Le mouvement féminin et féministe au nord du Maroc. Objectifs et répertoire d'actions: 1990-2010par Fadma Ouaiaou ULB - Master 2011 |
III.1.ETAT DES LIEUXLa situation de la femme marocaine au nord du Maroc est fortement liée à l'histoire et à la géographie de la région. En effet, durant des siècles, l'histoire ne s'est construite que par les hommes. Les livres d'Histoire et les ouvrages des orientalistes, toujours rédigés par des hommes, en sont une preuve. L'image de la femme arabe en général véhiculée par les orientalistes est à l'intérieur du Harem81(*) . Un rôle exclusivement érotique et sensuel. De cette façon, la femme est exclue de la sphère publique comme acteur social et politique, et ce malgré le fait qu'elle assume son rôle économique d'épouse, de mère etde soeur en subvenantaux besoins de la famille. En effet, la femme au Nord est laborieuse, et, en réalité, par sa force physique, elle occupe les deux sphères publique et privée, à l'intérieur de la maison comme à l'extérieur, en ville comme à la compagne.Or, cette réalité économique, sociale et culturelle de la « fille du Nord »82(*) n'était reconnue ni par la société, ni à travers le statut juridique. Et bien que l'enseignement ait permis d'améliorer la situation économique des femmes, « le quotidien demeure toujours aussi ségrégatif, difficile et inégalitaires »83(*). III.2.HERITAGE HISTORIQUE DE LA REGION DU NORDAprès que le Maroc se soit libéré du protectorat français en 1956, la monarchie marocaine hérite de l'organisation administrative du régime français. Il importe ici de signaler que la région du Nord du Maroc était séparée géographiquement mais aussi structurellement des autres régions étant elle administrée par les espagnols. En effet, la région colonisée par les espagnoles (à l'exception de la ville de Tanger qui a bénéficié d'un statut international), est marquée par une réalité économique précaire. Le colon espagnol n'a pas investi dans le développement de la région. Cettepolitique de marginalisation de la région continuera après l'indépendance sous le régimede Hassan II. Il faut soulignerque la vision du colonisateur français perdurera et se manifestera dans le fait de considérer la régioncomme sans intérêt ni utilité économique.Cette vision va se perpétuer avec la monarchie chérifienne84(*) jusqu'à l'ouverture politique avec le roi Mohammed VI, succédant à son père enjuillet 1999. Au niveau des lois, le Maroc a hérité des codes de lois français, excepté pour ce qui est du Code du statut personnel, qui organise les relations hommes-femmes au sein de la famille. Ce code basé sur « Elfiqh85(*) » (jurisprudence islamique) et précisément la doctrine Mâlikite86(*), confère aux hommes l'autorité sur les femmes. Par essence, les rapports de genre dans le Code du statut personnel sont donc inégalitaires et prouvent une exclusion des femmes, tantde la sphère publique que de la sphère privée. Sans entrer dans les détails et à titre d'exemple : les deux premiers livres du Code du Statut Personnel de 1957, sont consacrés aux fiançailles. Le mariage estdéfinit comme suit : « le mariage est un contrat légal par lequel un homme et une femme s'unissent en vue d'une vie conjugale commune et durable. Il a pour but la vie dans la fidélité, la procréation par la fondation, sur les bases stables et sous direction du mari, d'un foyer permettant aux époux de faire face à leurs obligations réciproques dans la sécurité, la paix, l'affection et le respect mutuel »87(*). Ainsi, l'article consacre l'autorité de l'homme/ mari dans la sphère privée / la famille, cette autorité est légitimée par le Coran88(*). L'autorité du mari, présentée dansle CSP89(*)comme la base du mariage, et la femme, une mineure à vie90(*). Autre article frappant et contradictoire qui aura des répercussions jusqu'à nos jours, malgré les réformes apportées au Code du statut personnel, est celui de l'âge minimum au mariage. L'article 8 du code de la famille de 2004 mentionne dorénavant dix-huit ans pour l'homme et pour la femme. Tout de même, il importe de souligner que le code de la famille marocain, qui se base sur la doctrine Mâlékite, est plus avancé que d'autres doctrines islamiques qui, pour certaines stipulent que l'âge minimum du mariage de la femme n'est pas limité... Ainsi, une fille pourra être mariée dès sa naissance, une pratique courante au Moyen Orient. Aussi, l'article concernant l'âge du mariage révèle deux contradictions: « La première tient à l'âge de la majorité civile, qui est, depuis 1992, fixée à20 ans. Comment peut-on reconnaître àune personne la capacité d'exercer ses droits à 20 ans, et lui permettre cependant de conclure, avant cette majorité, un contrat par lequel, elle s'engage sa vie ? La seconde contradiction tient à l'âge minimum, et cela laisse présager le peu d'efficacité d'une telle mesure.»91(*). * 81Expression qui désigne le lieu où résident les femmes (épouses concubines) du roi, du maitre du château ou un seigneur qui a du pouvoir et de l'argent, le Harem est plutôt une traditionrépandue chez les arabesau Moyen Orient, plus qu'au Maghreb. * 82Une expression dialecte qu'utilise les marocains pour désigner la femme de la région du Nord du Maroc, (en dialecte marocain : Bente chamal) * 83 MINCES, J. (1980), la femme dans le monde arabe, Paris : MAZARINE, p 30. * 84Descendant du Prophète (voir Glossaire) * 85Voir Glossaire * 86Voir glossaire * 87Code du statut personnel, (1958), Livre I, article 1. * 88DAMMAME, A, (2005), Le genre à l'épreuve du développement au Maroc : discours et pratiques concernant la place des femmes dans les projets, Thèse de doctorat présenté à l'université d'Orleans, p 65. * 89Voir Glossaire * 90COMBE, J, ( 2001) ,La condition de la femme marocaine, Paris : L'Harmattan, P 31-32. * 91 Ibidem. |
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