3.1.2.3. Les activités de chasse
Au Congo, la chasse est réglementée par la loi
37-2008 du 28 novembre 2008. Cette loi, définissant les conditions de
conservation et d'exploitation de la faune sauvage, reconnaît en
particulier aux populations locales et autochtones les droits traditionnels de
chasse, en vue de la satisfaction de leurs besoins.
La Loi notifie en effet que : « Les droits traditionnels
de chasse sont reconnus aux populations rurales pour satisfaire leurs besoins
individuels et communautaires, à l'intérieur de leur terroir ou
dans les limites des zones qui sont ouvertes à la chasse traditionnelle
» (Loi n° 37-2008, Article 62).
La dégradation de la situation en matière de
chasse a atteint un seuil critique au Congo. N'importe qui tue n'importe quoi,
n'importe où, n'importe quand et n'importe comment (Hecketsweiker,
1990). La chasse pour qu'elle participe à la conservation doit se faire
de façon rationnelle, les chasseurs doivent respecter les principes
instituer par la conservation.
Les populations des villages enquêtés ont, de ce
fait, l'autorisation de pratiquer la chasse, à condition qu'elle soit
faite uniquement pour leur subsistance. La vente des produits de la chasse est
donc interdite.
D'une manière générale en zones
forestières d'Afrique centrale, la vente de la viande de brousse
représente globalement près de 70 % des revenus monétaires
des ménages et constituent l'épine dorsale de l'économie
rurale des zones forestière (Pierre, 2004).
Dans notre zone d'étude, bien que pratiquée
à petite échelle, la chasse constitue non seulement l'une des
principales sources de revenus mais aussi la principale source de
protéines alimentaires pour les populations. De ce fait, la vente de la
viande de chasse au sein des villages et entre les différents villages
est couramment pratiquée (tableau 22).
Tableau 22 - Prix de vente des
espèces de chasse dans les villages enquêtés.
Espèces de chasse
|
Prix unitaire de vente (F.CFA)
|
Céphalophe bleu
|
2500 à 3000
|
Céphalophe rouge
|
10000 à 12000
|
Porte-pic
|
2500 à 3000
|
Petit pangolin
|
1500 à 2500
|
Athérure
|
8000 à 9000
|
Aulacode
|
2000 à 6000
|
Potamochère
|
7000 à 10000
|
Singe
|
1500 à 3000
|
MPAMBORI Vigny - Mémoire de fin de formation
d'ingénieur de développement Rural à l'ENSAF - juillet
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Les observations sur le terrain montrent que la chasse est
pratiquée dans environ 65% des ménages dans les villages
enquêtés. Dans la plupart des cas, les produits de la chasse sont
en partie autoconsommés et en partie vendus dans les villages le long
des routes et des chemins qui mènent d'un village à un autre ou
rarement sur le marché du centre semi-urbain de Souanké (figure
33 et figure 34). Pour la plupart, l'autoconsommation et la vente sont
d'ailleurs les raisons les plus évoquées respectivement par 30 et
29 ménages qui pratiquent la chasse au sein des villages
enquêtés (tableau 23).
Tableau 23 - Répartition des UD par rapport aux
objectifs et la pratique de la chasse
Motifs
|
Villages
|
Total
|
Pourcentage
(%)
|
Objectifs de la chasse
|
Cabosse
|
Elogo 1
|
Elogo 2
|
Non réponse
|
9
|
3
|
5
|
17
|
Auto-consommation
|
15
|
5
|
10
|
30
|
Vente
|
14
|
5
|
10
|
29
|
Compléter le budget familial
|
4
|
5
|
3
|
12
|
Lutter contre le chômage
|
2
|
1
|
0
|
3
|
Pratique de la chasse
|
|
Oui
|
15
|
7
|
10
|
32
|
65,31
|
Non
|
9
|
3
|
5
|
17
|
34,69
|
Total
|
24
|
10
|
15
|
49
|
100
|
Comme dans presque toutes les régions
forestières congolaises, il existe ici deux principales techniques de
chasse.
- La chasse au fusil : la chasse au fusil
reste fortement pratiquée dans la zone, du fait de l'absence des mesures
appropriées pour la protection et la gestion durable de la faune
sauvage. La chasse au fusil est le fait des populations locales qui,
généralement, sont dotées en fusils et en cartouches par
des commerçants qui se chargent de placer la viande fraiche et surtout
fumée sur les marchés des centres semi-urbains de la
région.
- Le piégeage : les pièges
montés à l'aide des câbles métalliques ou des fils
en nylon sont aussi beaucoup utilisés. C'est une technique ancienne dans
la zone et qui ne cesse de prendre de l'ampleur du fait des ventes toujours
plus importantes de gibier et des revenus que cela apporte aux chasseurs.
L'impact de la chasse est très important sur la faune,
mais il reste difficile à évaluer, du fait du caractère
souvent clandestin de l'activité. Comme l'affirme Pierre (2004), dans ce
type de chasse, à l'instar de ce qui est généralement
observé en Afrique Centrale, près de 3/4 des captures concernent
en premier lieu les céphalophes, suivies des athérures et des
petits primates.
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2015 Page 49
Ce sont en particulier (tableau 24) :
- le céphalophe bleu, (céphalophes
ongulé, Philantomba monticola), de petite taille,
communément et improprement désigné par « gazelle
» ;
- le céphalophe rouge, de taille moyenne, il est
englobé dans la même appellation impropre « d'antilope
», il s'agit essentiellement de deux espèces distinctes : le
céphalophe de Peters (Cephalophus callipygus) et le
céphalophe à bande dorsale noire (C. dorsalis) ;
- l'athérure, improprement aussi appelé par
Porc-épic, (rongeur, Atherurus africanus) et enfin le singe
hocheur (primates, Cercopithecus nictitans).
Tableau 24 - Identification des principales
espèces chassées dans la zone d'étude.
Nom scientifique
|
Nom commun
|
Fréquence de capture
|
Atherurus africanus
|
Athérure
|
Peu fréquent
|
Philantomba monticola
|
Céphalophe bleu
|
Très fréquent
|
Cephalophus dorsalis
|
C. à bande dorsale noire
|
Très fréquent
|
Cephalophe callipygus
|
C. de peters
|
Peu fréquent
|
Manis tricuspis
|
Pangolin
|
Assez fréquent
|
Thrynomys swinderianus
|
Aulacode
|
Peu fréquent
|
Potamochoerus porcus
|
Potamochère
|
Peu fréquent
|
Cercopithecus nicitans
|
singe hocheur
|
Assez fréquent
|
Figure 33 - Céphalophe bleu en Figure 34 -
Athérure en vente au
vente sur la voie routière au village village
cabosse Elogo 2
Les contraintes liées à la chasse sont, selon
les chasseurs interrogés, les difficultés d'accéder aux
outils et matériels de chasse. Le fusil et les cartouches par exemple
sont difficilement accessibles pour les populations locales. Il y a
également la rareté de plus en plus observée du gibier.
Les chasseurs sont contraints d'aller de plus en plus loin pour trouver les
animaux.
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Pour la plupart des chasseurs, ces contraintes peuvent
être levées avec des appuis conséquents en matériels
de chasse et avec l'installation des moyens adéquats de conservation de
la viande de chasse (par exemple l'installation des chambres froides
notamment). Les campements de chasse devraient également être
installés, tenant compte de l'éloignement de plus en plus
important des zones de chasse. Mais au-delà de toutes ces mesures, il
est évoqué la nécessité de pratiquer une chasse
plus rationnelle et de développer en même temps des
activités alternatives, notamment celles liées à
l'élevage des animaux domestiques et de certains animaux sauvages.
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