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La commission internationale des frontières et des eaux (IBWC) face aux enjeux de la préservation de l'environnement


par Clémence Léger
Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 - Master Etudes Européennes et Internationales - Aire anglophone 2022
  

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Avancées et problèmes hydro-diplomatiques depuis les années 1940

Le Traité de 1944 était censé aborder l'éventail le plus large possible de questions relatives à l'eau, mais n'a pas toujours été en mesure de le faire. Il n'a pas pu gérer la protection et la conservation de l'environnement qui sont des aspects aussi importants que les questions économiques, mais qui, pendant longtemps, ne faisaient pas partie des prérogatives de l'IBWC.

Problèmes de salinité dans le fleuve Colorado

Le Traité de 1944 devait résoudre les problèmes liés à l'eau, mais il faut souligner que les problèmes environnementaux et l'épuisement des eaux souterraines du fleuve Colorado continuent de se poser après 1944. C'est pourquoi, en 1956, le projet de stockage du fleuve Colorado a été acté par le Congrès étatsunien. Il a autorisé la construction du projet de stockage du fleuve Colorado, qui a permis le développement des ressources en eau du côté étatsunien du fleuve. Il était aussi supposé contrôler les inondations et les sécheresses en assurant le stockage et la régulation de l'eau (« Colorado River Basin Salinity Control program » s.d.). Ce programme visait à autoriser le développement des ressources hydriques du bassin supérieur du Colorado, dans les États du Colorado, du Nouveau-Mexique, de l'Utah et du Wyoming, en prévoyant la construction du barrage de Glen Canyon en Arizona, entre autres, qui devait répondre aux besoins hydriques des États du bassin inférieur (Arizona, Californie et Nevada) (« Colorado River Storage Project » s.d.). L'idée était de répondre aux attentes du Colorado River Compact de 1922 et de fournir une quantité suffisante d'eau au bassin inférieur du Colorado qui était plus souvent touché par des sécheresses. Le travail sur le bassin inférieur du Colorado aurait pu également affecter le Mexique. En effet, si l'eau était correctement régulée aux États-Unis et si les stockages étaient mieux gérés, la probabilité que cela se produise au Mexique aurait été plus faible et l'eau reçue aurait été finalement utilisable et consommable.

Malgré ce projet, de nombreux scientifiques ont affirmé que des problèmes environnementaux subsistaient. Il est possible d'illustrer cette question avec le cas de la salinité des eaux du fleuve Colorado de 1962 qui a augmenté de manière drastique tout au long de la seconde partie du XXe siècle, à cause de l'activité humaine (Lillich et Jordan 1974, 229). En effet, les problèmes de salinité du fleuve Colorado dans les années 1960 et 1970 en amont ont eu un impact négatif à la fois sur les agriculteurs mexicains qui ne pouvaient utiliser ni l'aval du fleuve, ni l'eau reçue des États-Unis, trop polluée, et sur l'économie du Mexique (Carter et al. 2018, 10-11). Ce problème a été résolu en partie avec la Minute 218 de 1965, qui devait se terminer en 1970 et exigeait des États-Unis qu'ils étendent un drain pour réduire la salinité dans le fleuve (Stanger 2013, 83). L'idée était de définir les débits maximum du drainage jusqu'au barrage de Morelos afin que cette eau soit diluée avec l'eau du Colorado (Stanger 2013, 83). Quand vint la fin de la durée d'application de la Minute, ce problème de salinité n'était toujours pas résolu et avait toujours de graves répercussions pour les agriculteurs mexicains. C'est après de multiples différends entre les autorités étatsuniennes et le gouvernement mexicain que fut finalement acceptée la Minute 242 (1973), nommée solution permanente et définitive au problème international de l'eau (Carter et al. 2018, 11). Cette Minute obligea les États-Unis à verser 1 360 000 acres-pieds d'eau au barrage de Morelos pour la détourner vers les agriculteurs mexicains ; cette eau devait contenir une quantité minimale de sel. En effet, le niveau de salinité moyen annuel de l'eau du Colorado livrée au Mexique devait être de 144 milligrammes par litre par rapport à la salinité moyenne annuelle des eaux du fleuve dans le sud des Etats-Unis (Umoff 2008, 80). Aussi, si la quantité d'eau claire fournie était inférieure, ils devraient livrer la différence en amont à Morelos (Stanger 2013, 85). Les États-Unis devaient également continuer de drainer 140 000 acres-pieds d'eau très salée dans la mer, en aval du barrage de Morelos.

C'est aussi dans ce contexte qu'en 1972, l'Agence de protection de l'environnement (the Environmental Protection Agency (EPA)) a souhaité la création du programme de contrôle de la salinité du bassin du fleuve Colorado. L'idée était d'améliorer l'irrigation et la gestion de la végétation ; il s'agissait de développer des standards de qualité de l'eau pour ce qui est de la salinité (« Colorado River Basin Salinity Control Program » s.d.). Ceci devait, par ailleurs, réduire le transport de sel dans l'eau. En 1973, le Forum de contrôle de la salinité du bassin du fleuve Colorado (the Colorado River Basin Salinity Control Forum), composé des États bassins du Colorado, a continué de développer et d'établir les normes de qualité de l'eau pour la salinité établie en 1972, qui manquaient dans le cadre du traité sur l'eau de 1944. En 1974, le Congrès a promulgué la loi sur le contrôle de la salinité du fleuve Colorado en autorisant la construction et l'entretien des ouvrages de contrôle de la salinité (« Colorado River Basin Salinity Control Program » s.d.). Ici encore, l'objectif principal consistait à demander aux États-Unis de travailler sur la salinité pour favoriser l'économie nationale et les agriculteurs étatsuniens. Cette loi aurait aussi pu aider les agriculteurs mexicains même si ce n'était pas la priorité initiale des États-Unis. En effet, si un évènement survenait du côté étatsunien du fleuve, il aurait potentiellement pu avoir un effet sur le côté mexicain. Les problèmes se produisant dans le bassin supérieur du fleuve Colorado auraient des répercussions dans le bassin inférieur. Dans cette mesure, il était essentiel pour le Mexique que les États-Unis travaillent de leur côté du fleuve Colorado.

De plus, à la fin des années 1970, la gouvernance de l'eau mexicano-étatsunienne changea pour inclure de nouvelles compétences spécifiques afin d'aider les institutions traditionnelles. En ce sens, la diplomatie de l'eau a permis au Mexique et aux États-Unis de négocier des décisions liées à la gestion de l'eau. Cette évolution correspond à celle de l'IBWC. En outre, l'augmentation des Minutes a introduit une nouvelle manière de gouverner les eaux frontalières et de résoudre les problèmes binationaux de salinité, par exemple. De plus, l'idée de ce procédé d'hydro-diplomatie, mené par l'IBWC, était de décentraliser le système global. Ceci permettrait d'ajouter des juridictions à plusieurs niveaux pour traiter les problèmes directement là où ils se produisent et pour assurer une résolution efficace des problèmes d'eau à la frontière (Mumme et al. 2012, 9). Il est plus facile de résoudre les problèmes de salinité ou de sécheresse des eaux de Fort Quitman ou de Mexicali, par exemple, si les ingénieurs, les spécialistes, les analystes et autres intervenants travaillent directement dans ces villes. Cependant, le Traité de 1944 a généralement mis beaucoup de temps à résoudre les problèmes environnementaux liés à l'utilisation de l'eau, car ni les États-Unis ni le Mexique n'étaient enclins à agir ou à réagir pour solutionner ces problèmes. Le principal écueil concernait la pollution de l'eau, par exemple, principalement causée par l'agriculture, de première importance tant dans le sud-ouest des États-Unis que dans le nord-ouest du Mexique (Carter et al. 2018, 1). Ce problème s'est reproduit avant et après la mise en oeuvre du traité sur l'eau de 1944. Dans cette mesure, il est possible de penser que les États-Unis et le Mexique voulaient protéger leur économie et leur agriculture autant que possible tant que la pollution ne nuisait pas à l'agriculture.

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