans cette catégorie les
articles comportant les expressions suivantes : « sauf dispositions
contraires des statuts », « sauf stipulations contraires des statuts
», « à moins que les statuts ne prévoient »,
« les statuts peuvent prévoir »..., laissons ainsi aux
actionnaires un espace de liberté pour arranger les
problématiques qu'elles traitent. Nous pouvons citer à cet
égard l'article 50 de la loi 17-9557relatif au renforcement
de la majorité requise pour les délibérations du conseil
d'administration. Toutefois, il existe une incertitude quant à
l'appartenance exclusive du domaine réservé à ces
dispositions supplétives. Ainsi, vient se poser la question de savoir si
ces aménagements peuvent faire l'objet de pactes extrastatutaires. La
réponse reste douteuse en droit positif. Une interprétation
stricte du texte mènerait à conclure que ces aménagements
relèvent de l'appréhension exclusive des statuts.
Néanmoins, les textes n'excluent pas expressément un
aménagement extrastatutaire des dispositions supplétives
légales. Il est irréfutable que l'impératif de
sécurité juridique nous dicte de retenir la première
proposition58,mais cela équivaut à se priver des
nombreux avantages qu'offrent les pactes d'actionnaires.
B- L'emprise des stipulations statutaires sur le
contenu du pacte d'actionnaires
Le conflit entre les dispositions statutaires et les
stipulations du pacte d'actionnaires, peut-être qualifié de
complexe. Dès lors que les statuts sont d'essences collective s'imposant
ainsi à tous les actionnaires, il nous paraît légitime
qu'ils ne puissent être contredits par des dispositions prises
individuellement par certains actionnaires. Mais la solution aurait-elle
été identique si le pacte d'actionnaires avait été
conclu ultérieurement à l'adoption de la résolution
sociale litigieuse ? Telle est la question. Il en va différemment,
évidemment, dans le cas où le pacte d'actionnaires serait
compatible avec les dispositions statutaires venant restreindre la libre
négociabilité des actions. Si, l'on peut regretter, avec le
Professeur Le Cannu, que le contenu de ces dispositions statutaires et
extrastatutaires ne soit pas plus détaillé59, il faut
admettre qu'il est assez courant qu'un pacte de préférence vienne
se superposer à
57« Article 50 » de la loi 17-95
alinéa 4 : « Les statuts peuvent prévoir que sont
réputés présents, pour le calcul du quorum et de la
majorité, les administrateurs qui participent à la réunion
du conseil d'administration par les moyens de visioconférence ou moyens
équivalents permettant leur identification... ».
58 Marie-Christine MONSALLIER, « L'aménagement
contractuel du fonctionnement de la société anonyme »,
LGDJ 1998, T. 303, n°85 .
59 P. Le Cannu, « Le règlement intérieur des
sociétés », Bull. Joly, 1986, p. 723, n°19
34
une clause d'agrément statutaire. Le pacte de
préférence s'applique alors en premier lieu puis, peu important
que le bénéficiaire ait exercé ou non son droit, la
procédure d'agrément est ensuite mise en oeuvre. La subordination
hiérarchique des pactes d'actionnaires à l'égard des
statuts n'exclut donc pas, comme on l'a précédemment cité,
une éventuelle autonomie du pacte relatif aux cessions d'actions, pour
lequel la jurisprudence admet qu'il vienne limiter la libre
négociabilité des actions selon un mécanisme proche mais
distinct de celui effectivement prévu dans les statuts et compatible
avec ce dernier.
Partie II : Mise en oeuvre du pacte d'actionnaires
L'efficacité du pacte d'actionnaires est intimement
attachée au contenu de ses dispositions, en ce sens que son
exécution sera efficace ou non, en fonction des obligations qu'il
contient. Bien qu'il existe une permanence dans les éléments dont
il se compose, les combinaisons possibles sont quasi-infinies et
dépendent de la créativité de leurs créateurs. En
effet, le problème majeur qui se pose en matière de pactes
d'actionnaires est celui de leur effectivité. Celle-ci peut-être
rudement entravée dans le cas où l'un des signataires
n'exécute pas son obligation. Cependant, et dans le but de garantir leur
exécution, les parties signataires au pacte d'actionnaires peuvent
prévoir un certain nombre de sanctions qui s'imposeront en cas
d'inexécution. Il s'agit de clauses instituant des contraintes
financières ou non, ayant pour objet principal de dissuader l'autre
partie de violer le pacte. La violation d'un pacte d'actionnaires peut
entrainer l'application d'une sanction, or cette dernière ne
répond pas toujours aux attentes des signataires. L'inexécution
du pacte d'actionnaires, quant à elle, est susceptible d'entrainer de
lourdes conséquences, mettant en péril l'organisation de la
société et son fonctionnement, imposant ainsi aux actionnaires
ayant recours à ce type de convention, de se montrer très
minimalistes. Le mieux serait alors de faire appel à des
professionnels.
Dans cette partie, il s'agira de se pencher, d'une part sur
l'exécution du pacte d'actionnaires (Chapitre 1). D'autre part, l'on
s'occupera d'analyser les conséquences pouvant d'écouler de
l'inexécution de cet accord (Chapitre 2).
Chapitre 1 : L'exécution du pacte d'actionnaires
L'exécution du pacte d'actionnaires est la phase
significative et l'élément dynamique de l'accord conclu par
lequel les parties signataires visent concrètement l'organisation de
leur rapport au sein de la société. A cet effet, les pactes
d'actionnaires connaissent deux types d'objet. D' une part, les associés
peuvent
35
vouloir assurer le contrôle au sein de la
société, ce qui se traduit notamment par la conclusion de
conventions de vote60.
D' autre part, ils peuvent avoir la volonté de
renforcer la stabilité et la cohésion de l'actionnariat par un
contrôle de la répartition du capital. Pour ce faire, les
associés peuvent conclure des pactes de préférence, de
non-agression, des clauses d'inaliénabilité. C'est ainsi que le
pacte d'actionnaires valablement formé sera exécuté, ce
produira évidemment un certain nombre d'effets de droit (section 1) et
entrainera également la naissance d'un certains nombres d'obligations
lesquelles varient en fonction du contenu de ce dit pacte (Section 2). Il
s'agit là d'une phase assez délicate. Ce pacte d'actionnaires
peut contenir diverses clauses se distinguant par leurs objectifs (Section
3).
Section 1 : Les effets de l'exécution du pacte
d'actionnaires
Comme tout contrat, le pacte d'actionnaires légalement
formé s'impose aux parties. Celui-ci doit être
exécuté de bonne foi. Cependant, et contrairement aux statuts, le
pacte d'actionnaires est flexible et peut être modifié de
manière assez souple, comme l'on a pu le constater
précédemment et s'adapte aux besoins particuliers des
signataires, ce qui ne correspond pas au principe régissant les contrats
selon lequel le contrat ne peut être révoqué
unilatéralement, ni en principe être modifié même en
cas de changement imprévu des circonstances. De ce fait le pacte
d'actionnaires a une force obligatoire (sous-section 1) et est soumis aux
règles d'interprétation posées par le DOC (sous-section
2).
Sous-section 1 : La force obligatoire du pacte
d'actionnaires
La force obligatoire du contrat, constitue un
élément de base de la théorie générale du
contrat et du droit positif, celle-ci, découle essentiellement de
l'expression de la volonté réelle des parties,
c'est-à-dire la commune intension des parties, celles-ci ayant librement
contracté et apprécié les conséquences de leur
acte. C'est la volonté réelle qui prévoit sur la lettre du
contrat (en cas de contradiction).C'est ainsi que
60Le droit de vote des associés est un
principe fondamental du droit des sociétés. C'est ainsi que
l'article 1015 du DOC dispose expressément que : « Le droit
d'administrer les affaires sociales appartient à tous les
associés conjointement, et nul ne peut l'exercer
séparément, s'il n'y est pas autorisé par les autres.
» En effet le droit de vote est la contrepartie de l'apport
pécuniaire fait par l'associé à la société.
Mais aujourd'hui, le droit de vote semble avoir perdu son caractère
intangible, ce qui laisse plus de place à la liberté
contractuelle. Ainsi, certaines clauses figurant dans un pacte d'actionnaires
sont destinées à aménager l'exercice du droit de vote des
associés signataires.
36
l'article 230 du DOC61précise que les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux
qui les ont.
Le pacte d'actionnaires, étant un contrat, est
considéré comme légalement formé, lorsque celui-ci
ne peut être frappé de nullité par suite l'existence d'un
vice de volonté à savoir, l'erreur, le dol, la violence ou
lésion, par suite d'un défaut de capacité, d'une absence
d'objet ou d'un objet contraire à l'ordre public et aux bonnes
moeurs.
1- Force obligatoire et intangibilité :
L'intangibilité62 est le principe selon
lequel le contrat doit être appliqué tel quel, à moins d'un
véritable cas de force majeur63. En effet, il appartient aux
partis de prévoir les mécanismes qui les prémunissent.
L'indice doit être libre en relation directe avec l'objet du contrat ou
l'activité des partis et précis. En cas d'indexation illicite,
c'est la clause qui devient nulle et non le contrat. Si le pacte d'actionnaires
est conclut à durée indéterminée, une des parties
en demande la résiliation, à condition de respecter le
délai de préavis, d'où l'intérêt pour les
parties de fixer préalablement la durée de ce pacte.
2- Force obligatoire et pouvoir du juge :
Le contrat s'impose en quelque sorte au juge. C'est dans ce
sens que lorsque les clauses du contrat sont claires et précises, le
juge se doit de respecter la volonté des parties, tel que le
prévoit l'article 461 du DOC.64 Mais si certaines clauses
sont mal rédigées et apparaissent, à l'évidence,
équivoques, confuses ou contradictoires, ou qu'elles paraissent au juge
comme contraires au but poursuivi par les contractants, dans ce cas la clause
est jugée non « claire et précise » et le juge a la
possibilité de l'interpréter.
61 Article 230 du DOC dispose expressément que :
« Les obligations contractuelles valablement formées tiennent
lieu de loi à ceux qui les ont faites, et ne peuvent être
révoquées que de leur consentement mutuel ou dans les cas
prévus par la loi. »
62 Voir en ce sens, Théorie générale des
obligations,
www.dpm.clicforum.fr/t963-Theorie-Generale-des-Obligations.htm
63 L'article 269 du DOC définit la force majeur comme
étant : « ...Tout fait que l'homme ne peut prévenir, tel
que les phénomènes naturels (inondations sécheresses,
orages, incendies, sauterelles), l'invasion ennemie, le fait du prince, et qui
rend impossible l'exécution de cette obligation. »
64 L'article 461 du DOC dispose expressément que :
« Lorsque les termes ne l'acte sont formels, il n'y a pas lieu à
rechercher quelle a été la volonté de son auteur.
»
37
Sous-section 2 : L'interprétation du pacte
d'actionnaires
En cas de stipulations ambiguës, le contrat doit
être interprété, les juges retrouvent un certain pouvoir
qu'ils exercent souverainement, en essayant de rechercher la commune entente
des parties. Les pactes d'actionnaires sont ainsi soumis, comme tous les
contrats, aux règles d'interprétation posées par le DOC.
Le législateur intervient essentiellement en cas de résolution du
contrat pour inexécution. Lorsque l'un des actionnaires signataires a
déjà exécuté son obligation, l'exception
d'inexécution n'est plus d'aucun secours, la résolution du
contrat sera de ce fait le seule recours possible pour revenir sur
l'exécution déjà réalisée. Les pactes
d'actionnaires seront résiliés de plein droit lorsque ceux-ci
sont à exécution successive, à durée
déterminée lorsqu'ils ont été conclus intuitu
personae, quand il s'agit aussi de contrats à durée
indéterminée. Dans la survenance d'un cas de force majeur ou de
cas fortuit, la suspension ou la résiliation sera appliquée dans
tel cas. Etant donné la similitude du droit marocain avec le droit
français, l'on peut se permettre de citer à titre d'exemple un
arrêt de la cour d'appel de paris qui a été rendu le 14
décembre 2004 précise que dans un litige où les
actionnaires fondateurs s'étaient engagés à l'égard
des autres actionnaires à rester en fonction, comme mandataire social ou
salarié pendant une certaine durée et, en cas de
démission, de révocation ou de licenciement, de céder
leurs actions aux autres fondateurs pour un euro, la CA de Paris a
considéré que le pacte ne s'appliquait pas au cas d'un fondateur
engagé par la société comme directeur commercial dont le
contrat avait été rompu pendant la période d'essai, car
l'engagement de cession des actions pour le prix d'un euro n'avait
été stipulé que pour des cas précis dans lesquels
ne figuraient pas la rupture pendant la période d'essai. Dans le doute,
le pacte devait être interprété en faveur de celui qui a
contracté l'obligation.65
Section 2 : Classification des obligations contenues
dans le pacte
L'obligation peut se définir, en droit marocain, comme
un rapport juridique en vertu duquel l'une d'elles, appelée
créancier, peut astreindre l'autre, le débiteur, à
accomplir à son profit telle ou telle prestation, essentiellement
régie par le DOC. L'obligation, de quelque nature que ce soit, ne peut
s'imposer en dehors de l'existence d'un lien de droit entre deux personnes,
voir plus, de façon à ce que l'une exige de l'autre un service,
une prestation quelconque. Les obligations peuvent être très
variées et cela résulte essentiellement du fait qu'elles sont le
résultat de la diversité des rapports interpersonnels. C'est
ainsi que les obligations font l'objet de multiples classifications, assurant
leur clarté et l'établissement de leur régime.
65CA Paris, 14 DECEMBRE 2004, n° 03/21.818, BRDA
2005, n° 20.
38
L'on peut distinguer essentiellement entre l'obligation de
donner, de faire, et de ne pas faire. Compte tenu de la
spécificité du pacte d'actionnaires, il serait plus judicieux de
se référer à la distinction des obligations selon qu'elles
soient des obligations de donner (Sous-section 1), de faire (Sous-section 2) et
de ne pas faire (Sous-section 3), en donnant des précisions, pour
chacune des catégories, quant au domaine d'application dans les pactes
d'actionnaires.
Sous-section 1 : L'obligation de donner
L'obligation de donner se définit comme étant
celle ayant pour objet principal de transférer la
propriété d'une chose ou un droit réel66. A
première vue, l'obligation de délivrance peut sembler relever de
la catégorie des obligations de donner ce qui n'est pas correct, le fait
est que cette catégorie correspondrait plutôt à la promesse
de vente. C'est ainsi que la portée de l'obligation de donner se
limiterait aux hypothèses selon lesquelles le transfert de
propriété constitue l'objet même de l'obligation, il en est
ainsi lorsque le transfert est exceptionnellement retardé, soit du fait
de la nature des choses, soit du fait de la volonté des
parties67. Le transfert de propriété résulte
conformément à l'article 491 du DOC68, du seul
échange des consentements, tout problème d'exécution,
s'agissant de ce transfert se trouve supprimé. Bien que le transfert du
droit de propriété intervienne de manière
instantanée, aucune obligation ne peut naitre s'agissant du
transférer ce même droit, étant donné que celui-ci
appartient d'ores et déjà à l'autre partie. Ainsi, aucune
intervention n'est requise du débiteur. Le transfert du droit ne fait
pas l'objet d'une obligation Il convient de préciser par ailleurs que
les obligations de donner sont toujours des obligations de résultat,
leur inexécution imposerait au créancier de prouver uniquement le
fait du non-transfert de la propriété et non une
éventuelle faute du débiteur.
Sous-section 2 : L'obligation de faire
L'obligation de faire est l'obligation par laquelle le
débiteur s'engage à accomplir un fait ou une prestation. Les
différentes techniques pratiquées dans les pactes d'actionnaires
pouvant faire partie de cette catégorie d'obligations sont les promesses
unilatérales de vente ou d'achat, comme on peut également y
intégrer la catégorie des pactes de préférence.
C'est ainsi que la promesse unilatérale de vente
66Cours de droit civil marocain,
www.cours-de-droit.net/droit-marocain-a126326074.
ème
67F Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les
obligations, Précis Dalloz, 8 éd., 2002, note 29,
n°19
68 Article 491 du DOC dispose expressément que : «
L'acheteur acquiert de plein droit la propriété delà chose
vendue, dès qui le contrat est parfait par le consentement des parties.
»
39
ou d'achat correspond à un avant-contrat qui vise
particulièrement la création d'un droit d'option au profit du
bénéficiaire. Dans ce type de contrats, le promettant s'engage
à vendre ou à acheter un bien à un
bénéficiaire, lequel a en retour le droit de l'acquérir ou
de le vendre dans un certain délai69. Durant cette
période, il lui est interdit de renoncer à la vente ou de
proposer le bien à un autre acquéreur. Le candidat acheteur
bénéficie, lui, de la promesse pour décider s'il souhaite
acheter ou non. Quant au pacte de préférence, il s'agit là
d'une convention par laquelle un promettant s'engage, dans le cas où il
se déciderait à conclure un contrat donné, à en
faire la proposition au bénéficiaire de façon
prioritaire70. Il apparait généralement comme un
contrat préparatoire à la vente. Souvent, dans les pactes
d'actionnaires, l'on retrouve des accords de préférence
stipulés portant sur des droits sociaux. Une telle convention limiterait
considérablement le choix du cocontractant ce qui en justifie le
succès. Celle-ci donne la possibilité de contrôler
l'entrée de nouveaux associés dans le capital social. Le pacte de
préférence et la promesse unilatérale de vente sont tous
deux des avant-contrats, préparant la réalisation d'une vente.
Une autre similitude apparait dans le fait qu'ils n'engagent que le promettant.
Cependant, il existe une différence importante permettant de distinguer
entre ces deux conventions, c'est ainsi que dans une promesse
unilatérale de vente le promettant donne un consentement
définitif à la vente, alors que dans un pacte de
préférence il se réserve la décision de vendre, ne
s'engageant qu'à accorder une préférence. Le pacte de
préférence apparait donc comme un droit conventionnel de
préemption71.
Sous-section 3 : L'obligation de ne pas faire
L'obligation de ne pas faire est celle qui oblige le
débiteur à ne pas accomplir un fait, à s'abstenir de faire
tel ou tel fait ou acte. Ce dernier est tenu légalement de s'abstenir
d'un acte matériel ou juridique donné.72 L'obligation
de ne pas faire est également une obligation de résultat,
étant donné que le créancier n'est pas tenu à
prouver le caractère fautif de la contravention à l'obligation de
ne pas faire, mais seulement le fait de cette contravention. La promesse
unilatérale de vente ainsi que le pacte de préférence,
précédemment cités, peuvent être perçus par
certains auteurs comme étant des obligations de ne pas faire. C'est le
cas notamment pour ceux qui considèrent l'obligation qui pèse sur
l'auteur de la préférence comme une obligation de ne pas faire
ayant pour objet d'empêcher le promettant d'accomplir des actes de nature
à compromettre l'exercice ultérieur et éventuel du droit
de
69H. Le Nabasque, L'exécution
forcée des pactes d'actionnaires, Droit des sociétés,
Actes Pratiques, 1994, note 27, n°18
70S. Valory, Autonomie et potestativité du
pacte de préférence, Droit et Patrimoine, décembre
2001, n°99, p.38
ème
71F. Colart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats
civils et commerciaux, Dalloz, 6 édition, 2003, n° 67.
72Ph. Simler, op. cit. note 29, n°92.
40
préférence73. Ou encore ceux qui
percevraient l'obligation du promettant comme une obligation qui se traduirait
en une abstention pour l'auteur de la promesse d'aliéner la chose,
à tout autre personne autre que le bénéficiaire de la
promesse74. Il s'agit là d'un point de vu indépendant
du droit.
Section 3 : Typologie des pactes
A l'origine, le pacte d'actionnaires est né de la
volonté d'assurer aux investisseurs minoritaires la détention
d'un pouvoir de décision non proportionnel à leur participation
en capital ou tout au moins d'obtenir des droits que la seule
réglementation sur les sociétés commerciales ne leur
permettait de détenir, renforçant en quelque sorte leur
protection. Le pacte d'actionnaires n'a par ailleurs pas abandonné sa
vocation primaire qui viserait à organiser en premier lieu les relations
entre actionnaires et dirigeants, cependant, les clauses pouvant y être
intégrées sont aujourd'hui très variées, en
fonction des buts poursuivis. Parmi ces clauses, l'on pourrait citer les
clauses relatives à l'organisation de la gestion (sous-section 1) et les
clauses relatives à l'actionnariat (sous-section 2).
Sous-section 1 : Les clauses relatives à
l'organisation de la gestion
Le pacte d'actionnaires s'intéresse
généralement à la gouvernance de l'entreprise en
décrivant la structure de celle-ci, c'est ainsi qu'il comportera des
clauses relatives à la composition, aux modalités de
désignation et de révocation et aux pouvoirs des organes de
direction et de surveillance de la société. Il donne
également la possibilité de conférer à certains
actionnaires des droits de véto. L'on pourrait citer, dans cette
catégorie les conventions de vote et les clauses d'information.
1- Les conventions de vote :
Elle concerne le droit de vote des actionnaires. Elles
prévoient, par exemple, la nécessité d'un accord unanime
des signataires pour les décisions importantes limitativement
énumérées, ou encore la soumission à la loi de la
majorité telle que celle-ci se dégage lors d'une réunion
des actionnaires signataires du pacte, préalable à la tenue de
l'Assemblée Générale de la société. Ces
conventions consistent pour les associés à s'engager à
voter dans un sens déterminé ou à ne pas participer au
vote. Elles peuvent concerner toutes les décisions collectives ou
certaines d'entre
73S. Valory, op. cit. note 37, p.41; M.
Bruschi, Le pacte de préférence, Droit et patrimoine,
juin 1999, n°72, p.64. 74A. Terrasson de Fougères,
Sanction de la rétractation du promettant avant levée de
l'option par le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de
vente, JCP éd. N., 1995, I, p. 194 ; A. Bénabent, Les
contrats spéciaux, Montchrestien, n°93.
41
elles : le choix des dirigeants, l'agrément de nouveaux
associés, la politique d'investissement, l'affectation des
résultats ou autres. A l'heure actuelle, aucune disposition
législative ou réglementaire ne prohibe fondamentalement ces
accords.75
Ces clauses ne sont valables, cependant, que si elles ne sont
pas contraires à l'intérêt social ou motivées par la
volonté de nuire à l'une des parties à la convention.
2- Les clauses d'information :
L'investisseur s'étant fondé sur un certain
nombre d'informations fournies par l'entrepreneur pour l'accompagner dans son
projet, il devra continuer à recevoir ce type d'informations sur une
base régulière pour s'assurer que ses prévisions sont
justes et que tout se passe comme prévu. Cela est d'autant plus vrai que
l'investisseur fera rarement partie des organes de gestion de la
société (directoire, conseil d'administration) et qu'il y aura
parfois une structure, type holding, qui le séparera de la
société. Le pacte optera donc très souvent pour
l'intégration d'une "clause d'informations", où il sera
définit de manière très précise et non
équivoque : chacun des éléments d'informations attendus
par l'investisseur à savoir le budget, compte de résultat
prévisionnel, état de la trésorerie, ...etc. Ainsi que la
périodicité de telles informations : mensuelles, trimestrielles.
Il se pose alors la question du secret professionnel auquel le commissaire aux
comptes est soumis. En effet, n'étant pas partie aux pactes
d'actionnaires, il pourra opposer son secret professionnel à moins que
la société par le biais de son dirigeant l'y
autorise.76
Sous-section 2 : Les clauses relatives à
l'actionnariat
Avant toute cession, il convient de prendre en
considération des clauses limitant la liberté des associés
de disposer de leurs parts ou actions en leur imposant par exemple une
obligation de demander l'agrément de l'acquéreur (clause
d'agrément) ou l'obligation de proposer aux autres associés
d'acquérir les parts ou actions dont la cession est envisagée
(clause de préemption ou de préférence). Ces clauses
restreignant la cession de parts ou d'actions, peuvent figurer dans les statuts
comme dans les conventions extrastatutaires, à savoir les pactes
d'actionnaires. Ces conventions sont valables dès lors qu'elles ne sont
pas contraires à l'ordre public, aux statuts de la société
ou à son intérêt social77.
75 Me Claude Noel, Avocat Associé à Filor
Avocats, spécialiste en droit des sociétés et en droit
commercial Barreaux de Nancy et de Luxembourg, Les pactes d'actionnaires,
p.12
76 Me Claude Noel, op. cit. , p. 13
77 Voir en ce sens, Les clauses du pacte
d'actionnaires,
www.le-droit-des-affaires.com/les-clauses-du-pacte-d-actionnaires-article63.html
42
Ces clauses, très fréquentes dans les pactes
d'actionnaires, permettent de contrôler la stabilité de
l'actionnariat tout en permettant aux actionnaires qui le désirent, de
céder leurs titres.
1- La clause de préemption :
Appelée également « clause de
préférence », elle confère à tous les
associés ou à certains d'entre eux, le droit d'acquérir
par priorité les parts ou actions dont la cession est envisagée.
Elle permet aussi à l'associé qui en bénéficie
d'augmenter sa participation dans le capital ou d'éviter l'entrée
de nouveaux associés. Cette clause apporte une certaine
sécurité mais celle ci peut être écartée.
Ainsi, le droit de préemption permet d'assurer une
sécurité pour les actionnaires non-signataires de la convention.
Il protège aussi les contractants de la clause en ce sens que le pacte
doit préciser son application. Il apparaît opportun pour les
bénéficiaires de cette clause de préemption, qui
souhaiteraient un champ d'application plus étendu, de prévoir
expressément les cas de fusion78, scission79 et
apport partiel d'actif8° par exemple.Par conséquent, une
société qui confère un droit de préférence
sur ses propres titres, s'oblige en cas de cession des actions composant son
capital social de s'abstenir de tout acte susceptible d'empêcher la mise
en oeuvre de ce droit et en conséquence de ne pas donner son
agrément à une cession consentie à un tiers sans que le
bénéficiaire de la préférence ait été
mis en mesure de l'exercer. En effet, la violation du pacte est totalement
possible et engendre d'importantes conséquences. Celle-ci peut
être constatée par exemple lors de la fixation d'un prix, faisant
apparaitre un prix minimum ou un déséquilibre
économique81.
2- La clause d'agrément :
Les clauses d'agrément sont plus souvent statutaires
qu'extrastatutaires. Cependant leur intégration dans le pacte
d'actionnaires est totalement licite, notamment dans la SA. Elles permettent
à la société de filtrer l'arrivée de nouveaux
associés tout en assurant la libre transmissibilité des parts ou
actions. Dans les SA, les clauses d'agrément sont normalement interdites
pour les cessions familiales mais cela ne concerne pas les clauses
d'agréments extrastatutaires par lesquelles un ou des
78Par fusion, on entend toute
opération par laquelle une société absorbée
transmet au moment de sa dissolution sans liquidation l'ensemble de son
patrimoine. La société A absorbée par la
société B disparaît.
79Par scission, on entend
l'opération par laquelle la société scindée
transmet au moment de sa dissolution sans liquidation l'ensemble de son
patrimoine à deux ou plusieurs sociétés,
préexistantes ou nouvelles. La société A scindée
disparaît au profit de la société B et de la
société C.
8°Par apport partiel, on
entend l'opération par laquelle une société apporte
à une autre société une partie de ses
éléments d'actifs et reçoit en échange des titres
émis par la société bénéficiaire de
l'apport. La société A apporte une partie de ses activités
à la société B. Ici, contrairement aux opérations
de fusion et de scission, la société A ne disparaît pas,
elle continue son activité dans les secteurs qu'elle a
conservés.
81 Voir en ce sens, La clause de préemption :
utilité et rédaction,
www.lecoindesentrepreneurs.fr/clause-de-preemption/
43
actionnaires s'engagent envers d'autres à obtenir leur
accord avant de céder leurs actions, sous réserve de respecter le
droit d'ordre public de l'actionnaire de quitter la société. La
clause d'agrément dans la SAS dispose d'un champ d'application plus
large que celui de la SA, ainsi la clause peut également s'appliquer aux
cessions entre actionnaires, ce qui peut permettre de bloquer tout changement
dans les rapports de force au sein de l'actionnariat. L'agrément est par
ailleurs régi par les statuts82.
Chapitre 2 : L'inexécution du pacte
d'actionnaires
Chaque pacte d'actionnaires rédigé et conclu par
les soins des associés signataires est unique en son genre, étant
donné la grande diversité de ce type de conventions, comme l'on
vient de le citer précédemment, qui représente
nécessairement les aspirations et les penchants poursuivis par les
parties au contrat. Cependant, l'on pourrait résumer la
nécessité d'un tel accord comme assurant de manière
conforme la stabilité du capital ou encore la transmission d'une
entreprise, limitant toute agression extérieure ou intérieure
contre les actionnaires, d'où leur intérêt majeur dans la
vie des sociétés par actions, plus spécifiquement les
sociétés anonymes, principalement connues par leur
rigidité. Son inexécution entrainerait alors forcément des
conséquences, minimisant voir réduisant en cendres les objectifs
sollicités par les associés ayant pris part à ce contrat.
(Section 1). Il convient à cet égard, de rappeler que les pactes
n'ont d'effet qu'entre les parties et ce, par application du principe de
l'effet relatif des contrats que nous avons précédemment
traité83, et sont de ce fait, inopposables à la
société dans le cas où celle-ci n'est pas partie à
la convention. Ceci impliquerait donc que les pactes sont opposables à
leurs signataires uniquement et non aux tiers. En effet, en cas de violation
des obligations contenues dans cette dite convention des sanctions sont
prévues et seront donc appliquées, celles-ci sont par ailleurs
moins sévères que celles prévues en cas de violation des
statuts. Mais ceci n'a guère entrainé l'abstention de recourir
aux pactes d'actionnaires de la part des acteurs du monde des affaires. Ces
derniers choisissent plutôt de recourir à certaines clauses
spécifiques renforçant l'efficacité du pacte et ajoutant
du caractère aux sanctions (Section 2).
Section 1 : Les conséquences de
l'inexécution du pacte
A la différence des statuts, qui en plus d'avoir une
valeur contractuelle, ont un effet institutionnel, le pacte d'actionnaires est
un contrat. Le plus souvent, les pactes d'actionnaires sont
générateurs d'obligations, qu'il s'agisse d'obligations de
donner, de faire ou de ne pas faire. Le problème se poserait alors en
cas d'inexécution de ces dites obligations. Il convient à priori
de définir l'inexécution. Celle-ci correspond à
82 Voir en ce sens, La clause d'agrément dans la SA et la
SAS,
www.netpme.fr/conseil/clause-agrement-sas/
83 Voir en ce sens la page 24 du présent
mémoire.
44
toute exécution non conforme, se traduisant par un
manquement d'une partie à l'une de ses obligations résultant du
contrat. Celle-ci peut-être définitive ou tardive,
incomplète ou défectueuse.84Les obligations contenues
dans le pacte d'actionnaires sont voulues par les parties, elles ont donc force
de loi, mais celles-ci ne sont pas toujours respectées, ce qui
entrainerait l'inexécution du contrat. . La violation ou non respect
d'une stipulation du pacte d'associés est donc sanctionnée selon
le droit commun des violations fautives des obligations contractuelles
(sous-section 1). Cependant, cette sanction sera limitée au signataire
qui s'est rendu coupable de cette violation. L'effet relatif des contrats
s'oppose en effet à ce qu'un tiers non-signataire puisse être
sanctionné par la violation d'une obligation qu'il n'a pas souscrite et
dont il n'a pas connaissance. En revanche, si le tiers avait connaissance de
l'obligation, il participe consciemment à sa violation, et la sanction
peut donc lui être étendue. A titre exceptionnel, l'on pourrait
retenir l'exécution forcée du pacte en tant que sanction
(sous-section 2).
Sous-section 1 : Les sanctions communes découlant du
DOC
Il nous parait évident que la responsabilité
contractuelle de tout actionnaire signataire du pacte sera engagée
lorsque celui-ci n'exécute pas les obligations imposées à
sa charge. Cependant, cette responsabilité ne peut-être
engagée en dehors de la réunion de trois conditions,
considérées comme essentielles à savoir : une faute
contractuelle, la présence d'un dommage certain direct et
prévisible, qui peut-être moral, matériel ou corporel, mais
également l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le
dommage. L'inexécution du contrat peut-être totale ou partielle.
L'exonération reste possible lorsque l'inexécution est due
à un cas de force majeur. L'exécution du pacte sera uniquement
suspendue dans le cas où l'impossibilité n'est que
momentanée. Dès lors qu'il y a inexécution de l'obligation
ou en cas de retard dans l'exécution, ceci est susceptible d'entrainer
la condamnation du responsable au versement de dommages-intérêts
dans la majorité des cas, et ce conformément à l'article
263 du DOC85.Aux termes de l'article 261 du DOC: « L'obligation
de faire se résout en dommages intérêts en cas
d'inexécution. Cependant, si l'obligation consiste en un fait dont
l'accomplissement n'exige pas l'action personnelle du débiteur, le
créancier peut être autorisé à la faire
exécuter lui-même aux dépens de ce dernier.
Cette dépense ne peut excéder, toutefois, ce qui
est nécessaire pour obtenir l'exécution de l'obligation :
lorsqu'elle dépasse la somme de cent francs (100 fr)86, le
créancier doit se faire autoriser par le juge compétent».
84 Définition de l'inexécution, /
www.lexinter.net/JF/definition_de_l%27inexecution.htm
85 L'article 263 du DOC dispose expressément que :
« Les dommages-intérêts sont dus soit à raison de
l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans
l'exécution, et encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de la part du
débiteur. »
86 « A compter du 1er novembre 1960 les obligations de
toute nature, lorsqu'elles doivent être exprimées en monnaie
nationale, seront obligatoirement libellées en dirhams ». Dahir
n° 1-59-387 du 22 chaoual 1379 (19 avril 1960) prescrivant l'emploi du
dirham en matière d'obligations; Bulletin Officiel n° 2479 du 29
juin 1960, p. 879
45
L'article 262 du DOC ajoute que : « Lorsque l'obligation
consiste à ne pas faire, le débiteur est tenu des
dommages-intérêts par le seul fait de la contravention; le
créancier peut, en outre, se faire autoriser à supprimer, aux
dépens du débiteur, ce qui aurait été fait
contrairement à l'engagement».
S'agissant des stipulations des pactes d'actionnaires
contraires aux dispositions légales, leur nullité n'est
prononcée que dans le cas où elles seraient contraires aux
statuts, aux règles de droit commun ou aux règles
impératives prévues par la loi.
C'est ainsi qu'afin de prétendre à l'octroi de
dommages-intérêts, il conviendra tout d'abord d'apporter la preuve
de la violation fautive du pacte d'actionnaires et estimer le préjudice
causé. Dans certains cas précis, il est possible d'obtenir
l'exécution forcée de certains engagements non respectés,
qui s'avère être une sanction plus redoutable. 87
Sous-section 2 : L'exécution forcée
L'article 259 du DOC88 prévoit la
possibilité de contraindre le responsable de la violation du pacte
d'actionnaires à honorer ses engagements. Il s'agit dans ce cas de
l'exécution forcée. Celle-ci est définit comme
étant le fait de faire procéder à l'exécution d'un
contrat ou d'un jugement par un officier public compétent (un notaire,
un huissier de justice...). Elle a pour but de faire respecter un engagement ou
une décision de justice. Cette exécution peut s'opérer par
le biais de différents moyens comme une saisie exécutoire
lorsqu'il s'agit d'une dette, et même par la voie de la force publique si
cela s'avère indispensable89. L'exécution
forcée répond d'avantages aux intérêts des
créanciers et s'avère alors plus redoutable. Elle peut intervenir
dans les engagements relatifs aux transferts d'actions, droit de
préemption, ou encore dans certaines clauses de sortie. Concernant les
clauses prévoyant des transferts de titres, il peut apparaitre
très utile de prévoir des stipulations au sein du pacte ayant
pour finalité de donner mandat de gestionnaire à la
société au titre du pacte, accordant ainsi à cette
dernière, de manière expresse, à passer les
écritures portant sur les transferts de titres si les parties
concernées refusent de respecter leurs engagements90.
Cependant, l'exécution forcée n'est pas toujours permise, il
existe des limites à son application. C'est ainsi qu'elle apparait moins
évidente s'agissant d'engagements au
87 Voir en ce sens, les sanctions en cas de violation du pacte
d'associés ou d'actionnaires,
https://www.legalplace.fr/guides/sanction-violation-pacte-associe-actionnaires/
88 L'article 259, alinéa 1er précise
que : « Lorsque le débiteur est en demeure, le créancier
a le droit de contraindre le débiteur à accomplir l'obligation,
si l'exécution en est possible; à défaut, il peut demander
la résolution du contrat, ainsi que des dommages-intérêts
dans les deux cas. »
89 Voir en ce sens, exécution forcée,
https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/23789-execution-forcee-definition
90 Voir en ce sens, la source précédemment
citée,
https://www.legalplace.fr/guides/sanction-violation-pacte-associe-actionnaires/
46
titre desquels les associés prévoient de voter
en faveur de certaines décision. Ces limites peuvent par ailleurs
découler également du principe de la liberté individuelle.
Comme nous avons pu le voir précédemment, toute obligation doit
être exécutée dans la manière exacte dont elle a
été contractée. L'article 230 du DOC, déjà
cité, a par ailleurs appuyé cette opinion. Le créancier
est titulaire d'un droit absolu lui permettant d'obtenir exécution de
l'obligation contractée. L'autonomie de la volonté ainsi que la
confiance accordée par le créancier au débiteur
apparaissent comme le fondement de la force obligatoire91.Toutefois,
cette dernière se trouve limitée par le principe de
l'intangibilité de la personne humaine et de sa liberté. Ce
principe signifie qu'aucune coercition physique ne peut être
exercée sur un débiteur qui se refuse à accomplir son
obligation, et ce afin de le contraindre à
exécuter.92En effet, au Maroc, la justice tend
dorénavant vers la protection des débiteurs de bonne
foi93. Toute contrainte physique sur la personne ne serait donc pas
admissible pour obtenir l'exécution de son obligation. La sanction de
l'inexécution d'une obligation de faire ou de ne pas faire doit alors
concilier ces deux principes fondamentaux que sont la force obligatoire du lien
contractuel et la liberté du débiteur. C'est bien pour cette
raison que le droit commun a opté pour l'octroi de
dommages-intérêts comme sanction valable pour les obligations de
faire et de ne pas faire. Quant à l'obligation de donner,
l'exécution forcée reste une voie de dernier recours.
Section 2 : Les clauses garantissant l'exécution
du pacte
Afin de garantir un minimum l'effectivité des pactes
d'actionnaires, les actionnaires signataires de la dite convention peuvent
prévoir sa propre protection en envisageant l'insertion de certaines
clauses connues comme étant des outils indomptables permettant de
garantir une meilleure efficacité du pacte afin de pouvoir obliger les
signataires d'un pacte à une exécution en nature des obligations
qu'ils ont contractées. L'on pourrait citer à cet effet, la
clause pénale (sous-section 1), la clause résolutoire
(sous-section 2), l'astreinte conventionnelle (sous-section 3), les clauses de
sorties (sous-section 4), la nullité partielle (sous-section 5).
91J. Schmidt-Szalewski, La force obligatoire
à l'épreuve des avants-contrats, RTD civ., 2000, p.25.
92 Ph. Simler, op. cit, note 29, n°107.
93 Voir pour plus de détails, contrainte par corps en
matière civile,
www.lavieeco.com/news/la-vie-eco-carrieres/contrainte-par-corps-en-matiere-civile-les-employeurs-sont-concernes-4129.html.
47
Sous-section 1 : La clause pénale
Conformément au principe de la liberté
contractuelle, les pactes d'actionnaires comprennent souvent une clause dite
pénale, spécifiquement dans le cas où les parties
évaluent forfaitairement la somme qui sera due à l'autre partie
à titre de dommages-intérêts en cas de violation du pacte.
Il s'agit d'une disposition qui établit un engagement pouvant se
traduire par le paiement d'un montant fixe ou d'une méthode de calcul
d'un montant par l'une des parties à l'autre dans le cas où il ne
parvient pas à se conformer à l'une des obligations du contrat.
La clause pénale n'a pas été définit par le
législateur marocain, toutefois, elle trouve son application dans
l'article 26494 du DOC. Sa mise en oeuvre nécessite tout
d'abord la constatation de l'inexécution du dit contrat par un huissier
de justice ou un expert. La clause pénale a une fonction comminatoire.
Cette fonction dissuasive, tend à prévenir l'inexécution
ou la mauvaise exécution du débiteur de l'obligation. Ce dernier,
en effet connait d'avance les conséquences pécuniaires de ses
agissements imprudents qui risqueraient de maitre le créancier de
l'obligation dans de mauvaises postures. Son efficacité suppose
notamment que son objet soit expressément spécifié comme
étant de réparer les dommages, et en aucun cas de constituer un
dédit permettant à une partie de se dégager du contrat en
versant son montant , et que les causes des dommages entraînant sa mise
en jeu soient rigoureusement précisées. Cependant, son montant ne
doit aucunement être excessif car le juge a toujours la faculté de
le réduire.Son sort doit également être
précisé en cas d'exécution partielle des obligations du
pacte.
Sous-section 2 : La clause résolutoire
Une clause résolutoire prévoit qu'en cas de
manquement à une obligation contractuelle de l'une des parties, le
contrat sera résolu de plein droit95. Cela permet
d'éviter le recours à la justice. La résolution est
toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où
l'une des parties n'exécute pas ses obligations, tel que prévu
à l'article 260 du DOC96. Mais cette résolution n'est
pas de droit, elle doit être demandée en justice. Ainsi, dans le
but de faciliter la mise en jeu
94 L'article 264 alinéa 2 du DOC dispose
expressément que : « Les parties contractantes peuvent convenir
des dommages-intérêts dus au titre du préjudice que
subirait le créancier en raison de l'inexécution totale ou
partielle de l'obligation initiale ou en raison du retard apporté
à son exécution »
95Cours de droit des contrats au Maroc,
www.cours-de-droit.net/droit-des-contrats-au-maroc-a126316344
96 L'article 260 du DOC dispose expressément que : « Si les parties
sont convenues que le contrat sera résolu dans le cas où l'une
d'elles n'accomplirait pas ses engagements, la résolution du contrat
s'opère de plein droit par le seul fait de l'inexécution
»
48
de la résolution, les signataires d'un pacte peuvent
prévoir que celui-ci sera résolu de plein droit en cas
d'inexécution de ses obligations par l'une des parties. La clause devra
alors mentionner les évènements dont la survenance
entraînera l'extinction du contrat. Les parties doivent être
minutieuses lorsqu'elles énoncent les causes de résolution du
pacte. Par ailleurs, le juge a la faculté de neutraliser la clause
lorsqu'elle est mise en jeu de mauvaise foi.
Sous-section 3 : L'astreinte conventionnelle
Les parties au pacte peuvent s'engager à
exécuter leurs obligations sous astreinte. Par exemple, un actionnaire
peut s'engager à céder une partie de ses actions à un
autre à une date déterminée, sous astreinte d'une certaine
somme à verser à son cocontractant pour chaque jour de retard.
Les juges analysent toutefois souvent ces clauses comme des clauses
pénales, et diminuent le montant de l'astreinte lorsqu'elle leur
paraît excessive. Le recours à l'astreinte peut se justifier par
le fait que cette dernière présente d'innombrables avantages :
d'abord, il s'agit d'une mesure comminatoire supérieure aux autres
procédés brutaux d'exécution. Tel que la contrainte par
corps qui tend à incarcérer le débiteur défaillant,
d'où sa suppression pour des motifs humanitaires. C'est également
une mesure licite d'intimidation prononcée par un magistrat avec toutes
les garanties du procès civil. Ce qui traduit encore sa
supériorité par rapport aux autres mesures d'exécution
forcée. L'astreinte conventionnelle offre une certaine souplesse qui
suscite la participation du débiteur lui-même à
l'exécution. Elle précède souvent le recours aux
différentes saisies, d'ailleurs, absolument inopportunes lorsque le
débiteur est condamné à l'exécution faire ou de ne
pas faire. Enfin, l'astreinte contribue au respect des engagements et
évite la conversion de l'obligation. Contrairement à certaines
mesures de pression97.
Sous-section 4 : Les clauses de sortie
Les signataires du pacte d'actionnaires ont la
possibilité d'organiser un droit de retrait de la société
pour la victime de la violation du pacte ou, à l'inverse, l'exclusion
de
97 Voir en ce sens, L'astreinte au Maroc,
www.doc-du-juriste.com/droit-prive-et-contrat/droit-des-affaires/dissertation/astreinte-maroc-461582.html
49
l'auteur de la violation. La clause doit indiquer avec
précision les causes de sortie et ses modalités, et notamment le
prix de rachat des droits sociaux de l'associé sortant.
Nous pouvons citer, à cet égard, parmi les
clauses de sortie les plus prisées au Maroc, la sortie conjointe qui se
définit comme étant le droit selon lequel un associé ou un
groupe d'associés, minoritaire en général, garde la
possibilité de céder la totalité des actions qu'il
possède aux mêmes personnes, aux mêmes conditions de prix et
de paiement qui seraient proposées aux autres actionnaires . Cette
règle, est destinée à tempérer le préjudice
que peut supporter un associé minoritaire du fait de l'application
brutale des règles de la majorité. La clause de sortie
forcée dite aussi clause d'entrainement, de sa part, représente
le droit pour un ou plusieurs associés majoritaires qui désirent
céder ses actions à un a ou plusieurs acquéreurs d'obliger
l'associé ou les associés restant à vendre eux aussi leurs
actions en même temps audit acquéreur lorsque celui-ci conditionne
son achat à l'achat de la totalité des titres de capital de cette
société. Quant à elle, la clause « buy or sale »
a pour objectif de vider rapidement et radicalement un litige entre
actionnaires. Comme son nom l'indique suffisamment, cette clause permet
à l'un des actionnaires ou à un groupe d'actionnaires de demander
à l'autre actionnaire ou groupe d'actionnaires de leur vendre la
totalité de leurs actions ou bien d'acheter de chez eux la
totalité de leurs actions si la coexistence entre ces actionnaires est
devenue notoirement pénible et est à ce point
problématique, qu'elle risque de remettre en cause l'existence
même de la société.98
Sous-section 5 : La nullité partielle
Il peut être prudent pour les parties de prévoir
que l'annulation d'une clause n'entraînera pas la nullité du pacte
si, malgré cette annulation, l'équilibre et l'efficacité
du contrat peuvent être maintenus. Cette clause revêt des
intérêts, notamment quand le pacte comporte des conventions de
vote ou des clauses d'inaliénabilité, car la validité de
celles-ci peut parfois être mise en cause, assurant ainsi par excellence
l'exécution du pacte d'actionnaires avec toutes les obligations qu'il
pourrait éventuellement contenir.
98 Voir pour plus de détails, l'article de Khalid
Lahbabi, membre de la commission juridique, fiscale et sociale,
www.cfcim.org/magazine/21662
50
CONCLUSION
Fruit des circonstances et de l'imagination des
rédacteurs, le pacte d'actionnaires est un contrat revêtant une
importance cruciale dans la vie des sociétés. La rigidité
du droit des sociétés, particulièrement la
société anonyme, parait souvent incompatible avec les
opérations économiques, la diversification des sources de
financement et l'évolution du capital investissement, devant être
réalisées par la société, acteur du monde des
affaires. Ceci a conduit la pratique à recourir à des techniques
contractuelles, visant à aménager et compléter les
dispositions relatives aux rapports entre associés. Le professeur Yves
Guyon perçoit les pactes d'actionnaires comme étant des «
des conventions extra statutaire entre actionnaires qui viennent conforter,
adapter et préciser les règles légales et statutaires les
concernant ». Le législateur les considère comme
parfaitement licites, sous réserve du respect du formalisme de ces
conventions, qui ne diffère pas vraiment de celui imposé au
contrat classique, élargissant ainsi la marge de liberté
accordée aux associés signataires. Leur principal attrait
réside dans leur confidentialité, ce qui les distingue
fondamentalement des statuts. Ils constituent de ce fait un merveilleux
instrument juridique d'adaptation permettant d'organiser les relations des
investisseurs entre eux tout en conservant la confidentialité des
stipulations entre dirigeants. Il n'existe pas de figure contractuelle
préalable du pacte d'actionnaires, une infinité de
combinaisons de clauses peut être envisagée,
différant en fonction des circonstances et des objectifs poursuivis
par les actionnaires.
Cependant, on a pu remarquer à travers cette
étude que la doctrine et la jurisprudence marocaine sont insuffisantes,
voir inexistantes s'agissant du traitement du pacte d'actionnaires. Les
exercices réalisés à ce sujet ne traitent pas de
manière claire la question des conventions sociétaires conclues
entre les protagonistes concernés. Le travail académique marocain
s'avère limité, ne relevant point la spécificité de
ces contrats, et traitant les sujets de droit de façon théorique
et simpliste sans s'intéresser au traitement approfondi de la
matière par rapport à son application. C'est ainsi que le
caractère légal du pacte d'actionnaires reste abstrait dans le
droit marocain. Ce dernier s'inspire largement, lors de l'établissement
de cet accord, des modèles français, qui de leur coté,
sont débordants. L'on se demande alors si cette absence de clarté
dans les dispositions régissant les pactes d'actionnaires, ne serait pas
en faveur des actionnaires ayant recours à ce type de convention, ou au
contraire, exposerait les protagonistes à des risques et
difficultés liés à la conclusion de ce contrat. En effet,
certaines difficultés dépendant des champs non
élaborés par la loi et les règlements
L'une des phases les plus importantes de la relation
contractuelle entre les parties n'est autre que la négociation qui
requière énormément d'attention. Par ailleurs, le silence
des textes nationaux et internationaux concernant la négociation, la
rédaction et le modèle contractuel accorde aux signataires
contractants une plus grande liberté dans la formation de leurs
contrats. Cette liberté reste parallèlement soumise à la
volonté du législateur, la loi applicable aux contrats ainsi que
les règles d'ordre public.
51
Annexe n°1 : Modèle de pacte d'actionnaires
52
Annexe n°2 : principales distinctions Contrat de
société/Pacte d'associés
53
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Dahir n° 1-59-387 du 22 chaoual 1379 (19 avril 1960)
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