Le mouvement féminin et féministe au nord du Maroc. Objectifs et répertoire d'actions: 1990-2010par Fadma Ouaiaou ULB - Master 2011 |
V.4.1.Les bases de la monarchie marocaineLe fondement du régime de la monarchie se construit sur une conception de la démocratie assez particulière. En effet, pour Mohammed V, fondateur de la monarchie moderne, la démocratie est « celle qu'on ne va pas importer de l'occident comme une marchandise importée malgré ses défauts. Notre démocratie est celle que nous inspire notre réalité, nos valeurs spirituelles et les principesde notre religion »220(*).Dès lors, le référentiel religieux a été utilisé comme fondement de l'Etat et d'organisation des rapports sociaux. Par conséquent, la nature d'un tel Etat se caractérise par l'autoritarisme221(*), dont le roi tient à la fois, le pouvoir religieux, en tant que « commandeur des croyants », et à la fois, le pouvoir politique en tant que « arbitre » dans les conflits sociaux, économiques, juridiques, ou politiques. Autrement dit, ce pouvoir d'arbitrage est garanti au roi par la constitution depuis 1962222(*), etl'est toujours par la nouvelle constitution de 2011223(*). Cependant, si la société marocaine est marquée par la religion et les traditions, force est de constater que le pouvoir dominant du roi est celui de commandeur des croyants, (Amir Almoumenine).Dans un tel régime, imaginer une citoyenneté a part entière pour les femmes ne serait qu'illusion. Nous ne pouvons que constater que la citoyenneté pour tous les marocains, hommes et femmes n'est qu'un rêve. En effet, une monarchie religieuse est encadrée par une pensée politique islamique avec laquelle, une démocratie n'est pas compatible. Nous constatons donc que la vision traditionnelle du Roi est partagée avec les islamistes d'aujourd'hui. Ainsi, pourAli Benhaj l'un des dirigeants de FIS224(*) algérien, « le concept de démocratie est absent dans le Coran et étranger à la langue et à la culture arabe, ceux qui l'auraient importé viseraient à affaiblir la umma (communauté musulmane) et anéantir la religion. ».225(*)Paradoxalement, et pour maintenir les valeurs traditionnelles, l'Etat n'hésite pas à s'allier à des mouvements traditionalistes et instrumentalise la religion pour protéger l'ordre patriarcal. En effet, sous la pression des mouvements islamistes, le gouvernement marocain a retiré le PANIFD dans le soi-disant but de préserver l'unité de la umma, et ce, au détriment des femmes.En conséquence, l'exclusion ou l'inclusion des femmes devient un enjeu et un jeu polico-religieux qui permet aux autorités et à la société patriarcale de conserver ses valeurs marquées par la domination masculine pour reprendre la formulation de Bourdieu. Le Code de la famille qui se base sur la charia (jurisprudence islamique) et pour lequel militent les féministes universalistes depuis les années 80 est comparable aucontrat social que Pateman considère comme : « un moyen par lequel le patriarcat moderne s'est constitué »226(*). * 220 Discours du roi Mohammed V à l'occasion de fête de 20 août 1958, in DARIF,M. l'histoire de la pensée politique au Maroc Casablanca, Ifrikya-charq, 1988, p293. La référence estarabe, il s'agit de ma traduction. * 221 DARIF, M. histoire de la pensée politique au Maroc, Casablanca, Ifrikya-Charq,1988, p 297-304. ( en arabe) * 222L'année de la première constitution après l'indépendance. * 223Article 42 de la nouvelle constitution de 2011. * 224Front Islamique du Salut en Algérie. * 225 KIAN-THIEBAUT, A. Les femmes et les mouvements islamistes : actrices aliénées ou contestatrices « de l'intérieur » ? Sous direction Isabel TABOADA LEONETTI, les femmes et l'islam, entre modernité et intégrisme, Paris, l'Harmattan, 2004, p : 111-144. * 226JESEPH, S, Femme et citoyenneté dans le monde arabe, publié sur www.Mediterraneas.orgle 1 novembre 2004, consulté le 15 septembre 2010. |
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