1.2. Transmission par distribution utérine des
terres familiales
Les données obtenues sur le terrain
révèlent que la transmission des terres à Sinfra respecte
le principe de l'endo-transmissibilité de la terre. Cela
signifie que la donation s'établit en ligne exclusivement
utérine, c'est-à-dire entre les membres d'une même famille,
d'une même lignée (caractère endo-lignager de la
transmission).
Ce mode de transmission s'apparente au mode
précédent (héritage) sauf que cette fois-ci, le donateur
des terres est vivant et procède lui-même au partage des biens
fonciers aux ayants droits (fils, neveux, frères,...)
Une telle conception des choses s'expliquerait par le souci
binominal qui consiste à la fois pour le donateur, à
procéder lui-même au partage des biens fonciers en dehors de tout
testament et aussi pour éviter que les générations
lignagères futures viennent à manquer de terres. Celles-ci,
étant une richesse importante dans la civilisation agraire en
général et chez les gouro en particulier.
Cependant, un planteur à Djamandji (32 ans, entretiens
en Mars, 2015) affirme qu' « à titre exceptionnel, cette
transmission peut se faire en faveur d'un nouveau résident
(considéré comme un membre de la famille), soit en signe de
solidarité, soit pour consolider une amitié ». Mais
dans ce cas, cette donation s'effectue contre un cadeau symbolique ou des
services particuliers rendus aux autochtones « kwênins
».
Généralement, elle se double d'un mariage ou
d'une promesse de mariage d'un membre du lignage hôte avec une personne
du groupe allochtone, dans le but de perpétuer l'alliance, la
solidarité ou l'amitié.
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1.3. Tutorat
Dans notre zone d'étude, l'enquêté S. (de
Béliata, 40 ans, planteur) révèle que le «
tutorat est une sorte d'institution traditionnelle rurale qui gouverne les
relations sociales, caractérisé par des délégations
de biens fonciers à des allochtones nécessiteux, contre un droit
de reconnaissance permanent envers le tuteur. Cette reconnaissance bien
qu'établissant une relation verticale entre ces acteurs, se
matérialise par des civilités régulières qui
peuvent consister en des assistances financières au tuteur et /ou en des
dons de revenus champêtres ».
Dans la pratique, l'établissement de cette relation de
tutorat se séquence en deux phases :
- Dans un premier temps, le tuteur ou «
tèrèzan » effectue des libations et incantations
sur la terre en question en vue de confier la vie et les activités
champêtres de l'allochtone aux ancêtres, garants de la protection
mystique. Dès lors, l'allochtone devient comme un « wouobin
» dont le nom et la crédibilité sont fonction de sa
promptitude et de ses prestations auprès de sa famille d'accueil.
- Dans un second temps, l'allochtone effectue des travaux
champêtres dont les prémices reviennent au tuteur au-delà
des civilités régulières et des versements trimestriels ou
semestriels de revenus équivalents au dixième de chaque
récolte (riz, maïs, manioc et légumes).
Toutefois, il reste à préciser selon ce
même enquêté que « l'allochtone est autorisé
dans le cadre de cette transmission, à cultiver uniquement des cultures
vivrières et à exploiter les palmiers à huiles souvent
existants sur l'espace en vue de la commercialisation de vin de palme ».
Cette prescription exclut l'allochtone de toute culture de rente sur la
terre vu que les clauses du tutorat ne sont généralement pas
délimitées de façon temporelle et donc, pourraient
s'estomper subitement si l'un des acteurs n'y trouve plus son
intérêt.
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