Il est 3h du matin à la gare internationale Rimbo de
Niamey. L'heure de l'embarquement a sonné pour les passagers. On peut
entendre à travers les haut-parleurs « passagers à
destination de Ouaga, Bamako, Cotonou, Lomé...rejoignez les bus ».
Dans la foulée chacun ramasse ses bagages du dortoir. Chaque passager se
précipite vers le bus de sa destination. Chacun s'assure d'être au
bon endroit. Les Ivoiriens se dirigent vers le bus à destination
d'Abidjan ; Béninois, Togolais et Ghanéens se retrouvent devant
le bus de Lomé tandis que Burkinabè, Sénégalais,
Maliens, Gambiens, Guinéens de Bissau et de Conakry attendent devant le
bus de Bamako. Mais avant de se séparer en fonction des destinations les
rapatriés prennent quelques minutes pour des accolades entre eux avec
toujours cette phrase à la fin « bonne chance, mon frère
». C'est la première étape de séparation entre
les rapatriés dont les destins de certains se sont croisés au
Niger dans le centre OIM d'Agadez. Ce séjour a fait d'eux une «
communauté de destin » puisqu'ils sont tous candidats au retour dit
volontaire.
Moteur en marche, l'agent de Rimbo se tient devant le bus
où doit commencer l'appel nominatif. Derrière lui, se trouve
l'agent OIM, convoyeur des migrants rapatriés. Il est reconnaissable
à travers son gilet de visibilité. L'appel commence et
déjà 5 passagers prennent place dans le bus. Soudain, l'agent
annonce les couleurs « OIM préparez-vous »,
c'est-à-dire que ce sont eux qui seront appelés
bientôt. Les migrants perdent ainsi momentanément leur
identité individuelle au profit d'une assimilation à l'agence
onusienne.
Bien qu'étant parmi les premiers à embarquer,
les migrants occupent les sièges arrière du bus. Là, on
note de nouveau un regroupement par nationalité comme dans le dortoir.
À 4h du matin, on sort de la gare.
8.3.1.2 La traversée de la frontière
Niger- Burkina Faso ou le début d'un contrôle
discriminatoire
La lumière éteinte, les passagers reprennent le
sommeil. C'est ainsi que le voyage continue jusqu'à l'entrée de
Téra où nous faisons l'objet de contrôles de la part de la
police. À la gare Rimbo de cette ville, un arrêt est marqué
pour la prière de l'aube.
Arrivés à Petel-Kolé, poste de police
frontalier avec le Burkina Faso, deux agents se postent devant le bus. L'agent
OIM se met à côté d'eux et rassemble les laissez-passer des
rapatriés. La
208
police collecte les cartes d'identité des autres
passagers. Tous les passagers attendent d'un côté sous la
surveillance d'un agent de police. Pendant ce temps, le convoyeur de l'OIM se
présente devant le poste de police pour l'enregistrement et la
vérification des laissez-passer. Les rapatriés sont
autorisés les premiers à passer la frontière.
Pour les autres passagers, les cartes sont regroupées
en deux lots. Ils sont tous invités à traverser la
frontière. Le premier lot comprend les scolaires et les fonctionnaires
nigériens qui sont invités à récupérer leur
pièce d'identité un peu à l'écart du goudron. Ils
récupèrent sans rien payer. Par contre, ceux du second lot
comprenant des Nigériens et d'autres nationalités, ils ont
dû passer sous le hangar de la police pour récupérer leur
pièce. Il s'agit en fait d'un espace aménagé où la
police des frontières procède à un dernier contrôle
des personnes sortantes du territoire afin d'identifier les concernées.
Malheureusement les agents profitent de cet exercice administratif pour
dérober de l'argent aux personnes qui doivent suivre ce contrôle.
En effet, tous les passagers nigériens et étrangers ont dû
payer 1000 francs CFA pour passer la frontière pendant que les autres
Nigériens scolaires et fonctionnaires en sont exemptés.
Carte 12 : Itinéraire des migrants de retour
Niamey-Dakar
Source : notre étude
209
Le constat général qu'on peut faire de la
traversée de la frontière nigérienne pour le Burkina Faso
est que le convoyage de l'OIM et les sauf-conduits que détiennent les
rapatriés sont plus opérationnels sur le terrain que les cartes
d'identité. C'est ce qui explique les facilités que les
rapatriés ont eu.
La sortie du Niger pour entrer au Burkina Faso
nécessite la traversée de la frontière. Cette situation
crée deux catégories de citoyens nigériens dans leur
propre pays. D'une part, les scolaires et fonctionnaires qui sont
exemptés de payer les 1000 FCFA dû à la police. D'autre
part, les autres Nigériens (majoritairement des jeunes qui partent en
migration au Burkina Faso, Mali et Sénégal) et les autres non
Nigériens doivent subir le contrôle dans un espace
dédié à cela. À ce niveau ils doivent payer
1000fCFA pour passer la frontière et sans reçu.