A. UNE EXPÉRIENCE INÉDITE
La grande différence entre les deux situations
étudiées est due au caractère inédit induit par la
crise sanitaire : l'ensemble de la population se retrouve confinée. Le
télétravail instauré n'est pas celui des cadres ou des
travailleurs freelances qui peuvent effectuer leur activité dans des
cafés ou des lieux de coworking. C'est le travail de tous (hors
professions non qualifiables), et cela inclut les plus jeunes - du stagiaire au
pré-senior. Cette surprise a été partagée par
l'ensemble des répondants. Lucas y a vu l'occasion d'intégrer le
télétravail dans la culture d'entreprise :
« (Au début j'ai une réaction)
plutôt positive parce c'était le moyen de prouver que je pouvais
travailler à distance et ça nous permettrait d'avoir des
arguments, de dire « bah tu vois je peux télétravailler donc
laissez-moi une fois par semaine choisir mon vendredi / mon lundi en
télétravail : je serai tout aussi efficace, vous pouvez me faire
confiance ». Et en même temps je trouvais ça assez amusant au
sens vraiment premier du terme genre c'est inédit (...)
Dès lundi c'était très bizarre d'ouvrir
son pc sur ton bureau dans ta chambre en se disant « bon ben maintenant
faut quand même que je me mette à travailler parce que j'ai du
travail » mais c'est pas comme si j'allais au bureau etc. » (Lucas, 2
ans et 5 mois d'ancienneté dans une organisation publique
d'investissement export)
Spontanément, les réactions ont toutefois
été mitigées. De son côté Marine
évoque d'elle-même les avantages1 recensés par
Emilie Vayre (voir tableau ci-dessous) :
« Sur le moment je l'ai bien vécu parce qu'on
nous avait annoncé deux semaines, c'était quelque chose de
nouveau et je suis quelqu'un de plutôt adaptable au contraire je le
voyais de manière plutôt positive : plus besoin de prendre les
transports, j'allais pouvoir dormir un peu plus le matin. Et comme j'avais pas
mal de travail de fond, que je n'avais pas le temps de faire au travail parce
que j'étais souvent dérangée, je me disais que ça
allait être une
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bonne opportunité pour travailler sur ces
chantiers-là. » (Marine, 1 an et 3 mois d'expérience dans
une association sportive)
Pour Léa en revanche, se retrouver seule et dans
l'inconnu a été source d'une grande angoisse :
« L : En fait ça c'est particulier à mon
travail mais j'étais sur un projet que je commençais presque
toute seule, et c'est un truc nouveau pour moi. Du coup c'était un peu
l'horreur.
I : Gros inconnu
L : Complètement. Et ça, ça a
été dur » (Léa, cheffe de projet junior depuis un an
et demi dans un cabinet d'urbanisme)
Une fois que la surprise initiale a disparu, que le
télétravail a commencé à se routiniser (et que les
participants ont intégré le fait que la situation allait durer
plus de « 15 jours » vu la gravité de la crise sanitaire), des
attitudes plus profondes - positives, négatives, modérées,
se sont développées.
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