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Thèse unique de doctorat criminologie.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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5.1.3 Stigmatisation des acteurs de gestion et expropriation des allochtones
des espaces fonciers

Des négociations engagées auprès des quatre sous-préfectures (Sinfra, Bazré, Kononfla et Kouêtinfla) ont permis de recueillir les procès -verbaux des dix dernières affaires foncières réglées entre les autochtones et les allochtones dans l'année 2016. Les détails se trouvent synthétisés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 10: Procès-verbaux des affaires réglées

S/P

Population

Sinfra

Bazré

Kononfla

Kouêtinfla

Total

Autochtones

04

05

03

04

16 40 %

Allochtones

06

05

07

06

24 60%

Total

10

10

10

10

40 100%

Source : Terrain

Il ressort de ce tableau qu'en 2016 :

- sur 10 affaires foncières réglées par la Sous-préfecture de Sinfra, 06 décisions, soit 60% des cas ont été favorables aux allochtones

- dans la sous-préfecture de Bazré, 05 cas, soit 50% ont été favorables à chacun peuple sédentaire.

- Dans les sous-préfectures de Kononfla et Kouêtinfla, les allochtones l'emportent avec simultanément 07 et 06 décisions, soit environ 70% et 60%.

- En somme, sur un total de 40 affaires, 24, soit 60% ont été favorables aux allochtones contre 16 ou 40% pour les autochtones.

Ces chiffres, à première vue, semblent révéler l'attitude pacifique et non confligène des allochtones, mais dans la pratique ces chiffres traduisent sensiblement que quelques décisions ont été orientées en raison en raison du statut socio-matériel des allochtones et de leur influence sociale.

Des entretiens effectués auprès de quelques responsables de ces sous-préfectures ont révélé que des décisions de justice ont été expressément modifiées pour créer un calme social dans cet environnement ou les rivalités politiques se transportent dans la sphère foncière.

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A partir de ces décisions, il était important pour nous de connaitre le niveau de stigmatisation des acteurs de gestion eu égard à leur attitude partiale dans la gestion des conflits fonciers à Sinfra.

A cette fin, un questionnaire a été adressé à 25 individus retenus par choix raisonné dans chaque sous-préfecture. Les données recueillies ont été regroupées dans le tableau ci-dessous :

Tableau 11: Niveau de stigmatisation des acteurs de gestion

S/P Niveau

Sinfra

Bazré

Kononfla

Kouêtinfla

Total

Faible

04

06

13

03

26 26%

Moyen

12

11

03

08

34 34%

Elevé

09

08

09

14

40 40%

Total

25

25

25

25

100 100%

Source : Terrain

A l'analyse de ce tableau, il ressort que :

- Sur 100 individus dans l'ensemble des quatre (04) sous-préfectures, 26, soit 26% ont un niveau de stigmatisation faible des acteurs de gestion.

- 34 ou 34% des enquêtés stigmatisent moyennement les acteurs de gestion.

- 40 individus ou 40% des enquêtés stigmatisent fortement les acteurs de gestion.

Ce niveau élevé de stigmatisation des acteurs de gestion (40%) est lié aux effets conjugués de l'accumulation de frustrations (décisions arbitraires) et ce rejet social de ces acteurs pourtant censés garantir la justice et l'égalité des droits des citoyens. Les autochtones dans leur majorité, ont trouvé comme moyen de contournement de ces décisions arbitraires, l'exclusion foncière de ces allochtones privilégiés par les acteurs de gestion. De ce fait, les autochtones, tentent des appropriations massives de parcelles autrefois octroyées aux allochtones. Ils procèdent donc dans cette atmosphère, par des examens et réexamens de ces contrats en vue de débusquer des incohérences, des imprécisions pouvant constituer un prétexte suffisant pour redéfinir le contrat ou le cas échéant, exproprier les allochtones de ces domaines. Ces contrats qui figurent pour la plupart sur des « petits papiers » sont souvent égarés, mal conservés ou encore imprécis, occasionnant une satisfaction des autochtones gouro qui peuvent intenter de nouvelles ventes de ces parcelles ou encore les

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conserver à leur usage personnel. Ainsi, pris au « piège » de la minorité ethnique et communautaire, certains allochtones se voient racheter leurs propres terres ou expropriés selon des méthodes pacifiques ou violentes. On assiste donc à un climat dualiste entre ces peuples, dans un environnement où chacun cherche à étendre son réseau de relations sociales. Cette dualité, ces contradictions foncières, se soldent fréquemment par des menaces d'exclusion, des harcèlements permanents des allochtones sur la probabilité d'une éventuelle expulsion.

Toutefois, un fait non moins évoqué, reste les incendies criminelles perpétrées par certains allochtones lors des violences post-électorales de 2011, dans les villages Koblata et Proniani (Sinfra). Ces incendies qui ont, selon les autorités locales, occasionné le décès de 50 autochtones, ont attisé une stigmatisation des nordistes de la localité et par voie de conséquence des allochtones. Les allochtones semblent désormais de plus en plus isolés, écartés des centres de décisions. Cet étiquetage

est d'autant plus perceptible au niveau de l'institution familiale, lignagère et
intracommunautaire autochtone où l'on assiste à des sensibilisations occultes de certains cadres gouro sur l'isolement, la mise en quarantaine ou même l'expulsion des allochtones dans la majorité des contrées rurales gouro.

Toutefois, il est à noter que ces incendies sont l'oeuvre des groupes isolés aux intentions criminelles et non l'action conjointe de l'ensemble des allochtones vivants à Sinfra. Ceux-ci sont désormais stigmatisés dans leur ensemble sous la nomenclature « allochtone » et expropriés en masse pour ceux qui ne disposent des contrats d'achats ou de contrats douteux.

Selon des entretiens effectués dans quelques villages à prédominance allochtone telles que Brunoko et carrefour campement (situés à une quinze de kilomètres du centre-ville), l'enquêté T. (34 ans, cultivateur à Brunokro) « Depuis la crise, les gouro inventent de nombreux arguments irréalistes pour nous chasser des forêts ».

Pour le préfet N. (67 ans, Préfet hors grade, entretiens d'Avril 2015) « la situation sécuritaire entre les ruraux de Sinfra s'est principalement dégradé depuis les violences post-électorales de 2011 ».

Certains expropriés tels que L. (ancien planteur de Djamandji, entretien d'Avril, 2015) pensent que « ces peuples qui étaient aussi hospitaliers ont beaucoup changé avec nous. Tout ce qu'ils veulent aujourd'hui, c'est de nous arracher toutes les terres, même celles que nous avons achetées ». Ce scepticisme des propriétaires terriens

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« kwênins » s'explique par une volonté univoque d'exproprier, d'un refus de cohabitation d'avec ces peuples allochtones.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein