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Thèse unique de doctorat criminologie.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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2. Présentation des différentes procédures de gestion

2.1. Procédure coutumière 2.1.1. Fondement ancestral

La procédure de gestion des conflits fonciers à Sinfra se fonde, selon un chef traditionnel (entretiens effectués de Janvier 2015 à Mai 2016 dans la tribu Vinan) « sur des rites et rituels sacrés que nous effectuons depuis des générations. Ces rituels et libations que nous établissons sur la terre, servent de ciment à nos communautés, conformément aux sens d'associer, relier et se recueillir. Pour nous, il faut associer les ancêtres dans nos activités, notre quotidien, notre vie car nous estimons qu'ils nous voient, sont attentifs à nos besoins et prennent soin de nous. Donc, nous les appelons quand on manque de pluie, en cas d'épidémie, d'initiation des adolescents au masque Djê, d'intronisation d'un chef et pour régler les palabres de terre ».

Partant de ces propos, il apparait que la population sédentaire rurale de Sinfra accorde une place prépondérante aux rituels et libations en vue d'ingérer les ancêtres dans la gestion des questions villageoises en général et des questions foncières en particulier. Dans cette mesure, les ancêtres se voient attribuer des rôles d'acteurs de gestion au sommet de la hiérarchie pyramidale. Ils transcendent le cadre de la passivité pour se présenter comme de véritables acteurs actifs de la gestion, une sorte de juridiction coutumière suprême (les points suivants donneront les détails de leur intervention).

2.1.2. Procédure de gestion

La procédure de gestion des conflits fonciers à Sinfra varie selon le type de conflit en présence : conflits intrafamiliaux (1), conflits interfamiliaux et intercommunautaires (2) et conflits agriculteurs et transhumants (3).

2.1.2.1. Procédure de gestion des conflits intrafamiliaux

Dans le contexte intrafamilial, deux cas de figures se présentent. Les belligérants peuvent solliciter l'aide d'un oncle pour la gestion du différend (1) ou s'en remettre au tribunal coutumier (2).

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2.1.2.1.1. Procédure de gestion par l'oncle

2.1.2.1.1.1. Plainte

La plainte se fait selon Z. (35 ans, planteur de djamandji) « par appel ou sollicitation d'un oncle proche qui a connaissance de l'histoire de la famille, qui a eu des liens étroits avec le père donateur avant sa mort et qui a toujours eu une attitude paternaliste envers les descendants de son défunt frère ». De ces propos, il ressort que la plainte concernant la gestion d'un conflit intrafamilial est déposé chez un oncle assez proche du défunt père et qui a suivi avec attention le processus d'attribution des terres à ces descendants.

Après réception verbale de la plainte par téléphone ou par un vaguemestre, l'oncle après consultation de son emploi du temps professionnel et/ou familial, propose une date à ses « fils » pour une séance d'écoute et ci-possible de règlement.

Dans la plupart des cas observés, l'enquêté L. affirme que la convention sur la date de la séance familiale d'écoute « dure environ cinq jours à une semaine pour deux ».

Après avoir fixé collégialement cette date, les « fils », par le biais de l'héritier désigné, reçoivent instruction de créer un cadre de paix avant la date convenue.

2.1.2.1.1.2. Séance d'écoute et tentative de règlement

« L'oncle peut venir seul ou appeler des ainés et frères pour l'aider à résoudre la question ». Ces propos recueillis auprès de l'enquêté K. (planteur à progouri, entretien de Novembre 2016) montrent que l'oncle a le choix en matière de gestion de la gestion. Il peut venir seul s'il estime être en mesure de la régler la question ou solliciter l'aide de frères s'il note d'autres implications traditionnelles ou sent la nécessité d'associer toute la famille afin d'éviter un conflit qui peut désagréger le tissu familial.

A une séance ouverte qui voit participer tous les membres de la famille, le conseil familial se réunit pour écouter les belligérants, les femmes, enfants et autres frères. Ainsi, après avoir écouté les acteurs du conflit familial, l'oncle ou le conseil familial donne la parole aux autres membres de la famille pour leur part de vérité concernant la situation qui prévaut à la maison.

Après avoir écouté les différents intervenants, l'oncle ou le conseil de famille essaie de situer les choses concernant l'ordre hiérarchique et hégémonique des choses dans

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la tradition gouro, les confidences du défunt père et les souhaits en son absence avant de décider d'une solution qui privilégie l'intérêt de la famille et qui préserve l'unité des membres du groupe.

Une ou deux personnes sont désignées dans le groupe pour veiller ou suivre l'application de la décision et faire des rapports verbaux (appels téléphoniques, déplacements et explication de l'évolution des choses à ou aux oncles).

Il est également à noter que dans la tradition gouro, l'oncle est considéré comme ayant les mêmes droits que le père géniteur et ses décisions ne font et ne doivent aucunement faire l'objet de contestation par les fils.

Dans le second cas, les membres de la famille rejettent cette esquisse familiale et sollicitent directement le tribunal coutumier.

2.1.2.1.2. Procédure de gestion par le tribunal coutumier

Dans le cadre familial, la gestion des conflits de terre se structure exclusivement autour de la plainte (1), de la séance d'écoute et de la décision du tribunal sur la base des interventions d'oncles (2).

2.1.2.1.2.1 Plainte

Le dépôt de la plainte ou « tôla tchi » se fait à deux mille (2.000) francs CFA en vue de permettre l'enregistrement de sa déposition parmi les questions à résoudre. Le tribunal coutumier programme une séance d'écoute et l'urgence de la question est évaluée selon deux thématiques bien précises : ordre des questions à résoudre et leur importance sociale.

2.1.2.1.3 Séance d'écoute et association des oncles pour la gestion

Selon I. (déscolarisé à Blontifla, entretien de Juin, 2016) « quand il y a un problème de terre au sein d'une même famille, la question est sensible puisque les individus habitent la même maison et si le jugement n'est pas bon, ils peuvent se faire mal à la maison ». Il apparait donc que vu la sensibilité et la délicatesse des conflits fonciers intrafamiliaux, les chefs coutumiers dressent une oreille attentive à cette séance d'écoute et font intervenir succinctement accusateur, accusé, sachants de la famille et oncles pour avoir de nombreux outils pouvant permettre de comprendre et d'élucider

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la question tout en évitant les prises de position figées susceptibles de provoquer des regains de violences intrafamiliales.

Dans cette dynamique, l'intervention des oncles est cruciale dans l'issue à trouver au conflit : ils sont comme des pères au sens strict du terme et doivent peser les mots tout en insistant et plaidant pour le maintien des liens fraternels et la grandeur d'esprit face à ce genre de problème.

Après avoir écouté les protagonistes, les observateurs directs et indirects, les chefs coutumiers donnent un verdict amiable pour à la fois réunir, consolider les liens familiaux et préserver l'unité du groupe catalyseur de la paix familiale.

2.1.2.2. Procédure de gestion des conflits interfamiliaux, intercommunautaires

La procédure de gestion des conflits fonciers interfamiliaux et intercommunautaires par les différents tribunaux coutumiers de Sinfra répond selon 90% des chefs traditionnels (interviews réalisées de Février 2015 à Avril 2015), à un processus linéaire qui part de la plainte (1), au verdict (5) en passant succinctement par la convocation des parties (2), le déplacement sur l'espace (3) et la séance de jurement (4).

2.1.2.2.1. Plainte

Dans les contrées rurales de Sinfra, le chef T. (61 ans, retraité à Djamandji) affirme que « processus de gestion des conflits fonciers part de la déposition d'une plainte de l'une ou l'autre partie des belligérants ».

Cette déposition « tôla tchi » consiste en la saisine des autorités traditionnelles par un acteur rural se disant propriétaire d'une portion de terre litigieuse. A cet effet, l'accusation ou l'accusateur s'acquitte d'une somme de deux mille (2.000) francs CFA en vue de permettre l'enregistrement de sa déposition parmi les questions à résoudre. Dès lors, l'information de la déposition est portée à la connaissance de l'accusé par le biais du griot, pour lui permettre à la fois de verser également la somme de deux mille (2.000) francs CFA dont le délai d'exécution n'excède pas trois jours et de s'apprêter pour la première séance d'écoute et ci-possible, de règlement.

Après acquittement de ce montant par les deux parties, la chefferie procède à l'information de l'ensemble de la communauté villageoise par le canal de ce même

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griot qui, avec une cloche artisanale et un bâtonnet métallique, sillonne les grandes artères du village pour informer les administrés, à voix audible.

Cette séance d'information permet à tous les sachants de la répartition foncière ancestrale et de ce litige foncier spécifique, de se prononcer lors de la prochaine convocation des parties.

Selon le même chef T. (61 ans, retraité à Djamandji) « Une à deux semaines après la déposition de la plainte, la chefferie convoque les parties ainsi que tous les sachants, à une séance d'écoute qui se tient régulièrement les mercredis ».

2.1.2.2.2 Convocation des parties

A cette première étape de la gestion coutumière des litiges fonciers, le tribunal traditionnel, après avoir informé l'ensemble de la communauté villageoise de la tenue d'une première séance d'écoute, fait comparaître les deux parties, dans une séance publique sous les arbres prévus à cet effet (arbres à palabre).

Lors de cette séance, la chefferie écoute successivement l'accusateur, l'accusé, les sachants avant d'en venir aux témoins. A ce niveau, le tribunal intente une transaction amiable pour estomper le cours de la procédure. Mais si l'une ou l'autre des parties refuse, la procédure suit son cours normal et la séance est ajournée à une semaine avant le déplacement du bureau de la chefferie, des protagonistes, le comité de gestion foncière, des sachants, parents, amis sur l'espace faisant l'objet du conflit.

2.1.2.2.3. Déplacement sur l'espace conflictuel

Pour le chef de Tricata (chef S., 69 ans) « le déplacement de la chefferie, des protagonistes et des sachant sur la terre qui fait l'objet de litige, est une phase délicate et purement mystique où les ancêtres agissent sévèrement envers celui qui a tort. Les protagonistes reprennent les explications en illustrant leurs propos par soit les activités champêtres menées dans le champ, soit tout ce qu'il faut pour attester leurs propos. Ils se munissent donc de nid d'écureuil, d'un coq blanc ou rouge chacun et de 10 litres de vin de palme».

Cette phase apparait assez délicate car elle ouvre la voie à une implication des ancêtres et semble ne pas épargner le protagoniste qui, à tort, s'approprie l'espace d'autres ruraux.

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La charge financière du déplacement de ce comité de gestion revient aux belligérants qui se munissent à la fois de tout le nécessaire pour la séance de jurement. Concrètement, il s'agira pour chacun des protagonistes, avant cette première expédition sur la terre conflictuelle, de débourser la somme de cinq mille (5.000) francs en plus de pot de dix (10) litres de vin de palme, d'un coq blanc ou rouge et d'un nid d'écureuil. Puis, le comité en séance plénière donne encore la possibilité aux deux parties de désister puisque cette prochaine étape se soldera inéluctablement par la mort d'une des parties.

Cette phase réflexive s'étend sur une ou plusieurs semaines ; période pendant laquelle, les formules occultes d'interruption de la procédure par une partie, en raison de la conscience de leurs erreurs d'appropriation foncière par maraudage, sont tolérées par la chefferie. Ainsi, le bureau de la chefferie se charge de la restitution de l'espace au véritable propriétaire ; et ce, de façon sournoise pour éviter les effets ignominieux chez le repenti-actif, puisqu'il pourrait s'agir d'un acteur villageois dont la réputation ne doit être salie ou d'un père de famille.

Toutefois, en cas d'insistance des deux parties à aller à la séance de jurement, la chefferie traditionnelle, après des semaines d'attente, convoque uniquement protagonistes et témoins ainsi que son comité de gestion pour se rendre secrètement sur l'espace conflictuel en vue de passer à la séance de jurement.

2.1.2.2.4. Séance de jurement

C'est une séance tenue à huis clos entre le bureau de la chefferie, les belligérants et un témoin de chaque protagoniste.

A ce niveau, le plaignant est le premier à prendre la parole et à marcher le long de la limite de son champ, suivi de son témoin. Mon monologue doit exclusivement se circonscrire sur l'indication des limites de son champ et l'invocation de ses ancêtres qui lui ont légué cette portion de terre.

Ainsi, suivi de son témoin, il marche le long de sa propriété foncière, tout en indiquant les termitières, bas-fonds, palmiers à huile ou fromagers qui bordent cette propriété et simultanément, celui-ci invoque ses ancêtres en vue de les associer à la gestion de la question.

Pendant qu'il marche le long sa portion de terre, le plaignant se fait frotter le dos avec le nid d'écureuil préparé à cet effet, par son témoin.

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Pour le chef T. (61 ans, retraité à Djamandji) « l'accusateur puis l'accusé doivent chacun à son tour, faire le tour de leurs propriétés respectives; peu importe qu'il s'agisse d'1, 2 ou 100 hectares ».

Ensuite, la chefferie fait intervenir l'accusé qui suit la même procédure en invoquant lui aussi, ses ancêtres donateurs.

Après cette phase, les coqs sont tués sur le champ, le sang est relativement éparpillé sur l'espace conflictuel. Puis à la hâte, on coupe du bois de chauffe pour y mettre du feu, les coqs sont préparés, consommés par tout le collège des participants à la séance, puis les os sont distillés sur l'espace en question avant de revenir au village. De retour au village, la chefferie ajourne la séance à une, deux voire trois (1, 2 voire 3) semaines afin de donner le temps aux ancêtres d'agir et de punir celui qui a tort.

2.1.2.2.5. Verdict ancestral

C'est la phase terminale de cette procédure lanternante qui s'étend fréquemment sur deux ou trois (2 ou 3) mois. Au bout d'un intervalle d'une à trois semaines, l'un des protagonistes trouve la mort de façon mystérieuse et le sang s'écoule de son nez comme marque du passage des ancêtres.

Après la mort de l'un des acteurs en conflit, la chefferie en séance publique, autorise au « survivant » de récupérer sa portion de terre, parce qu'il a été jugé véritable propriétaire selon les ancêtres.

Toutefois, il est à préciser selon ce collectif des chefs traditionnels de « Sian » (entretien de Mai, 2016) que « cette phase de jurement, jusque-là n'a encore jamais laissé impuni celui qui a tort lors d'un différend foncier. C'est pourquoi, avant d'y arriver, nous prévenons les parties du danger de cette étape et les encourageons à arrêter la procédure ».

2.1.2.3. Procédure de gestion des conflits entre agriculteurs et transhumants 2.1.2.3.1. Plainte

« Elle se fait comme toutes les autres plaintes avec une somme de 2000 f et une date pour régler le problème. Mais c'est souvent difficile puisque c'est difficile de savoir si ce sont les boeufs de tel ou tel transhumant ». En d'autres termes, la procédure concernant la plainte reste intacte : dépôt de la plainte contre paiement d'une somme

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de deux mille francs (2000f), mais celle de la détermination des boeufs destructeurs et de leur propriétaire parait plus problématique.

Dans ce cas d'espèce, en l'absence de preuves formelles prouvant l'implication directe des boeufs d'un transhumant dans la destruction ou le saccage de plantations, il reste difficile d'établir la responsabilité et par ricochet, d'engager une procédure de dédommagement.

Dans la plupart des cas, S. (cultivateur à Sanégourifla, Novembre 2016) affirme « Tu es au village le soir et matin, quand tu vas au champ, tu trouves ton champ dévasté avec des boeufs à l'intérieur. Donc ce sont eux ». De ces propos, il revient qu'il est difficile de déterminer les boeufs dévastateurs vu que les planteurs dès dix-huit (18) heures du soir, sont à la maison et le constat se fait le matin avec un intervalle de temps assez considérable pour permettre à n'importe quel transhumant de promener ses boeufs, dévaster la plantation et s'éclipser.

Ainsi, à défaut de prendre des positions partiales, les plaignants planteurs sont sommés dans bien des cas par le tribunal traditionnel, de prouver le lien entre les boeufs trouvés sur place et le saccage des plantations.

2.1.2.3.2 Transaction amiable et indemnisation

A cette étape, le tribunal intente une transaction amiable sur la base des preuves traduisant l'intention criminelle du transhumant et sa responsabilité directe dans le saccage de plantations.

Ce type de transaction n'aboutit que par l'acceptation des deux parties sur les clauses de la transaction ; ce qui n'est pas le cas dans la plupart des situations observées sur le terrain.

Le cas de figure ci-contre exprime mieux cette complexité à trouver une solution amiable lorsqu'il s'agit des conflits entre agriculteurs et transhumants.

Un enquêté (K., 46 ans, planteur à Kouêtinfla, entretiens d'Août 2015) nous racontait que trois mois avant notre arrivée sur le terrain d'étude, la gestion d'un conflit foncier avait provoqué des murmures au sein de la communauté villageoise. Il s'agit d'un conflit qui a opposé G., une autochtone du village Kouêtinfla à K., un jeune transhumant.

En effet, G. qui était partie effectuer des travaux dans son champ de maïs, constata que son champ avait été dévasté par des boeufs. Ainsi, dans la recherche d'éventuels

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coupables, retrouva le transhumant K., suivi de son troupeau aux abords de son champ. Elle prit donc sa machette puis blessa une bête avant de rentrer au village pour entamer une procédure d'indemnisation. La chefferie traditionnelle gouro, dans la gestion du conflit, donna raison à G. et exigea une indemnisation immédiate en tenant compte des dimensions du champ de maïs et de sa valeur pécuniaire. Une décision qui a été fortement contestée par la communauté allochtone qui l'a trouvée purement affinitaire, avant de remonter à l'échelle administrative.

A ce niveau, la plaignante du village devenue l'accusée de cette nouvelle procédure et le plaignant se retrouvèrent face à un juge qui avait des antécédents fonciers avec certains autochtones de la localité. De ce fait, la décision rendue de cette juridiction fut qu'au lieu de prétendre vouloir se faire indemniser par le transhumant, ce serait plutôt G. qui devait dans un bref délai, indemniser le transhumant K. pour la bête blessée. Cette nouvelle décision a créé un choc social au sein de la communauté gouro et attisé la stigmatisation des allochtones (décideurs, transhumants et cultivateurs) de la localité.

2.2. Procédure pénale de gestion 2.2.1. Fondement normatif

La gestion du domaine foncier rural ivoirien s'appuyait principalement sur un ensemble clivé de démarches qui cumulaient pratiques coutumières, décrets et arrêtés de l'époque coloniale. Dès lors, tandis que les détenteurs coutumiers cédaient ou louaient des terres aux migrants en dehors de tout contexte légal, l'administration s'efforçait d'établir des bases textuelles de ces transactions.

Relativement, de nombreux textes ont été élaborés et ceux-ci se sont vus amendés au fil des années jusqu'à déboucher sur la loi foncière actuelle (loi n°98-750 du 23 Décembre 1998).

Quelles sont ces normes qui ont permis de règlementer le foncier national avant et après l'indépendance ivoirienne ?

2.2.1.1. Mesures en vigueur avant l'indépendance 2.2.1.1.1. Décret du 25 Novembre 1930

Ce décret règlemente l'exploitation pour cause d'utilité et l'occupation temporaire des espaces en Afrique occidentale française promulguée par arrêté 2980 AP du 19

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Décembre 1930. Ce texte prévoit que les indigènes s'approprient les terres à des fins exclusivement d'exploitation agricole. En ce sens, les terres ne pouvaient être consolidées pour une exploitation future, elles devaient être mises à profit dans l'immédiat et dans l'intérêt public.

Aussi, ce décret fixe-t-il les conditions d'expropriation des indigènes pour cause de non-exploitation des espaces consolidés. En son article 1, il dispose « l'exploitation pour cause de nullité publique, s'opère en Afrique occidentale française par l'autorité de justice. En d'autres termes, l'exploitation à des fins personnelles constatées par l'autorité de justice, entrainait inéluctablement l'expropriation de l'indigène.

Par ailleurs, ce texte mentionne que les tribunaux ne peuvent prononcer l'exploitation qu'autant que l'utilité publique en a déclaré et constaté dans les formes prescrites. Toutefois, les terres formant la propriété collective des indigènes ou que les chefs indigènes détiennent comme représentants des collectivités indigènes conformément aux règles de droit coutumier local, restent soumises aux dispositions de la règlementation domaniale qui les concerne.

Les conditions d'expropriation des indigènes pour cause de travaux publics se trouvent précisées aux termes de l'article 3 de ce décret qui dispose que «le droit d'expropriation résulte :

- De l'acte qui autorise les opérations telles que la construction des routes, chemins de fer ou ponts, travaux urbains, travaux militaires,...

- De l'action qui autorise les travaux ou opérations par une loi, un décret ou un arrêté du gouverneur général en conseil de gouvernement.».

Concernant les formalités et modalités d'indemnisation des personnes expropriées, ce décret prévoit que les propriétaires intéressés (chefs des travaux) disposent d'un délai de 2 mois à dater des publications et notifications pour faire connaître les personnes concernées (fermiers, locataires ou détenteurs de droits réels) faute de quoi, ils resteraient seuls chargés envers ces derniers, des indemnités que ceux-ci pourraient réclamer.

2.2.1.1.2. Arrêté n°83 du 31 Janvier 1938

Cet arrêté règlemente l'aliénation des terrains domaniaux en Côte d'Ivoire ; autrement la mise à disposition des terrains domaniaux à des fins d'utilisation industrielles ou de travaux publics. Il désigne sous le vocable de « concessions rurales », les terrains

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situés en dehors des centres urbains et réservés ou utilisés en principe pour des entreprises agricoles et industrielles.

Relativement, les investisseurs bénéficient de certains avantages liés à la mise en valeur des espaces, dont le principal reste prescrit en l'article 2 du présent arrêté « les terrains ruraux sont attribués à titre onéreux à des clauses et à des conditions spéciales qui sont insérées dans un cahier de charges annexé par l'activité d'octroi ».

Aussi, la libre concurrence de structures spécialisées dans les travaux publics et industriels était-elle autorisée par l'administration coloniale qui évaluait les

propositions faites dans un délai de 2 mois. Cette mise en adjudication se présentait comme une forme d'évaluation de propositions lorsque l'administration se trouvait saisie par deux ou plusieurs demandes concurrentes.

L'article 3 fixe la stratification procédurale pour l'obtention d'une concession provisoire, qui prend en compte les acteurs administratifs et la souscription à certaines

modalités administratives. Il dispose que « quiconque veut obtenir une concession provisoire d'un terrain doit, par l'intermédiaire et sous-couvert de l'administration du cercle, adresser au lieutenant-gouverneur une demande timbrée énonçant nom, prénoms, qualités, régime matrimoniale et nationalité,... ».

2.2.1.2. Mesures en vigueur après l'indépendance

Au lendemain de l'indépendance, la Côte d'Ivoire amorce un développement grâce à la mise en valeur des espaces ruraux (développement des cultures d'exportations et d'essences forestières) provoquant des vagues de migrations internes et externes vers les terres nationales en général et forestières en particulier.

Dès lors, il s'est avéré nécessaire de repenser la question foncière dans la perspective d'adapter ces textes aux réalités démographiques nouvelles de ce pays. De nombreux décrets et arrêtés y ont été élaborés dans le cadre du domaine foncier.

? Arrêté n°673 MFAEP-CAB du 20 Avril 1962 portant création du service

du cadastre ivoirien (J.O du 10-05-1962 p516)

? Rapport du 29 Mars 1962 sur le projet de loi portant code domanial (J.O
du 13-06-1962).

? Loi n°71-338 du 12 Juillet 1971 relative à l'exploitation rationnelle des
terrains détenus en pleine propriété.

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? Loi 71-338 du 12 Juillet 1971 relative à l'exploitation des terrains ruraux

pour insuffisance de mise en valeur (J.O du 5-08-1971).

? Décret de 1971 sur les procédures domaniales : reconnaissance
limitée des droits coutumiers.

? Loi de 1984 rendant l'enregistrement obligatoire pour les baux conduisant
à l'appropriation des terres.

? Loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 portant organisation et règlementation du foncier rural.

Dans un souci de concision, nous ne proposerons que le texte de 1971 (1) et la loi de 1998 (2) en raison de leur correspondance aux réalités socio-rurales actuelles.

2.2.1.2.1. Loi n°71-338 de Juillet 1971

Cette loi dispose en son article 1 que « tout propriétaire des terrains ruraux est tenu de mettre en culture et de maintenir en bon état, la production, l'intégrité des terres qu'il exploite ». Autrement, cette loi s'apparente à une forme d'incitation des ruraux au développement des activités agricoles émergentes (cultures de rentes).

Cette mise en valeur s'appliquait à l'exploitation des produits agricoles, à l'élevage et à l'usage industriel. Les terrains ruraux acquis en pleine propriété à quelque titre que ce soit et dont la mise en valeur n'a pas été assurée par les conditions fixées, peuvent faire l'objet d'un retour en totalité ou en partie du domaine de l'Etat en vue de leur utilisation à des fins économiques et sociales.

Aussi, cette loi précise-t-elle que le défaut de mise en culture, de tout entretien et de toute production qu'il s'agisse des cultures ou des produits de l'élevage, sur une période de 10 ans sur les terres consolidées, entraine une appropriation des terres par l'Etat.

2.2.1.2.2. Loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 et la procédure
de délivrance du certificat foncier

2.2.1.2.3. Loi n°98-750 du 23 Décembre 1998

Cette loi constitue l'instrument juridique à partir duquel les droits fonciers coutumiers peuvent être transformés en droit de propriété. Elle se caractérise par trois innovations majeures : l'encouragement des ruraux à mettre en valeur les terres (art

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18), la résolution conjointe des questions liées aux expropriations répétées de certaines populations (art 4) et l'identité foncière des allogènes sédentarisés (art 26). En ce qui concerne la mise en valeur des terres et gestion du domaine foncier rural, cette loi prévoit en son article 18 que « la mise en valeur d'une terre du domaine foncier rural résulte de la réalisation soit d'une opération de développement agricole, soit de toute opération réalisée en préservant l'environnement et conformément à la législation et la règlementation en vigueur ».

Relativement aux expropriations de certaines personnes, cette loi dispose que les acteurs sociaux et ruraux, dans le but d'attester leur droit de propriété sur les espaces fonciers, se fassent établir un certificat foncier aux termes de l'article 4 de ladite loi. Lequel certificat foncier s'apparente à l'acte par lequel l'administration constate l'occupation paisible et continue d'une terre du domaine foncier rural par une personne ou groupement informel d'ayants droits se disant détenteurs des droits coutumiers.

Concernant l'identité socio-foncière accordée aux allogènes sédentarisés, cette loi prévoit en son article 26 que ces acteurs ayant consolidés des espaces fonciers à travers des contrats avec des propriétaires terriens nationaux, soient reconnus propriétaires de ces espaces qu'ils exploitent.

Concernant la procédure de délivrance du certificat foncier, elle reste soumise selon termes des dispositions du décret n° 99-594 du 13 Octobre 1999 fixant les modalités d'application au domaine foncier rural coutumier de la loi n°98-750 du 23 Décembre 1998, à une série stratifiée de dix-neuf étapes. Ces étapes se résument grosso-modo à la rédaction de la demande, au dépôt de cette demande, à l'ouverture du dossier d'enquête, au layonnage du périmètre à délimiter, à la désignation du commissaire-enquêteur, au règlement des frais d'enquête, à l'ouverture de l'enquête foncière, à la constitution de l'équipe d'enquête officielle, au recensement des droits coutumiers, au constat des limites de la parcelle, à l'établissement du plan de délimitation, au contrôle du dossier de délimitation, à l'annonce de la publicité d'enquête, à la séance publique de présentation, à la clôture de la publicité des résultats d'enquête, au constat d'existence des droits de propriété, à la validation du dossier d'enquête, à la préparation et signature du certificat foncier, à l'enregistrement-diffusion et enfin, à la publication du certificat foncier.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery