Installé à Agadez depuis mai 2017 à
travers une sous délégation, le HCR de concert avec les
autorités et l'OIM identifie les personnes ayant besoin de protection
internationale dans les flux migratoires mixtes. L'initiative se fonde sur le
fait que 20 à 30 % des migrants qui arrivent en Europe en transitant par
le Niger se voient accorder l'asile en Europe. L'approche est donc d'installer
un dispositif à Agadez, ville de transit pour permettre de les
identifier et leur offrir la protection sur place en leur évitant le
voyage à travers la Méditerranée. De mai 2017 à
juillet 2018, le HCR a identifié à Agadez plus de 2000 demandeurs
d'asile. Cette population est composée majoritairement de Soudanais (88
%). En attendant la tenue des sessions de la Commission Nationale
d'Éligibilité au statut de réfugiés, les demandeurs
d'asile sont hébergés dans la ville d'Agadez dans 6 villas et un
centre régional d'accueil composé de 4 parcelles
clôturées. Ce sont essentiellement des Soudanais qui sont
logés dans ce dernier site. Cet espace d'attente dont Agadez est le
réceptacle est le prolongement des hotspots proposé un temps
par
175
le président français Macron et plus largement
des politiques européennes visant à éloigner les migrants
des frontières sud de l'Europe). « En soutenant l'accès
à la protection et à l'intégration des
réfugiés au Niger, le HCR organise un système de filtrage
qui contribue in fine à l'objectif européen de
réduire les arrivées à ses frontières; sinon, il se
fait le relais en amont d'une politique de tri des demandeurs d'asile
susceptibles d'être réinstallés» (Boyer et Chappart,
2018).
La présence prolongée des demandeurs d'asile en
plein coeur de la ville d'Agadez constitue une source de tension et de conflit
aux enjeux sécuritaires et sociaux. Sur le plan sécuritaire, du
fait qu'une partie des Soudanais vient de Libye, certains estiment qu'ils sont
des combattants et par conséquent peuvent être une source
d'insécurité pour la région d'Agadez dans un contexte
déjà précaire. Cette position est partagée par la
société civile et les autorités. Pour ce groupe, Agadez ne
saurait constituer un espace d'asile pour des combattants. Selon Rhissa Feltou,
Maire de la commune urbaine d'Agadez au moment des faits, « s'il y'a
bien des gens qui doivent demander l'asile ce sont bien les Libyens mais ils ne
l'ont pas fait. Pourquoi devrons-nous accorder l'asile à des Soudanais ?
». (Intervention, Rhissa Feltou, Agadez, le 4 juillet 2018, Forum sur
la migration mixte). La solution pour eux c'est de renvoyer les Soudanais dans
leur pays d'origine ou au Tchad où certains ont été
déjà reconnus réfugiés.
Sur le plan social, la tension est également entretenue
du fait que dans les documents d'accord la présence des
requérants de l'asile à Agadez ne doit pas durer dans le temps.
C'est une situation de transit le temps mais à ce jour 8 mois aucune
session de la CNE n'a été tenue. Ce qui prolonge davantage le
séjour à Agadez., « nous nous sommes
préparés à tenir la session de la CNE au moment où
nous avions autour de 300 demandes mais l'évolution fulgurante du nombre
des DA soudanais, on s'était dit qu'il fallait être prudent et
voir clair dans cette affaire des Soudanais » (Intervention du
Directeur général de l'état civil, des migrations et des
réfugiés, Agadez, le 4 juillet 2018, Forum sur la migration
mixte).
Cette présence prolongée a terni l'image du HCR
et de l'OIM aux yeux des autorités communales qui estiment que ces
organisations ne font pas assez pour remplir leur cahier des charges. Car la
présence des demandeurs d'asile a un impact significatif sur la ville en
termes d'assainissement et de pressions sur des ressources, telles que l'eau,
l'électricité et les services de santé. Or, ces
organisations ne font pas assez d'efforts pour accompagner la mairie à
compenser ces dommages liés à la présence prolongée
des demandeurs d'asile selon le Maire de la commune. Mieux, les lieux
d'hébergement des demandeurs d'asile et migrants ne
176
respectent pas le cadre d'assainissement de la ville en
témoignent les photos (22 et 23) ci-dessous postées sur Facebook
par le maire d'Agadez de l'époque Monsieur Rhissa Feltou pour
dénoncer ce qu'il appelle « la nouvelle donne ».
Photo 20:Illustration des problèmes au centre des
demandeurs d'asile à Agadez Crédit photo : Rhissa Feltou, Agadez,
juin 2018
Photo 21:Fosse septique ouverte dans la rue au centre OIM
Agadez
Crédit photo : Rhissa Feltou, Agadez, juin 2018
La tension est accentuée par le comportement des DA et
migrants dans une ville conservatrice comme Agadez. En effet, les DA passent la
nuit à circuler dans les rues en groupe, ce qui amène
177
les populations à douter des vrais motifs de leur
présence dans cette région qui a déjà connu des
tensions sécuritaires par le passé. Le comportement des DA avec
leur coiffure et habillement ne favorisent pas un climat de confiance avec la
population locale et motive leur rejet par la population. Le voisinage des
lieux d'hébergement des DA se plaint régulièrement du
tapage nocturne, des violences verbales à l'égard de leurs femmes
et enfants. Cette situation a été diffusée via les radios
où les chefs de quartiers se sont plaints. Pour régler cette
question de coexistence pacifique les autorités ont mis à la
disposition du HCR un terrain de 4 ha pour loger ces pensionnaires. L'espace
est aménagé à partir de septembre 2018 pour les
accueillir.