INTRODUCTION
0.1. PROBLEMATIQUE
Les Aires Protégées constituent, depuis de
nombreuses décennies, l'approche prédominante en matière
de conservation de la biodiversité (Saout et al. 2013).
Malgré qu'elles diffèrent les unes des autres par la forme, la
taille, la faune et le type d'habitat, en Afrique elles ont toutes l'objectif
principal de maintenir la biodiversité (Coad et al. 2008).
La conservation dans les Aires Protégées est une
approche qui s'inspire du concept de « préservation de la vie
sauvage » né aux Etats-Unis à la fin du
19ième siècle. Ce concept a été à
la base du mouvement de création de Parcs Nationaux dans le but de
préserver de l'exploitation humaine des sites d'importance
paysagère, culturelle, floristique et faunique avérée.
(Brockington et al. 2008).
Le modèle nord-américain de conservation s'est
rapidement propagé dans le monde, entrainant avec elle la dichotomie
« peuple-parc » qui a eu des effets dévastateurs sur les
Populations Locales dont la relation à la nature diffère de celle
des premiers « idéologues » de Parcs Nationaux
nord-américains (Brockington et al. 2008).
Mais cette dichotomie n'a pas pu arrêter l'explosion des
Aires Protégées. De plus en plus d'efforts sont faits par les
gouvernements à travers le monde pour la conservation de la
biodiversité dans ces espaces. Durant les trois dernières
décennies, on a observé une augmentation de 500 % de la surface
des Aires Protégées à l'échelle mondiale (Wittemyer
et al. 2008). Durant la décennie 1990-2000 uniquement, le
nombre d'Aires Protégées reconnues par l'Union Internationale
pour la Conservation de la Nature (UICN) a été multiplié
par 4 (Robbins et al. 2006).
Le continent Africain n'est pas resté en marge de ce
mouvement. L'intérêt grandissant accordé à la
protection de l'environnement en général et aux
écosystèmes en particulier a amené plusieurs Etats
africains à créer des Aires Protégées sur leur
territoire (UICN, 1994). C'est le cas de la République
Démocratique du Congo (RDC). Le pays a créé son premier
parc, le Parc National de Virunga, en 1925 et se propose d'étendre son
réseau d'Aires Protégées à 15% du territoire
national.
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Du nom de son espèce emblématique, l'Okapi
(Okapia johnstoni), la Réserve de Faune à Okapis (RFO) est l'une
de ces Aires Protégées créées dans l'objectif de
conserver cette espèce emblématique et son habitat. Aujourd'hui,
la protection au sein de cette aire s'étend sur plusieurs autres
ressources animales que végétales.
Les forêts denses tropicales humides du bassin du Congo
couvrent 1,6 million de km2 et constituent le second poumon vert de
la planète après l'Amazonie. Elles chevauchent principalement six
pays d'Afrique centrale : le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée
équatoriale, la République Centrafricaine (RCA) et la RDC (Eba'a
Atyi et al. 2008). Dans le cas de cette dernière, son immense
massif forestier abrite plus de 50 millions d'hommes et femmes qui
dépendent de près ou de loin de la faune sauvage pour leur survie
(Van Vliet et al. 2018).
Pour de nombreuses familles vivant dans ces forêts, la
vente de gibier est la principale source de revenu et permet l'accès
à des services et des produits de première
nécessité (Abernethy et al. 2016). L'exploitation de la
faune sauvage est non seulement utile pour la sécurité
alimentaire de ces populations, mais également pour leur
développement économique.
Malgré cette importance cruciale de la faune sauvage
pour les ménages ruraux, les pressions de plus en plus accrues sur ces
ressources obligent la création d'Aires Protégées pour la
protection d'espèces et leurs habitats (Mbayngone & Thiombiano,
2011). Mais puisque les Aires Protégées représentent un
immense réservoir de ressources biologiques dont dépendent
fortement les Populations Riveraines, leur création entre souvent en
conflit avec des intérêts sociaux ou économiques des
populations qui y vivent (Nepal, 2002).
En effet, la création de ces zones de protection a
souvent conduit à l'expropriation des populations
préétablies. Cette situation a provoqué beaucoup
d'incompréhension, de révolte et de comportements
prédateurs liés à un très fort sentiment de
confiscation de la ressource (Yelkouni, 2004). Les Communautés Locales
établies dans les villages riverains de ces Aires
Protégées n'ont presque pas les alternatives à
l'agriculture et l'exploitation des ressources naturelles comme moyen de
substance (Yelkouni, 2004).
Il se pose donc une question fondamentale (Mbayngone &
Thiombiano, 2011) : « pourquoi les populations respecteraient-elles les
limites d'une zone protégée qui leur supprime l'accès aux
ressources ? » Il ressort de cette réflexion que les populations ne
soutiendraient les mesures de conservation que si elles n'ont pas d'impacts
socioéconomiques négatifs sur leur
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vie quotidienne. Comme le soulignent Milligan et al.
(2009), la conservation ne peut plus être dissociée de la
lutte contre la pauvreté et du développement rural, et elle doit
donc s'insérer dans les politiques nationales environnementales et de
développement.
C'est dans cette optique que la présente étude
vise à déterminer les impacts socioéconomiques de la
conservation et gestion des ressources naturelles dans la Réserve de
Faune à Okapis auprès de la Communauté Locale vivant dans
la Réserve. Elle se propose de répondre aux questions suivantes
:
? Quels sont les changements sociaux provoqués par la
conservation des ressources naturelles dans la RFO ?
? Cette conservation entre-t-elle en conflit avec les
activités économiques des communautés concernées
?
? Les droits d'usages reconnus aux populations locales
permettent-ils d'assurer leur sécurité alimentaire et leur
développement économique ?
0.2. OBJECTIFS
0.2.1. OBJECTIF GENERAL
Comme dans toutes les Aires Protégées, la RFO
abrite une importante population humaine. Ainsi, l'objectif principal
poursuivit dans cette étude est d'évaluer l'impact
socioéconomique, sur cette population, de la conservation des ressources
naturelles au sein de cette Aire Protégée.
0.2.2. OBJECTIFS SPECIFIQUES
Pour atteindre l'objectif général ci-haut
énoncé, l'étude cherchera à déterminer :
? Les changements sociaux potentiels provoqués par la
conservation des ressources naturelles au sein de la RFO ;
? Les conflits potentiels avec les activités
économiques des communautés concernées.
0.3. INTERET DE L'ETUDE
Cette étude s'inscrit dans la logique des efforts
fournis pour la mise en place du développement durable. Pour un
développement écologique durable, économique viable et
socialement équitable, l'étude des impacts
socioéconomiques de la conservation constitue un
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bon thermomètre. Ainsi, cette étude permettra de
déterminer la compatibilité de la conservation des ressources
naturelles au sein de la RFO avec les objectifs de développement
durable.
0.4. DIFFICULTES RENCONTREES
Comme dans tout travail de recherche, le présent est le
fruit d'énormes sacrifices, car nous avons été buté
à certaines contraintes, telles que ;
· Etat impraticable de la route (RN4) ;
· L'insuffisance des moyens financiers ;
· La carence d'outils (Documentations ou ouvrages)
relatifs à notre problématique ;
· Difficulté de la langue locale du milieu
d'étude;
· Éloignement des villages des
enquêtés ;
· État sanitaire personnel.
0.5. SUBDIVISION DU TRAVAIL
Il y a lieu de noter pour le présent travail, hormis
l'introduction et la conclusion, nous l'avons subdivisé en quatre
chapitres :
Le premier porte sur les généralités des
quelques concepts ; Le deuxième portera sur milieu, matériels et
méthodologie ; La présentation des résultats fera l'objet
du troisième et Le quatrième exposera la discussion.
0.6. DELIMITATION SPATIO-TEMPORELLE
Cette étude s'est réalisée sur une
durée de 11 mois, allant du mois de Janvier au mois de novembre 2020.
Durant ce temps, les enquêtes ont été menées dans
les villages se trouvant dans la Réserve à l'issue desquelles le
dépouillement des données, leurs traitements, leurs
présentations et interprétations ont été effectives
en attendant la soutenance solennelle du présent.
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