Section 5 : les formes des raretés de l'eau et
quelques crises contemporaines hydriques
§1.Des formes de rareté diverses
Comme le dit Tony Allan de manière laconique, il existe
deux types de raretés de l'eau : la « rareté de premier
ordre » est la rareté de l'eau elle-même et la «
rareté de second ordre » est la rareté des moyens permettant
de faire face à la rareté. Les pays pauvres sont ainsi les plus
durement touchés par la rareté de premier ordre. L'IWMI
(International Water Management Institute) distingue la rareté
physique de l'eau de sa rareté économique. Dans le cas de la
rareté physique, il s'agit de la disponibilité quantitative de la
ressource au niveau d'un cours d'eau, d'un bassin ou d'une région. La
rareté économique concerne quant à elle la capacité
financière, humaine, et sociale d'avoir accès à l'eau.
Cette forme de rareté concerne essentiellement l'Afrique subsaharienne
et une partie importante de l'Asie du Sud-est. La partie septentrionale du
Nordeste du Brésil, région desservie par le transfert des eaux du
fleuve São Francisco, est catégorisée comme
présentant une situation « proche de la rareté physique de
l'eau » (plus de 60% du débit des cours d'eau est utilisé
pour des usages agricoles, industriels et domestiques et les bassins vont
connaître à court terme une situation de rareté physique).
On peut aussi d'ores et déjà noter que la distinction
proposée présente la limite de masquer la complexité des
raretés.51
La rareté qui frappe la région semi-aride du
Brésil est liée autant à des facteurs économiques,
sociaux, institutionnels et politiques qu'au climat et à l'hydrologie.
Comme
51 Philippe ROMAN, l'analyse des transferts d'eau
inter-bassins au défi des conflits et de la justice environnementale. Le
cas du fleuve Sao Francisco (Nordeste du Brésil, Thèse de
doctorat, université Paris-Saclay, sciences de l'homme et de la
société, 2015
82
nous le verrons plus en détail dans cette thèse,
la caractérisation du type de rareté auquel est confronté
le Nordeste septentrional est un enjeu à part entière, et l'objet
de débats politiques autant qu'experts.
§2.Une reconnaissance croissante des risques
hydriques
Outre l'enjeu humanitaire, reconnu depuis de longues
décennies dans les arènes internationales (ONU, organismes
spécialisés, mouvements sociaux, ONG etc.), l'eau est devenue le
risque numéro un en termes d'impact selon le Global Risk Report 2015
du Forum Economique Mondia (devant les maladies infectieuses, les armes de
destruction massive ou le changement climatique). À cette occasion, le
rapport a déplacé le risque hydrique de la catégorie
« risque environnemental » à celle de « risque social
». C'est dire si les entreprises prennent la menace d'un manque d'eau dans
les années à venir au sérieux. Elles rejoignent en cela
les innombrables chercheurs et experts alertant sur ces enjeux depuis plusieurs
décennies.
La disponibilité en eau est ainsi devenue la principale
préoccupation des compagnies minières, mais aussi de
multinationales comme Nestlé ou Coca-Cola, et les plus grandes
entreprises mondiales produisent désormais des rapports sur les risques
hydriques auxquels elles font face.
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