2.2. Allochtones
Pour Z. (37 ans, étudiant ; entretiens de
Février 2016) « les allochtones de Sinfra sont des peuples
sédentarisés depuis les premières décennies
après l'accession à l'indépendance ivoirienne. Dans la
plupart des villages de la zone, ces populations (allochtones) sont
installées en grand nombre et disposent d'une position de domination
financière par rapport aux autochtones. Ils usent de cette position pour
consolider des droits de propriété foncière,
étendre leur réseau de relations sociales par des dons, des
promesses de dons à ceux qui ont le pouvoir de décider. Il peut
s'agir des propriétaires terriens, des chefs de terres ou même des
élus locaux ».
Ces propos traduisent la dépossession foncière
sans cesse croissante des autochtones au profit de ces allochtones pour cause
d'achat, de remise amicale, de prêt, de confiscation politique des
terres. Ceux-ci s'étant établis des relations solides avec
certains propriétaires terriens et autorités locales, se voient
épauler sous une forme voilée en contrepartie de dons «
souterrains ». Dès lors, l'enquêté T. de
Blontifla (40 ans, diplômé) affirme que « les natifs
essaient de plus en plus de
144
redéfinir les rapports avec ces nouveaux venus, en
vue de contenir cette consolidation plurielle des terres »,
même si ce résultat n'est parfois obtenu que dans l'imaginaire.
Relativement, l'arène rurale de Sinfra apparait donc
comme un champ âprement disputé où s'entrechoquent des
intérêts variés et divergents d'un ensemble d'acteurs
sédentarisés (autochtones et allochtones).
Cette rivalité « permanente » influence
l'atmosphère rurale qui s'insécurise au fil du temps avec par
moment et par endroit le refus des allochtones de se conformer aux valeurs
culturelles gouro, la remise en cause des rituels villageois et par voie de
conséquence, des tentatives régulières d'expropriations
des allochtones (Discours recueilli auprès d'un cadre gouro,
entretien effectué en Mai, 2015).
Ainsi, tandis que certains allochtones semblent se complaire
dans cette situation, d'autres migrent vers les forêts les plus
reculés du département pour y créer de nouvelles
plantations, de nouveaux campements qui, bien que bordant le
département, prennent aujourd'hui l'allure de grands villages (Sud :
Brunokro, Nord : Yaokro, Ouest : Carrefour campement, Est : N'driko).
2.3 Exploitants forestiers
Selon la loi n°2014- 427 du 14 Juillet 2014 portant code
forestier ivoirien, les exploitants forestiers constituent « des
personnes morales ou physiques, agréées par l'administration pour
assurer l'exploitation forestière, conformément aux dispositions
réglementaires en vigueur ». Sur notre champ d'investigations,
ces acteurs de l'administration se trouvent régulièrement
confrontés à la résistance des populations rurales lors de
l'abattage des essences forestières situées dans leurs
propriétés. Ceux-ci évoquent tantôt l'idée de
probable destruction de plantations, tantôt l'idée de vente de ces
essences pour satisfaire les besoins vitaux élémentaires.
Ce type de différend est certes récurent mais
paraît peu violent puisqu'il oppose l'Etat à des particuliers et
se solde fréquemment par des indemnisations ou des promesses
d'indemnisation.
|