3.2.2 Traitements
L'introduction d'un neuroleptique, la
Clozapine® a été faite pendant le temps
d'hospitalisation à l'UISI, son introduction a été
particulièrement compliquée. Dans un premier temps monsieur K. a
présenté des signes de problèmes cardiaques qui ont
nécessité l'arrêt du traitement ; une deuxième
introduction a été faite avec des paliers d'introduction plus
faibles. Les dosages sanguins pour contrôler la présence de la
molécule dans son sang montrent qu'il ne l'absorbe pas - pour 500mg
introduit il ne lui reste que 100mg présent dans son sang - la question
se pose des raisons de cette absorption si faible. Monsieur K. est toujours en
train de cracher, de se frotter les dents, de pousser pour expulser des sels,
de boire et d'uriner en grande quantité. On peut voir ses comportements
comme des tentatives de vidages ou de rejet du traitement. Nous continuons
cependant l'introduction car c'est la molécule la plus efficace
concernant les effets
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antipsychotiques. Le Nozinan® est un autre
neuroleptique, prescrit pour ses qualités sédatives et un effet
légèrement antipsychotique. Le patient présente des effets
secondaires de son traitement neuroleptique, une perte d'équilibre et
une constipation.
Durant ses décompensations, il présente des
phases maniaques et des phases dépressives intenses qui le conduisent
à des passages à l'acte suicidaire ; un traitement pour
réguler son humeur est mis en place. La Dépakote®
est un anticonvulsivant utilisé, ici, pour son effet
thymorégulateur grâce au renforcement de la voie
GABAergique. En parallèle il potentialise l'effet des neuroleptiques
(Vidal, 2019).
Le reste de son traitement est composé d'un
anxiolytique pour apaiser ses angoisses, le
Valium® et d'un antiparkinsonien, le
Lepticur® utilisé comme correcteur du syndrome
parkinsonien induit par les neuroleptiques, comprenant tremblements
généralisés, mouvements anormaux de la bouche,
akinésie, hypertonie.
3.2.3 Bilan
Quand je le rencontre il est en chambre d'isolement mais a des
temps de sorties autorisés. Lors de ces moments il erre dans les
couloirs de l'unité, sa démarche est lente et à petit pas,
sans ballant des bras, le dos courbé et la tête baissée. Il
est amimique et ne communique avec personne. Je le revois une semaine plus
tard, son état s'est vite dégradé. Il est
contentionné en chambre d'isolement car il se mutilait par grattage de
ses orifices, se faisant saigner. Il ne contrôle plus ses fonctions
annales et urinaires. Cet investissement des orifices met en évidence
une très forte angoisse mais également la question des
enveloppes, peaux physique et psychique. On pense également à la
représentation de l'intérieur de son corps, un corps tuyaux ou il
suffirait de se vider pour rejeter les traitements ? Il est exalté,
logorrhéique, son discours n'est pas compréhensible et comporte
beaucoup de bruitages et de rires immotivés. Peu à peu son
état s'améliore, il est décontenu et a des temps
d'ouverture dans l'unité ; il est toujours exalté mais son
discours, par moment, devient compréhensible et nous accédons
à son délire, bien que cela ne dure pas plus d'une phrase ou
deux. Il présente beaucoup de bizarreries et d'automatismes mentaux. Il
nous dit qu'il mange les miettes par terre car à chaque fois cela sauve
un enfant. Il comprend cependant ce qu'on lui dit et nous pouvons donc
commencer un bilan psychomoteur.
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Le bilan a été effectué sur deux
séances, en octobre et novembre 2018, lors de sa première
hospitalisation à l'UISI.
Comportements et observations durant le bilan :
Monsieur K. est très demandeur de prise en charge en
psychomotricité et participe volontiers ; il a des difficultés
à maintenir son attention durant toute la séance. Il est
distractible mais il est assez facile de le ramener à l'exercice
proposé. Le cadre de la séance et notre présence lui
permettent de disposer d'un espace où il arrive à être
attentif, accessible, plus calme et détendu que durant la
journée.
Tonus : Il présente de larges rires
immotivés au contact mais se laisse manipuler facilement lors de
l'examen du tonus ; une grande rigidité au premier abord mais il arrive
à relâcher presque totalement son bras sur demandes
répétées.
Motricité globale : On observe une
cyphose thoracique, les épaules en dedans, il se déplace
lentement sans ballant, les bras le long du corps, traîne les jambes.
Bonne mobilité des membres inférieurs si sollicités avec
un ballon, les membres supérieurs restent relativement statiques. Peu de
mouvements volontaires et peu d'amplitude sauf si quelque chose
l'intéresse et alors on découvre une agilité
impressionnante.
Motricité fine : Les items de
motricité faciale de Kwint en mimétisme sont tous réussis,
cependant leurs associations pour reproduire des émotions n'est pas
possible. Il ne semble pas comprendre la notion de reproduction
d'émotions, on sent que cela provoque une légère
sidération qui devient vite angoissante pour lui.
Latéralité :
Latéralité manuelle et podale à droite. Monsieur
K. connaît la droite et la gauche sur lui-même et sur autrui. La
réversibilité est cependant difficile à obtenir car la
notion de « sur toi, sur moi » est compliquée ; il a du mal
à se situer par rapport à lui-même dans le test de
Piaget-Head et situe les objets par rapport à l'examinateur dans un
premier temps, puis comprend après plusieurs explications ce qu'est
« par rapport à lui » et situe alors les objets dans le bon
sens. On se pose la question de l'origine de cette difficulté, une
possible fusion avec l'autre où la difficulté à se
différencier est grande, ou bien, l'impossibilité de se prendre
en compte, s'oubliant ainsi en tant que personne. La suite du test est
réussie mais lui demande beaucoup de concentration. Aucun
problème lors des reproductions des mouvements de l'EMG
(Évaluation de la Motricité Gnosopraxique) de Vaivre Douret.
Schéma Corporel : Lors des
somatognosies, le patient sait nommer et reconnaître les parties du corps
sur lui et sur autrui. Cependant certains items complexes comme
«pommettes» lui
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posent problème ; il met longtemps à trouver et
se plonge dans une concentration à la limite de la stupeur. Il cite
souvent des éléments précis quand je lui demande des
parties générales, la compréhension est un peu
altérée. Le schéma corporel est donc correct mais
fragile.
Mémoire : Bonne mémoire de
travail (mémoire instantanée), moins bonne mémoire de
rappel ; son délire reprend vite place quand le rappel est difficile
pour lui.
Communication/ Comportement : Ne peut pas
exécuter un ordre comprenant trois étapes, il ne peut pas
attendre la suite de la consigne et manipule le matériel selon ses
envies. Son discours spontané est presque exclusivement rapporté
à son délire et très peu compréhensible. Il
comprend cependant ce qu'on lui dit et répond généralement
de manière adaptée aux sollicitations si elles sont simples et
dans le moment présent.
Conclusion : On peut constater que Monsieur K
est fortement envahi par son délire, ce qui limite ses capacités
attentionnelles et de compréhension, il est cependant réceptif au
portage dans la relation. Il a des difficultés à se
représenter «lui et l'autre», et on peut émettre
l'hypothèse d'un manque de limites corporelles, une fusion avec l'autre
ou un manque de conscience de soi. Le manque de mouvements, d'amplitude et
l'attention qu'il porte à des éléments précis de
son corps peuvent nous évoquer une possible angoisse de morcellement. On
note un émoussement affectif, une alexithymie, l'incapacité de
reconnaître, mimer et parler de ses émotions.
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