Réorganiser l'offre institutionnelle d'une MECS pour répondre à la situation des enfants en difficultés multiples.par Chrysalde MORIN Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) - CAFDES 2019 |
5.6 Les courants mobilisables5.6.1 De la résilience à la résilience assistéeA) Concept de résilience« Il faut frapper deux fois pour faire un traumatisme »83(*). D'après Cyrulnik B84(*), une blessure s'inscrit dans l'histoire d'un enfant en deux temps. Le premier, dans le réel, et le second dans la représentation du réel. C'est à dire que le premier temps est celui de la douleur de la blessure, le second temps est celui de l'abandon et de l'humiliation dans la représentation du réel. L'auteur ajoute que c'est le second temps qui est « une brèche dans le développement de la personnalité »85(*). Ainsi, le travail éducatif consiste à modifier la représentation que l'enfant se fait de sa blessure, notamment par des techniques de médiation artistique ou par la parole. Selon Ionescu S., la résilience se définit comme un « processus qui fait que, face à l'adversité, face au traumatisme, des individus, des familles, des groupes humains s'en sortent et ne présentent pas de troubles psychiques »86(*). Pour O'Dougherty, Wright et Masten, le concept de résilience aux enfants ayant vécu un traumatisme se réfère également aux situations « d'adversité chronique »87(*), telles que l'absence de domicile fixe, maltraitance infantile ou carence affective, violence politique et sociale, situation de grande pauvreté, etc. L'un des enfants de Plein soleil a, par exemple, été accueilli, car sa situation de vie dans une voiture avec son père dépendant à l'alcool altérait son développement, physique et intellectuel. Globalement, une personne non résiliente reste enfermée dans sa blessure, développe des troubles psychiatriques, ou des retards de développement. Tandis qu'un enfant résilient modifie son parcours de vie, sans que la blessure le détermine. « Il n'y a pas de réversibilité possible après un trauma »88(*), mais l'enjeu véritable est de transformer ce trauma pour aboutir à une reconstruction de soi. Pour Cyrulnik B, un enfant ne peut être résilient tout seul, il nécessite un tuteur de développement, par lequel il découvre une autre manière de s'attacher et reprend son évolution. Pour cela, l'existence d'un triangle affectif est indispensable, d'où l'importance de la place des pères dans les familles ordinaires. Cependant, le tuteur peut se situer en dehors de la famille, à condition que son monde intime s'articule avec le mode d'attachement de l'enfant en difficulté. Ainsi le rôle des éducateurs est légitime car « des attachements multiples pourraient donc augmenter les possibilités de résilience. »89(*) Également, il est important de souligner la variabilité des traumatismes. En effet, aucune prévision ne peut être faite des effets d'un traumatisme particulier sur un individu. « Trois plans entourent la possibilité de résilience : · L'acquisition des ressources internes dès les premières années, au cours des interactions précoces préverbales ; · La signification apportée au premier coup expliquant les effets du second coup ; · La possibilité de rencontrer des tuteurs de résilience, des lieux d'affectivité et de parole»90(*). « Sur cette notion de parole, l'accompagnement éducatif, envers des jeunes aux problématiques comportementales et émotionnelles qui démontrent une difficulté de parler de soi, révèle un paradoxe qui voudrait que les éducateurs encouragent verbalement l'expression de soi aux enfants dont l'estime desoi et la relation à l'autre dysfonctionnent »91(*). Antonio DAMASIO explique que « les émotions se manifestent sur le théâtre du corps, les sentiments sur celui de l'esprit, ajoutant que le langage, apanage du « cerveau rationnel » n'est pas la meilleure voie d'accès au « cerveau émotionnel »92(*). La résilience ne doit pas, par conséquent, se penser uniquement autour de la parole, mais aussi du corps. Les médiations proposées doivent ainsi s'articuler autour de plusieurs axes : corporel, artistique, langagier. * 83 FREUD A., 2001, Le moi et les mécanismes de défense, Paris :PUF, (parcouru) 168 p. * 84 CYRULNIK B, 2004, Les vilains petits canards, Odile Jacob, 165 p. * 85Ibid. * 86 Sous la direction de IONESCU S, Traité de résilience assistée, op cit avant-propos. * 87 Sous la direction de IONESCU S, Traité de résilience assistée, op cit p 8. * 88Sous la direction de IONESCU S, Traité de résilience assistée, op cit p 127 * 89 Sous la direction de IONESCU S, Traité de résilience assistée, op cit p. 88. * 90Sous la direction de IONESCU S, Traité de résilience assistée, op cit. p. 17. * 91 BOUTARIN I, 2019, Orchestrer les émotions des adolescents..., op cit. p19. * 92 Ibid. p34 |
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