§1. Etude de rôle de l'assurance dans
l'économie des quelques pays africains membres de la CIMA
Partout dans le monde, l'assurance, parce qu'elle
libère de la peur de financer sur ses propres fonds d'éventuelles
pertes matérielles et immatérielles, favorise l'investissement
et, par conséquent, la croissance économique et l'emploi. Parce
que les besoins en termes d'investissement y sont énormes, l'assurance
est en Afrique, plus qu'ailleurs, une nécessité. Ce constat
oblige, localement, les pouvoirs publics et les acteurs du marché de
l'assurance à redoubler d'efforts pour encadrer et développer
cette activité. Depuis 1960, il existe en Afrique de l'Ouest un
marché unique des assurances, qui a donné lieu à la
création d'une organisation, la Conférence internationale de
contrôle des assurances (CICA), devenue en 1992 la Conférence
interafricaine sur les marchés de l'assurance(Cima).En lui-même,
le fonctionnement de cette organisation constitue une notable exception dans
une Afrique habituée à l'éparpillement des énergies
et à l'extrême diversité des réglementations et des
pratiques professionnelles d'un pays à l'autre. Elle a en effet permis
la constitution d'un espace juridique et professionnel commun fondé sur
un code unique des assurances pour tous ses États membres, un organisme
unique de supervision et de contrôle des marchés nationaux, une
procédure unique d'agrément des compagnies d'assurances, une
institution communautaire de formation (l'Institut international des assurances
de Yaoundé, au Cameroun), une société commune de
réassurance, etc. Tout cela, combiné à une prise de
conscience salutaire des acteurs du marché, a largement contribué
au renforcement et à l'assainissement du secteur des assurances en
Afrique. Pourtant, même si le chiffre d'affaires global du secteur est
passé de 229 milliards de francs CFA (100 francs CFA = 0,152 euro) en
1995 à 442 milliards en 2007 (soit + 93 % en douze ans), le taux de
pénétration de l'assurance reste inférieur à 0,5 %
du PIB. Des marges de progression existent donc, à condition,
évidemment, que les contraintes qui entravent son développement
soient levées. Ces contraintes sont de trois ordres:
? La faiblesse du pouvoir d'achat des populations locales et
l'absence d'une véritable culture de l'assurance. En Afrique noire, la
consommation d'assurance par tête est la plus faible au monde (moins de
1.000 francs CFA par habitant et par an). La demande d'assurance y est
structurellement limitée à une très faible fraction
d'agents économiques, qui sont pour l'essentiel des entreprises
industrielles et commerciales.
? Les insuffisances liées à la
réglementation et au contrôle des États. Le corpus
réglementaire de la Cima souffre d'imperfections en particulier dans sa
politique d'octroi des agréments -- qui favorise l'inflation du nombre
des acteurs-- et dans la réglementation des placements --
inadaptée aux évolutions de l'environnement économique et
financier.
? Les problèmes liés à la gestion des
compagnies d'assurances. En surnombre sur plusieurs marchés, elles se
caractérisent par la faiblesse de leur chiffre d'affaires moyen. Elles
pâtissent notamment de la faiblesse des taux de rendement des placements,
du fait de l'absence de réelles opportunités de placements
rentables, et subissent des charges de gestion (commissions et autres charges)
très élevées (leur taux moyen était de 29 % en
2005, contre 6 % en France). Leur situation est encore aggravée par
l'importance des arriérés de primes (qui représentaient 51
% de leur chiffre d'affaires en 2005), ainsi que par la mauvaise gouvernance
qui frappe nombre d'entre elles. Il faut dire que la plupart des compagnies
d'assurances en Afrique appartiennent pour plus de 50 % de leur capital
à des personnes physiques qui sont en général des
commerçants peu au fait des subtilités du métier. Pour
surmonter ces obstacles et garantir un développement sain de ce
marché, une série de mesures doivent être prises:
? d'abord renforcer la surface financière des
compagnies d'assurances, notamment par le relèvement de leur capital
social. Cela leur permettra de disposer des moyens financiers et
matériels nécessaires au renforcement de leurs capacités
opérationnelles. Le Nigeria a mis en oeuvre avec succès, en
2007,une réforme similaire;
? ensuite, remettre à jour et à niveau le corpus
réglementaire. Si la Cima en tant qu'instance supranationale de
supervision et de contrôle a abattu un travail considérable, il
n'en demeure pas moins que des évolutions significatives de la
réglementation, et de sa pratique, sont plus que nécessaires et
urgentes;
? Enfin, et c'est une nécessité absolue sur le
continent, démocratiser l'accès à l'assurance.
Aujourd'hui, le secteur est encore trop élitiste, sa clientèle
étant en très grande majorité composée
d'entreprises et non de personnes physiques. Certes, depuis les
années1960, le chemin parcouru a été significatif. Mais
beaucoup reste encore à faire pour que les compagnies d'assurances
puissent jouer pleinement et efficacement le rôle qui devrait être
le leur dans le développement du continent africain.
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