Le mouvement féminin et féministe au nord du Maroc. Objectifs et répertoire d'actions: 1990-2010par Fadma Ouaiaou ULB - Master 2011 |
IV.4. MARGINALISATION AU FEMININL'observation des cas de violence des centres d'écoute d'associations féminines oeuvrant dans la région du Nord a révélé la tolérance de la société envers les souffrances des femmes. Ceci montre à quel point, la société est marquée par les traditions, souvent très dures. L'approche de la violence basée sur le genre dans la régionmontre qu'il existe deux approches contradictoires qui encadrent les associations féministes islamistes et les associations féministes universalistes. En effet, le principe de complémentaritéqu'adoptentles féministes islamistes entraine une approche àla violence conjugale très particulière. Ainsi, la présidente de l'association Mawada estime que l'unité de la famille est l'objectif primordial de l'association. « C'est pour cette raison que l'on préfère régler le problème de la violence conjugale en premier lieu par un dialogue et une tentative de réconciliation entre les époux, car notre centre est un centre d'orientation familiale. On travaille alors pourla protection de l'unité familiale et plus particulièrement quand celle-ci est composée d'enfants afin de les protéger de vagabondage et de clochardisation qui sont les conséquences du divorce.».161(*) Alors que l'approche des associations féministes universalistes se base sur le principe de l'égalité dans la vie de couple. Elles mettent en avant le droit de la femme à une vie sans violence et à la protection de sa personne contre toute forme de violence.Il importe de rappeler que la déclaration sur l'élimination de la violence faite à l'égard des femmes (AGNU)162(*) de 1993 désigne dans son premier article, le terme de la violence à l'égard des femmes, comme : « Tout acte dirigé contre le sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. ». En effet, lors de l'entretien avec la directrice du centre d'écoute de l'association Mains Solidaires et du soutien juridique et psychologique, l'association revendiquant son statut de mouvement féministe universaliste, celle-ci a expliqué que « la dignité et la sécurité de la femme tant dans la sphère publique que dans la sphère privée font partie des droits humains fondamentaux. Ainsi, le travail au sein de notre centre se base sur les conventions des droits humains de la femme.Les femmes marocaines mariées, célibataires, divorcées ou veuves ont le droit à une protection et à la justice de leur droits qui sont garantis par la législation nationale ou par les conventions internationales »163(*). Le point essentiel qui encadre les travaux au sein des centres d'écoute est la protection de la femme et la punition de l'agresseur. Cela pose un gros problème dans l'application des lois marocaines et plus particulièrement, dans les cas de violences conjugales164(*).La directrice du centreCAFMAT165(*) de l'associationARFEDEC166(*) de Tétouan,Mariam Moussa a insisté sur «l'importancede l'approche genre dans le traitement desinégalités dont souffrent les femmes au Nord du Maroc et particulièrementdans la région de Tétouan »167(*). De plus, les féministes universalistes insistent sur le travail de la justice et de la pression qu'il faut lui mettre pour intégrer la violence conjugale dans le code pénal maisaussiafin de changer le texte de ce code qui discrimine au sein même des femmes victimes de violence, ces dernières selon leur statut social. Nous avons pu constater l'importance du réseau « printemps de la dignité » créé par des associations féminines du mouvement des féministes universaliste à Rabat, pour les associations féminineslocales du Nord. Zakia ELBaghdadi(Mains Solidaires) a expliqué que:« le réseau du printemps de la dignité a pour but de changer les dispositions qui réduisent les femmes à des corps à surveiller, et les privent de leur droit d'en disposer. Ces dispositions sont différentes, selon que la femme est mariée ou non, vierge ou non»168(*).Ainsi, le travail de plaidoirie est plus que nécessaire dans le cadre du partenariat et de réseautage. Le mouvement féministe universaliste du Nordestaussi engagé dans le cadre du Réseau ANARUZ169(*). Il est primordial deremarquer que la violence basée sur le genre est devenue plusvisible pour la combattre. Nous nous devons de souligner qu'il existe d'autres catégories de femmes marginalisées au Maroc. Malheureusement, la loi du silence telle qu'elle est appliquée dans la société traditionnelle, maintient ces femmes dans l'obscurité et dans une souffrance profonde, une souffrance silencieuse. De fait, dans une société qui se transforme mais qui vit toujours entre la modernité et les traditions, le célibat est mal vécu pour les femmes. C'est pourquoi,les structures juridiques politiques et sociales de la société, ne permettent pas à la femme célibataire, divorcée, mère célibataire, prostituée ou femme abandonnées d'avoir une place digne puisqu'elle n'a de véritable statut que lorsqu'elle est mariée ou mère170(*). En tout cas, la double marginalisation de ces femmes est le résultat d'une structure politique et sociale créée par l'Etat qui se désengage complètement de sa responsabilité à l'égard de ces femmes laissées sur les bans de la société. En effet, celui-ci féminise la pauvreté, refuse de subvenir aux besoins fondamentaux de ces victimes d'une société machiste. Sans oublier que l'Etat est également responsable de l'échec de la majorité des projets de développement mis en place par les associations en collaboration avec des bailleurs de fonds. La question de la professionnalisation et dufinancement des associationsféminines au Nord du Maroc a été à l'ordre du jour de diverses discussions avec leurs membres (responsables, fonctionnaires, bénéficiaires). Aussi, lors des entretiens avec les fonctionnaires et les responsables d'associations du mouvement féministe universaliste, un sentiment dedéprime est ressenti au vu des problèmes que rencontrent ces dernières au quotidien pour mener à bien leurs projets. Par ailleurs, il importe de dire que le travail de terrain de ces associations a été « un palliatif au désengagement de l'Etat »171(*). Cependant la tâche est lourde pour les associations féministes. En effet, le désengagement de l'Etat a poussé les associations féministes à mettre en place des projets contribuant à aider les femmes pauvres à surmonter les difficultés financières et sociales du quotidien. Par conséquent, cet engagement a entrainé un recul auniveau du combat de ces associations pour la défense des femmes au niveau juridique. L'idée de mettre la pression sur la justice pour changer les lois discriminatoires à l'égard des femmes a été peu à peu abandonnée. Cependant, les projets des associations ont contribué à absorber les chômeurs diplômés particulièrement au sein des femmes universitaires. Paradoxalement, la nature des projets à durée déterminée sur lesquels travaillent les jeunes diplômés n'offre à ceux-ci qu'une phase de transition dans l'attente d'un poste au sein d'une administration publique. Ainsi les associations ne forment pas de cadresdont le but serait de s'investir à fond dans une association mais dans le but de renforcer au maximum, leurs capacités institutionnelles. Donc, nous pouvons en conclure que, les associations sont toujours en manque de ressources humaines et de volontaires.172(*) * 161Entretienque nous avons réalisé avec réalisé dans le cadre la présente recherche. * 162Assemblée Générale des Nations Unies * 163Entretien réalisé dans le cadre de la présente recherche. * 164 Manque de loi pénalisant la violence conjugale dans le code pénal marocain * 165 Centre d'Assistance pour les Femmes MalTraitées de l'association ARFEDEC de Tétouan * 166 Association de la recherche féminine pour le développement et la coopération. * 167Entretien avec la directrice du centre et la présidente de l'associationARFEDEC le 7 janvier 2011 * 168Entretien avec directrice de centre d'écoute de l'association mains solidaires le 18 novembre 2010. * 169Nom en amazight qui désigne Lumière, (Réseau national des centres d'écoute des femmes victimes de violence crée le 24 avril 2004 à l'initiative de 19 associations des différentes régions du Maroc. * 170COMBE,J. (2001), p 120-121. * 171Ibidem p 184 * 172 Les observations personnelles recueillieslors des ateliers de formation que nous avons animée durant la période du travail. |
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