La géopolitique congolaise de l'eau. Mythe ou réalité?par Faustin KYALA WAKABILA Université de Kolwezi - Licence 2019 |
B. La notion du TransaquaCe paragraphe va se pencher sur le transaqua, en l'occurrence sa définition, son histoire, ses buts recherchés, son projet de 1992, ses détails approfondis, son évolution et ses critiques et controverses. 92
L'idée avait déjà été soulevée par les soviétiques dès les années 1970, à la suite de la grave sécheresse qui sévit alors au sahel africain et qui avait fait passer la surface du lac Tchad de quelque 22000km2 à environ 8000km2 en peu de temps. La crise, qui fit grand bruit à l'époque semblait ne pas se régler et avoir des conséquences irréversibles de désertification de larges surfaces cultivables et cultivées jusqu'alors.54 Bientôt les craintes des scientifiques sur l'effet de serre commencèrent à se répandre. Simultanément, les précipitations semblaient augmenter dans la zone de forêt tropicale humide de l'Afrique, et notamment dans le bassin versant du Congo. Les observations faites au Cameroun montrent d'ailleurs actuellement une extension de la zone des forêts vers le nord, et ce depuis plusieurs décennies. L'idée fit alors son chemin d'un grand transfert d'eau, à partir des régions excédentaires du bassin versant du Congo vers les zones déficitaires du Sahel, entre les affluents nord du Congo et le bassin versant du chari et ce à travers la ligne de partage des eaux. C'est en 1972 que Francisco Curato, CEO de BONIFICA SPA, une parmi les plus importantes sociétés d'ingénierie du groupe public IRI-ITALSTAT, conçoit la première une hypothèse du projet. Un document de 1982, rédigé par Marcello Vichi avec l'autorisation du CEO RENZO ROSI, comprit les études et le conseil des agences internationales; Cinq cents copies 54 Henri Jacques-Félix, la vie et la mort du lac Tchad : rapport avec l'agriculture et l'élevage » in bulletin agronomique, n°3, 1947, p.43 93 en trois langues avec l'indication BONIFICA SPA-IRI-ITALSFAT, firent distribuées aux pays intéressés, aux autorités italiennes et à de nombreux organismes internationaux.
Il s'agit de barrer les cours de plusieurs rivières importantes du nord-est de la RDC (ex-zaïre) au moyen de barrage de régulation et de soustraire une partie de leurs débits par un canal qui conduirait ces eaux vers la ligne de partage des eaux, à environ 600 mètres d'altitudes. Une fois franchi ce seuil, les débits se trouvent acheminés, toujours par canal, dans le lit du Chari, et finiraient par alimenter par simple gravité le lac Tchad, ainsi que des diverses surfaces irriguées (à équiper) dans les zones Sahéliennes des pays riverains du lac. La différence de niveau entre les 600 mètres de la ligne de partage des eaux et les 280 mètres d'altitudes du lac permettrait d'installer des barrages avec les usines hydroélectriques. Enfin l'ensemble constituerait une voie navigable importante. 94 Le volume de prélèvement prévu serait de l'ordre de 100 milliards de mètres cubes d'eau annuellement, c'est-à-dire plus ou moins 3150m3/s, débit qui ne nuirait pas trop au régime du fleuve Congo (puisqu'il ne s'agit que de quelque 8% de son volume d'écoulement. Il s'agit cependant d'énormes quantités. Ce débit prélevé serait en effet supérieur à la moitié du volume d'eau produit naturellement chaque année en France Métropolitaine (178,5 milliards de mètres cubes), ou égal à celui produit annuellement en Allemagne (107,5 milliards de mètres cubes), ou encore équivalent à deux fois le débit annuel du Nil au Caire, et nettement supérieur à celui du Rhin dans son cours inférieur. Le canal serait suffisant pour irriguer six à sept millions d'hectares outre la stabilisation de la surface du lac Tchad il produisait quelque 30 à 35 milliards de kilomètres par an. Les travaux pourraient se réaliser par tranches successives, en commençant par les tributaires des bassins de l'Oubangui, de l'Aruwimi, du Lindi et du Lowa, tous affluents de droite du Congo, dans le quart Nord-est du Congo Kinshasa et le sud de la Centrafrique. La longueur totale du canal serait de plus ou moins 2400 kilomètres.55 6. Evolution récente du projet transaqua Deux projets différents sont actuellement sur la table, tous deux prévoyant le transfert d'une partie des eaux de l'Oubangui par un canal de 1350 kilomètres. Il est à noter qu'avant tout, il fallait convaincre la RD Congo et le Congo-Brazzaville d'accepter le projet, le cours d'eau à détourner (l'Oubangui) prenait sa source en RDC puis formant frontière avec la république du Congo puis avec la république centrafricaine. L'accord du Congo Brazza est chose faite depuis 2005, avec la signature d'un accord par les présidents Denis Sassou Ngwesso (Congo Brazza) Idriss Deby (Tchad) et François Bozize (RCA). En mars 2006, le Nigéria, le Niger et le Tchad sont tombés d'accord pour aller de l'avant et financer des études pour transférer une partie des eaux de l'Oubangui. L'étude de faisabilité nécessite des moyens importants et le Nigéria puissance pétrolière donc financière de la région, est prêt à y affecter cinq millions de dollars. Les quatre 55 Anonyme, projet transaqua, https://www.wikipedia.org/wiki/1700 3611 consulté le 29/04/2019 95 autres membres de la commission du bassin du lac Tchad (CBLT) apporteront ensemble un sixième de million. En 2009, la firme canadienne CIMA international, obtient un contrat de vingt-huit mois pour réaliser l'étude de la faisabilité du projet entièrement financée par les pays membres de la CBLT pour un montant de 5,5 millions d'US. A la fin de ces travaux, cette firme intègre dans ses conclusions les travaux relatifs aux études d'impacts du projet transaqua sur une partie du bassin du fleuve Congo tel que recommandés la CICOS dont la RDC est membre. Du 29 au 31 octobre 2010, le Tchad et la CBLT organisent à N'Djamena le « Forum mondial du développement durable sur la sauvegarde du lac Tchad ». Parmi les propositions adoptées lues par le docteur Abdullah Umar Gandja, secrétaire exécutif de la CBLT, on note les positions suivantes : - Inscription du lac Tchad au patrimoine mondial de l'humanité ; - Travaux d'aménagement de désensablement et de transfert des eaux de la rivière Oubangui vers le lac Tchad ; - Confirmation du début des études de faisabilité, malgré les difficultés financières de la CBLT. En 2012, l'institut Schiller, propriété de madame Helga Zepp Larouche (épouse du célèbre milliardaire Américain de la fondation Larouche) renouvelait son soutien au projet Transaqua dans son élogieux article publié dans «exécutive intelligence review». En effet, cet institut considère le projet transaqua comme « le début d'une renaissance africaine » et d'une « révolution Bleue ». Le 4 et 5 avril 2014, une conférence sur le projet transaqua s'est tenue en Italie respectivement dans les villes de Bologne et Rimini, il s'agissait d'une table ronde des bailleurs de fonds pour le financement du plan quinquennal d'investissement 2013-2017 de la CBLT. Le ministre de l'environnement, conservation de la nature et tourisme de la RDC interrogé au sujet du projet de transfert de l'eau de la rivière Oubangui vers le lac Tchad, a avoué que son pays était tenu à l'écart de la rencontre en Italie. 96 7. Critiques et controverses Le Word wide Fund of Nature (fond mondial pour la nature, en sigle WWF) d'un commun accord avec les pays riverains du lac Tchad, a classé entre 2001 et 2010 près de 2,6 millions d'hectares de zones humides autours du lac comme «aires protégées pour les oiseaux migrateurs pour l'ONG américaine du développement durable, le projet transaqua représente une menace pour ces aires protégées autour du lac Tchad. En juillet 2013, madame Christina Muscardini, députée européenne, a posé les questions concernant le projet transaqua, du mois d'aout 2013, la commission de développement de l'union européenne, M. Andris Pibalgs répondant à une question écrite de juillet de la même année écrivait : « l'union européenne est au courant de l'existence d'un projet de transfert d'eau de la rivière Oubangui vers le lac Tchad (Transaqua). Des études de faisabilité préliminaires ont cependant indiqué que le projet comporterait des risques environnementaux majeurs ».56 |
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