Gouvernance de l'eau avant le Traité de 1944
Dans cette section, il est essentiel de revenir sur les
antécédents du Traité de 1944 pour apprécier son
utilité. Pourquoi les traités et accords précédents
n'ont-ils pas fonctionné, ou pas aussi bien, et pourquoi le
Traité sur l'eau de 1944 a-t-il été introduit à
cette période ? Pour ce faire, il faut tenir compte de la situation
de crise hydrique traversée par le Mexique à l'époque du
Traité. En outre, cela permet de comprendre la mise en oeuvre finale du
Traité et les caractéristiques spécifiques qui ont
principalement profité aux États-Unis et qui ne prennent pas en
compte l'aspect environnemental des eaux frontalières. Il a fallu
beaucoup de temps avant de parvenir à un accord final entre les deux
nations (Anderson 1972, 601).
L'un des premiers accords relatifs au partage de l'eau qui ont
eu cours entre les deux pays avant 1944, la Convention de 1906 sur la
répartition équitable des eaux du Rio Grande, traite de
l'utilisation de l'eau à des fins autres que la navigation. Elle conclut
que les États-Unis alloueraient 60 000 acres-pieds de leurs eaux du Rio
Grande par an pour irriguer les terres situées en aval d'El Paso au
Mexique (Ross 1965, 91). Elle peut être considérée comme
l'ancêtre du Traité sur l'eau de 1944 car elle traitait
déjà de l'utilisation du Rio Grande, même si elle
était beaucoup plus limitée que le Traité de 1944. De
même, en 1922, le Colorado River Compact fut
approuvé ; il concluait que le Mexique ne recevrait que l'eau
excédentaire au-delà des seize millions d'acres-pieds
(19 735 680 000 mètres cubes) réservés à
l'usage des États-Unis (Ross 1965, 91). Six ans plus tard, les
États-Unis autorisèrent finalement le Mexique à utiliser
un maximum de 750 000 acres-pieds, soit 925 110 000 mètres cubes,
du fleuve Colorado (Gantz 1972, 497) parce qu'il en possédait la partie
inférieure. C'était la quantité d'eau que le Mexique
était supposé utiliser chaque année. Cette fois, le
Mexique n'eut pas d'autre choix que d'accepter ce compromis. En effet, les
États-Unis affirmèrent qu'il était plus intéressant
pour le Mexique d'avoir une certaine quantité d'eau plutôt que
d'en demander plus et de ne pas être capable de la gérer (Gantz
1972, 497). Il est possible de penser, dans un premier temps, que les
États-Unis voulaient conserver le plus d'eau possible et donc en fournir
le minimum au Mexique. Dans un second temps, il était
économiquement préférable pour une nation d'être
assurée de recevoir un certain volume d'eau régulièrement
plutôt qu'un volume d'eau non régulé et, par
conséquent, plus compliqué à utiliser correctement. C'est
ce que les États-Unis attendaient du Mexique et que le Mexique a
finalement accepté. Néanmoins, cet arrangement ne tenait pas
compte des sécheresses récurrentes dans la région qui ne
permettraient pas au Mexique de satisfaire ses besoins annuels en eau.
Toutefois, même si le Mexique ne pouvait pas recevoir
plus de 750 000 acres-pieds du fleuve Colorado par an, le barrage Hoover,
créé en 1935, devait aider le Mexique. Il faut d'abord se
souvenir que ce barrage a été mis en place, dans un premier
temps, pour fournir de l'énergie électrique à partir du
débit du fleuve Colorado en Californie (« Hoover
Dam » s.d.) puisque plus d'un quart du débit en amont du
fleuve Colorado était consacré à l'énergie
électrique. Pour ce qui est du Mexique, ce barrage devait permettre de
réguler le débit du fleuve en amont et en aval et ainsi
résoudre les possibles problèmes d'inondations en aval (Hundley
1967, 210). Cependant, il est possible de penser que cette régulation
des débits par ce barrage en amont du Colorado a, comme expliqué
dans l'introduction, entraîné des problèmes hydriques au
Mexique dans la mesure où l'eau ne s'écoulait pas suffisamment en
aval et favorisait surtout davantage de sécheresses.
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