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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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Conclusion partielle

L'analyse de la dynamique des lieux dans le contexte d'externalisation des politiques migratoires a permis de mettre en exergue que la position géographique du Niger en tant que carrefour entre le Sahel et le Sahara a motivé son choix par les Européens. Les flux de migrants qui accèdent au Niger y transitent pour se rendre en Libye et éventuellement sur les côtes européennes. Cette dynamique est renforcée par de longues et poreuses frontières que le Niger partage avec ses voisins. Dans ce contexte et en lien avec la collaboration de l'UE, le Niger a

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mis en place un dispositif pour lutter contre la migration de transit. Celui-ci inclus le renforcement du contrôle aux frontières, le refoulement, la reconduite aux frontières et le démantèlement des réseaux. Une telle dynamique a participé aux reconfigurations d'une ville de transit comme Agadez. Celle-ci peut s'apprécier par l'émergence des nouvelles routes de transport des migrants, la baisse des flux ascendants vers le Nord, le changement des lieux d'hébergement des migrants et un changement des lieux d'embarquement des migrants ainsi que des moyens de transport. Agadez apparait de plus en plus comme une ville sanctuarisée où les sorties des migrants vers la Libye ou l'Algérie sont systématiquement contrôlés. Seuls les Nigériens y sont autorisés.

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Troisième partie : Appréhender l'externalisation à l'aune des parcours migratoires

La troisième partie traite des parcours des migrants dans un contexte d'externalisation des politiques migratoires européennes au Niger. Elle met en évidence, la transformation progressive de la ville d'Agadez, point de transit historique, en espace d'attente pour les migrants voulant se rendre en Libye ou en Algérie. Par-delà, elle rend compte des conditions de retour des migrants ouest africains de Niamey à Dakar dans le cadre du retour volontaire assisté mis en oeuvre par l'OIM avec le soutien financier de l'UE. Enfin, l'ouverture de la protection internationale dans le contexte de la migration mixte à Agadez est abordée.

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Chapitre 7 : Agadez, espace d'attente pour les migrants en partance ou de retour du Maghreb ?

Au Niger, la migration de transit a connu son essor au début des années 2000. Elle va se consolider à la suite de la chute du régime du Guide libyen, interlocuteur de l'Union européenne (UE) pour le contrôle des frontières de la Méditerranée centrale. Instable et sans État, la Libye n'arrive plus à accomplir cette tâche. C'est ainsi que l'UE se tourne vers le Niger pour contenir en amont les migrants dans ce pays, afin de limiter l'accès à la Libye et conséquemment aux côtes libyennes (Boyer et Chappart 2018 ; Brachet, 2018). Dans la foulée, la loi 2015-36 de lutte contre le trafic de migrants est votée et mise en application dans la région d'Agadez. A cela s'ajoutent plusieurs actions visant à bloquer les migrants dans cette ville. Ainsi, depuis 2016, commence à émerger une forme d'attente des migrants à Agadez. Il est donc utile d'analyser comment le contexte politique particulier d'Agadez a impacté les parcours des migrants ? Et comment il a participé à créer / accentuer les situations d'attente ?

L'attente est considérée « comme un paradigme pour penser les sociétés en déplacement, pour s'interroger sur la capacité des discours, des pratiques et des infrastructures de la mobilité à créer des arrêts aussi bien que du mouvement » (Vidal et Musset, 2015). C'est dans ce cadre théorique que nous allons analyser la situation des migrants à Agadez selon 4 axes. Le profil des migrants, les facteurs de l'attente, ses manifestations et les lieux d'attentes.

7.1 Les profils des migrants ouest-africains coincés à Agadez 7.1.1 Caractéristiques socio-démographiques

Sur un échantillon de 105 répondants, les résultats indiquent que 88, 5 % sont de sexe masculin contre 10,4 % qui sont des femmes. L'âge moyen est de 26 ans. Ces chiffres cachent beaucoup de disparités. En effet, au cours de la collecte de données, il est ressorti que l'âge des migrants varie entre 18 et 27 ans. On note parmi eux la présence de mineurs, car 21 % des répondants ont moins de 18 ans à la date de notre passage.

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Photo 22 : Des migrants convoyés par OIM en attente dans la gare 3STV Agadez Crédit photo : B Ayouba Tinni, Agadez, juillet 2017

L'analyse du statut matrimonial des migrants révèle une large prédominance des célibataires (57,1%) contre 40,9 % de mariés et 0,9 % de divorcés. Là aussi les résultats croisés révèlent que cette prédominance s'explique par le poids des jeunes dans notre échantillon. Dans l'ensemble le profil des répondants met en exergue des jeunes, célibataires, ayant suivi un enseignement général, et originaires de l'Afrique de l'Ouest et centrale.

7.1.2 Pays d'origine et compétences linguistiques

Les répondants sont nés dans 11 pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre. Le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Nigéria se distinguent dans l'échantillon. À l'inverse, le Cameroun, la Guinée Bissau et la Gambie se trouvent moins représentés. Cette sous-représentation est à relativiser, et ne peut faire l'objet de généralisation par rapport au flux de migrants transitant par Agadez. Elle correspond juste aux migrants interrogés dans un contexte de répression de la migration dite irrégulière. Toutefois, on peut noter que la migration vers l'Afrique du Nord prend de l'ampleur dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest et du centre dès le début des années 2000. « L'accroissement du nombre de migrants s'est fait avec la diversification des pays de provenance. D'abord sahélienne, elle va s'étendre à toute l'Afrique de l'Ouest, pour devenir

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une migration africaine. 4/5 des migrants transitant par Agadez vont en Libye et le reste en Algérie. Le Nigéria fournit 45% des flux » (Bensaâd, 2002). Cela s'explique par la persistance de la crise dans certains pôles économiques traditionnels qui deviennent du jour au lendemain des pays de départ (Sénégal, Nigéria, Côte d'Ivoire).

L'analyse des zones de provenance montre que les ressortissants sénégalais et gambiens viennent du milieu rural alors que les Camerounais, Nigérians, Ivoriens et Libériens proviennent en majorité du milieu urbain : Bénin City, Yaoundé, Douala, Abidjan, Freetown et Monrovia. Ce constat a été déjà fait dans certains pays sahéliens comme le confirment ces propos : « dans certains pays du Sahel (Mali, Mauritanie, Sénégal), massivement la jeunesse des villes vient rejoindre celle de contrées rurales au passé migratoire plus ancien dans un projet commun : partir au Nord. Jamais projet n'a rencontré autant de suffrages au sein d'une jeunesse tant urbaine que rurale et nourri autant de rêves, de fantasmes et d'imaginaires. Bien que plus ou moins soutenus dans cette initiative par leurs familles et les parents déjà partis, la démarche d'émigrer n'en est pas moins discrète, parfois solitaire et secrète » (Timéra, 2001).

Les migrants disposent de compétences linguistiques variées. On y dénombre le français, l'anglais en sus des langues vernaculaires comme le peul, le djoula, le wolof et le mandinka.

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