2. Acteurs des conflits fonciers à Sinfra
Les acteurs des conflits fonciers à Sinfra sont divers.
Nous comptons parmi eux, les autochtones (1), les allochtones (2), les
exploitants forestiers (3) et les agents de lotissement (4).
2.1. Autochtones
Les résultats obtenus sur le terrain d'étude
montrent que les différends entre autochtones sont fréquents dans
le département de Sinfra et sont le plus souvent le fait d'une
revendication des cadets à l'égard des ainés, des droits
de propriété.
Mais au-delà, un enquêté de Djamandji (B.,
31 ans, planteur) affirme que « certains facteurs subjectifs ont
autant d'impacts dans le déclenchement de ces conflits
intracommunautaires. Ces facteurs concernent les vieilles rancunes, la
non-reconnaissance de certains contrats tacites de prêt, de vente, de
mise en gage et des litiges d'empiètement des limites des champs qui
particularisent le contexte rural actuel de Sinfra ».
Tels que présentés, ces facteurs dits objectifs
et subjectifs, par le processus conjoint de sollicitation des parents proches
ou éloignés et concomitamment de l'extension du réseau de
relations sociales, font intervenir de nombreuses personnes issues de la
famille nucléaire, de la famille élargie, de la lignée ou
des lignées soeurs, des cadres locaux. Il s'en suit une escalade assez
rapide de la violence, avec par moment et par endroit la formation de clans au
sein de la famille. Ces entités ainsi formées vont tenter de se
positionner dans l'arène foncière en remettant en cause tout
droit d'ainesse au sein de la famille et les contrats d'antan établis
avec certains migrants. Toutefois, un enquêté (T., 50 ans,
cultivateur à Paabénéfla) affirme que « la
gestion de ce type de conflit s'avère problématique puisque les
individus en conflit sont des parents proches, habitent les mêmes maisons
ou sont des voisins proches, et de ce fait, sont régulièrement en
contact ».
Outre ce fait, M., un enquêté de Yanantinfla (32
ans, déscolarisé) affirme qu' « un facteur non moins
évoqué reste la polygamie, qui constitue une
caractéristique majeure des ménages traditionnels gouro, avec un
nombre remarquable de concubines et de descendants qui, parfois entrent en
conflit lors de l'organisation et le partage de l'héritage foncier
». On assiste dès lors à des ventes anarchiques des
espaces familiaux par certains membres de la famille, à des tentatives
d'expropriation
143
par d'autres, à des ventes plurielles de la même
parcelle, à des bagarres sur l'héritage, à des jets de
sorts mystiques, à des destructions de plantations et à des
consolidations violentes des espaces restants par les « citadins
oubliés », les « frustrés » de la
famille.
A titre illustratif, un enquêté nous racontait
que quelques semaines avant notre arrivée sur le terrain, un conflit
foncier avait opposé deux frères consanguins qui avaient par
héritage, reçu 10 hectares de forêt.
Ainsi, à l'insu du cadet « artiste en herbe
» à Abidjan, l'ainé a vendu quatre (4) hectares de ces
forêts et en cultiva trois (3) hectares pour lui-même.
De retour de l'aventure (musicale), le cadet qui s'est vu plus
ou moins contraint d'accepter les trois (3) hectares restants, tenta d'abord
par des voies coutumières et administratives, qui avec le temps se sont
avérées vaines, de récupérer les terres à
l'acheteur avant de s'en prendre à son ainé.
De bagarres en bagarres, ces deux frères se sont
maintes fois retrouvés chez les autorités locales, qui tentaient
çà et là de trouver des approches de solutions que l'un ou
l'autre trouvait inacceptable, créant ainsi des murmures, des opinions
contradictoires, une forme de clanisme au sein de la communauté
kwênin.
|