Pays d'émigration, le Niger enregistre une migration
de retour de ces ressortissants. A l'échelle nationale dans le contexte
de la migration circulaire, il s'agit des migrants ayant quitté le
milieu rural ou la ville qui reviennent en fonction de la saisonnalité
des travaux champêtres. Les allers-retours des migrants s'effectuent
à l'intérieur des frontières du pays. A l'international,
le retour s'inscrit dans le cadre de la migration circulaire ou
saisonnière. Cette migration inversée n'est pas liée
à un évènement conjoncturel et s'inscrit dans la
stratégie et le mode de vie des ménages pour la gestion des
risques.
À côté de cette migration de retour se
greffe un retour forcé ou contraint qui ne relève pas de la
volonté du migrant. Il s'agit des retours dictés par des
conditions politiques, sécuritaires et sociales des pays d'accueil. A
titre d'exemple, on peut mentionner les retours dû aux expulsions,
guerres, durcissements des politiques migratoires, xénophobie, conflits
politiques ou sociaux. L'histoire migratoire du Niger est marquée par
plusieurs types de retours contraints. On peut citer l'expulsion des
Nigériens du Ghana dans les années 60, du Nigéria en 1983
et 1985. Il s'agit là d'expulsions de masse organisées par les
pouvoirs politiques. En principe, les expulsions massives sont interdites par
les protocoles de la CEDEAO mais les États continuent à le faire.
L'expulsion doit être faite au cas par cas avec notification au citoyen
et à son gouvernement. En fait la CEDEAO n'a pas prévu de
sanction contre les États qui ne respectent pas ces dispositions. Aucune
voie de recours n'est prévue pour le citoyen victime de rapatriement ou
expulsion (Maga, OIM, 2009).
Dans la période récente, l'accord entre le
Niger et l'Algérie en 2014 a permis l'expulsion de milliers de
Nigériens hommes et femmes. Il s'agit en majorité des femmes
ressortissantes de Kanché dans la région de Zinder qui s'adonnent
à la mendicité. Par-delà et en l'absence de tout accord,
l'Arabie Saoudite expulse régulièrement des immigrants
nigériens de son territoire (Boyer, 2016).
Notons aussi que le retour forcé émane souvent
du migrant lui-même. En effet, devant la dégradation de la
situation sécuritaire dans les pays d'accueil, le migrant peut
décider de retourner au pays en attendant une normalisation de la
situation ou chercher une nouvelle destination. Les exemples des
Nigériens en Côte d'Ivoire en 2002 et plus récemment en
Libye en 2011 sont illustratifs.
Le retour contraint en masse, dans certains contextes peut
poser des problèmes dans les zones d'arrivée. Il s'agit
principalement de l'accès aux terres de cultures et la pression sur
les
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ressources locales. Leur gestion nécessite
l'intervention des pouvoirs publics. En 2011, dans la zone de Tchintabaraden,
il a fallu l'intervention de l'État et de ses partenaires pour trouver
des activités génératrices de revenus aux migrants de
retour. La même situation a été observée à
Kantché pour les femmes retournées d'Algérie. Des projets
ont été initiés et mis en oeuvre ; même si par
ailleurs ce n'est pas dans une logique d'atténuer le choc du retour ;
mais plutôt dans une perspective de les fixer.
Certains retours contraints s'effectuent avec l'intervention
de l'État. En effet, à la suite de la détérioration
de la situation sécuritaire et politique dans les pays d'accueil,
l'État du Niger intervient souvent pour rapatrier ses ressortissants. En
2014 par exemple, l'État est intervenu pour rapatrier 1.163 migrants
nigériens de la République centrafricaine lors de la crise qu'a
connue ce pays grâce à une collaboration avec l'OIM. Les 3/4 des
personnes rapatriées sont des ressortissants de la région de
Tahoua, espace connu pour sa forte émigration (Ocha, 2014). Il en est de
même en 2018 en Libye à la suite de la publication de la
vidéo de la chaine américaine CNN sur la vente d'esclaves dans ce
pays
2.2 Facteurs et tendances récentes de la
migration au Niger 2.2.1 Réaliser son projet migratoire au
Niger
La migration au Niger trouve son fondement dans l'histoire
coloniale. En effet, la politique coloniale a mis en place un système
permettant d'utiliser les populations de l'hinterland comme main d'oeuvre afin
de développer l'économie cafetière dans les pays
côtiers. Par-delà, la monétarisation de l'économie a
contraint beaucoup de personnes à migrer à la recherche du
numéraire pour s'acquitter de l'impôt ou se soustraire à la
colonisation française jugée très contraignante. Pendant
cette période, la migration de certains est motivée par des
considérations culturelles. De nombreux jeunes quittaient leurs terroirs
à la découverte de la ville et ses merveilles. Cette dimension de
la migration persiste toujours dans des nombreuses zones du Niger où
elle est considérée comme un rite pour des nombreux jeunes. Les
nombreuses chansons dédiées aux migrants de retour ou en partance
témoignent de la place de la migration dans la société.
De nos jours, la migration est motivée par les
contraintes du milieu devenu de plus en plus répulsif à cause des
mauvaises pluviométries, des inondations, sécheresses, famines,
attaques des criquets pèlerins, chômage, absence
d'opportunité économique et d'emploi. Elle apparait comme
l'ultime recours des ménages pour faire face à l'incertitude du
milieu et une alternative de gestion des risques. Pour de nombreux jeunes, elle
se présente comme le chemin pour réaliser
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son projet, comme une stratégie d'autonomisation et
d'acquisition de biens face au système familial de gestion de biens. Au
même moment, les pays d'accueil deviennent plus attractifs avec une offre
diversifiée de formation au supérieur, des fortes demandes
d'emploi, d'une stabilité de l'emploi, des salaires mieux
rémunérés.