Introduction générale
Lorsque nous sommes arrivés en France, en septembre
2017, en provenance du Bénin, notre pays, nous ne nous attendions pas
à refaire cet exercice qui avait marqué la fin de notre
étude universitaire. Après huit années dans l'enseignement
en tant que professeur d'Histoire-Géographie, nous avions
décidé de reprendre nos études afin de nous
spécialiser dans ce vaste domaine qu'est la géographie. Les
quatre années passées au département de Géographie
et Aménagement du territoire de l'Université d'Abomey-Calavi en
République du Bénin ne nous ont pas ouvert la voie d'une
spécialisation donc d'un métier. Cette formation dans mon pays
n'aboutit pas à une spécialisation et ne permet pas d'optimiser
les chances d'insertion professionnelle.
Dès notre arrivée à l'université
de Tours, nous avions rencontré Monsieur Laurent Cailly, responsable du
Master 1 de Géographie. Nos échanges ont tourné autour de
la thématique sur laquelle portera notre mémoire de recherche.
Nous avions au départ imaginé de travailler sur les
échanges informels dans le Sud-Est de la République du
Bénin. Mais la condition posée par Monsieur Cailly est de faire
l'étude de terrain au Bénin au mois de décembre et dans le
cas contraire, il fallait travailler sur un terrain accessible. Après
réflexion, nous lui avions proposé de travailler sur la question
des mobilités et des transports dans la ville de Tours ou sur les
impacts du tramway de Tours, mais sous quel angle ? Il fallait définir
un champ d'étude ? Quel sera le terrain d'étude ? La commune de
Tours ou celle de Joué-lès-Tours puisque le tramway dessert ces
deux communes de l'agglomération. Nous lui avions donc fait plusieurs
propositions de thème mais les formulations n'étaient pas
très précises. Après, plusieurs reformulations, le 26
octobre 2017 au cours d'une ultime rencontre, nous avions avec Monsieur Cailly
trouvé la bonne formulation pour le sujet de recherche : « Tramway
et recomposition urbaine dans une commune de première couronne :
l'exemple de Joué-lès-Tours ».
Le sujet tel qu'il est libellé contient des notions et
concepts qui constituent les mots clés pour lesquels il semble utile
d'apporter quelques éclaircissements en vue d'une familiarisation. En
effet, au fil de nos lectures très intéressantes et
enrichissantes sur le tramway, Stambouli le définissait comme : «
un chemin de fer à rail plat, au niveau du sol, dont les roues
s'insèrent dans un rail à gorge intégré dans la
chaussée. Cette innovation
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technique permet au tramway de circuler sur la voirie urbaine
au milieu des autres circulations, en même temps que sur une voie
ferrée classique, sur ballast » (1995). Selon le dictionnaire
Larousse, le tramway est autrefois, « un chemin de fer établi sur
la chaussée d'une route ou d'une rue au moyen de rails sans saillie
(rails à ornière) ; voie ferrée d'intérêt
local établie en totalité ou en partie sur la voie publique ou en
accotement de route. Aujourd'hui, chemin de fer électrique
destiné au transport urbain et suburbain des voyageurs et
implanté en totalité ou en partie sur la chaussée des rues
empruntées ou un véhicule qui circule sur ces voies »
(2009). Le voyant comme une promesse d'aménagement et d'urbanité,
Gwiazdzinski pense que : « le tramway est un vecteur de la requalification
urbaine attendue dans les centres et les périphéries»
(2015).
Les périphéries ? Justement !
Joué-lès-Tours, notre terrain d'étude est une commune de
première couronne. La question qui nous était venue à
l'esprit lors de la formulation du sujet était : qu'est-ce qu'une
commune de première couronne ? Au fil des lectures, Arnal (2005) nous
apprend qu'elle équivaut à : « une banlieue
c'est-à-dire un territoire autour d'une ville (à l'origine
distant d'une lieue). Il explique que le terme provient de la juxtaposition des
termes ban (interdiction et juridiction) et lieue : il s'agissait du territoire
d'une lieue de distance autour d'une ville sur lequel s'exerçait le ban.
Ainsi pour lui, la banlieue renvoyait donc « à des idées de
soumission et d'exclusion». Ainsi il faut une certaine clarification entre
les différents types de banlieues. Arnal estime que, « selon la
proximité de la ville, on distingue la proche banlieue (communes
limitrophes de la ville-centre = 1ère couronne) et la lointaine banlieue
(auréole de communes périphériques = 2ème
couronne)» (2005). Par ailleurs, le terme le plus utilisé par les
géographies pour qualifier la banlieue est l'étalement ou
périurbain. En conclusion pour Arnal, « la banlieue désigne
aujourd'hui des communes autonomes mais qui se sont urbanisées sous
l'influence d'une ville-centre » (2005).
Par ailleurs, Joué-lès-Tours commune de
banlieue, est donc desservie par le tramway et pour Volle et Bernie-Boissard,
« la réalisation d'un réseau de transport en commun permet
de questionner le rôle régulateur du tramway mais également
d'entrevoir les nouvelles formes de villes en train de se faire notamment dans
des espaces les plus périphériques accueillant le terminus de ces
lignes reçus comme une opportunité de développement
communal par l'aménagement urbain et l'urbanisme » (2008). De ce
point de vue, cette
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commune périphérique, se voit de doter de
plusieurs équipements qui vont certainement contribuer à son
embellissement urbain, ceci grâce au tramway. Ainsi donc, tout projet
urbain entraine la modification de l'espace et la réalisation du projet
de type tramway dans une commune de première couronne, est un
élément fondamental qui renouvellera certainement son tissu
urbain.
Par ailleurs, acte de recomposition urbaine, le renouvellement
urbain, peut être défini par « un changement profond, au
moyen de démolitions totales ou partielles, de la morphologie urbaine
d'un quartier sous différentes facettes, et pouvant donc cumuler des
interventions ayant un impact sur la trame foncière, la trame viaire et
les déplacements, les formes architecturales, les fonctions, les
services, la gestion, les caractéristiques de l'espace public ». Au
sens large, « le renouvellement urbain désigne l'ensemble des
transformations à l'oeuvre dans le tissu urbain. Il renvoie alors
à un phénomène, présent depuis toujours, les
évolutions se faisant progressivement, au gré des mutations
immobilières, soit par extension géographique, soit par
reconquête de zones déjà urbanisées » Peillon
(2002).
Tous ces éclaircissements faits, il était
important pour de justifier le choix du terrain d'étude. Pourquoi
avions-nous retenu Joué-lès-Tours comme terrain d'étude ?
Nous étudions et nous habitons la ville de Tours. Nous aurions pu la
choisir ou lui ajouter Joué-lès-Tours. Mais la ligne du tramway
est longue de 15km avec 29 stations. Vouloir étudier les effets du
tramway sur toute la ligne serait objet d'étude trop « vaste
». Nous avions donc pensé à circonscrire notre zone
d'étude. Sur les 29 stations de la ligne, 22 sont à Tours, la
ville-centre et 7 se retrouvent dans Joué-lès-Tours, la banlieue,
une commune voisine pas du tout éloignée. Aussi cours de nos
recherches documentaires, nous avions constaté que très peu
d'auteurs ont travaillé sur la question des effets des transports en
commun en occurrence le tramway dans les banlieues. Nous avions alors
décidé de mener nos enquêtes à
Joué-lès-Tours, un terrain d'étude proche de notre lieu
d'habitation et facile d'accès.
L'aménagement de lignes de transport collectif en site
propre (TCSP) est considéré de nos jours dans les grandes villes
françaises selon Fritsch, «comme un instrument majeur des
politiques d'aménagement, non seulement dans le domaine des transports
mais plus largement dans celui du renouvellement urbain» (2007). Les
opérations d'aménagement permettent donc de restructurer et de
partager des espaces publics entre les différents modes
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dans la circulation. Cela entraine des actes de
démolitions, de constructions et de reconstructions afin de mieux
organiser le territoire. Ainsi les lignes de TCSP y sont
présentées, comme l'indique Fritsch, «comme un puissant
moyen de rééquilibrage des parts modales, de
réaménagement de l'espace public, de valorisation des quartiers
desservis, et leur réalisation sert de fil conducteur à de
nombreuses opérations d'urbanisme » (2007).
Ce processus est-il observé dans les communes de
premières couronnes ? Qu'en sera -t-il de Joué-lès-Tours,
banlieue d'une ville intermédiaire comme Tours ?
De ce fait, notre travail s'inscrit dans une optique : en
effet, ce n'est pas la ligne du tramway comme offre technique qui nous
intéresse ici mais davantage comme une force ou un agent de construction
et de valorisation des territoires traversés. Il ne s'agit pas de
considérer l'objet tramway plus uniquement comme un système de
transport mais comme une icône vecteur de modernité et
d'identité pour une banlieue mais d'enrichir son analyse d'une dimension
sociodémographique, économique d'une part et d'une dimension
urbanistique d'autre part, c'est à dire de lier le tramway à
l'étude de la dynamique qu'il impulse dans la recomposition urbaine des
communes de première couronne surtout Joué-lès-Tours. A
cet effet, notre recherche vise principalement à étudier les
dynamiques urbaines et socioéconomiques induites par l'implantation
d'une ligne de tramway à Joué-lès-Tours, cette banlieue
située au Sud de Tours.
Dans ce document, nous présenterons dans un premier
temps le contexte, la problématique et cadre géographique de
l'étude. Nous abordons ensuite la question des mutations et
transformations apportées par le tramway dans la recomposition urbaine
de la commune. Enfin, dans le dernier chapitre, nous identifierons les effets
du tramway sur l'immobilier avant d'évaluer ses impacts sur le commerce
Jocondien.
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