Le mouvement féminin et féministe au nord du Maroc. Objectifs et répertoire d'actions: 1990-2010par Fadma Ouaiaou ULB - Master 2011 |
IV.2. REFORMES LIMITEESLe régimepolitique accorde aux femmes une certaine place au sein de postes politiques mais ces derniers demeurent sans importance décisive140(*). Les militantes du mouvement féministe universaliste ont été convaincues que le changement des mentalités discriminatoires envers les femmes ne peut être réalisé qu'à travers une réforme du statut juridique de la femme141(*). Ensuite, il importe de souligner que l'ambition des militantes du mouvement féministe universaliste a subi un choc, vu la réalité d'application du nouveau code de la famille, mais aussi à cause des lacunes existants encore dans le texte tant décrit progressiste (LDDF142(*)).En effet, les rapports que publie la ligue démocratique des droits de la femme sur l'application du code de la famille, attestent d'une dure réalité. Certains articles de ce code restent encore inégalitaires ou ouvrent une possibilitéd'interprétation d'un juge, qui dans la majorité des cas décide en faveur d'une vision patriarcale. Ainsi, l'âge du mariage est souvent une violation des droits humains. Cette interprétation abusive touche particulièrement les adolescentesâgées de 12 à 16ans. Dans la région du Nord, le mariage des mineures demeure encore une réalité choquante. Malheureusement, selon les rapports des centres d'écoutequi accueillent des mineures victimes de violence conjugale, le nombre des mariages de ces dernières après la réforme de la moudawana (Code de la famille 2004) a connu une hausse remarquable. Ainsi, juste après l'entrée en vigueur du code de la famille,le rapport de la LDDF sur les mariages précoces (entre5/2/2004 et 31/12/ 2005) a enregistré pour la ville de Larache 400 demandes de mariages des mineures autorisées des 406 demandes de mariage déposées. Cela signifie que l'appréciation du juge dans la majorité des cas entraine l'accord. Force est de constater que laisser une marge d'interprétation dans une loi n'est en faveur que de la mentalité conservatrice. Ce sujet entraîne des débats continuels, la loisur l'âge du mariage régit par le code de la famille anime encore des polémiques entre les particularistes (les islamistes) et les universalistes. Les articles 20 et 21143(*)du code de la famille ouvre au juge la possibilitéd'autoriser le mariage d'un mineur avec l'accord de son tuteur, et même parfois, sans l'accord de celui-ci dans certaines circonstances. Le nombre de mariages de mineures sous l'autorité d'un juge a dépassé toutes les limites lors de l'entrée en vigueur du Code de la famille. Il est donc alors primordial de prendre au sérieux la déclaration de la secrétaire générale de la Ligue démocratiquedes Droits de la Femme (LDDF) Fawzia Assouli lors d'une interview donnée au journal marocain « Aujourd'hui le Maroc »144(*): « le mariage des mineurs a connu une hausse de plus de 10% ». On peut donc en conclure que le juge abuse de son pouvoir et ce en toute légalité. « Comment empêcher alors ce dernier d'user largement (voir arbitrairement) de son pouvoir pour transgresser la règle juridique ?145(*)». Il faut rappeler que le Code de la famille régit d'autres domaines qui demeurent discriminatoires envers les femmes. Ainsi, il comprend des articles sur les domaines suivants: la polygamie, l'héritage et la répudiation (rapport2010, rapport annuel du centre d'écoute de l'association Mains Solidaires pour le droit à la dignité et à la citoyenneté146(*). La présidente de la section de la LDDF à Larache a souligné lors de notre entretien que « l'article sur l'âge du mariage a constitué un piège, puisqu'il y'a desjugesqui ont une vision patriarcale et qui abusent de leur pouvoir, et autorisent la majorité des demandes de mariages des mineures. Ce qui constitue un recul par rapport à la situation avant le nouveau Code de la famille »147(*). Les articles du Code de la famille posent problème dans la société marocaine. En effet, les articles cités ci-dessus sont plus que conflictuels entre les islamistes et les universalistes. Pour bien comprendre les points de vue des trois composantes du Féminisme marocain (Etatique, islamiste et universaliste), il importe d'approcher la question de l'héritage puisque c'est une loi qui découle du Coran, donc sacrée et intouchable, mais aussi qui est basée sur la nature de la filiation d'une société patriarcale. Mais la loi surl'héritage est également fortement liée àla nature de la monarchie marocaine. C'est une évidence qui explique pourquoi le Code de la famille n'a pas apporté de changement à la loi sur l'héritage.L'approche de cette loi dans lecadre de notrerecherche a pour objectif d'analyser les rapports entre les composantes du féminisme marocain (féminisme d'Etat, féminisme islamique et féminisme universaliste). L'objectif est aussi de montrer que le statut juridique de la femme est fortement lié aux rapports d'alliance et d'opposition qui sont basés sur le pouvoir politico-religieux. * 140ALAMI M'CHCHI, H. (2002), p 41. * 141COMBE, J. (2001), p 195. * 142La Ligue Démocratique des Droits de la Femmes, une association féminine nationale qui publie chaque année un rapport sur l'application du code de la famille depuis son entrée en vigueur en février 2004, sa section de Larache fait partie de notre échantillon. (rapport de 2009). * 143Les articles 19, 20 et 21, (2004), Code de la famille,ministère de la justice : http://www.justice.gov.ma/fr/documentation/documentation * 144 Aujourd'hui le Maroc 13 octobre 2008 * 145 ALAMI M'CHICHI, H. (2010), P 85. * 146 Une association féminine qui fait partie denotre échantillon. * 147Entretien avec Mme Soudia Touati présidente de la section LDDF à Larache réalisé en décembre 2010 |
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