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Thèse unique de doctorat criminologie.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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5.2.3 Facteurs démographiques

Pour K. (planteur à Koumoudji, entretien de Mai, 2016) « avant pour régler un problème de terre, ça ne prenait pas beaucoup de temps parce qu'il n'y avait pas beaucoup de personnes chez et chez les wouobin ». De ces propos, il ressort que la gestion rencontrait moins de difficultés dans un contexte de faible démographie et de faibles flux migratoires. Aujourd'hui, avec la croissance démographique des populations autochtones, les migrations allochtones et les migrations de transhumants, la gestion des conflits fonciers n'est plus en raison le nombre d'acteurs en présence, des implications, des enjeux économiques,....Bref, la gestion est inscrite dans un champ social où les acteurs et les enjeux économiques et la protection des acquis ou la consolidation des biens fonciers sont fréquents.

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Comment s'est donc présentée cette évolution démographique aux yeux des enquêtés pour que ceci influence la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?.

? Accroissement rapide des populations autochtones

Selon le Dr N., (53 ans, médecin généraliste à l'hôpital général de Sinfra, entretien effectué en Septembre 2015) « Nous recevons depuis quelques années, un nombre de naissances qui va augmentant. Le taux de natalité est passée de 5 à 9 naissances/ jour dans l'intervalle 2004-2014, soit environ 3.285 naissances/an ».

Dans ces propos, il faille noter que le département de Sinfra connait un taux de natalité important sur ce territoire aux dimensions statiques (1618 km2). Cette croissance démographique déjà linéaire (186.864 habitants en 2001) conjugué à ce taux de natalité sur une superficie départementale statique de 1618 km2, donne un ratio habitants/ superficie de 115 habitants/km2. Dès lors, le contexte rural et foncier actuel de Sinfra serait caractérisé par une forte densité de population (115 habitants/km2.), contrainte d'exercer sur des espaces de plus en plus réduits du fait de la demande foncière sans cesse croissante de cette population native. La matrice du paysage, initialement constituée de forêts denses et clairsemées, s'est progressivement modifiée par ce nombre remarquable d'agriculteurs autochtones,

laissant ainsi place à une savanisation du paysage, une fragmentation de
l'écosystème forestier.

Ces changements sont principalement dus à des perturbations anthropiques (constructions de villages, défrichements abusifs). L'accroissement rapide des populations autochtones de Sinfra et les pratiques agricoles non durables ont modifié les modalités d'occupation du sol dans le département. Les écosystèmes forestiers ont été substitués au fil du temps, par des écosystèmes anthropisés menaçant alors la biodiversité de cette zone.

Relativement, on assiste à un processus d'avancée progressive des espaces de culture qui frisent les bordures de pistes villageoises, un surpâturage des espaces, une savanisation progressive des grands espaces forestiers qui caractérisaient la région forestière de Sinfra.

Toutefois, la conséquence première de cette augmentation rapide de la population autochtone (majoritairement agricole) sur le même espace (superficie départementale n'augmente pas) est le mode d'exploitation abusif de la terre, des défrichements

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massifs de portions et des techniques axées sur le brulis, avec une fréquence quasi nulle de la jachère. Cette exploitation abusive de la terre à Sinfra a infertilisé le sol à telle enseigne que les champs de ces occupants sont aujourd'hui de moins en moins productifs.

Relativement, un représentant local de l'Agence Nationale d'Appui au Développement Rural (Mr S. conseiller au développement rural et des techniques de production agricoles, entretiens de Décembre 2015) pense que « les terres locales sont de moins en moins fertiles en raison de leur utilisation abusive, de la non-intégration des engrais et de l'usage des techniques sur brûlis, peu recommandés aux usagers ruraux ». A cette information, les ruraux de Béliata disent être conscients du risque d'infertilisation des terres dans l'usage des méthodes indiquées ci-dessus, mais affirment ne pas avoir le choix, puisqu'ils devraient surexploiter le sol en vue de subvenir aux besoins de leurs familles. En ce sens, l'enquêtée B. (35 ans, ménagère à Djamandji ; entretiens de Mai 2016) affirme « nous avons de petits espaces de cultures, nous sommes donc obligés de les surexploiter pour faire nos plantations. De plus, la méthode sur brûlis est rapide et pratique ».

Aussi, le climat de méfiance qui s'est installé depuis peu entre autochtones, allochtones et transhumants, compromet-t-il aujourd'hui les vieilles pratiques partenariales, amicales et tutorales entre ces peuples sédentarisés. Lequel climat semble inquiéter à la fois les détenteurs de biens pécuniaires (allochtones) et les détenteurs de biens fonciers (autochtones), comme le soulignent certains enquêtés. Ainsi, pour Z. (34 ans, planteur à Djamandji, entretiens de Décembre 2015) « on vivait ensemble avec les étrangers de chez nous, mais depuis moins d'une dizaine d'années, de nombreux problèmes de terre ont commencé à nous diviser. Parmi ces problèmes, de nombreux ont été sanglants, alors que cela ne devait jamais arriver entre un propriétaire et son étranger ; du coup la méfiance s'est installée entre nous au point où l'on se demande si c'était une bonne idée de les accepter chez nous ».

Des propos que semblent attester certains transhumants guinéens et maliens de la zone : « aujourd'hui, pour avoir un petit coin pour travailler, c'est dur hein. Souvent les gouro là refusent l'argent qu'on leur donne. Vraiment, la situation ne nous arrange pas ». On assiste donc à un flou social entre des actions conjointes d'expropriation des allochtones et de récupération de ces espaces pour ceux qui disposent des terres, et d'appropriations par méthodes souterraines, occultes sous forme de

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marchandisations imparfaites, démagogiques et clientélistes pour ceux qui ont le pouvoir d'achat.

? Migrations croissantes des allochtones

La période de colonisation ivoirienne a été révélatrice d'énormes potentialités naturelles en Côte d'Ivoire (richesse des sols, pluralité d'essences forestières). De ce fait, une politique d'exploitation agricole intensive a été mise en place par les colons, nécessitant ainsi, une forte main-d'oeuvre sous régionale, recrutée des espaces de l'Afrique Occidentale Francophone. Dès son accession à l'indépendance, les autorités d'alors se sont inscrites dans cette même logique en vue de bâtir un Etat économiquement fort, sur des fondements essentiellement agricoles, faisant de l'agriculteur, l'un des principaux artisans du développement économique ivoirien.

Les efforts salutaires consentis dans ce secteur ont certes permis de hisser la Côte d'Ivoire au premier rang en matière d'exportation de cacao et de troisième, en matière de café, mais au-delà, ont favorisé une politique d'immigration interne et externe incontrôlée vers les terres nationales pour certains (non-ivoiriens) et les terres locales, pour d'autres (allochtones).

Cette immigration s'est à la fois manifestée par des déplacements croissants des populations non-ivoiriennes en raison de l'impact économique amorcée qualifié de « miracle ivoirien » et des migrations internes de populations allochtones vers les zones plus fertiles de l'ouest et principalement dans les villes du sud-ouest. Ces populations (allochtones et non-ivoiriennes), pour la majorité sans qualification professionnelle vont se cantonner dans les zones rurales de Sinfra pour se spécialiser dans les activités de transhumance ou d'exploitation agricole, négociant par des méthodes multiformes (tutorat, achat, prêt, métayage), la consolidation d'espaces fonciers.

Selon le rapport diagnostic produit par le BNETD, le département de Sinfra a enregistré de 1975 à 1988, une croissance démographique d'environ 4.039 habitants/ an. Ce chiffre en constante progression est passé à environ 4.971 habitants/ an de 1988 à 1998 et à environ 5.616 habitants /an dans l'intervalle 1998- 2001. Cette population de 186.864 habitants (en 2001) vivante sur une superficie départementale de 1618 km2 équivaut à une densité moyenne de 115 habitants / km2. De telles données témoignent certes d'un fort taux de naissance, mais davantage d'un taux de

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migration interne et externe assez important. On assiste dès lors à une démographie galopante, une saturation foncière avec une influence directe ou indirecte sur la réduction des espaces individuels, la création de plantations, de pâturages aux abords des pistes villageoises, des contraintes de cohabitation entre cultivateurs et transhumants, quand bien même leurs activités paraissent antinomiques.

Dans ce contexte, les interactions entre acteurs ruraux se soldent fréquemment par des joutes singulières portant sur des empiètements pluriels, des destructions de plantations, des confusions sur les droits de propriété, des remises en cause de contrats, des expropriations multiples et des consolidations violentes de portions de terre. La terre apparait comme l'unique source de sécurité alimentaire et par ricochet, de survie. Les décisions de justice visant à déposséder certains, y sont officiellement acceptées mais dans la pratique, rejetées avec une prédisposition (de ces acteurs) à la violence (physique et mystique) dont l'issu situerait le véritable propriétaire de portions confligènes.

Par ailleurs, un fait non moins évoqué reste le caractère d'hospitalité ancrée dans la coutume gouro. Chaque kwênin se devait d'avoir un « étranger » chez lui sous peine de stigmatisation, de rejet et le cas échéant, de mise en quarantaine vu que « ne pas avoir un étranger chez soi serait signe de méchanceté selon les ancêtres » (Discours recueilli auprès du chef de kouêtinfla, Chef Z., plus de 60 ans, planteur à Djamandji en Novembre 2015). Les autochtones étaient implicitement contraints de faciliter l'arrivée et l'installation de migrants relativement aux instructions ancestrales.

Aussi, est-il à préciser que les autochtones disposaient de portions assez vastes à leurs yeux, à telle enseigne qu'ils pensaient qu'en donner quelques dizaines d'hectares n'affecteraient pas l'étendue des terres pour la génération à venir.

Selon Mr I., secrétaire principal de la Sous-préfecture (entretiens de Décembre 2015) « nos parents, lorsqu'ils donnaient les terres par amitié ou contre un service rendu, ne prévoyaient pas que ces terres, à un certain moment, allaient manquer. Les proportions de terre sans fin qu'ils voyaient, sont illusoires aujourd'hui du fait des dons sans mesure ».

Une position que semble partager le président de la jeunesse de blontifla (P. 43 ans, entretiens de Décembre 2015) pour qui « les jeunes autochtones de sinfra sont aujourd'hui désoeuvrés, ils manquent constamment de terres dans leur propre village et hésitent souvent entre errance et consolidation violente d'espaces de culture ».

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? Augmentation du nombre de transhumants

Dans un focus-group organisé avec la jeunesse de Béliata, F., le président des jeunes (lors entretien de Juin, 2016) affirme que « les chasseurs de boeufs qui n'étaient pas beaucoup il y a quelques années seulement à Sinfra, sont devenus nombreux, trop nombreux dans nos villages ». Il ressort de ces propos du président de la jeunesse de Béliata que la croissance démographique actuelle de Sinfra est certes liée aux effets conjugués des naissances autochtones et allogènes, mais force est de reconnaitre l'importance les flux d'arrivants allochtones et non-ivoiriens à des fins pastorales. En effet, le paysage rural de Sinfra dominé par un clivage végétatif (forêts denses, forêts clairsemées et savanes arborées) semble correspondre aux exigences de la transhumance. Ainsi, par un processus de collaboration entre les allogènes de Sinfra et ceux, restés dans leur ville ou pays natal, le département va assister à une migration progressive de ces allogènes vers Sinfra, à l'effet de développer de cette activité pastorale, prometteuse dans le département.

De plus, selon un peulh transhumant de Djamandji (entretien de Juin, 2015), « ici, la terre est bonne et la pluie qui ne vient pas trop, arrangent notre travail ». Autrement, les variations pluviométriques allant de 1.200 à 15.00 mm de pluie dans le département, ont davantage attiré ces pasteurs vers la localité où ils s'activent désormais à intégrer une transhumance d'animaux venant des pays voisins (Burkina Faso, Mali et Guinée) à la mobilité pastorale déjà existante, saturant davantage l'espace rural de Sinfra dominé par les activités agricoles.

De ce fait, ces pasteurs (anciens et nouveaux) vont se voir négocier en permanence de petits espaces pour la construction de pâturages au cheptel ou le cas échéant, créer des enclos aux abords des pistes villageoises, des points d'eau, des verges, des plantations de certains cultivateurs de la localité. Ce voisinage improvisé pour des raisons de rareté d'espaces aux activités pastorales, n'est pas sans conséquences négatives pour ces acteurs (cultivateurs et pasteurs) aux activités antinomiques. En effet, lorsque les pasteurs promènent le bétail dans les pistes villageoises ou champêtres assez étroits, les animaux font des intrusions momentanées dans les champs des cultivateurs avant se faire ramener par ces pasteurs. Mais cette intrusion bien que temporellement courte, laisse des dégâts qui complexifient au quotidien la relation déjà dualiste entre pasteurs et agriculteurs de la localité.

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Dans ces conditions, les autochtones cultivateurs mènent des campagnes de sensibilisation au sein de la communauté native afin de durcir les modalités d'acquisition d'espaces pour la transhumance et dans de nombreux cas, défrichent tous leurs différentes terres afin de néantiser l'espace adéquat pour la transhumance. A ce titre, l'enquêté G. (40 ans, cultivateur à Djamandji, entretien de Décembre 2015) affirme que « les propriétaires de boeufs sont devenus trop nombreux dans notre village et ils laissent leurs animaux détruire nos plantations. C'est pourquoi, nous avons décidé de les pousser à partir d'eux-mêmes, en travaillant sur toutes nos terres ». Dès lors, il ressort que les cultivateurs de Sinfra usent de nombreux moyens (utilisation de l'ensemble de leurs terres, refus de cession des terres) pour contenir le surpâturage de ce nombre croissant de transhumants et la réduction des pâturages existants. Une décision qu'ils estiment pouvoir contenir les flux migratoires de pasteurs et de leurs animaux supposés envahir le département et errer dans l'ensemble des contrées de la localité.

? Réduction des espaces accordés aux transhumants et Occupation des forêts et parcs environnants le département

Les investigations menées dans notre zone d'étude montrent que le développement assez remarquable des activités agricoles à Sinfra a des conséquences sur la réduction des espaces pâturables. En effet, l'évolution démographique de la localité a accentué la demande locale en denrées alimentaires ; ce qui a, selon le Préfet N. « permis à la population de développer et de diversifier les activités de production (intégration de l'hévéaculture, de l'anacarde et du palmier à huile) dans le but de répondre à cette demande sans cesse croissante » (entretien d'Octobre 2016).

Ainsi, en accordant la primauté aux activités agricoles, les activités de transhumance ont été rétrogradés à un niveau secondaire voir tertiaire dans le processus de couverture alimentaire de la localité. Cela s'explique par le fait que ces transhumants, minoritaires (par rapport aux agriculteurs) forment des groupes sociaux distincts, souvent dispersés dans l'ensemble des villages des différentes tribus et paraissent soumis à un processus progressif d'exclusion à telle enseigne que les espaces qu'ils utilisent pour des besoins de pâturage et par ricochet de transhumance, sont continuellement réduits par ces cultivateurs majoritaires.

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Pour un pasteur guinéen de la localité (entretien d'Août, 2016) « les gouro d'ici nettoient tous les terrains même les terrains qu'on nous a dit qu'on va nous donner ». Il ressort donc qu'au-delà des forêts indiquées pour des fins d'agriculture, les savanes clairsemées (Sian, Nanan et Vinan) souvent propices au développement des activités pastorales, semblent ne pas être épargnées par les défrichages de masse par les agriculteurs sédentaires.

Dans cette mesure, ces éleveurs sont au quotidien délogés de leur lieu de transhumance locale puis relogés dans des espaces plus réduits créant chez eux des sentiments de peur, de repli sur soi et de contestation.

Le cycle d'expulsion foncière reprend et continue de sorte que les espaces concédés à ces éleveurs deviennent minimes, peu utilisables pour les exigences pastorales et ces éleveurs restent contraints d'abandonner ces espaces au profit d'autres, même s'ils restent conscients que ces nouvelles occupations seront d'une durée relativement courte avant de nouvelles expropriations.

Cette réduction successive des espaces concédés aux transhumants a connu une croissance remarquable depuis l'année 2010. Le tableau ci-dessous donne quelques détails de l'évolution du nombre de pâturages dans l'intervalle 2010 à 2015 dans les différentes tribus du département.

Tableau 12 : Evolution des pâturages de 2010 à 2015

Tribus Années

Bindin

Gohi

Nanan

Progouri

Sian

Vinan

Total

2010

8

6

9

4

14

7

48

2011

7

6

7

3

12

7

42

2012

5

4

7

3

8

5

32

2013

4

3

5

2

6

4

24

2014

4

3

4

1

5

4

21

2015

2

1

3

1

3

2

12

.

Source : Terrain

Il ressort de ce tableau que :

? Dans la tribu Bindin, sur 8 pâturages enregistrés en 2010, il ne reste que 2 en 2015

214

· Dans la tribu Gohi, sur les 6 pâturages enregistrés en 2010, il ne reste qu' 1 en 2015

· Dans la tribu Nanan, sur les 9 pâturages connus en 2010, 3 sont fonctionnels en 2015

· Dans la tribu Progouri, tandis qu'en 2010 les pâturages étaient au nombre de 4, ce nombre a chuté à 1 pâturage en 2015

· Dans la tribu Sian, le nombre de pâturages qui était estimé à 14, est passé à 3 en 2015

· Dans la tribu Vinan, en 2010 le nombre de pâturage estimé à 7, est passé à 2 en 2015

· Dans l'ensemble des tribus du département, sur les 48 pâturages enregistrés en 2010, il n'en reste que 12 en 2015.

La baisse considérable du nombre de pâturages durant l'intervalle 2010 à 2015 (de 48 à 12) s'explique par le fait que la croissance démographique galopante de Sinfra (naissances et migrations), loin de se caractériser par une certaine parité des acteurs s'investissant dans les deux activités majeures du département (agriculture et transhumance), a bien au contraire traduit cette inégalité entre ces acteurs (population s'investissant en majorité dans les activités agricoles). Ce faisant, les transhumants ont et continuent de connaître une réduction considérable de leur espace d'activités, voir leur expropriation progressive de certains domaines fonciers. Ceux-ci présentant des caractères minoritaires, se voient abandonner leurs espaces d'activités au profit d'autres avec tous les risques de nouvelles évictions par ces agriculteurs majoritaires. Dès lors, la réduction continuelle des espaces de transhumance à Sinfra, ne répond plus exclusivement à un besoin de développement des activités agricoles par les autochtones, mais aussi et davantage à une volonté d'affirmation sociale et de consolidation des terres pour la descendance avenire face à des migrants jugés trop nombreux dans la zone.

Par ailleurs, le vieux S. (plus de 80 ans, planteur à Douafla, entretien de Mars 2016) affirme qu'« Avant, lorsque les habitants du village devenaient beaucoup et que le village était surpeuplé, on demandait aux nouveaux venus de créer de nouveaux villages dans des endroits où il y a forêt. C'est le cas de flacouanta où les nouveaux habitants sont venus vers l'actuel Djamandji pour créer les villages Béliata, Digliblanfla, Bégonéta et Kouêtinfla ». Autrement pour cet enquêté, à Sinfra, les

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déplacements des peuples sédentaires sont fonction de l'engorgement des villages déjà occupés. Ainsi, lorsque les ruraux remarquent une certaine saturation des villages, ils exigent aux nouveaux venus et aux jeunes ayant atteint l'âge de la majorité, de faire des expéditions et s'installer sur de nouvelles terres afin d'y fonder leurs familles et y cultiver la terre. Conformément à cette façon de procéder, de nombreux villages parallèles ont vu le jour dans le département (Proziblanfla, Proniani, Dégbesséré, Tiézankro I et II) et au-delà des frontières du département jusqu'aux environs du parc national de la marahoué à proximité de l'axe routier Bouaflé-Daloa.

Cette présence des habitations et des champs de plus en plus rapprochés du parc de la marahoué a des conséquences tenant à des intrusions fréquentes des ruraux dans cette aire protégée avec tous les risques de chasse des principales espèces animalières y vivantes (éléphants, buffles, hippopotames,...). C'est dans ce cadre qu'un agent de l'Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR) (Mr B. 52 ans, agent chargé de la planification des aires protégées, entretiens de Mars 2016) affirme que « le parc national de la marahoué, malgré le dispositif sécuritaire mis en place à savoir les nombreux miradors positionnés de façon stratégique, fait l'objet d'intrusion par des ruraux venant pour la plupart du département de Sinfra. Cette superficie de 101. 000 ha est assez vaste pour une surveillance efficiente de la réserve et de la population animale qui y vit ». Partant de ces propos, il ressort que le parc national de la marahoué fait l'objet d'intrusion fréquente par des ruraux (en provenance de Sinfra) en quête d'espace de culture.

Et même si de nombreux facteurs sont évoqués par les enquêtés pour expliquer cette situation : inconséquences des décisions de l'Etat, laxisme et corruption du personnel du parc, insuffisance des moyens humains et matériels destinés à la protection, ce parc reste sujet à des défrichements agricoles et un braconnage intensifs par des ruraux déserteurs des contrées saturées de Sinfra et hantés par le désir pressant de développer leurs activités agricoles pour y combler la période de famine « klata ».

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand