WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

E-réputation et image de soi : les réseaux sociaux entre réalité et mise en scène - le cas d'Instagram


par Maïwenn CHERIN
UFR SLHS Franche-Comté  - Master 2 Information - Communication  2019
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Université de Franche-Comté

UFR SLHS - Département Information-communication

Besançon

Master 2 Sciences de l'information-communication

Parcours Professionnel

E-réputation et image de soi : les réseaux sociaux entre réalité et mise en scène
Le cas d'Instagram

Mémoire de fin d'études présenté par

Maïwenn Cherin

Sous la direction de : Madame Hélène Romeyer

7 Juillet 2019
[Juillet]

1

Remerciements

Je tiens à remercier Madame Hélène Romeyer de son suivi et ses conseils pour la réalisation de ce mémoire,

Je remercie les étudiants de Master 2 Sciences de l'information-Communication pour leurs conseils et leur soutien tout au long de ce master,

Merci également aux professeurs de sciences de l'information communication de l'Université de Besançon pour m'avoir fait acquérir les connaissances m'ayant permis de réaliser ce mémoire.

2

Table des matières

Introduction 04

I. Développement de la photographie face à l'influence de la télévision et d'Internet : l'évolution des usages 13

1. Evolution de la télévision et influence sur les jeunes 13

1.1 La télévision et son rapport au spectateur 13

1.2 La téléréalité 16

2. Evolution de la photographie 18

2.1 Evolution des moyens de reproduction 18

2.2 Evolution des usages de la photographie 21

3. Influence et développement d'Internet 24

3.1 Evolution du web 24

3.2 Instagram : le réseau social de la mise en scène 26

II. La mise en visibilité et la mise en scène de soi dans le processus de construction identitaire 30

1. S'exposer sur les réseaux sociaux : de la recherche de soi à la mise en scène de son identité 30

1.1 La recherche de son identité 30

1.2 L'exposition de soi théâtralisée 34

2. Identités multiples 37

2.1 Identité réelle et numérique 37

3. Espace public et espace privé 39

3.1 Exposition de soi : de l'intime au public 39

3.2 Intimité et extimité : se montrer et se cacher des autres pour se construire 40

3.3 Différentes façons de se montrer sur les réseaux sociaux 43

III. E-réputation et recherche de visibilité et d'estime sociale pour la quête de reconnaissance et du sentiment d'appartenance 45

1. Le besoin de reconnaissance des individus 45

1.1 La recherche de visibilité pour la reconnaissance 45

1.2 L'image de soi sur Internet 48

2. L'image de soi comme objet de marketing 51

2.1 Les techniques de promotion de soi pour la reconnaissance 51

3. Le sentiment d'appartenance dans la communauté d'Instagram 54

3.1 Les codes Instagram 54

3.2 Les risques pour l'image de soi dans la recherche d'appartenance et de reconnaissance 57

IV. Conclusion 60

V. Bibliographie 64

VI. Sitographie 65

VII. Annexes 73

2. Annexe 2 : Exemple entretien 74

3. Annexe 3 : Grille d'entretiens 76

4. Annexe 4 : Grille d'analyse de contenu 77

5. Annexe 5 : Hypersexualisation sur les photographies Instagram 78

6. Annexe 6 : Maddisonyates 78

7. Annexe 7 : Fitjudi 79

8. Annexe 8 : Luci.ella193 79

9. Annexe 9 : Montrer des lieux beaux et monuments exceptionnels 80

VIII. Résumé 81

3

Introduction gé né ralé

Le développement des usages d'internet a radicalement modifié le rapport à l'information que possèdent les individus. Avec les réseaux sociaux, les internautes ont vu leur statut de simple récepteur des médias, notamment avec la télévision, la presse ou la radio, s'ériger vers celui d'acteur de la communication. Désormais, les individus ont la possibilité de créer l'information, de la diffuser, avec par exemple, en phénomène de mode, les détournements de photos et mèmes1 qui circulent sur internet. La capacité de pouvoir participer à la production, dont sur les réseaux sociaux en créant du contenu ajouté (photographies, textes), a amené une surproduction de l'information dans laquelle chacun se sent noyé et tente d'exister.

Au départ, les réseaux sociaux n'étaient accessibles qu'à un nombre limité de personnes, que ce soit par la fracture numérique qui ne donnait pas accès à internet de manière égale à tous, ou par certains médias qui étaient, au départ, réservés à certains groupes d'individus. Aujourd'hui, les internautes sont présents sur plusieurs médias sociaux en fonction de ce qu'ils en attendent. Nous comptons plus d'un milliard d'individu utilisateur d'au moins un réseau social2. Ils les manipulent alors continuellement et non plus dans un contexte exceptionnel. Les réseaux sociaux font partie du quotidien et amènent les individus à se réfugier dans la masse informationnelle. Mais surtout, les informations écrites n'ont plus le monopole sur internet.

Depuis 2013, c'est l'image qui a repris le dessus dans les échanges, car plus elle a plus d'impact et est davantage appréciée. Ce renouveau a lancé les individus dans une course à la photographie, au selfie, à la monstration de soi et de son environnement. Ceci, combiné avec la recherche perpétuelle de j'aime, de partages, de commentaires à tout prix, amène au final à une recherche de la valorisation de son image que l'on partage avec les autres. Les photographies de soi sont devenus les moyens d'échanger, de communiquer. Le seul moyen d'avoir des retours de sa communauté est d'être « soumis au jugement » des autres, notamment par ce système j'aime et de commentaires. Ce cercle amène les individus, mais notamment les jeunes entre 15 et 18 ans en pleine construction d'eux-mêmes, et les jeunes de 19 à 28 ans, en période de confirmation de leur identité, à se servir des réseaux sociaux pour se construire identitairement.

Les réseaux sociaux et leur dynamique intéressent les chercheurs depuis le XXème siècle, déjà bien avant l'engouement moderne pour les médias sociaux. Nous avons choisi comme sujet les réseaux socionumériques de partage car c'est un phénomène actuel complexe qui suscite de nombreux questionnements concernant le rapport des individus à leur image et à leur identité. C'est pourquoi

1 Mème : « C'est un élément de langage reconnaissable et transmis par répétition d'un individu à l'autre » Source : Wikipédia. (Consulté le 16 novembre 2018) < https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A8me>

4

nous avons axé notre sujet d'étude sur le réseau social Instagram car il est un réseau de partage de photographies et qu'il incarne au mieux notre étude.

Lorsque nous étudions les réseaux sociaux, nous remarquons que chacun possède ses spécificités : partage de contenu écrits, relai d'informations, publication d'images, etc. Désormais, les médias sociaux en vogue sont ceux qui permettent d'échanger principalement des contenus multimédias tels que Snapchat et Instagram. Il est important de comprendre à travers ces enquêtes que l'image est désormais au centre des interactions sociales, que ce soit par la photographie, le GIF, les vidéos, les avatars, etc. Au départ, l'image était utilisée dans l'art ou le cinéma mais les smartphones et les médias sociaux ont vu apparaître un nouveau concept : la phonéographie3 qui est le fait de prendre des photographies avec son téléphone portable. Désormais, prendre des photos est devenu accessible à tout le monde, il suffit de sortir son smartphone et d'immortaliser un instant. Mais avec cette facilité, l'image a perdu de sa sacralisation et est partageable à l'infini, sans difficultés d'espace ou de temps.

Le sujet de notre mémoire porte sur ces nouvelles utilisations des photographies sur les réseaux sociaux. La réalité et la mise en scène sont deux notions totalement opposées dans leur sens mais forment une continuité sur les réseaux sociaux. Il est désormais possible avec les technologies actuelles de modifier des images, modifier leur apparence, choisir le décor, les apparats et recommencer à l'infini. La photographie est censée être un outil de représentation de la réalité, elle est censée représenter la vérité, c'est ce qui la rend dangereuse car les individus peuvent faire croire n'importe quoi à n'importe qui. Mais sur les réseaux sociaux, les clichés ne sont que pures mises en scène. Ce constat fait naître un questionnement autour de la mise en scène et de la réalité auquel nous allons tenter de répondre dans ce mémoire. Il aide à mieux comprendre ce qui amène les Millennials et les digital natives à s'exposer sur internet de manière quotidienne et à se mettre en scène sur les clichés.

La portée pluridisciplinaire de notre étude l'inscrit dans les sciences de l'information-communication et des sciences sociales et humaines. A travers ces recherches et notre sujet, nous nous inscrivons dans le champ de la communication numérique, mais nous allons également soumettre un point de vue de la sociologie et de la psychologie sociale, domaines pionniers de la recherche sur les réseaux sociaux.4

3 Prendre des photographies avec des appareils mobiles. Source : DJEBLI Yasmine, ALEXIS Ophélie. Instagram : La réalité qui se cache derrière nos photos. Master SHS UPEM, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, Les mondes numériques. 21 janvier 2017

4 AZAM, Martine, et AINHOA de Federico. Sociologie de l'art et analyse des réseaux sociaux. Sociologie de l'Art, vol. opus 25 & 26, no. 1, 2016, pp. 13-36

5

"L'être humain ne se perçoit comme humain que s'il a la possibilité de commenter intérieurement des situations dans lesquelles il est plongé".5 Serge Tisseron à travers cette citation, voulait marquer le fait que les individus veulent raconter des expériences car ce sont des moyens "de se constituer soi-même en sujet conscient de cette expérience". Les personnes vont se créer "un imaginaire" qui, d'après le docteur en psychologie, serait matérialisé par les réseaux sociaux. C'est une manière d'exister, de parler aux autres mais avant tout de se parler à soi-même. Les réseaux sociaux ont amené une ambiguïté dans leurs usages auprès des individus, oscillants entre le désir d'intimité et celui de se montrer.6 De ce fait, il y a un paradoxe entre le sens commun pensant que la monstration sur les réseaux sociaux est uniquement une affaire de "narcissisme". Les usages nous laissent sentir davantage un besoin de se trouver identitairement et d'être reconnu auprès des autres que de vouloir assoir son identité.

Ces nouveaux usages des réseaux sociaux créent une rupture avec ce pour quoi ils ont été inventés. Le terme de "réseau social" est inventé en 1954 par l'anthropologue John Arundel Barnes. Il fut utilisé pour définir "des ensembles de relations entre individus ou entre groupes sociaux". D'abord utilisé en informatique, il fut repris par les sciences sociales. Il aura fallu attendre 1995 pour voir apparaître les réseaux sociaux sur internet par Randy. Ensuite ces réseaux se développèrent plus tard au XXIème siècle grâce aux nouvelles technologies numériques, qui ont fait évoluer les moyens de communication.7 Les utilisateurs des réseaux sociaux sont issus de toutes les générations d'internet et du numérique. Ce sont ceux qui ont connu les prémices des ordinateurs, puis ceux qui ont grandis dans une génération "ultra-connectée". D'après le site BDM8, sur 3.8 milliards d'internautes dans le monde, donc utilisant internet (soit 51% de la population mondiale), 3 milliards sont présents sur les réseaux sociaux, c'est à dire 86% de la population connectée. Nous pouvons nous interroger sur un tel engouement. Cependant, d'après Fanny Georges9, ce sont surtout les nouvelles générations qui sont enclins à utiliser les réseaux sociaux dans un souci de représentation de soi, car l'adolescence est la période de la construction de leur identité.

Nous pouvons ainsi faire le constat que désormais, l'image est devenue un moyen plus efficace pour parler aux communautés, partager, comme l'explique Hannah Arendt10. Désormais, le besoin de se montrer est devenu prioritaire. Peut-être qu'au centre de tous ces réseaux et des internautes de plus en plus nombreux sur la toile, de l'importance que jouent ces réseaux sur le quotidien et les relations sociales, être présent sur le net est une nécessité pour la plupart des individus. La réalité quotidienne

5 TISSERON, Serge. Les nouveaux réseaux sociaux sur internet. Psychotropes, vol. 17, no. 2, 2011, pp. 99-118.

6 TISSERON, Serge. Les nouveaux réseaux sociaux sur internet. Psychotropes, vol. vol. 17, no. 2, 2011, pp. 99-118.

7 Overblog. L'histoire des réseaux sociaux. 28 janvier 2016.

8 COEFFE Thomas. Les 50 chiffres à connaître sur les médias sociaux en 2018. Leblogdumoderateur, 28 décembre 2017.

9 GEORGES, Fanny. Représentation de soi et identité numérique. Une approche sémiotique et quantitative de l'emprise culturelle du web 2.0. Réseaux, vol. 154, no. 2, 2009, pp. 165-193.

10 CAUNE, Jean. La médiation culturelle : une construction du lien social. Les enjeux de l'information et de la communication, 1999, vol. 1.

6

n'a plus de réelle importance face à la personnalité virtuelle, que les usagers tentent d'alimenter et d'entretenir. Ne pas être présent sur les réseaux sociaux en revient à être isolé du reste du monde car c'est désormais sur internet que tout se passe.

Le besoin de partager des contenus personnels sur les médias vient d'après nos recherches principalement du besoin de reconnaissance sociale. Le réseau social représente notre individualité, il rassure en permettant de « se réapproprier des situations relationnelles que le monde physique ne propose plus » (Georges, 2009). On intègre ces interactions que l'on a sur le web à notre identité.

Il est possible via ces réseaux de se montrer, d'exister, de se créer une identité. Chaque individu veut se sentir exister, et pour cela il doit être reconnu par ses pairs (Alain Caillé, 2007)11. C'est à travers la reconnaissance de son "soi" de la part de l'autre que l'on créé son image, que l'on éduque son rapport à soi-même. Axel Honneth, lui, parle du besoin de reconnaissance pour ne pas devenir invisible socialement.12 Donc pour être reconnu auprès du public dans l'espace public et privé que représente internet.

À l'inverse des médias de masse tels que la télévision ou le cinéma, ici ce ne sont pas des personnalités publiques ou acteurs qui se montrent dans la sphère publique. Désormais, ce sont les personnes issues de la sphère privée qui se mettent en avant avec Internet. Il n'y a pas le même rapport à l'image. Les médias traditionnels renvoient à la fiction, à travers les dispositifs de mise en scène de l'action, en créant de toute pièce des personnages auxquels les personnes peuvent s'attacher voire s'identifier. Le web a changé ce rapport à la fiction et à la représentation des individus en rendant ambigüe la réalité sous le principe de fonctionnalisation. C'est à dire qu'internet permet de rendre fictionnel sa réalité en s'inventant une personnalité, un quotidien, en se mettant en scène soi-même. Il n'y a plus de réelle distinction entre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Le paradoxe entre la sphère publique et privée est que l'on peut préserver son identité.

Comme exemple de ce paradoxe entre réel et fiction, Jean-Michel Fourcade13 parle du lien entre l'impact des réseaux sociaux et de la téléréalité. Les adolescents et jeunes, dans leur construction, ont besoin de l'image qu'ils ont des autres pour se construire et ont tendance à s'identifier aux autres afin de se créer une identité. Le fait de regarder les téléréalités déclenche chez les individus un besoin de s'identifier à eux car ils sont à l'image des téléspectateurs : des gens lambda. De plus, la relation que nous pouvons faire entre les réseaux sociaux et la téléréalité est surtout le dispositif de monstration. En effet, les émissions télévisuelles où l'on peut regarder plusieurs individus filmés jour et nuit servent de miroir aux usages des médias sociaux. Déjà parce que l'on accepte de montrer ce

11 FUGIER, Pascal. Alain Caillé, La quête de reconnaissance. Nouveau phénomène social total. Lectures. Les comptes rendus, 18 avril 2008

12 PRADO DE OLIVEIRA, Luiz Eduardo. Axel Honneth : La société du mépris. Vers une nouvelle Théorie critique. Figures de la psychanalyse, vol. 18, no. 2, 2009, pp. 267-268.

13 FOURCADE, Jean-Michel. Ces corps qui nous fascinent : une nouvelle étude souligne à quel point les émissions de télé réalité et les réseaux sociaux ont un impact redoutable sur l'image de soi des ados. Atlantico. 2018 l

7

que l'on veut que l'on voie de nous. Il y a une orchestration du quotidien, une mise en scène de leur vie dans le jeu télévisuel. Il n'est montré de ces émissions seulement ce que veut la production, des instants qui plairont aux téléspectateurs. On manipule l'image des joueurs afin que cela donne une représentation d'eux particulière auprès des spectateurs. Les réseaux sociaux fonctionnent sur le même schéma de fond : les internautes décident de ce qu'ils veulent montrer d'eux même aux autres. Autre point commun : le rapport entre intimité et public. Dans les deux cas, on expose des moments de son intimité, il n'y a plus réellement de discernement entre ce que l'on peut réellement voir et ce que l'on nous montre, entre ce qui devrait être de l'ordre de l'intime mais devient public. Une des visions de la représentation de soi sur internet est que les réseaux sociaux permettent de pouvoir se créer différentes images de soi (Fanny George, 2009)14. Il existe plusieurs "soi" car nous ne sommes pas la même personne en fonction du contexte. Antonio Casilli15 développe une idée de « typologie corporelle dimensionnelle » selon laquelle les individus développent différentes images d'eux à travers différentes dimensions de lecture. Ces différentes images chez les utilisateurs des réseaux sociaux vont être exposées dans ce mémoire sous différentes dimensions : le pseudo de l'individu pour s'affirmer dans ses références, l'image utilisée que l'individu se donne pour se représenter. Il y a donc plusieurs possibilités pour les utilisateurs des réseaux sociaux de changer leur identité.

La représentation de soi sur le web ne se fait pas uniquement à partir de l'image physique que l'on renvoi, mais également à partir de sa culture. Fanny Georges insiste sur le fait que les médias sociaux « nourrissent un modèle culturel de l'identité »16, car en effet, ce que l'on donne à voir ou lire de nous montre qui nous sommes socialement et culturellement.

Malgré certaines idées, le fait d'être présent sur les réseaux sociaux n'est pas forcément dû à un choix personnel mais émane d'une pression sociale qui nous pousse vers le dévoilement de soi. Axel Honneth parle indirectement de cette pression dans « Lutte pour la reconnaissance » 17 en parlant « d'horizon de valeurs commun ». Cette notion implique que les individus sont régis par certaines règles pour exister dans l'espace public médiatique. L'horizon de valeurs commun est l'ensemble des normes partagées par les individus, que l'on trouve normal. Ainsi, sur internet, pour être visible, il faut se montrer, partager des contenus, utiliser certaines règles (hashtags, émoticônes, etc.) car cela fait partie de cet horizon. Cette pression s'exprime sur plusieurs points de vue, qu'elle soit sociale car pratiquée par les pairs : aujourd'hui, les jeunes s'expriment via internet pour s'inviter, communiquer,

14 GEORGES, Fanny. Représentation de soi et identité numérique. Une approche sémiotique et quantitative de l'emprise culturelle du web 2.0. Réseaux, vol. 154, no. 2, 2009, pp. 165-193.

15 CASILLI, Antonio. Être présent en ligne : culture et structure des réseaux sociaux d'Internet. Idées économiques et sociales, vol. 169, no. 3, 2012, pp. 16-29.

16 GEORGES, Fanny. Représentation de soi et identité numérique. Une approche sémiotique et quantitative de l'emprise culturelle du web 2.0. Réseaux, vol. 154, no. 2, 2009, pp. 165-193.

17 BERTEN André. Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance. Traduit de l'allemand par Pierre Rusch. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 99, n°1, 2001. pp. 135-139.

8

échanger, elle se pratique dans les études avec la création de groupes de travail sur les réseau sociaux (celui qui n'a pas internet n'a pas accès aux données de la classe) mais elle a lieu également dans le monde professionnel, avec par exemple, une certaine obligation d'être sur Linkedin pour trouver un emploi et être vu des employeurs. Il est important également de souligner que les réseaux sociaux constituent un auditoire, un public que l'on doit convaincre. La mise en scène de l'utilisateur se fait sous différentes approches. On peut parler d'ethos numérique18, l'art de convaincre sur internet, convaincre de ce qu'on est ou de ce que l'on veut être auprès des autres. Ruth Amossy parlait de discours à travers l'image19. Les individus utilisent alors des performances, à la manière d'Ervin Goffman pour plaire à chaque récepteur, à la diversité des auditoires d'internet. Ervin Goffman20 compare justement les réseaux sociaux à une pièce de théâtre où chaque détail est le résultat d'une préparation en amont avant le dévoilement final au public.

D'un point de vue économique, les médias sociaux sont sources de profit pour les entreprises voire pour ses utilisateurs. Les jeunes sont souvent la cible de marques. Celles-ci profitent de l'engouement des individus, de leur popularité auprès de leur communauté pour faire parler d'elles et exploiter l'image des personnes. Cette marchandisation de l'image permet aux marques de pouvoir bénéficier d'une publicité sur les réseaux sociaux grâce à des partenariats et gratuitement. Elles proposent le plus souvent un produit contre son apparition sur un profil. Ce phénomène a entraîné une création de nouveaux emplois sur le net tel que celui « d'influenceur ». C'est-à-dire que certaines personnes connues ou non (la plupart du temps) sont rémunérées par les marques pour faire parler d'elle au quotidien. Cet aspect montre l'influence des marques et des organisations sur les usages des personnes, à l'instar de la téléréalité. De plus, internet encourage le rapprochement des individus, les rapports entre eux. C'est ainsi que se développe des phénomènes d'entraide et de partage, avec par exemple, la création et la consommation collaborative. Ces nouvelles pratiques permettent d'échanger, partager avec d'autres individus. D'après l'article du site consoglobe.com21, il y a derrière ces pratiques une volonté de restaurer le lien social et d'interagir avec autrui. Elles permettent certes de créer une autre économie mais surtout de rapprocher les individus entre eux. De par notre expérience, nous pouvons citer l'exemple du covoiturage souvent plus utilisé "pour ne pas faire la route seul et pouvoir discuter avec quelqu'un" que pour des raisons économiques. Elles se retrouvent désormais partout : covoiturage, cohabitation, cocréation de contenu, etc.

Dans tous les cas, la principale observation que l'on peut faire sur la représentation de soi sur le net, est qu'elle crée une limite ambigüe entre l'espace privé et l'espace public. Dominique Cardon dans

18 LACHANCE Jocelyn. L'éthos de l'adolescent dans les mondes numériques : le rôle des destinataires », Itinéraires, 01 juillet 2016

19 AMOSSY, Ruth. L'éthos et ses doubles contemporains. Perspectives disciplinaires. Langage et société, vol. 149, no. 3, 2014, pp. 13-30.

20 GOFFMAN, Ervin. La mise en scène de la vie quotidienne 1. La présentation de soi. Paris : Les éditions de minuits, 1973

21 PETIT, Pauline. Adolescents et réseaux sociaux : c'est grave docteur. Consoglobe, 9 juin 2016

9

son article « Les réseaux sociaux en ligne et l'espace public » analyse le développement de l'internet et des réseaux sociaux, mettant en évidence cet entremêlement entre l'intimité et le public. Les jeunes, qui avant partageaient simplement des messages entre eux sur des plateformes de conversations spontanées et qui restaient dans l'ordre du privé, partagent désormais des contenus aux yeux de presque tous. À l'inverse, ce qui relevait de l'espace public, donc du partage d'informations pour le l'intérêt commun se retrouve envahis par des informations d'ordre privées. Il avance le fait que les individus ne sont plus passifs dans l'information mais désormais acteur, car ce sont eux qui la créé. Les réseaux sociaux démocratisent ces usages pour exprimer des pratiques d'expression de soi. «Les écrans numériques ne sont plus seulement une porte ouverte vers un monde de documents froids et distants, mais une fenêtre vivante et bavarde sur la vie quotidienne des utilisateurs.»22

Plusieurs auteurs ont défendu un point de vue sur les pratiques des jeunes sur les réseaux sociaux, sur leur rapport aux individus ainsi que celui avec eux-mêmes. Nous pouvons, d'après nos lectures, penser que les réseaux sociaux sont un moyen, à l'ère actuelle où internet fait partie du quotidien, de se construire soi-même et de construire son rapport aux autres. « Sans la reconnaissance, l'individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie » (Honneth dans Prado, 2009)23. Il est alors important d'étudier les pratiques sur internet pour la représentation de soi. Au départ, les réseaux sociaux servaient à pouvoir communiquer avec ses proches. Au fur et à mesure, ils ont permis d'échanger avec plus de personnes, sur de plus grandes distances, même avec des personnes qui n'étaient pas proches de nous. Maintenant, la réalité est tout autre : nous continuons à échanger mais différemment, nous communiquons par l'image. L'évolution des différents réseaux sociaux marquent ce fait. Avant les réseaux sociaux les plus utilisés étaient ceux qui servaient à produire des contenus, parler tel Facebook, MSN, Myspace. Désormais, les réseaux en vogue sont ceux où l'on peut partager des contenus multimédias (photographie, vidéos). Cela prouve l'importance qu'a prise l'image dans les rapports avec autrui. Nous évoluons d'une communication vers les autres à une communication pour soi et par soi. Serge Tisseron (2011) parle en effet d'échanges "dans les espaces virtuels qui sont non-adressés"24 donc adressés à soi. Cependant, il faut faire attention aux conséquences que les réseaux sociaux peuvent avoir sur les comportements. Instagram représente une source de complexe et d'anxiété de l'image car on confronte son image, mais l'on est surtout confrontée à celle des autres que l'on idéalise. Francis Jauréguiberry (2013) nous parle de déconnexion »25de certaines personnes qui veulent échapper aux dictats d'internet, de son influence sur le quotidien.

22 CARDON, Dominique. Les réseaux sociaux en ligne et l'espace public. L'Observatoire, n°37, p. 74-78

23 PRADO DE OLIVEIRA, Luiz Eduardo. Axel Honneth : La société du mépris. Vers une nouvelle Théorie critique. Figures de la psychanalyse, vol. 18, no. 2, 2009, pp. 267-268.

24 TISSERON, Serge. Les nouveaux réseaux sociaux sur internet. Psychotropes, vol. 17, no. 2, 2011, pp. 99-118

25 JAUREGUIBERRY, Francis. Déconnexion volontaire aux technologies de l'information et de la communication. 2013

10

Les enjeux de se mémoire sont de montrer que l'utilisation des réseaux sociaux par les jeunes ne se fait pas uniquement dans un contexte narcissique mais désormais dans une recherche constante de reconnaissance sociale et identitaire, un besoin d'appartenance auprès des autres pour se sentir exister. Les échanges photographiques sur les réseaux sociaux, et en particulier Instagram, ont amené un bouleversement de l'usage de l'image. Auparavant objet de la représentation symbolique de la réalité, elle a autrement changé pour devenir un objet symbolique de mise en scène du soi et de la mise en relation avec l'autre. La réalité devient soudain fiction, la réalité sur l'identité représentée des individus n'est plus. D'après ces constats, nous aurons pour interrogation centrale la question ci-dessous :

« En quoi le réseau social Instagram, par le partage de photographies, est-il devenu un outil de construction identitaire et sociale chez les 18-30 ans ? »

Cette problématique montre que le développement des réseaux sociaux a fait évoluer notre rapport à nous-même, à notre image, notre identité. L'individu s'est toujours construit au contact des autres, depuis la naissance. Mais cette construction de l'identité qui se faisait dans les rapports physiques se font désormais dans les liens virtuels. Le fait de partager son image avec les autres permettrait de se découvrir, de façonner son identité et son image, auprès de soi et auprès des autres.

Nous pouvons alors émettre trois hypothèses :

Notre première hypothèse est que l'usage de la photographie et des médias avec l'évolution d'Internet ont amené les individus à tenter de partir à la quête de leur identité sur les réseaux sociaux. Auparavant ils étaient uniquement des outils d'échange avec la communauté mais sont utilisés désormais pour se créer son identité, montrer une représentation de soi, créer une mise en scène de soi et de son quotidien dans le but de se créer une image d'eux-mêmes qui leur conviendrait et conviendrait à leurs pairs.

Le réseau social Instagram est un outil de reconnaissance identitaire. C'est-à-dire que le média social est un moyen d'être reconnu de ses pairs à travers son image. Le fait de poster des images de soi revient à soumettre son identité au jugement des autres, qui vont nous reconnaître ou non par le système de commentaire ou de j'aime. Poster des photos sur les réseaux sociaux en vient à se découvrir, découvrir à quoi l'on ressemble, et si notre image est validée par la communauté.

Ce qui nous amène à notre deuxième hypothèse : Instagram comme outil de reconnaissance sociale. Les individus vont chercher à se connaître et à exister dans leurs relations avec les autres, dans le partage d'informations. Le fait d'être suivi sur les réseaux sociaux, d'être intégré à des groupes constituent des éléments de reconnaissance sociale. Nous savons également que l'identité des individus se forge à travers le contact avec les autres.

11

De là découle notre troisième hypothèse : Instagram comme outil d'appartenance. Les productions que nous faisons sur internet nous révèle notre identité, c'est le réseau que l'on se créé et dans lequel on se sent admis. Instagram constitue des normes sociales auxquelles les utilisateurs doivent se soumettre pour être admis par les autres, et reconnu. Mais parfois, certains individus quittent internet pour ne justement plus se sentir inclus dans un groupe virtuel qui les coupe de leur réalité.

Du point de vue méthodologique pour répondre à notre problématique et confirmer ou infirmer nos hypothèses, nous avons d'abord pratiqué une recherche documentaire auprès d'auteurs et scientifiques ayant abordé les sujets connexes. Il est nécessaire d'interroger un public hétérogène mais surtout âgé entre 18 et 30 ans. J'ai donc réalisé une enquête par entretiens (Annexe 1) sur un cet échantillonnage, sur des individus issus de classes sociales et de villes différentes en France, afin de recueillir les informations hétérogènes directement auprès des personnes concernées et d'obtenir des explications plus poussées de ces usages. Les recherches effectuées ne permettent pas de pouvoir réellement questionner les individus plus âgés car ils sont le moins enquêtés dans les sujets de recherche autour des réseaux sociaux. Leur usage des médias sociaux est différent de celui des plus jeunes, davantage touchées par l'utilisation des réseaux sociaux au quotidien. Il est important d'interroger des milieux sociaux différents, d'études différentes afin de confirmer les hypothèses. Le fait d'interroger un public qui n'est pas homogène permet de pouvoir faire des typologies de publics, et réaliser des profils à travers les comportements en fonction de chaque personne et déterminer ce qui joue sur le besoin de représentation de soi en ligne. Nous avons ensuite, pour l'étude des entretiens, retranscrit ceux-ci à l'écrit (Annexe 2) et les avons analysés selon une grille. (Annexe 3) Enfin, j'ai également fait une analyse de contenu des données photographiques : j'ai analysé plusieurs clichés pris sur Instagram, ainsi que l'ensemble des photographies de ces comptes, en vérifiant bien que les personnes concernées aient entre 18 et 30 ans. Mais pour des problèmes de résultats, je ne me suis pas arrêtée à la France. Pour trier les clichés qui m'intéressaient, j'ai fait mon corpus à partir de hashtags populaires, seul moyen d'obtenir des résultats de recherche. Pour les analyser, nous avons réalisé une grille d'analyse (Annexe 4) dans laquelle nous avons répertorié les éléments sémantiques des photographies. Nous avons ensuite comparé les informations de terrain et l'analyse de contenu afin d'en tirer des conclusions.

Afin d'expliquer notre démarche et de démontrer nos hypothèses, ce mémoire s'articulera en trois parties qui correspondront à nos hypothèses de recherche.

Dans une première partie, nous développerons l'évolution des médias et d'internet, puis de la photographie et des réseaux sociaux afin de comprendre le contexte évolutif des jeunes individus et leurs usages. Ensuite, dans une seconde partie sera analysée les techniques de monstration de soi pour sa recherche identitaire. Puis, dans une dernière partie, nous introduirons le concept du besoin de reconnaissance sociale, et d'appartenance des individus via le réseau social Instagram.

12

I. Développement de la photographie face à l'influence de la télévision et d'Internet : l'évolution des usages

Les individus ont toujours eu un rapport fort aux images et aux médias visuels, de l'invention des premiers prototypes à ce qui deviendra plus tard l'appareil photographique, en passant par la télévision, jusqu'à Internet. Les médias iconographiques se sont modernisés et s'est créé un processus d'adaptation mutuelle entre le média et l'individu. Les appareils se sont adaptés aux changements sociétaux et les individus se sont adaptés aux évolutions technologiques. Avec l'amélioration des prototypes, le développement des moyens de production et de reproduction de l'image, les usages de la photographie ont changés. Ces progrès ont fait évoluer l'attachement des personnes aux images, allant peu à peu de la sacralisation vers la banalisation de celle-ci et de sa représentation en tant que support de la réalité vers un support de la mise en scène.

1. Evolution de la télévision et influence sur les jeunes 1.1 La télévision et son rapport au spectateur

1.1.2 Le petit écran, moyen de divertissement et d'échappement au quotidien

Cette partie de la recherche traite de l'évolution des médias et de leur impact sur les usages des réseaux sociaux actuellement. Nous pouvons dans un premier temps définir les médias, qui se déterminent comme un « Procédé permettant la distribution, la diffusion ou la communication d'oeuvres, de documents, ou de messages sonores ou audiovisuels »26. Il est affirmé que « la création et l'évolution des différents médias dépendent étroitement de l'avancée technologique »27. C'est ce que nous analyserons davantage dans la partie destinée à l'évolution des appareils de reproduction. La télévision a longtemps été l'un des médias les plus consommé par les individus, notamment à l'ère où Internet n'était pas accessible encore à tous et que le numérique n'était pas encore démocratisé. L'appareil télévisuel, inventé en 1920, rejoint la liste des « médias de masse » avec la radio et la presse. À l'époque, elle servait à diffuser de l'information et était une source de divertissement, mais elle était surtout l'instigatrice de la propagande « et même de manipulation ».28 Le caractère à la fois réel et fictionnel de la télévision a donc toujours amené les téléspectateurs à dépendre de ce qu'ils regardent. Ceci l'a amené à faire partie intégrante de la vie quotidienne des foyers. Elle est toujours présente lorsque l'on rentre chez soi, disponible, et permet à l'individu de pouvoir s'évader vers une autre réalité que la sienne. Les programmes permettent d'accéder à des espaces de divertissement parallèles et différents qui donnent la possibilité d'intégrer un nouveau monde. Elle

26 Larousse. Média_médias.

27 PLASSIER Pierre. Passé, présent, futur des #médias. Spotpink. 26 mars 2015.

28 KABORE, Salimata, L'impact de la télévision. Centre avec.

13

fut en effet un des médias les plus populaires de par son accessibilité et son caractère divertissant sur lesquelles les chaines vont s'appuyer pour augmenter leur audimat.29 Nous étudierons son succès passé et la relation qui s'est construite entre l'objet et le jeune téléspectateur. Pour Pascal Lardellier et Céline Bryon-Portet (2010), la télévision présente des programmes qui exposent le besoin « de s'affirmer et de montrer qui on est », notamment à travers les publicités autour de la rechercher de soi et de l'affirmation de son identité que l'on peut retrouver sur internet. 30 Le petit écran constitue donc un premier objet de médiation entre les individus et la constitution de soi, mais également un objet qui permet de se couper de son quotidien que l'on aimerait changer et rendre plus exceptionnel, qui sont en lien avec les hypothèses de notre mémoire.

1.1.3 L'interaction entre l'écran et le téléspectateur

L'intérêt prononcé des jeunes pour les écrans et les images serait dû au fait que « la télévision est spectaculaire au spectateur, que celui-ci entretient une relation particulière avec ceux qui la regarde » (Lacan dans Lalo, 2011). Il serait question « d'interactivité »31 entre la télévision et le spectateur dans la création d'un lien particulier entre eux. Nous pouvons prendre l'exemple des animateurs télévisuels. Ils instaurent un rituel quotidien donnant l'impression aux téléspectateurs qu'ils sont tels des amis, des connaissances : « Bonjour à tous, merci d'être avec nous », « à demain pour notre prochaine émission », « passez un bon week-end ». L'écran communique avec eux, il n'est qu'un objet de médiation. Nous reprenons le même fonctionnement que les réseaux sociaux avec les influenceurs et utilisateurs, comme nous avons pu le voir dans notre analyse sur Instagram, qui remercie leurs abonnés pour le nombre qu'ils sont, on communique avec eux « Hello les amis »32 ou « passez un bon vendredi »33. Il se créé une relation entre l'individu et celui qu'il regarde quotidiennement via la médiation de son écran, mais qu'il ne connaît pas vraiment. Il lui est donné l'impression d'être réellement en contact avec eux, de les écouter ou de les voir, tels des proches. Ceci est une des raisons à notre sens de pourquoi les médias, bien avant internet, ont engendré un sentiment d'attachement aux objets leur permettant d'être en contact avec le monde. Les jeunes individus désirent se sentir exister et ces êtres virtuels, en interagissant avec eux de manière passive ou active (simplement regarder son écran ou pouvoir répondre sur les réseaux sociaux), leur donne une identité, une existence et se sentent reconnus en tant que « téléspectateur » ou en tant « qu'abonné » sur Instagram. Les réseaux sociaux demeurent plus ancrés dans le quotidien et la dimension personnelle que les autres médias, par cette possibilité d'interagir directement.

29 KABORE, Salimata, L'impact de la télévision. Centre avec.

30 LARDELLIER, Pascal, BRYON-PORTET Céline. « Ego 2.0 ». Quelques considérations théoriques sur l'identité et les relations à l'ère des réseaux », Les Cahiers du numérique, vol. vol. 6, no. 1, 2010, pp. 13-34.

31 LALO, Vanessa. Pourquoi regarde-t-on la télévision. 2011. PDF

32 Analyse de contenu n°7

33 Analyse de contenu n°18

14

1.1.4 La télévision comme support de la fiction

Le principe qui sépare Internet de la télévision est leur rapport à la réalité. Chaque personne est consciente que la télévision est censée représenter la fiction à travers les films et les séries. Dans son caractère passif, on subit l'image, on la regarde mais nous sommes dans l'incapacité d'interagir avec. Cet aspect déshumanise la télévision par rapport à internet qui devient davantage un représentant de la réalité. La possibilité d'être en contact permanent avec la terre entière, de savoir que chaque lien, information est partagée par quelqu'un rend le web plus concret. Les chaînes télévisuelles ont tenté d'introduire cet aspect humain et réel à travers des programmes censés « montrer les individus dans leur quotidien »34. Nous prenons comme exemple le phénomène de la téléréalité, que nous développerons plus tard. Cependant, la télévision est une manière pour les jeunes de « vérifier leur existence », de s'assurer qu'ils sont dans la norme en se comparant aux personnages qu'ils voient. Le « héros télévisé » est dépeint comme un soi-idéal du spectateur qu'il idéalise. (Chooeum et Guemas, 2017) La télévision, dans son aspect fictif, est un moyen d'oublier son quotidien ou de les projeter sur ce que nous voyons. La télévision sert « d'exutoire » à nos problèmes et nos fantasmes et reflète un usage d'Instagram : modifier ce qui existe pour le rendre conforme à notre idéalisation.35 C'est ainsi qu'apparaît cette limite floue entre la réalité et la mise en scène mise en avant sur les réseaux sociaux. Cette diversion de la réalité que représente l'écran télévisuel a engendré des comportements nouveaux que nous pouvons retrouver sur internet : le besoin d'idéaliser notre vie et nous-même, d'échapper à un quotidien monotone, se sentir exister de par les individus qui s'adressent à nous. L'évolution technologique non pas changer les médias mais les déplacer vers la sphère numérique. Ce besoin de créer son identité et de reconnaissance n'est pas apparu avec les réseaux sociaux, mais bien avant si l'on analyse les usages. Ainsi, nous pouvons transposer les comportements des jeunes face à la télévision à ceux face aux réseaux sociaux. Ils sont toujours dans une recherche de lien avec autrui, ils désirent toujours échapper à leur quotidien, notamment en publiant des photographies de décors extraordinaires, qui les sortent de la réalité. En regardant leur galerie d'images, ils se placent en dehors du quotidien dans lesquels ils se sentent cloisonnés. Lors de notre analysé de contenus, nous remarquons que la plupart des interrogés partagent des images pour avoir « de jolies galeries d'images 36», surtout, pour montrer des instants qui sortent de l'ordinaire, comme nous le développerons plus tard, ce qui affirme que les individus ont une volonté de se créer une identité dans un contexte en rupture avec l'anodin.

34 CHOOEUM Sophie, GUEMAS, Marion. Le selfie au-delà de la simple représentation de soi. Mémoire en master 2 Culture et métier du web, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, 2017

35 CHOOEUM Sophie, GUEMAS, Marion. Le selfie au-delà de la simple représentation de soi. Mémoire en master 2 Culture et métier du web, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, 2017

36 Entretien Elise, 15 juin 2019 et entretien Morgane, 10 juin 2019

15

1.2 La téléréalité

1.2.1 Une réalité à laquelle s'identifier

Une des recherches de notre mémoire est de montrer que les publications sur Instagram ne sont pas de l'ordre du réel, mais de la mise en scène. Nous pouvons faire le lien avec la téléréalité, un programme très apprécié des jeunes mais qui aurait une influence sur eux. Ce genre télévisuel montre à voir tous les jours la vie d'individus en train de s'exhiber, vivre leurs relations, mais sans pouvoir interagir avec eux. Les réseaux sociaux donnent les moyens à ces jeunes individus d'être davantage en contact avec eux, de pouvoir les suivre, voire s'inspirer d'eux. Ils vont avoir la possibilité de nouer des relations avec ces personnages et d'avoir des contacts plus personnels avec eux. Nous pouvons désormais avec Internet regarder la télévision et réagir à ladite émission sur les médias sociaux. Le fait de pouvoir interagir avec ces individus donne le sentiment que ces personnes sont réelles. La téléréalité pour Jean-Michel Fourcade (2018) 37est un des programmes où les jeunes s'identifient le plus car il y a une impression de réalité dans ce que l'on voit. Mickaël Stora (Stora dans Fourcade, 2018), qu'il cite, parle d'adolescents « clichés » en pleine recherche identitaire qui essayent de se retrouver dans ces individus stéréotypés, ce que nous retrouvons beaucoup sur Instagram. De nombreux utilisateurs vont tenter d'adopter les mêmes codes que ce qu'ils voient dans ces émissions et sur les réseaux sociaux ensuite, c'est-à-dire un exhibitionnisme marqué, des photographies de lieux de rêve. Nous retrouvons ce type de monstration clichée lors de notre analyse de contenu car certaines personnes n'hésitent pas à s'hypersexualiser sur leurs clichés et reproduire des codes du besoin de se montrer. (Annexe 5) Cependant, nous pouvons nous demander si ces codes sont réellement ceux repris de la téléréalité ou est-ce que ce ne sont pas juste les normes d'Instagram ? Nicolas Rousseau et Christopher Lasch (2014)38 nous disent que le réseau social uniformise les goûts, dicte les tendances, ce qu'il faut montrer. Chaque utilisateur donc va s'inspirer des autres, même les célébrités et personnages de la télévision. Il y a simplement un phénomène général de « mode » et donc d'uniformisation des goûts, nous ne pouvons donc pas affirmer que la téléréalité soit à l'origine de la stéréotypisation des jeunes sur les réseaux sociaux.

1.2.2 Téléréalité et photographie

La télévision comporte des similitudes par rapport aux réseaux sociaux, notamment dans la spectacularisation du spectacle à l'écran.39 Sophie Chooeum et Sophie Guemas (2014) reprennent les propos de Pauline Escande (Escande dans Chooeum et Guemas, 2017) qui montre également que dans leur lien réside le fait qu'ils soient tout deux des objets de « partage et de communication »

37 FOURCADE, Jean-Michel. Ces corps qui nous fascinent : une nouvelle étude souligne à quel point les émissions de télé réalité et les réseaux sociaux ont un impact redoutable sur l'image de soi des ados. Atlantico.

38 ROUSSEAU, Nicolas, LASCH Christopher. La culture du narcissisme. Actu Philosophia. 12 Juillet 2014

39 CHOOEUM Sophie, GUEMAS, Marion. Le selfie au-delà de la simple représentation de soi. Mémoire en master 2 Culture et métier du web, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, 2017

16

dans le but de faire réagir celui qui regarde, de capter son attention. La téléréalité est faussement une preuve de réalité. Les individus pensent voir des vérités quotidiennes, seulement, ils ne réalisent pas le fait que tout ceci n'est que mise en scène. Les participants de la téléréalité ne sont pas réellement libres de leurs actes, ils réagissent en fonction de ce que la production essaye de faire dégager d'eux. Un programme de divertissement ne peut pas fonctionner s'il ne se passe rien. Ainsi, la télévision va agir de sorte à ce que les candidats se retrouvent dans des situations qui attirent la curiosité du spectateur. Ils sont filmés, tous les jours, n'ont pas accès à l'extérieur, aux informations, se retrouvent à environ une quinzaine pendant plusieurs semaines, ce qui entraîne forcément des comportements différents. Les candidats deviennent plus sujets aux émotions fortes, et c'est ce que recherche le spectateur. Ce genre d'émission montre « l'amour », la provocation, la jalousie, les colères, les fous-rires, tout ce qui rend le téléspectateur voyeuriste de l'intimité à laquelle il s'accroche. Et qui dit « intimité » dit réalité. Comme nous l'avons dit précédemment, ce programme est porteur de stéréotypes souvent intronisés par les jeunes. Par exemple, les participants de téléréalité vont incarner des profils stéréotypés : filles habillées court, décolletés, très maquillées, en maillot de bain, ou encore des hommes torse-nus. Il y a une hypersexualisation des individus, qui influe sur les jeunes individus, en pleine période de recherche identitaire et sexuelle. Le fait de toujours montrer à outrance une certaine intimité des personnes, face à leurs ressentis, à leur sexualité, laisse à penser que c'est ce qui intéresse tout le monde : se montrer. Ainsi, les utilisateurs d'Instagram intronisent le fait que la monstration de soi et de son quotidien est quelque chose d'intéressant à voir, qui attise la curiosité des autres. Mais bien évidemment, tous les individus ne sont pas à l'image de ce qu'ils regardent comme programmes.

1.2.3 L'influence de la téléréalité sur les jeunes

Comme nous l'avons avancé précédemment, l'un des problèmes de ce genre télévisuel est l'influence qu'ils portent. D'après des études40, la téléréalité aurait une incidence directe sur le comportement (Brad Gorham de l'Université de Syracuse). Jean-Yves Flament (Flament dans Zerrouki)41 parle de comportement valorisé par ces émissions telles que l'individualisme, le désir de célébrité et le renoncement à l'intimité. Nous retrouvons en effet sur Instagram ce genre d'attitude. Lors de nos recherches, nous avons été confrontés à un grand nombre de selfies : le fait de se représenter seul suscite une sorte d'individualité. Le désir de célébrité se retrouve dans la volonté de créer des comptes en tant qu'influenceurs, de se créer des profils de professionnels, mettre son profil en public pour attirer le plus d'abonnés possible, car ce sont des techniques permettant de se faire connaître. C'est ici qu'intervient l'influence des réseaux sociaux sur la façon de se montrer aux autres. Plusieurs auteurs affirment que la téléréalité influence les jeunes individus et la façon de

40 ZERROUKI, Rachid. La télé-réalité, du divertissement à l'abrutissement. Slate. 2018

41 ZERROUKI Rachid. La téléréalité, du divertissement à l'abrutissement. Slate, 2018

17

s'exposer. Cependant, lors de nos entretiens, il est apparu que 4 personnes sur 14 regardent la téléréalité mais que seulement deux s'en inspire ou reprennent des codes de ce genre de programme mais pour les tenues vestimentaires ou parce que ça les divertie. Il n'y a pas réellement de moyen de prouver la véracité de ces affirmations car parmi les interrogés qui s'exposent le plus, certains ne regardent pas ces émissions. Au contraire, à cette question, les interrogés réagissaient de façon plutôt négative face à ces programmes qualifiés de « non-réels ». Il s'agit pour ceux qui regardent d'un simple divertissement dans lequel ils ne trouvent pas d'attaches particulières « Oui je regardais des fois pour décompresser et me vider la tête » (Zélie42).

2. Evolution de la photographie

2.1 Evolution des moyens de reproduction

2.1.1 Invention de l'appareil photographique

La photographie fut inventée au départ par Nicéphore Nièpce, inventeur qui a développé les procédés de fixation des images, duquel va se rapprocher Louis Daguerre, un autre inventeur. Ils vont travailler ensemble afin d'améliorer les procédés techniques de la reproduction. Après avoir développé « l'image latente », Louis Daguerre présentera son invention, la daguerréotype à l'Académie des sciences de 1839 qui deviendra le premier appareil photographique de l'histoire. La représentation iconographique, dès ses premières ébauches, représentait un art noble car il ne pouvait pas être accessible à tous mais possédait un pouvoir légendaire. La peinture par exemple et l'autoportrait, qui était un genre de peinture très demandé par les nobles du Moyen-Age et de la Renaissance. A l'image de nos photographies familiales et de nos portraits, ces peintures servaient à se souvenir, à immortaliser notre apparence. A l'époque existait déjà les premières mises en scène dans la représentation : les peintures étaient très travaillées, dans des décors luxuriants, les personnages habillés de leurs plus beaux atouts, bijoux. Mais surtout, ils étaient représentés selon les codes des « modes » de l'époque, reconnaissables selon les coiffures, les postures utilisées, le style de peinture. Depuis les premières représentations, les hommes se montraient sous une image idéalisée, moderne et plaisante pour autrui, comme nous le retrouvons dans les clichés des réseaux sociaux. Mais cet art n'était accessible qu'à une partie noble de la société. Au XIXème siècle, la photographie et le cinéma vont faire entrer l'image dans la technicité43. Ils restent, au départ, accessibles à seulement une partie de la population, car le matériel photographique est onéreux. La photographie « constitue un mode de représentation spécifique ancré dans les pratiques et les rapports sociaux de notre monde contemporain »44. Elle va donner une image de soi et une manière

42 Entretien Zélie, 03 juin 2019

43 WEIBEL, Peter. Le pouvoir des images : des médias visuels aux médias sociaux, Perspective, n°1. 2012. p.5-7

44 CONORD, Sylvaine. Usages et fonctions de la photographie. Ethnologie française, vol. 37, no. 1, 2007, pp. 11-22

18

« de percevoir et de représenter l'autre ».45 C'est un nouveau mode d'expression et de représentation du réel. Cet art va subir de grandes inventions et améliorations, notamment avec le négatif qui permettra à une image d'être reproduite plusieurs fois, la diminution de la taille des plaques de verres qui permettaient un fonctionnement plus agile de l'appareil jusqu'à l'apparition de la pellicule. Puis surviendra l'arrivée de la photographie en couleur en 1869 avec les trois couleurs primaires. Ce renouveau de la photographie va entraîner avec lui l'apparition de nouveaux métiers tels que celui de photographe, ce qui va donner à la photographie un caractère artistique et complexe, car seulement certains s'adonnait à ce loisir. Le prototype va évoluer jusqu'en 1948 où va être inventé le plus célèbre appareil photographique instantané : le polaroïd46. L'évolution de la représentation jusqu'à l'invention de l'appareil photographique marque le fait que les hommes ont toujours été attachés, bien avant la photographie, à leur image. Il s'est perpétué le désir de vouloir s'exposer aux yeux des autres selon une mise en scène de soi, à travers les objets, le décor et les postures. Mais contrairement au passé, l'appareil photographique a révélé de nouveaux usages dans la représentation. La possibilité de pouvoir se représenter infiniment et d'exposer plus facilement son image aux autres grâce au numérique va amener une uniformisation des codes de la représentation et une ambiguïté plus forte sur l'image de soi et sur son identité afin de se sentir exister parmi la masse homogène des images des individus.

2.1.2 L'appareil photo numérique

La photographie connaît un renouveau important avec l'apparition dans les années 1990 des premiers appareils numériques. Il va rapidement, dans les années 2000, devenir un marché de masse avec une multiplication par 5 des appareils par foyer.47 L'industrie photographique travaillait depuis plusieurs années sur un appareil pouvant être accessible à toute la population. Ainsi commence la course à l'innovation, à l'uniformisation des pratiques. Mais avant tout, on se déplace vers une suppression de contraintes d'espace et de temps. En 2010, il survient une forte augmentation des ventes mais qui ne sont pas pour un premier achat d'appareil photographique mais pour le remplacement de l'ancien.48 Cela montre que les appareils sont devenus accessibles, car plus petits et compacts, plus mobile et léger et donc maniables par tous. La volonté de remplacer les appareils « pour avoir le dernier sorti » marque cet engouement et cette dynamique nouvelle pour la photographie, de nouvelles fonctionnalités vont se développer, entraînant un changement de ces pratiques. Ce sont spécifiquement trois spécialités qui vont entraîner de nouveaux rapports « entre

45 CONORD, Sylvaine. Usages et fonctions de la photographie. Ethnologie française, vol. 37, no. 1, 2007, pp. 11-22.

46 WIKIPÉDIA. Histoire de la photographie. 2019.

47 GUNTHERT André. L'image conversationnelle. Études photographiques, n°31. 2014

48 HÉMON Jacques. Les réseaux sociaux et le marché de la photographie. In: Cahier Louis-Lumière n°7, 2010. Nouvelles perspectives pour les photographes professionnels. pp. 18-26.

19

photographies et individus ».49 La première est la capacité de stockage, qui va permettre de garder toutes les images, de ne plus avoir à choisir, et par conséquent, ne plus avoir à classer hiérarchiquement l'importance des photos pour déterminer lesquelles sont à garder ou non. On s'adonne ainsi à des vues du quotidien, de l'anodin. La seconde est le partage des photographies qui est beaucoup plus aisé : le format numérique offre une liberté à l'utilisateur, de pouvoir disposer à sa guise du cliché et de pouvoir les imprimer de façon autonome sans avoir à dépendre de professionnels, rendant les pratiques de développement onéreuses.50 Ces évolutions vont amener l'individu à moins réfléchir à ce qu'il peut diffuser ou non, il va pouvoir diffuser toutes les images qu'il souhaite en un temps limité. Les jeunes individus vont donc pouvoir se prendre davantage en photo car ils ne sont plus restreints par leurs parents sur le nombre de clichés à prendre, sur le coût d'impression des images. Ils vont pouvoir prendre leurs amis, et eux-mêmes. Ainsi va se construire un lien entre les individus et les photographies qui ne se limitent plus aux clichés familiaux. L'engouement des appareils numériques va amener les constructeurs de téléphones portables à développer cet attrait pour la photographie dans leurs appareils, et contribuant ainsi à rendre la photographie toujours plus instantanée et diffusable que l'on connaît aujourd'hui.

2.1.3 Le smartphone

Avant l'utilisation généralisée de smartphones, les appareils photographiques permettaient de conserver et de reproduire des images, mais surtout de photographier de manière moins occasionnelle et plus quotidienne. Vers les années 1990 va apparaître un nouveau type de portable plus intelligent et plus moderne : le smartphone51. Contrairement à ses prédécesseurs, ce nouvel appareil téléphonique va être muni de plusieurs outils qui vont amener peu à peu cette généralisation de la photographie partagée instantanément. Les premiers téléphones portables étaient munis de caméras mais de mauvaise qualité mais procuraient un sentiment nouveau de mobilité, d'individualité dans la photographie que l'on pouvait prendre à n'importe quelle heure et n'importe quel lieu. Les jeunes individus commençaient déjà doucement à se détacher de cette tradition de la photographie familiale pour immortaliser les moments entre amis, leurs loisirs, ce qu'ils trouvaient beau, etc. et les publier sur leurs blogs ou premiers réseaux sociaux. Puis, les téléphones et les réseaux d'accès à Internet se sont modernisés, les appareils vont posséder la 3G, puis la 4G, rendant leurs échanges encore plus faciles et plus rapides. Rapidement, le smartphone est devenu universel. Il est désormais composé d'un appareil photographique digne des professionnels, d'une capacité de mémoire pour posséder toutes les applications des réseaux sociaux et des

49 PAILLARD Julie. La »photo ordinaire» : récit des banalités quotidiennes sur les réseaux sociaux en ligne. Analyse des usages photographiques sur Instagram. Sciences de l'information et de la communication. 2014.

50 01. net. Qu'est-ce que la photo numérique, 2002

51 01. net. De quand date le premier smartphone, 2010

20

messageries instantanées52 qui rendent notre quotidien ultra connecté et hypersocial. Les smartphones sont désormais omniprésents dans les foyers, et surtout les enfants qui avec la démocratisation de l'appareil, en possèdent de plus en plus jeune comme nous pouvons le voir dans la vie de tous les jours. Il y a un double impact de ce constat : les jeunes individus ont accès à des appareils de qualité qui vont leur permettre d'immortaliser déjà à l'école leur quotidien et qui va les amener vers la banalisation de l'image. Le second constat est que les smartphones possèdent donc une capacité de connexion instantanée, ce qui rend leur accès au web et leur partage de données de plus en plus rapide. Nous voulons montrer à travers l'évolution de la représentation que depuis toujours, les individus ont voulu se représenter au monde. Il y a toujours eu un questionnement sur son identité et l'image que l'on renvoi. De plus, nous pouvons conclure que très tôt, avec l'évolution des appareils photographiques, les individus sont amenés à échanger des images avec les autres, et ainsi à s'ancrer dans une logique de monstration de soi que nous retrouvons sur Instagram. Grâce à ces technologies, ils grandissent constamment avec la confrontation à l'image de l'autre et la sienne, qui l'amènent à se questionner sur son identité et sur la représentation qu'il renvoi.

2.2 Evolution des usages de la photographie

2.2.1 De la photographie traditionnelle à situationnelle

Il est important d'analyser l'évolution de l'usage de la photographie afin de comprendre comment celle-ci est devenue un message elle-même. En effet, après le développement des appareils, les foyers étaient munis d'un appareil photographique mais ils étaient destinés à l'époque au cadre familial et aux événements. Les clichés étaient intimes, on immortalisait les membres de la famille et les grandes manifestations de la vie tels que les mariages, les baptêmes, etc. Puis dans les années 2000, avec le développement des appareils, la photographie est devenue « situationnelle », c'est-à-dire que l'on photographiait seulement des instants pris sur le vif, « pour s'amuser ». (Hémon, 2010)53 La photographie situationnelle est le type que nous pouvons également retrouver sur Instagram « Le peu de fois que j'ai mis des photos, elles étaient spontanées, c'était sur le moment présent donc je n'ai pas trop cherché à ce que le cadre soit parfait » (Camille54). Sandy Berthomien (2017)55 écrit qu'avec « l'omniprésence d'internet », il y a eu un glissement de la sphère privée vers la sphère publique dans les usages de la photographie. Il va devenir un outil communication à part entière dans le fait qu'on puisse reproduire les images et les modifier. C'est en pouvant s'approprier l'image qu'elle prend son caractère communautaire, notamment avec les réseaux sociaux. Les individus vont partager des images qui répondent aux mêmes codes visuels, nous pouvons retrouver

52 GUNTHERT André. L'image conversationnelle. Études photographiques, n°31. 2014.

53 Hémon Jacques. Les réseaux sociaux et le marché de la photographie. In: Cahier Louis-Lumière n°7, 2010. Nouvelles perspectives pour les photographes professionnels. pp. 18-26.

54 Entretien Camille, 07 juin 2019

55 BERTHOMIEN, Sandy. Les selfies : expression contemporaine de soi. Les réseaux, 04 décembre 2017

21

sur Instagram ou encore Facebook le large panel de sujet repris par tous : les ailes d'avions, les « legfies56 », duckface, pieds au bord de la mer, etc.57 L'évolution des usages a fait que la photographie situationnelle a pris le dessus, et c'est ce que nous retrouvons sur Instagram : des images de situations captées sur le vif pour les partager à sa communauté. Ces usages sont donc apparus avec l'évolution du web et ne datent pas seulement des réseaux sociaux. Le fait de prendre en photo des situations quotidiennes remontent aux années antérieures. Ainsi nous pouvons conclure que les individus ne postent pas des photos de leur quotidien car ce sont les codes des réseaux sociaux, mais parce que ces usages étaient ancrés bien avant. En effet, ils ont grandi avec et trouvent donc anodin de poster des situations de tous les jours. Par rapport à notre recherche, cela prouve que le fait de poster des images de sa vie ne relève pas d'un effet de mode mais d'une intronisation de ces usages depuis l'enfance.

2.2.2 La photographie numérique

En 2005 va apparaître la photographie numérique qui va ouvrir de nouvelles possibilités aux photographes amateurs. Chaque image devient désormais un fichier numérique, modifiable, reproductible à l'infini et que l'on peut regarder sur différents supports. Et surtout, les possibilités de stockage permettent de garder les clichés pris, ce qui va entraîner les individus dans une surconsommation de l'image. En effet, cette capacité de mémoire va entraîner la « banalisation du partage des images via internet »58. Car plus l'on peut capturer d'images, plus l'on va les conserver, et ainsi il n'existe plus le besoin le faire le choix de ce que l'on va sauvegarder et diffuser. Un autre avantage est que les photographes peuvent désormais donner des effets à leurs clichés et choisir de les modifier, changer la luminosité de l'appareil, photographier en noir et blanc ou en couleur, chacun est indépendant dans son utilisation. Les appareils possèdent maintenant une grande autonomie. Pour Jacques Hémon (2010), ce n'est plus un appareil familial mais personnel désormais. Les ordinateurs comprennent des logiciels gratuits de création et de modification d'images vont également leur permettre de pouvoir façonner leurs photographies. Le fait de pouvoir les modifier montre qu'il y a une volonté d'arranger son quotidien. De plus, la possibilité d'améliorer l'apparence des photographies les confortent dans leur idée de recherche d'une image parfaite à présenter aux autres. Cette idée amène ce questionnement identitaire qui fait que, pourquoi choisir cette photo et pas une autre, pourquoi la modifier ? Il y a une réflexion sur son identité, son image que l'on expose, que l'on montre à autrui, ce qui problématise ce mémoire. Les technologies participent à la remise en question de soi de par les outils qu'elles proposent.

56 Photographie de jambes pliées pour montrer qu'on est en train de bronzer

57 BERTHOMIEN Sandy. Les selfies : expression contemporaine de soi. Les mondes sociaux. Société. 2017.

58 HÉMON Jacques. Les réseaux sociaux et le marché de la photographie. In: Cahier Louis-Lumière n°7, 2010. Nouvelles perspectives pour les photographes professionnels. pp. 18-26.

22

2.2.3 La photographie sur les réseaux sociaux

Un nouveau rituel va se créer autour des clichés, celui du partage avec autrui. D'abord par mail, puis via les téléphones mobiles et smartphones à travers les MMS (Multimedia Messaging Service), puis sur les « premiers réseaux communautaires »59. Enfin, les réseaux sociaux vont de nouveaux faire évoluer les échanges avec ses pairs. Anthony Mahé (Mahé dans Hémon, 2010) nous dit qu'avec l'arrivée de Facebook en 2005, l'appareil photo devient rapidement « un outil de partage de soi et de son intimité ». Stéphane Hugon (Hugon dans Mahé, 2010) appui ses propos en déclarant que « l'appareil n'est plus seulement un outil de loisirs, il est une fonction relationnelle, comme une dimension d'opérateur de socialité, peut-être une véritable extension de la personne ». André Gunthert (2014)60 pense que c'est l'arrivée du haut-débit couplé avec la possibilité d'éditer des images sur des sites de partage qui conduit les photographes lambda à vouloir toujours diffuser des clichés, notamment pour « la satisfaction narcissique et l'efficacité sociale »61. Cette rapidité de partage illimité de l'image va créer un nouvel usage de la photographie que l'auteur qualifie de « conversationnelle »62. Les images ont peu à peu remplacé les mots, par des photos, des émoticônes, des GIFs. Il est plus simple et plus démonstratif de directement utiliser une image pour se faire comprendre. Valérie Bauhain63 parle de de « Pic speech » pour qualifier ces échanges. Les réseaux sociaux vont s'adapter à cette société du visuel et devenir « les plus grandes banques d'images de la planète »64. La photographie ne réside plus dans la technicité et l'objectivité mais dans son caractère diffusable et sociable. Patrice Flichy65 soutient que « si la photographie a toujours été liée aux souvenirs personnels et aux moments forts de la vie, elle est aujourd'hui de plus en plus associée aux activités quotidiennes ».66 Pour résumer, les médias visuels ont fait évoluer nos usages, d'abord avec le cinéma et la télévision qui prenaient une place importante parmi les loisirs du quotidien, puis avec l'image conversationnelle qui prit le dessus sur la consommation de visuels. La photographie précédemment familiale, va aller vers le domaine public avec les réseaux sociaux. La possibilité de les partager de façon instantanée à toute une communauté enlève le caractère intime de la photographie pour la rendre sociale. C'est pour cela que les individus sur Instagram postent des

59 HÉMON Jacques. Les réseaux sociaux et le marché de la photographie. In: Cahier Louis-Lumière n°7, 2010. Nouvelles perspectives pour les photographes professionnels. pp. 18-26.

60 GUNTHERT André. L'image conversationnelle. Études photographiques, n°31. 2014.

61 HÉMON Jacques. Les réseaux sociaux et le marché de la photographie. In: Cahier Louis-Lumière n°7, 2010. Nouvelles perspectives pour les photographes professionnels. pp. 18-26.

62 PAILLARD Julie. La »photo ordinaire» : récit des banalités quotidiennes sur les réseaux sociaux en ligne. Analyse des usages photographiques sur Instagram. Sciences de l'information et de la communication. 2014.

63 BAUHAIN Valérie. Réseaux sociaux : ce que révèlent nos photos de profils. Psychologies.

64 BAUHAIN Valérie. Réseaux sociaux : ce que révèlent nos photos de profils. Psychologies.

65 PAILLARD Julie. La »photo ordinaire» : récit des banalités quotidiennes sur les réseaux sociaux en ligne. Analyse des usages photographiques sur Instagram. Sciences de l'information et de la communication. 2014. >

23

images, qui parfois semblent anodines, mais qui révèlent une volonté de communiquer avec les autres, de se présenter à eux. Nous analyserons ces affirmations dans les chapitres suivants. Les réseaux sociaux vont banaliser les images car elles finissent par se perdre dans la masse. Nous faisons évoluer la photographie situationnelle, mais toujours en montrant les moments forts de la vie, comme si notre quotidien se retrouvait exceptionnel. C'est un moyen de communiquer sur nous, et avec les autres, ce qui participe à nous construire identitairement. Les usages de la photographie sur les réseaux sociaux créent une présentation de nous-même. C'est ainsi qu'il implique le rapport à l'image de soi et à la reconnaissance de ses pairs.

3. Influence et développement d'Internet 3.1 Evolution du web

3.1.1 Convergence des médias vers le web

En quasiment vingt ans, notre rapport aux médias a amplement changé. Nous pouvons remarquer une convergence des médias traditionnels vers le numérique. En effet, tel que nous le mettions en avant précédemment, depuis l'arrivée d'internet, les médias perdent en audience. Pour pallier l'engouement des individus pour le web, délaissant les autres médias, il a fallu trouver des solutions afin de rendre à nouveau ceux-ci attractifs. L'idée a été de faire du cross-média : rendre les médias disponibles sur le web, à travers différents supports numériques. Ce changement prend son importance pour chacun car le web, avec le traçage des données, apporte aux utilisateurs un contenu toujours plus personnalisé, partout et tout le temps. Mais avant tout, nous nous rendons compte que le glissement des médias traditionnels vers Internet répond surtout à un besoin de représentation pour les individus. Notre époque a vu émerger une société de l'image, où quiconque ne perd plus de temps avec l'information à écouter, lire, sur des supports parfois inaccessibles. Ils vont davantage se consacrer sur ce qui est visuel : la preuve avec les articles de presse sur internet qui s'illustrent d'images, les interviews de personnes se font par vidéos (exemple de Fast and Curious sur Kombini), même les radios diffusent des podcasts67 sur leur site internet ou sur Youtube, ce qui permet de « regarder » l'émission radiophonique. Cette analyse prouve que l'image est primordiale pour exister, il faut se montrer, donner quelque chose à voir pour intéresser. Il est possible sur Facebook d'agrémenter ses messages d'un fond, de couleurs, de souhaiter l'anniversaire des gens avec des images illustratives, etc. C'est pour cela que des réseaux sociaux basés sur l'image et la photographie tel qu'Instagram prennent de l'ampleur auprès des jeunes générations et que se constitue ce besoin de partager son quotidien et de se faire connaître via les images. Cela apporte à notre réflexion la compréhension du contexte dans lequel les individus ont évolué et pourquoi ils ont

67 Emission de radio ou de télévision que l'on peut télécharger depuis internet vers un baladeur. Source : L'internaute. Le podcast.

24

un intérêt particulier pour les médias de l'image. Ce phénomène est tel que les médias eux-mêmes ont dû s'adapter en devenant « visionnables ».

3.1.2 Du web 1.0 au web 4.0 : du web statique au web dynamique et personnalisé

Depuis sa mise à disposition aux foyers en 1990, le web a débuté avec ce qu'on appelle le « 1.0 » ou « web traditionnel ». Il incarne un web statique qui ne sert uniquement qu'à la diffusion de données, limitant la participation des utilisateurs. Ensuite, il a évolué vers le « web 2.0 » que l'on caractérise par le « web social ». Il va nettement faire évoluer les usages d'internet car ceux-ci vont devenir davantage axés sur le partage d'informations et de contenus entre les individus. C'est durant cette période que vont se déployer les réseaux sociaux ainsi que les téléphones connectés. Cette phase du web est dite « sociale » car elle va faire interagir les internautes entre eux, elle va les amener à échanger ensemble, à s'interpeller, à donner leur avis pour que chacun profite de ce que les autres possèdent. (Képéklian, 2010)68 Depuis peu, nous entendons de plus en plus parler d'une évolution de cette phase vers un « web 3.0 » qui est appelé « sémantique ». En effet, la sémiologie des données collectées (ou l'étude de la signification de ces données) va rendre le web davantage performant et ergonomique aux individus. Il « vise à organiser la masse d'informations disponible en fonction du contexte et des besoins de chaque utilisateur, en tenant compte de sa localisation, de ses préférences, etc. j...] c'est aussi un web plus portable et qui fait de plus en plus de lien entre monde réel et monde virtuel »69. Ce web s'adapte à la vie et à la mobilité des utilisateurs afin qu'ils puissent avoir accès à leurs données de manière adaptée à eux. Par exemple, le web 3.0 fait en sorte de pouvoir proposer un panel de restaurants à l'utilisateur, en fonction des avis reçus, des habitudes alimentaires de cette personne (réservations précédentes dans des restaurants, etc.) et de sa géolocalisation afin d'être au plus près possible de ce qu'il recherche. Ce web est également aussi celui qui permet alors de géolocaliser les personnes sur leurs photos, d'apporter toujours plus de données précises à échanger et toujours plus de contenus visuels à diffuser afin d'entretenir le caractère social d'internet.

3.1.3 Le web participatif

L'une des caractéristiques du web dans lequel nous évoluons et qui nous éloigne du web 1.0 est la participation. Pour Gabriel Képéklian (2010)70, le web est devenu « participatif » en passant en 2.0, de par la démultiplication des échanges et des canaux de communication entre internautes. Les usages ont ainsi évolué en faisant « passer des communautés privées aux communautés publiques ». Il explique que les usages d'internet vont connaître un véritable tournant en 2007 dans le monde

68 KEPEKLIAN, Gabriel. Du web aux réseaux sociaux. Visions et mirages. La force des usages. Transversalités, vol. 116, no. 4, 2010, pp. 17-30.

69 Les évolutions du web : le web 1.0, le web 2.0, le web 3.0 et le web 4.0. CLICK2CELL

70 KÉPÉKLIAN, Gabriel. Du web aux réseaux sociaux. Visions et mirages. La force des usages. Transversalités, vol. 116, no. 4, 2010, pp. 17-30.

25

avec un nouveau « phénomène » : les réseaux sociaux. Ceux-ci vont faire entrer internet dans ce qui s'apparente au web 3.0 car chaque réseau va permettre d'analyser les individus et de lui proposer, en fonction de son expérience sur chaque média, un contenu adapté. Les différents réseaux sociaux offrent des usages différents, en se basant pour certains sur le partage de contenus, des vidéos, dans des contextes différents (professionnel, social, familial, sentimental, etc.). En effet, nous avons pu découvrir un nouvel internet, non plus statique mais dynamique où chacun partage son savoir. Nous pouvons prendre l'exemple des plateformes de partage d'informations telles que les wiki (Wikileaks, Wikipédia, etc.) qui permettent aux internautes de co-construire des pages d'informations. Nous sommes dans l'ère où la coparticipation est partout : covoiturage, colocation, etc. Nous construisons désormais notre quotidien avec les autres, ensemble. Ce système de partage d'informations montre que les individus ne peuvent pas être isolés, ils ont besoin désormais des autres afin de pouvoir exister, notamment à travers les échanges. Certains auteurs ne sont pas réellement d'accord avec cette affirmation. Pascal Lardellier et Céline Bryon-Portet 2010)71 pensent que le web est participatif dans sa forme mais que les échanges restent « égocentrés » car ils ne se parlent « que pour entendre l'écho de leur propre voix » ou pour voir leur image améliorée par le regard que pose autrui dessus, donc il n'y a pas réellement de communication étant donné que les échanges sont davantage tournés vers soi que vers les autres. Nous développerons lors de la réponse à la deuxième hypothèse que les individus sont très tournés vers les autres car ils ont besoin de leurs pairs pour valider leur identité et se sentir reconnu dans la société, via les réseaux sociaux.

3.2 Instagram : le réseau social de la mise en scène

3.2.1 Invention et évolution du réseau social

Le réseau social Instagram fut créé par deux co-fondateurs Kevin Systrom et Michel Mike Krieger, en Californie, le 6 octobre 2010 mais uniquement disponibles sur les téléphones Apple. Après avoir été élue l'année d'après « Application de l'année » par la marque Apple, elle fut disponible sur Androïd seulement en 2013. Le réseau social inventera même sa propre mode photographique : celle des repas.72 Face à son succès, le 10 avril 2012, le réseau social est racheté par un autre : Facebook pour la somme d'un million de dollars. Instagram est un réseau social basé sur la phonégraphie (la prise de photographies avec un téléphone portable) et permettant le partage d'images et de vidéos avec sa communauté et de « juger » les clichés des autres à travers le système de « j'aime » et de commentaires. Il permet également d'échanger en instantané avec ses amis via la messagerie instantanée. L'arrivée d'Instagram parmi les applications des réseaux sociaux a connu un succès fort. Cette réussite est due à plusieurs facteurs : le caractère instantané de la photographie que l'on peut

71 LARDELLIER, Pascal, BRYON-PORTET Céline. « Ego 2.0 ». Quelques considérations théoriques sur l'identité et les relations à l'ère des réseaux », Les Cahiers du numérique, vol. 6, no. 1, 2010, pp. 13-34.

72 NUMERAMA, Instagram. Polaroïd numérique filtré.

26

saisir et immédiatement poster auprès de sa communauté. Au départ, le réseau possédait un visuel particulier qui rendait ses photos reconnaissables : le format carré, tel des clichés de Polaroïd. Mais ce format sera abandonné en 2015 afin de permettre de publier des formats paysages ainsi que des vidéos.73 Les « igers » (utilisateurs d'Instagram)74 sont très engagés sur le réseau. La facilité d'échange avec les autres le rende plus accessible et plus apprécié des utilisateurs.

L'un des aspects particuliers et attirants d'Instagram pour ses utilisateurs est la possibilité de retoucher les clichés de manières différentes. Il y a les célèbres filtres pour améliorer le rendu mais il existe désormais d'autres possibilités qui ne se résument plus uniquement à des photographies. Il est maintenant possible de faire des lives Instagram (repris du réseau social Facebook). Depuis juillet 2016, Instagram a décidé de créer un algorithme afin de rendre plus pertinent les résultats de recherche et d'accès aux publications des autres. Mais ce changement serait dû à une volonté de faire passer aux utilisateurs davantage de temps sur Instagram.75 Cet algorithme est basé sur l'expérience de chacun. Il propose des résultats en fonction de trois critères : l'intérêt que l'on pourrait avoir pour une publication en fonction de ce qui nous intéresse en général, la nouveauté et la proximité personnelle, c'est-à-dire la proximité de la personne qui a publié le contenu et avec laquelle l'on va susciter le plus d'interactions.76

3.2.2 Un renouveau esthétique en passant de l'amateurisme au professionnel

L'évolution des moyens de reproduction de la photographie a fait évoluer les valeurs esthétiques de chacun. Philippe Bouquillon explique que c'est un « renouvellement esthétique » à travers de nouvelles formes du « beau ». Il prend l'exemple de l'immortalisation des objets dits ordinaires, donc « sans qualité » qui montrent que les sujets des clichés sur Instagram se sont « considérablement élargi ». (Bouquillon dans Paillard, 2014)77 Mais le plus important reste qu'il faut malgré tout que la photo réponde à des valeurs de beauté visuelle. L'auteur suppose que ce phénomène amène à « l'affaiblissement de la valeur symbolique des productions culturelles ». Ces nouveaux usages amènent à accorder davantage d'intérêt et d'importance aux gens lambda qui se lancent dans la photographie. Désormais, les smartphones, applications de réseaux sociaux rendent toujours leur utilisation plus facile et ergonomique de façon à simplifier l'expérience de l'utilisateur qui peut désormais réaliser des clichés à la manière de professionnels. On met à disposition des outils semblables à ceux des logiciels de création graphique telle que Photoshop, directement dans

73 WIKIPÉDIA, Histoire de la photographie, 2019. 74NUMERAMA, Instagram. Polaroïd numérique filtré.

75 A-VOTRE-IDÉE. Comment l'algorithme d'Instagram fonctionne. Traduit de l'anglais

76 A-VOTRE-IDÉE. Comment l'algorithme d'Instagram fonctionne. Traduit de l'anglais.

77 PAILLARD Julie. La »photo ordinaire» : récit des banalités quotidiennes sur les réseaux sociaux en ligne. Analyse des usages photographiques sur Instagram. Mémoire Master 1 Sciences de l'information et de la communication. Sous la direction de Mlle Laurie SCHHMITT. 2014.

27

les applications, pour un rendu technique accessible en un coup de pouce. Nous pouvons observer un réel renouveau dans la photographie. Depuis la commercialisation des premiers appareils photographiques numériques jusqu'aux smartphones, chacun s'est mis à immortaliser son quotidien, sans réelle recherche esthétique. La capacité d'enregistrement a fait passer la volonté de stocker avant la qualité photographique. Mais le développement de la qualité des caméras sur les téléphones les rendant dignes de certains appareils numériques a entraîné ensuite une recherche de qualité. Des premiers blogs à Facebook, les utilisateurs postaient tout ce qu'ils voulaient, mais toujours avec une conscience de se mettre en valeur, mais dans leur quotidien. Désormais, avec l'apparition de réseaux sociaux tels qu'Instagram, au départ réservé aux photographes, les amateurs vont créer des comptes tels des professionnels. Nous l'avons compris lors de nos recherches que le média social met en avant la beauté, l'esthétisme. Ils veulent maintenant attirer le regard des autres utilisateurs en partageant des moments extraordinaires du quotidien. Ce besoin de capter l'attention est dû à la nécessité d'attirer l'admiration de l'autre, de communiquer avec lui. e qui lance les individus dans une quête de l'esthétisme à tout prix. Pour cela, ils vont aller toujours plus loin vers une mise en scène de leur vie.

3.2.3 La photographie sur Instagram : nouveau levier pour les marques

A travers le temps, les individus ont vu apparaître un nouveau métier, celui d'influenceur Instagram. Les « Instagrammeurs » sont des utilisateurs des réseaux sociaux qui perçoivent des revenus de marques grâce à des partenariats réalisés avec celles-ci. Cette rémunération se fait via des agences ou des plateformes de monétisation de publications.78 Cependant, nous pourrions nous attendre à ce que ce métier soit exercé uniquement par des professionnel.les de la mode, du sport, etc. Seulement, d'après notre analyse des comptes du média social, de plus en plus de personnes lambda se lancent dans ce type d'activités, par exemple plusieurs comptes tels que @Maddisonyates (Annexe 6) montrent des photos d'elles en train de poser sur ses photos dans plusieurs tenues différentes mises en avant, ou encore @Fitjudi (Annexe 7) qui poste des clichés d'elle à la salle de sport, donne ses performances et des conseils. Nombreux sont les profils étudiés où les individus se lancent dans des comptes d'influenceurs en prenant des photographies élaborées, en se choisissant un nom professionnel et en mettant en place galerie d'images digne de professionnels de la photographie. (Annexe 8) Après tout, il est possible désormais pour ces personnes de réaliser des images de qualité. Elles s'inspirent donc de leurs passions et d' influenceur.se.s pour s'en donner également le titre. Pour certaines entreprises, cette promotion des individus ordinaires dans la publication de clichés numérique, représente une opportunité de plus-value. En effet, les groupes vont contacter des instagrammeurs/euses qu'ils/elles soient professionnels/les ou novices, afin de leur proposer des partenariats. Les marques vont lier l'image de ces personnes à celle de leur

78 WIKIPÉDIA, Histoire de la photographie, 2019.

28

entreprise, mais surtout, ils vont bénéficier d'une visibilité à coûts moindre. Les utilisateurs recevront les produits à présenter sur les photographies, sans que la marque n'ait à se soucier de trouver un mannequin ou de louer un studio. Le hashtag représente un avantage pour les marques également. Cliquer sur un hashtag permet d'avoir accès à tous les clichés possédants celui-ci. Ainsi, si une marque apparaît, les utilisateurs pourront directement accéder à tous les contenus les concernant en un clic. D'après nos recherches de terrains, nous nous sommes aperçus qu'il n'y avait plus réellement de distinction entre les professionnels et les amateurs en photographie. Nous avons sélectionné à titre d'exemple ces deux clichés sur Instagram, pris respectivement par un photographe et une personne lambda. Nous remarquons que le cliché de la personne amateur a reçu davantage d'appréciation que celle du professionnel. Instagram est un lieu où chacun peut s'exprimer, pour exister pour ce qu'il est et où chaque personne peut montrer ses compétences, et leur apporter de la légitimité.

29

II. La mise en visibilité et la mise en scène de soi dans le processus de construction identitaire

La monstration de soi sur les réseaux sociaux, l'exhibitionnisme, le désir de visibilité et d'échanges avec autrui est un processus ancré dans la pensée collective comme une obsession narcissique de soi. Cependant, de nombreux auteurs ne relient pas cette volonté de visibilité à l'amour de soi mais plutôt à la recherche de son identité. Les jeunes individus, en pleine construction identitaire, tente de se forger une image, une personnalité sur internet à travers ce qu'ils exposent d'eux. Ils vont se mettre en scène pour se créer un « soi » virtuel, qui leur ressemble, à présenter aux autres. Pour tenter de se construire cette identité, ils vont utiliser différentes techniques d'exposition, tout en contrôlant ce qu'ils montrent d'eux. Cette partie permet de répondre à notre première hypothèse et d'amorcer la suivante : l'exposition des individus sur les réseaux sociaux pour la reconnaissance. La reconnaissance ne peut exister sans la connaissance en premier abord. Ainsi, les individus doivent construire leur identité et se faire connaître en s'exposant sur les réseaux sociaux avant d'espérer une reconnaissance et un sentiment d'appartenance.

1. S'exposer sur les réseaux sociaux : de la recherche de soi à la mise en scène de son identité

1.1 La recherche de son identité

1.1.1 Le questionnement de soi

Les réseaux sociaux sont un lieu où se fait plus facilement la création identitaire pour les plus jeunes, car c'est un espace écarté du regard des parents desquels ils essayent de se détacher. Ils sont l'émancipation de l'environnement familial et des codes qu'il impose. Nous cherchons à devenir nous-même, en dehors de ce cadre, pour ne plus être un individu à l'image de sa famille mais à l'image de soi-même. Les jeunes individus sont à la recherche de leur image et de leur identité, qu'ils tentent de retrouver à travers les photographies postées sur les réseaux sociaux. Axel Honneth (Honneth par Berten, 2001)79 parle de « processus d'intériorisation de soi », c'est-à-dire le fait de se représenter soi-même en tant qu'objet pour se voir de façon extérieure afin de pouvoir réfléchir sur soi. Nous pouvons appliquer ce principe aux clichés. En effet, les individus vont se photographier afin de se voir comme une période extérieure, tel qu'ils sont et ainsi réagir par rapport à leur apparence (se trouver beau, laid, etc.) Nous pouvons prendre en exemple la fameuse citation de Roger Magritte « Ceci n'est pas une pipe ». C'est l'image d'une pipe et non l'objet lui-même. C'est ainsi que le processus d'intériorisation agit pour comprendre que l'image que l'on voit, c'est nous. Jocelyn

79 BERTEN André. Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance. Traduit de l'allemand par Pierre Rusch. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 99, n°1, 2001. pp. 135-139.

30

Lachance (2015)80 rejoint Axel Honneth en expliquant que le fait de se présenter soi-même, à travers un selfie, une photographie, est déjà une démarche de découverte de soi. Le simple fait de se regarder en photo, sans que celle-ci ne soit destinée à quelqu'un en particulier, participe à la réflexion de soi. On s'observe par la méditation de l'écran du téléphone, comme si l'on avait un regard extérieur sur soi-même. Serge Tisseron (2009) 81 parle de « valorisation de l'expérience réflexive ». C'est-à-dire que les individus ont besoin de raconter leur expérience, de commenter leur situation pour qu'ils comprennent qu'ils sont réellement acteur de cette même expérience. Donc certains individus prennent des photos pour se prouver qu'ils ont bien vécu cet instant, comme une preuve de sa réalité. La construction identitaire de soi commence par le besoin de se créer des histoires, des souvenirs, des brides de soi à exposer aux autres. Lors de nos observations sur Instagram, nous ressentons ce besoin de se raconter, en exposant ses passions, ses valeurs, son quotidien c'est une manière de montrer à autrui qui on est et ce que l'on aime. Le fait de poster également des photographies de paysages ou de monuments devant lesquels les personnes posent et un moyen de se rendre acteur de cette expérience, d'apporter la preuve que nous l'avons bien vécu et participe à nourrir notre identité.

1.1.2 Recherche de soi dans la modélisation de son image

Pour Pascal Lardellier (2010)82, l'identité est à mi-chemin entre la métamorphose et la recomposition lorsque les individus sont amenés à questionner leur identité, telles les personnes qui se cherchent en se regardant à travers leur écran. On parle de crise identitaire, de l'individu perdu dans un « bain identitaire » qui représente le mix des valeurs, références, cultures, qui sont partagés par des communautés et dans lequel l'homme nage depuis son enfance. Il est confronté à différents espaces possédant ses caractéristiques propres, dans lequel il évolue constamment : l'école, la famille, les amis, les loisirs, etc. Fanny Georges (2009)83 intronise l'idée d'un « schéma-silhouette de soi » qu'elle reprend du diagramme du squelette de C. S. Peirce. C'est une représentation de soi que l'individu se crée, une « modélisation » faite par le quotidien. Elle considère que l'identité « est un flux d'événements quotidiens dont le sujet mobilise certains souvenirs dans la perspective de constituer une représentation abstractive de lui » ou le fameux « schéma-silhouette ». C'est-à-dire que l'individu va collecter des informations le concernant, pour ne garder que celles qu'il juge les plus intéressantes et les plus justes pour constituer une représentation de lui. Nous étayerons ces propos dans l'analyse de l'identité virtuelle et réelle et de la mise en scène de soi. Le fait d'interagir avec les

80 LACHANCE, Jocelyn. L'éthos de l'adolescent dans les mondes numériques : le rôle des destinataires. Itinéraires. 2015.

81 TISSERON, Serge. Les jeunes et la nouvelle culture Internet. Empan, vol. 76, no. 4, 2009, pp. 37-42.

82 LARDELLIER, Pascal, BRYON-PORTET Céline. « Ego 2.0 ». Quelques considérations théoriques sur l'identité et les relations à l'ère des réseaux. Les Cahiers du numérique, vol. 6, no. 1, 2010, pp. 13-34

83 Georges, Fanny. Représentation de soi et identité numérique. Une approche sémiotique et quantitative de l'emprise culturelle du web 2.0. Réseaux, vol. 154, no. 2, 2009, pp. 165-193.

31

autres peut faire évoluer cette image de lui-même, c'est ainsi qu'il échange avec autrui, afin de faire changer son regard sur lui-même.

1.1.3 Le narcissisme

Les réseaux sociaux, d'après Cédric Fluckinger (2010)84, sont des outils de construction identitaire mais ils peuvent parfois donner une image négative des jeunes, une facette narcissique d'individus obsédés par eux-mêmes. Cette question du narcissisme entraîne un débat houleux entre les différents auteurs. Certains s'animent à dire qu'il s'agit avant tout d'une confiance en soi très forte (Magnier et Brodin, 201285) et pensent que les exhibitionnistes sur internet sont des narcissiques matérialistes. D'autres tendent à dire qu'il faut plutôt y déceler une recherche de reconnaissance. Le « narcissisme numérique », pour Frédéric Tordo86, est une manière de séduire afin d'obtenir l'amour de quelqu'un. C'est une forme d'exhibitionnisme qui prouve que les jeunes se cherchent avant tout. Ils ont besoin du regard de l'autre afin de se créer son identité, on ne parle pas de désir sexuel mis en avant mais d'un désir « d'externaliser sur un autre qui sert de support de soi » (Tordo, 2015). Ils veulent connaître le regard des autres afin de savoir comment se regarder eux-mêmes en retour. Si l'on reprend le mythe de Narcisse, la légende s'accorde à dire que c'est l'amour pour lui-même qui causa sa perte. Il se noya en voulant embrasser son propre reflet, mais le psychologue Nicolas Rousseau87 nia cette histoire pour révéler que Narcisse ne s'est pas reconnu dans le reflet et s'est questionné sur cette apparition de lui-même. Notre étude ne nous donne pas d'éléments assez significatifs pour savoir s'il y a tout de même de l'amour-propre derrière le besoin de s'exposer. Il est vrai que de nombreux comptes parmi ceux analysés sur Instagram montrent une confiance en soi très forte de certaines personnes, à travers les très nombreux selfies, clichés d'eux. L'étude des hashtags n'a pas donné non plus beaucoup d'éléments, excepté un compte où la personne utilisait des termes tels que « handsome », « hotguy » et que certains autres prônaient l'acceptation et le fait qu'il fallait s'aimer soi-même. Mais nous ne pouvons parler ici de narcissisme. Il serait nécessaire de réaliser une étude psychologique davantage poussée.

1.1.4 Le selfie

Pour continuer sur le narcissisme numérique, la question du selfie divise également les chercheurs en communication. Cette technique photographique est apparue en 2002 mais est devenu virale dix ans après, via le succès des smartphones. En principe, le selfie porte son importance sur le décor en

84 FLUCKIGER Cédric. Blog et réseaux sociaux, outils de construction identitaire adolescente. 2010, Diversité, n°162, p.38-43 (version pré-print)

85 BRODIN, Oliviane, et MAGNIER Lise. Le développement d'un index d'exposition de soi dans les médias sociaux : phase exploratoire d'identification des indicateurs constitutifs. Management & Avenir, vol. 58, no. 8, 2012, pp. 144-168.

86 TORDO, Frédéric. Séduire à l'ère du numérique : une séduction polymorphe à l'adolescence. Enfances & Psy, vol. 68, no. 4, 2015, pp. 83-92.

87 ROUSSEAU, Nicolas, LASCH Christopher. La culture du narcissisme. 12 Juillet 2014, Actu Philosophia

32

arrière-plan comme preuve de ce qu'on est en train de vivre. Plusieurs facettes de ce type de photographie sont alors mises en lumière. Il incarne la représentation de la multiplicité des portraits dans la recherche de soi et de son identité (Sion dans Lichtensztein, 201788). Prendre plusieurs photographies de soi en cherchant laquelle publier ensuite serait une manière de se chercher, de se découvrir. Il ne serait pas à caractère narcissique car il n'est pas tourné vers soi mais vers les autres, dans un besoin d'échanges avec autrui. André Gunthert89 confirme cette hypothèse en notant que les hashtags utilisés sur Instagram ne montrent pas des termes qui révèlent du narcissisme, tel que « me » ou « loveme ». Or, nos recherches sur le réseau social ont mis en avant le fait que beaucoup d'individus utilisent des hashtags comme « me », qui plus est, est l'un des plus utilisés en 2019. En effet, il a été utilisé 398 829 598 fois, ce qui le fait arriver dans le top 20 des hashtags les plus utilisés si nous comparons avec les 10 plus populaires en 2019.90 Mais cette utilisation peut être est un synonyme du selfie, comme pour montrer que c'est bien la personne elle-même sur la photographie, comme preuve supplémentaire que la photographie est une technique d'externalisation de soi et de son expérience. Dominique Cardon (2011)91, par exemple, pense que les selfies sont « les mises en scène de soi, de ses qualités, de ses compétences accompagnant une volonté d'élargir l'espace de visibilité dans lequel chacun manifeste aux autres sa singularité pour la faire connaître ». En effet « Je mets très souvent un filtre mais pas un en particulier directement sur Instagram quand j'apparais sur la photo. » témoigne Elise.92 Nous avons eu des difficultés à savoir où placer ce thème important. Mais nous avons choisi de le situer dans les techniques de monstration de soi et de mise en scène. On se montre tel que l'on est, on présente son visage, mais pas de façon totalement naturelle. De plus, d'après notre analyse, la généralité des photographies est effectivement dans le but d'échanger des instants de vie ou pour se valoriser, l'image est toujours tournée vers les autres et non vers soi, ce qui serait une preuve que le selfie n'est pas une représentation narcissique de soi. Sur les selfies, plusieurs individus s'adressent même directement à leur communauté « Hellooooo vous avez passé une bonne semaine ? »93. Les clichés sont davantage source de recherche de lien et de validation de son image par autrui que réellement de l'amour de soi. Les individus seraient narcissiques, mais ça serait un moyen de défense contre le manque d'affection, (Escande dans Chooeum et Guemas, 2017). Le selfie est un message adressé aux autres, sur qui nous sommes, notre emplacement, nos goûts, sur notre identité simplement. Publier des photographies est un moyen de laisser sa trace sur le monde, pour ne pas se sentir oublié. On remplit sa vie d'images pour ne pas sentir le vide, pour se

88 SION, Brigitte. Agathe LICHTENSZTEJN. Le Selfie. Aux frontières de l'égoportrait. Questions de communication, n°31, 2017, 495-496.

89 GUNTHERT, André. La consécration du selfie, une histoire culturelle. Études photographiques, n°32, Printemps 2015

90 MARTIN, Sarah. Instagram, les hashtags les plus utilisés. Metricool, 2019

91 CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148.

92Entretien Elise, le 15 juin 2019

93 Analyse de contenu, compte de Ludivinee_s

33

souvenir. Le portrait est un moyen de faire connaître son identité, qui l'on est en mettant en scène sa vie, ses goûts. On parle de soi, on exprime sa personnalité de par sa diffusion aux autres et ainsi, il est une source de construction identitaire. 94 Mais il peut également être un souci de contrôle de son image. Ces affirmations ne sont pas partagées par tous. Certains parlent d'une « industrie du soi » qui s'insère dans une société qui aime le divertissement, qui aime « regarder et se regarder ». André Gunthert (2015) expose le selfie comme un trouble de l'image de soi, de son identité, qui pousse à exhiber son corps de manière subjective. (Escande dans Chooeum et Guemas, 2017) Il est vrai que malgré une certaine pudeur, notre analyse de contenu a révélé des photographies de personnes mettant leur physique en avant. Notre enquête montre que 27 individus sur 44 postent des selfies et 37 postent selfies et photographies d'eux-mêmes prisent par d'autres personnes. Mais pourtant, 10 interrogés sur 14 affirment préférer les clichés de groupe. Il y a une réelle volonté de se présenter seul sur les réseaux sociaux car c'est un espace public où l'on se montre pour faire valider notre image, se présenter au monde. Mais il n'y a jamais réellement d'extrême en réalité, car parmi les interrogés, une seule personne préfère être seule et publier des photos uniquement d'elle. Cette analyse contredit les affirmations d'André Gunthert (2015), donc le fait que l'exposition de soi seule, via les selfies est une preuve de narcissisme.

1.2 L'exposition de soi théâtralisée

1.2.1 Mise en scène de soi

La mise en scène de soi est une notion définie par Ervin Goffman dans La mise en scène de la vie quotidienne (1956). L'auteur y compare les instants du quotidien et les interactions sociales à des pièces de théâtre où les individus jouent des rôles et «réalisent des performances» pour tenter de certifier que «leurs actions et particularités sont réelles» (Goffman dans Paul, 2018). Il existe deux façades de ces mises en scène : l'apparence symbolique de l'acteur (ce qu'il représente pour le public) et le décor (par exemple, sur Instagram, ce sera l'arrière-plan de la photo, le paysage, les accessoires des individus, les objets mis en évidence). Ensuite arrive la «façade personnelle» qui représente les attributs et objets personnels de l'acteur (sexe, vêtements, bijoux, etc.). Celles-ci peuvent donc être modifiées (Goffman dans Paul, 2018)95 Les individus façonnent leur apparence, leur vie, rendent ce qu'ils montrent plus beau. Ils s'inventent une vie pour « fuir la banalité du quotidien » et peut-être, pouvoir devenir quelqu'un d'autre.96 Pascal Lardellier et Céline Bryon-Portet

94 CHOOEUM Sophie, GUEMAS, Marion. Le selfie au-delà de la simple représentation de soi. Mémoire en master 2 Culture et métier du web, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, 2017

95 PAUL Jolianne. Réseaux sociaux et image corporelle. Mémoire de maîtrise en service social. Sous la direction d'Alexandre Baril, Ph.D. Université d'Ottawa, 31 août 2018

96 BAUHAIN, Valérie. Réseaux sociaux : ce que révèlent nos photos de profil. Psychologies. 2019

34

(2010)97 décrivent un « soi fantasmatique ». C'est-à-dire que les utilisateurs se représentent sur les réseaux de manière toujours plus avenante, voire caricaturale à cause des stéréotypes diffusés dans les médias. Le duo d'auteurs parle ici d'un «processus de subversion» des identités qui consiste à montrer que le soi est un autre et que «l'on peut sortir des espaces institutionnels pour s'inventer autrement». C'est-à-dire qu'ils sortent du «rôle» que la société a créé pour eux. Notre étude montre qu'il y a effectivement un désir de se donner une nouvelle image de soi, de se mettre en scène. En étudiant les postures des individus sur les photographies, nous nous rendons compte que les personnes ont tendance à adopter des attitudes particulières. Ils se mettent en avant de manière avenante avec des codes répétitifs : cambrures, mains dans les cheveux, expressions exagérées de bonheur, etc. Les instagrammeurs « posent » tout en faisant semblant d'adopter des positions que l'on pourrait penser naturelles ou prises sur le vif, mais qui ne sont que pure mise en scène (photo d'une personne s'étirant dans le lit mais bien coiffée et bien maquillée). Elles vont user de techniques pour mettre certains aspects d'eux en avant, que ce soit au niveau des objets utilisés, du cadrage, de l'action. Chaque expression et geste est le fruit d'une réflexion antérieure.

1.2.2 La théâtralisation des interactions

Pour Ervin Goffman (1873)98, le monde social lui-même représente un théâtre dont les échanges entre les individus ne sont que parades. Déjà car ces échanges s'adaptent en fonction de la personne à laquelle nous parlons. Nous n'avons pas le même comportement, la même gestuelle ni la même façon de nous exprimer devant nos amis, notre famille ou nos supérieurs hiérarchiques. Chaque personne dans sa vie de tous les jours joue continuellement des rôles qui diffèrent selon son auditoire et la situation.

Nous pouvons appliquer cette théorie aux réseaux sociaux. Les individus exacerbent sur leurs clichés une partie de leur identité, un attrait de leur personnalité. Ils se rendent acteurs de scènes de leur vie afin de montrer une particularité d'eux-mêmes. Ils vont désirer dégager quelque chose en fonction du public qu'ils ciblent. Ainsi, certains instagrammeurs vont avoir tendance à se montrer selon le rôle qu'ils aimeraient incarner dans la vie réelle. Certaines personnes vont mettre en avant leur corps, leur beauté, leur musculature, leur sensibilité, capacité à cuisiner, etc. De plus, notre enquête nous a permis de confirmer notre hypothèse selon laquelle les individus se créent une image sur internet pour leurs échanges. Il n'y a apparemment pas de place pour les expressions négatives sur le réseau social. La majorité des images présentent des individus en train de sourire ou de rire, montrant ainsi une surexposition de la joie. Ce phénomène est confirmé par l'utilisation de hashtags récurrents tels que #happy, #happiness, #love et par certains témoignages « C'est un réseau social qui fonctionne sur

97 LARDELLIER, Pascal, BRYON-PORTET Céline. « Ego 2.0 ». Quelques considérations théoriques sur l'identité et les relations à l'ère des réseaux. Les Cahiers du numérique, vol. 6, no. 1, 2010, pp. 13-34

98 GOFFMAN, Ervin. La mise en scène de la vie quotidienne 2. Les relations en public. 1873. Paris : Les Éditions de minuit, 256 pages.

35

l'esthétisme et le bonheur ». Elise99 confirme en avouant qu'elle se donne une image « plus joyeuse » sur Instagram.

1.2.3 Le décor de la photo comme mise en scène de soi

La comparaison de la mise en scène de la pièce de théâtre aux réseaux sociaux d'Ervin Goffman explique que le « décor » d'une pièce a totalement son importance lors d'une représentation, elle plante l'action dans un contexte. Sur Instagram, nous remarquons que de nombreux clichés axent leur importance sur l'arrière-plan, le paysage. Cela permet de montrer les lieux dans lesquels nous allons et la beauté de ce que nous vivons. Il ressort de notre enquête que l'arrière-plan n'a pas d'importance en lui-même, excepté lorsqu'il est le sujet principal de la photographie. Mais il sert de mise en valeur du sujet. Pour confirmer le paradigme de Goffman (1973), nous avons fait ressortir de notre recherche que 9 des interrogés sur 14 avouent mettre en avant le paysage sur les photographies. Dans l'analyse de contenus, seules 7 personnes sur 30 ne mettent pas en avant de décor en général car elles concentrent les clichés sur elles-mêmes. Pour les autres, nous nous rendons compte qu'ils expriment différents attraits à travers les décors : leurs goûts et passions, notamment avec les salles de sports, lieux d'activités, mais surtout, le thème très récurrent est celui du paysage de voyage. En effet, notre enquête révèle que les personnes se prennent principalement dans des lieux de vacances, de promenades et immortalisent des sites qu'ils trouvent beaux ou qui sont célèbres (les monuments, lieux incontournables) (Annexe 9). C'est ce que les abonnés recherchent sur Instagram : la quête de paysages magnifiques, de lieux dans lesquels ils voudraient aller, du rêve. A l'instar de Goffman, les photographies montrent que le décor sert bel et bien de mise en scène à l'action, de décor à la personne qui se place en tant qu'acteur de l'instant. Il y a peu d'images de paysages seuls, mais souvent avec les protagonistes devant, qu'ils soient de face ou de dos. Il y a cette envie de montrer aux autres les instants privilégiés que nous vivons. Nous pouvons croiser ces informations avec la question de l'immortalisation de l'exceptionnel ou de l'anodin qui confirment notre hypothèse car les individus veulent davantage montrer l'exception que l'ordinaire. Le décor résulte d'une élaboration du paysage ou de soi-même. Les individus ressentent le besoin de se construire une identité autour de ces photographies et le fait de mettre en avant des lieux exceptionnels contribue à alimenter une image de soi positive, à se construire une identité de voyageur, d'amateurs du fabuleux que l'on va soi-même introniser pour penser être cette personne.

99 Entretien Elise, 15 juin 2019

36

2. Identités multiples

2.1 Identité réelle et numérique

2.1.1 L'identité numérique et le design de soi

«C'est lorsque l'homme parle en son nom qu'il est le moins lui-même. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité». Oscar Wilde (1891).2

Les individus possèdent plusieurs identités, même en dehors du monde virtuel. Nous sommes déjà amenés à adoptés différentes facettes en fonction de la situation dans laquelle nous nous trouvons et en fonction du public avec lequel nous interagissons : « Après je choisis quoi montrer et comment le montrer, je me montre sous mon meilleur jour. Un peu comme à un diner chez la belle famille ou à la machine à café avec les collèges de bureau. Je ne suis pas à 100% moi-même mais je ne suis pas non plus différente. Il y a le « moi » de l'intime et le « moi public ». Sur Instagram, je fonctionne selon mon « moi public ». Il existe différentes représentations de soi : celle que l'on a de soi-même, celle que les autres ont de nous, etc. mais l'identité se décline en trois composantes : l'identité personnelle (ce qui fait que nous somme unique), l'identité juridique (un citoyen pourvu de droits et de devoirs) et l'identité sociale (la culture de l'individu, ses valeurs et normes). Parmi ces identités, nous retrouvons celle que nous construisons sur le web : l'identité numérique. Elle est l'ensemble des données saisies par l'utilisateur sur internet (les pseudos, identifiants, etc.). Ce sont des traces laissées volontairement ou involontairement (traçage de nos données) ou « héritées » (notre réputation) (Delefosse, 2016).100 Elle se traduit en tant que « profil », une fiche identitaire créée par les internautes afin de se présenter aux autres. Le choix des informations que l'on donne font varier l'image que les autres vont avoir de nous. Nous avons pu observer que les individus mettent en avant certaines informations plutôt que d'autres, ce qui tend à leur créer une certaine facette : le/la sportif(ve), l'intellectuel(le), l'amateur(rice) de musique, etc. Dominique Cardon (2011) 101 parle de « design de la visibilité », c'est-à-dire la manière dont est rendue visible l'identité des individus sur les médias sociaux. Fanny Georges (2009)102 explique que dans le monde réel, « la présence du corps est un indice absolu d'existence », c'est-à-dire que l'identité n'a pas de forme à part la représentation de notre corps. Mais dans le virtuel, la personne doit se créer un profil pour exister et pouvoir échanger. C'est ainsi que la représentation de soi sur internet prend de l'importance « dans l'image que l'on va se faire de nous » car celles-ci incarneront notre identité immatérielle. Il faut donc décider de ce qui sera mis en avant ou non selon ce qu'ils veulent montrer : des passions, un métier, d'autres facettes d'eux-mêmes, parfois inconnues aux autres. L'exemple de Jonathan, cataphile à ses heures, et auxiliaire dans la vie réelle, qui publie uniquement des photos de ses expéditions

100 DELEFOSSE Marie-Sarah. Jeunes et médias, quels enjeux ? CPCP, n°22, 2016.

101 CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148

102 GEORGES, Fanny. Représentation de soi et identité numérique. Une approche sémiotique et quantitative de l'emprise culturelle du web 2.0. Réseaux, vol. 154, no. 2, 2009, pp. 165-193.

37

souterraines. L'identité numérique n'est pas forcément une autre identité que la nôtre, mais elle est un continuum de notre identité réelle : « Je ne suis pas totalement moi-même mais je ne suis pas différente non plus » (Justine)103. (Perea, 2010) comme le confirme Morgane lorsque nous lui demandons si elle se conduit différemment de la réalité sur Instagram : « Je ne pense pas, c'est une partie de moi mais je vais juste la mettre plus en avant ». Les individus extériorisent leur identité sur le net via l'identité numérique.

2.1.2 Jouer avec les identités pour les jeunes

Les utilisateurs des médias sociaux vont avoir recours à plusieurs identités pour affirmer leurs goûts auprès de la communauté. Pour Dominique Cardon (2011), l'identité numérique est une « virtualité potentielle » de l'identité, c'est-à-dire, une réalité réservée au monde virtuel. Serge Tisseron (2009) précise qu'il ne faut pas s'arrêter à la notion simple de « multiplicité de facettes » car ces identités ne sont ni comparables, ni « substituables ». Elles seraient le « témoin de profondeurs différentes dans le rapport à soi » que chacun souhaite mettre en avant. Certains jeunes individus n'hésitent pas à user de ce pouvoir de changer d'identité sur les réseaux sociaux. L'auteur104assure qu'ils n'ont pas le même rapport que les adultes à l'intimité. Ils n'attachent plus réellement l'aspect privé et leur identité personnelle à la représentation qu'ils peuvent renvoyer auprès d'autrui. Pour eux, ce qu'ils exposent sur les réseaux sociaux ne les représente pas réellement tel qu'ils peuvent être dans la vie réelle : « J'ai conscience de fonctionner autrement que dans la réalité car je suis plus terne en vrai », Christophe.105 Ainsi, ils n'hésitent pas à tester différentes images d'eux auprès de leur communauté afin « d'en faire tester la validité ».

Pour Dominique Cardon (2011)106, les jeunes individus désirent se sortir des catégories identitaires dans lesquelles la société et le destin les enferment. Ainsi, pour exister par eux-mêmes, ils adoptent des identités multiples « comme signature de l'individu ». La culture du web a engendré la création de facettes multiples pour les personnes qui désirent se faire connaître. Pour sortir de la case dans laquelle on nous place ; selon nos origines, nos croyances, notre sexe, nous devons montrer autre chose à voir de nous. Ainsi, les individus vont axer leur profil sur leurs goûts, leurs passions, jusqu'à créer des avatars.

103 Entretien Justine, 13 juin 2019

104TISSERON, Serge. Les jeunes et la nouvelle culture Internet. Empan, vol. 76, no. 4, 2009, pp. 37-42

105 Entretien de Christophe, 11 juin 2019.

106 CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148

38

2.1.3 Le pseudonyme, entre masque et réalité

Les pseudonymes ont deux fonctions : ils servent « d'écran de projection et de protection » (Perea, 2010)107 : ils protègent l'identité civile des personnes mais permet en retour de constituer un « lieu d'identification fort ». Parfois ils révèlent des informations sur nous, mettent en exergue des valeurs, des goûts ou encore des traits de la personnalité inédits pour la communauté. Souvent, les personnes mettent seulement leur prénom et la première lettre du nom de famille en général, afin qu'on les retrouve plus facilement mais sans divulguer toute leur identité aux inconnus comme le révèle Morgane lors de son entretien « Mon pseudo c'est mon prénom et une contraction du nom de famille car je n'avais pas envie de le mettre en entier »108. D'autres ne veulent pas forcément être retrouvés, mais simplement exister de manière cachée sur le web. Nous remarquons d'après notre étude que la grande majorité des personnes usent d'un pseudonyme pour se présenter. Ces noms permettent de se cacher et de se créer une nouvelle identité sur internet. Certains, tels les influenceurs ou personnes voulant exploiter un compte à thème de manière professionnelle, ne mettent pas leur nom mais vont inventer un pseudonyme tel une marque ou un blog qui révèle davantage un univers plutôt qu'un physique (exemples sur Instagram : la_magie_du_moment, m0n_petit_m0nde_a_m0i, lemondedesandrine). D'autres vont se donner une sorte de surnom (_angxxie_). Lors de notre analyse de contenu, nous remarquons que les utilisateurs d'Instagram sont peu à donner leur véritable identité outre les personnalités tels les mannequins ou influenceuses (Patrycja_wozniak, maddisonyates), etc. qui veulent se faire connaître. Mais le pseudonyme ne fait pas que cacher l'identité, il peut également la révéler. L'anonymat et la sécurité de l'écran rassure sur la possibilité d'extérioriser certains aspects de soi. Certains veulent montrer des aspects de leur caractère (allegrettalllina pour dire qu'elle est joyeuse).

3. Espace public et espace privé

3.1 Exposition de soi : de l'intime au public

3.1.1 De l'espace public et privé de Jügen Habermas à l'espace numérique

Jügen Habermas (Jauréguiberry, 2014)109 a développé la notion d'espace privé et d'espace public. Pour lui, l'espace public est un lieu où les individus discutaient, où chacun utilisait sa raison, des débats et échanges de façon égale. Cette égalité de parole entre chacun doit permettre de pouvoir s'exprimer, sans distinction mais toujours en respectant le fait que ces échanges doivent rester dans l'intérêt général. C'est un espace de visibilité et de mise en commun du savoir. Nous savons

107 PEREA, François. L'identité numérique : de la cité à l'écran. Quelques aspects de la représentation de soi dans l'espace numérique. Les Enjeux de l'information et de la communication, vol. volume 2010, no. 1, 2010, pp. 144-159.

108 Entretien Morgane, le 9 juin 2019

109 JAURÉGUIBERRY, Francis. La déconnexion aux technologies de communication. Réseaux, vol. 186, no. 4, 2014, pp. 15-49

39

désormais qu'au départ, les individus dans la vie quotidienne possèdent des identités différentes selon les contextes. Il en est de même sur internet, il existe plusieurs espaces publics et privés auxquelles encore une fois, nous nous adaptons. Les réseaux sociaux ont entraîné, avec l'évolution des médias, un changement dans l'information. Il n'y a plus de distinction entre ce qui tient du privé ou du public, dans les échanges. La séparation entre les deux devient inexistante, jusqu'à créer un mélange, une continuité du privé vers le public. Nous pouvons voir ce phénomène sur Instagram, où les personnes n'hésitent pas à montrer des parties de leur vie. (Dagnaud, 2011).110 Pourtant, nous constatons que les personnes interrogées tiennent une importance capitale dans le fait de garder sa vie intime. Lors de l'analyse de contenu, nous faisons le même constat, les personnes postent beaucoup d'images, mais jamais d'informations trop intimes. Nous pouvons apercevoir quelques scènes de la vie quotidienne dans le cadre familiale telles des photographies d'enfant ou avec une compagne/un compagnon, mais qui restent toujours des photos de surface. Cela peut être pour simplement garder certaines informations pour la vie réelle, avec les personnes que l'on côtoie dans la réalité ou pour des raisons de sécurité « Non surtout pas, on ne sait jamais où vont ce genre de photos et ce que les gens en font, en plus ce genre de photo attire toujours des commentaires méchants ou des personnes mal attentionnées. » (Camille)111 Ces informations prouvent que l'identité des individus sur internet est une image de soi préconçue uniquement pour les réseaux sociaux.

3.2 Intimité et extimité : se montrer et se cacher des autres pour se construire

3.2.1 Explications des termes

Serge Tisseron (2009)112 évoque une certaine forme d'exhibitionnisme de soi. Les jeunes individus se demandent ce qu'ils doivent penser d'eux-mêmes et vont chercher des pairs avec lesquels échanger afin de savoir qui ils sont. C'est en prenant connaissance de comment intéresser les autres qu'ils vont apprendre à s'aimer eux-mêmes. Ainsi, pour communiquer avec autrui, ils vont diffuser des images de leur vie, de leur physique, de ce qu'ils possèdent afin de pouvoir en mesurer la valeur via les retours (j'aime, commentaire) des internautes. Ce désir de se montrer est appelé « extimité », c'est une notion indissociable de celle d'intimité. L'extimité existait déjà avant internet, mais les conventions familiales prenaient le dessus sur les pratiques, le domaine de l'intime restait ancré dans les conversations de famille, les photographies familiales. C'est « la reconnaissance d'un droit à l'intimité qui a encouragé la manifestation du désir d'extimité car l'intimité de chacun est ennuyeuse s'il est seul à en profiter » (Tisseron, 2009). L'intimité est le pouvoir de se cacher des autres. Cette

110 DAGNAUD, Monique. Génération Y. Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion. Presses de Sciences Po, 2011

111 Entretien Camille, 06 juin 2019

112TISSERON, Serge. Les jeunes et la nouvelle culture Internet. Empan, vol. 76, no. 4, 2009, pp. 37-42.

40

notion est articulée à l'estime de soi car si l'on s'estime, on a envie de se préserver et notamment de préserver son identité réelle. Le besoin d'intimité se fait pour construire une partie de soi, qui ne se fondera entièrement que par le désir d'extimité. « C'est parce qu'on sait pouvoir se cacher qu'on désir dévoiler certaines parties privilégiées de soi ». (Tisseron, 2009)113. Pour Pauline Escande (Chooeum, Guedas, 2017)114, la notion d'intimité est rattachée à celle d'identité multiples car la multiplicité des facettes est importante pour les jeunes afin de savoir dans laquelle il doit s'engager et laquelle il doit rendre publique. Ainsi, les individus qui se montrent sur Instagram, dans le processus de construction identitaire, pour rappeler la première hypothèse, vont choisir ce qu'ils montrent d'eux ou non afin de bâtir une partie de son identité. Le degré de monstration varie selon ce que les individus veulent montrer à voir d'eux, allant parfois vers exhibitionnisme, voire quasiment la nudité.

3.2.2 Intimité et extimité comme outil de maîtrise sociale

Lorsque nous grandissons, nous prenons d'abord référence sur la sphère familiale, notre identité évolue car elle entre en contact des autres, des contextes (école, amis, etc.). Il va ajuster son comportement en fonction de son rôle. L'extimité et l'intimité peuvent être également étudiés comme un phénomène de contrôle social. En effet, le fait de limiter l'accès de nos données ou non est un moyen de maîtriser la distance relationnelle que nous possédons avec nos pairs, un problème qui apparaît dans la construction identitaire (Tisseron, 2009). Ce sont les individus qui décident s'ils veulent publier du contenu, échanger instantanément avec les autres ou alors se taire pour préserver son intimité. Ils ont la sensation que leur vie privée reste dans le domaine de l'intime. « Ouais bah moi je ne pense pas que je serais capable de tout montrer non plus quoi. Il y a des trucs c'est bien que ça reste dans la sphère privée. » (Camille).115 L'écran de l'ordinateur forme une protection contre l'autre lorsqu'on ne s'assume pas encore car il est un dispositif qui nous épargne le face à face. (Lipianski, 1993) Nous avons d'ailleurs remarqué que parmi les interrogés, 3 personnes pensent parler à davantage de personnes sur internet que dans la réalité et s'exposent davantage. Cela prouve qu'il y a cette extimité sur internet rendue possible grâce à la protection de l'écran, l'évitement du réel. Les personnes ont tendance à se sentir rassurée car il n'y a pas de contacts réels avec les autres. Les réseaux sociaux permettent la gestion du contact avec autrui, on peut partager avec l'autre ou non et choisir ce que l'on diffuse. Ces informations confirment qu'Instagram est un outil de construction identitaire car les personnes choisissent les éléments qu'elles montrent d'elle pour contrôler justement cette identité, et sa représentation auprès des autres.

113 TISSERON, Serge. Les jeunes et la nouvelle culture Internet. Empan, vol. 76, no. 4, 2009, pp. 37-42.

114 CHOOEUM Sophie, GUEMAS, Marion. Le selfie au-delà de la simple représentation de soi. Mémoire en master 2 Culture et métier du web, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, 2017

115 Entretien Camille, 06 juin 2019

41

3.2.3 Exhibitionnisme ou l'impudeur corporelle sur les réseaux sociaux

Les jeunes par rapport au domaine privé ont vu leurs usages et aux images évoluer quant à la « contentions de soi des générations précédentes » (Granjon, 2014). Plusieurs auteurs tels que Granjon s'accordent à dire que les jeunes individus n'hésitent plus à se dévoiler au public, ce qui les amène à se soumettre au regard d'autrui, notamment pas l'extimité et l'exhibitionnisme. Échanger à travers les photographies, les messageries instantanées aident les jeunes à se montrer plus facilement. Notre étude nous donne des informations de terrains biaisées par rapport au fait que les individus se montrent de manière exhibitionniste. Les entretiens nous montrent qu'il n'y a pas d'exhibitionnisme de la part des interrogés, qui refusent de montrer leur intimité, voire qui vont jusqu'à « ne pas montrer ses émotions » (Camille)116. Ils mettent parfois des images d'eux, mais postent surtout des clichés de voyages ou d'activités. Nous pouvons donc dire qu'ils se construisent une identité basée sur leurs expériences, leurs activités validées par les autres. Cependant, avec l'analyse de contenus nous remarquons dans un premier temps qu'il y moins de pudeur corporelle, les personnes n'hésitent pas à poser en tenue légère, laissant paraître leur physique. Ils ont une grande monstration de leur quotidien, ils se mettent en scène dans des situations différentes de la vie, postent des selfies mais elles ne vont jamais jusqu'à la nudité. Il est peut-être plus facile de se montrer sur les réseaux sociaux grâce à la possibilité de contrôle de son image, mais il résulte derrière une volonté de modifier son apparence afin de se créer une image de soi. Pour Fabien Granjon (2014) par exemple, le sentiment de pudeur est une obligation d'autocontrôle de son image. Il s'appuie sur la thèse de Norbert Elias dans La civilisation des moeurs (1973) qui est que le sentiment de pudeur et « l'évaluation des seuils de la bienséance et du convenable » répondent à des logiques de contrôle socialement construit. L'impudeur fait partie du décontrôle, car la société fait qu'aujourd'hui, les codes sociaux sont davantage détendus, mais qu'il est nécessaire de les maîtriser. Il démontre que la pudeur et l'impudeur sur les réseaux sociaux est « l'effet/conséquence de la formation d'un public éduqué, rendu moins sensible aux expansivités de soi ». L'impudeur et la pudeur sont une manière de toujours contrôler l'image que l'on renvoi, même si elles laissent à penser qu'elles ne le sont pas. C'est important d'encadrer ce que l'on publie de soi dans un espace où l'on se dévoile intimement. Plusieurs de nos interrogés ont dévoilé ne montrer qu'une partie de leur identité sur Internet, une partie « sociale » qu'ils maîtrisent. Certains comme Justine parle de « sélectionner » ce qu'ils montrent d'eux, que ce soit au niveau de leur corps ou de caractère. Christophe par exemple, ne montre que des aspects de son physique « pas trop désagréables » tandis qu'Agathe117 montre une facette d'elle « plus lisse ». L'analyse de contenu prouve également qu'il y a une sélection de ce que l'on peut montrer ou non : de la sensualité, mais jamais de vulgarité, on peut montrer son apparence, mais seulement celles que l'on trouve agréables, on peut montrer

116 Entretien Camille, le 06 juin 2019

117 Entretien Agathe, 19 juin 2019

42

sa personnalité, mais seulement la partie intéressante. Il faut se montrer unique, mais tout en respectant les normes des réseaux sociaux. La maîtrise de ce que l'on expose de soi est une théâtralisation, un témoignage du jeu identitaire dans lequel se lancent les individus et une preuve de l'envie de devenir autonome. (Granjon, 2014). Nous nous rendons compte que les personnes contrôlent leur image en choisissant les facette d'eux-mêmes à mettre en avant, en se construisant une image préconçue pour la communauté et pour être sûre d'être appréciée d'elle, ce qui va de pair avec l'identité réelle et virtuelle.

3.3 Différentes façons de se montrer sur les réseaux sociaux

3.3.1 Les différentes visibilités dans l'espace public

Dominique Cardon (2011) a déterminé plusieurs types de visibilités dans la mise en scène de soi selon différents types d'exposition de soi. En effet, comme nous l'avons déjà indiqué précédemment les individus ne s'exposent pas pareil selon le public qui les regarde. Il existe l'exposition traditionnelle (représentation des grands événements, de la famille) qui sert à montrer une bonne image de soi, l'exposition dite « d'impudeur corporelle » qui est le fait de se montrer de façon provoquante. Il existe également l'exposition du cool qui consiste à se montrer dans des positions exagérées pour forcer un trait de l'identité, de la personnalité et l'exposition du trash (volonté de choquer la communauté). Nous retrouvons ce genre de mise en scène sur le réseau social Instagram. L'analyse de contenu nous montre que les personnes s'exposent de façon différente, selon l'image qu'elles veulent donner d'elles. Certains n'hésitent pas à poser en maillot de bain ou dans des positions suggestives, d'autres vont poster des évènements de la vie, ou l'exposition du cool avec des individus en train de réaliser des figures de yoga au milieu des rues, en train de forcer à montrer des images d'eux très souriants pour incarner le bonheur, etc. Chaque type d'exposition est représenté, excepté le trash. L'expérience des jeunes sur les réseaux sociaux se fait « par des mises en scène telles des performances imprégnées par le travail identitaire caractéristique de cette période de vie » (Lachance, 2015)

3.3.2 Le web en clair-obscur

Pour Dominique Cardon (2011)118, le clair-obscur permet de « flouter » son identité afin d'éviter d'être reconnaissable ou retrouvable, ainsi il va permettre de se cacher afin de mieux se rencontrer dans la vie réelle ou au contraire, pour ne pas être reconnu. Si l'on reprend les enjeux de la visibilité des réseaux sociaux de l'auteur, les individus vont aller sur certains réseaux sociaux offrant différents types de visibilité permettant de les cacher ou non. Le type le plus répandu d'après l'auteur pour ce genre de réseau social tel que Facebook est le clair-obscur. Celui-ci permet « d'enrichir des

118 CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148.

43

relations » avec des discussions virtuelles, d'échanger avec des inconnus mais tout en pouvant dissimuler une partie de son identité. Via ce type de visibilité, ils rendent visible certains aspects de leur intimité, mais pour un public proche. Mais cela n'est applicable que dans l'éventualité où les utilisateurs limitent l'accès de leurs données. Par exemple, sur Instagram, cela supposerait que tous les détenteurs d'un compte possèdent un profil « privé » qui limite l'accès à leur contenu. Or, notre enquête montre que les personnes interrogées ont toutes un profil « privé » tandis que la majorité des profils de l'analyse de contenus possèdent un compte mis en public. Nous pouvons alors parler de visibilité en « phare ». Celle-ci concerne les individus qui rendent visible à tous leurs photographies et autres contenus afin de créer « de grands réseaux relationnels », donc favoriser davantage de contacts. Cette visibilité publique ou privée dépend de ce que recherche la personne, de si elle souhaite échanger avec le plus de personnes profils, être reconnus et connus d'un grand nombre d'individus ou si elles souhaitent ne pas s'ouvrir à tous. Nous remarquons lors de notre enquête, que les individus possédant un compte public sont des personnes qui souhaitent échanger avec davantage de personnes « Oui, poster des photos pour échanger avec des personnes, c'est l'objectif premier » (Agathe119). Tandis que d'autres, ayant un compte privé, ne ressentent pas l'envie ni le besoin de communiquer avec d'autres personnes. Le domaine public connaît un glissement vers le privé, mais il existe encore des individus qui souhaitent garder une part d'intime. « Non, ça ne m'arrive jamais. Je n'ai pas tendance à mettre mes amis en photos sur Instagram car même si j'ai des photos je préfère les garder pour moi. » répond Morgane120 lorsque nous lui demandons si elle a tendance à montrer des informations intimes. Les utilisateurs ouvrent une certaine intimité mais tout en la protégeant. Certaines personnes ouvrent leur compte Instagram mais sont davantage dans une démarche professionnelle, afin de montrer de beaux clichés. Le clair-obscur, contrairement au phare, permet de contrôler son image et son intimité.

119 Entretien Agathe, 19 juin 2019

120 Entretien Morgane, 10 juin 2019

44

III. E-réputation et recherche de visibilité et d'estime sociale pour la quête de reconnaissance et du sentiment d'appartenance

Sur les réseaux sociaux, il est inévitable de parler de la recherche de visibilité de la part des utilisateurs. Dans tous les aspects de leur expérience numérique, ils se rendent visible, et ce, outre dans la recherche de leur identité, pour également créer des liens avec autrui. De par la manifestation de leur présence en ligne, par la tentative de création d'échanges et la diffusion d'images d'eux, les individus cherchent le regard de leurs pairs, mais pas dans le seul but de faire partager ses expériences, mais d'être reconnu par eux et de se sentir inclus dans une communauté.

1. Le besoin de reconnaissance des individus

1.1 La recherche de visibilité pour la reconnaissance

1.1.1 La recherche d'interaction des groupes sociaux

La notion de reconnaissance des individus a été développée par Axel Honneth (Honneth par Courtel, 2008)121 dans son ouvrage de Lutte pour la reconnaissance. Dans cet ouvrage, il explique l'évolution des mouvements sociaux et des groupes qui se sont mobilisés afin de faire valoir leurs droits et leurs différences, en demandant à être reconnus par la société. Ce sont des groupes de minorités qui se sont battus pour faire rendre compte de leur existence et obtenir leur droit à leur identité de la part des majorités collectives. La reconnaissance entre les pairs se fait par le biais de « formes d'interactions ou d'intégrations sociales »122, c'est-à-dire le besoin de se sentir intégré et de communiquer avec autrui. Il existe trois formes d'intégrations : l'amour, que l'on obtient de ses proches et nous apporte la confiance en soi, le droit en tant que citoyen et humain de la société qui nous donne le respect de soi, et la solidarité qui apporte l'estime de soi. Ces trois formes d'intégrations permettent chacune de fournir la reconnaissance. Mais lorsqu'un individu n'a droit à aucune de ces interactions, ou seulement deux, il ne se sent pas intégré parmi ses pairs. La formation de l'identité de quelqu'un l'amène dans des degrés de socialisation avec les autres, et cette socialisation va amener la reconnaissance. Cette lutte est avant tout pour échapper au mépris, à l'invisibilité à laquelle nous pouvons être confrontés. La reconnaissance se fait entre individus par ce que Kant évaluait de « représentation de la valeur » (Courtel, 2008), c'est-à-dire l'évaluation de la personne. Ainsi, nous pouvons faire le lien avec les réseaux sociaux car les jeunes individus, prêts à sortir de leur cocon familial, qui connaissent l'amour de leurs proches, vont aller à la rencontre voire à la confrontation de nouveaux individus. Ils vont ensuite chercher à être reconnus de ces autres, afin de se sentir exister et ancrés également dans une communauté. Les individus vont sur les réseaux sociaux dont Instagram, lieu d'interactions entre les pairs et d'exposition de soi. Ils vont rechercher

121COJRTEL, Yannick. La lutte pour la reconnaissance dans la philosophie sociale d'Axel Honneth. Revue des sciences religieuses, 2008, 5-23.

45

cette intégration en confrontant leur image sur internet. Ils vont tenter de se présenter, pour ensuite être enfin reconnus. Mais pour accéder à cette reconnaissance, ils vont devoir s'exposer et user de techniques afin de diffuser une image positive d'eux-mêmes et attiser l'amour chez les autres. Cette reconnaissance ensuite se mesure aux interactions et moyens de diffusion de l'appréciation des autres sur nous que nous allons développer dans les parties suivantes.

1.1.2 Être présent sur les réseaux sociaux comme technique relationnelle

Être visible sur les réseaux sociaux permet de créer ou de maintenir le lien social avec ses pairs. Nous parlons de « technique relationnelle » car nous allons faire des actions dans la vie réelle afin de pouvoir les retransmettre sur le web. Par exemple, aller à des concerts ou voir des amis et diffuser des photographies ou vidéos de cet instant sur sa page. C'est une sociabilité « activée dans le réel pour la poursuivre dans le virtuel ». (Cardon, 2011)123. Plusieurs interrogés continuent d'échanger avec leurs proches sur les réseaux sociaux : « C'est-à-dire que la plupart des personnes à qui je parle sur internet sont déjà des amis et des connaissances que j'ai » (Solène)124. Le fait de vouloir maintenir ou de créer un lien social avec autrui n'est pas uniquement dans le but de rencontrer ou d'entretenir une amitié. Pour les jeunes individus, cette visibilité sert dans sa quête de reconnaissance. Le fait d'exposer ses liens sur internet, permet de tester les relations qu'on entretient « Si j'essaye de communiquer avec les potes que j'ai pris en photo » (Zélie).125 Pour eux, il y a un intérêt de créer du lien derrière ces échanges, Agathe pense même « que c'est l'objectif premier 126». Les personnes s'exposent également afin de prouver qu'elles sont présentes, elles sont là, prêtes à échanger. (Casilli, 2012).127 Pour cela, les abonnés peuvent se faire apparaître « en ligne », commenter les publications, envoyer un message sur les messageries instantanées, etc. La photographie devient un vrai message en lui-même adressé à ses amis comme ce que répond Zélie lorsqu'on lui demande si elle attend quelque chose de son entourage après avoir publié "Oh bah ouais, enfin oui enfin qu'ils répondent quoi». Le terme « répondre » prouve que la photographie est un message. Dans L'image conversationnelle (2014), André Gunthert explique que la photographie, en particulier numérique « ne peut exister sans destinataire ». Les clichés servent d'après lui à lancer les échanges avec la communauté. Les personnes ont tendance à exprimer des choses à la fois personnelles, pour montrer à autrui qu'on lui porte de l'intérêt, et universelles pour intéresser tout le monde. C'est ce

que Granjon appelle les « dispositifs relationnels du web ». Pour Serge Tisseron (2011)128, les
individus veulent être visibles pour pouvoir se raconter, affirmer qu'ils sont, mais toujours dans le

123 CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148

124 Entretien Solène, 1er juin 2019

125 Entretien Zélie, 03 juin 2019

126 Entretien Agathe, 19 juin 2019

127 CASILLI, Antonio. Être présent en ligne : culture et structure des réseaux sociaux d'Internet. Idées économiques et sociales, vol. 169, no. 3, 2012, pp. 16-29.

128TISSERON, Serge. Les nouveaux réseaux sociaux sur internet. Psychotropes, vol. vol. 17, no. 2, 2011, pp. 99-118.

46

but de se sentir exister et de se rendre acteur d'une situation. Olivier Voirol (2005)129 fait partie des auteurs qui lient la visibilité à la quête de reconnaissance. Le fait de vouloir une visibilité médiatisée, notamment en étant présent sur les réseaux sociaux, découle du besoin d'être reconnu socialement par les autres, et pour cela, les individus vont attirer l'attention sur eux. Il parle de « récit » dans cette médiatisation, qui correspond au fait que la société veut parler d'elle, a besoin de se mettre en scène dans les espaces médiatiques. Notre enquête nous montre d'ailleurs que les individus s'affirment bien en effet à travers leurs photographies : pour revendiquer leurs passions, « C'est plus un carnet de voyages » comme Morgane pour revendiquer leur attachement aux excursions, ou pour montrer leurs valeurs « Ça me permet de prendre part à certaines causes » (Sophie)130 et « montrer sa façon de voir le monde » (Jonathan)131.

1.1.3 Une volonté d'impressionner

Mais finalement, nous nous rendons compte que la volonté de partage avec autrui et d'impressionner ne sont pas si éloignées. Il y a une réelle envie de partager avec ses pairs qui ressort de notre analyse car 11 des 14 interrogés publient des photos pour partager avec la communauté. Mais ils veulent également « se créer des souvenirs », donc laisser des traces d'eux sur internet, pour montrer leur existence, leur vécu, ce qui est également une manière de partager. Comme en général les individus sur Instagram qui est un réseau social de l'esthétisme, postent des photographies de paysages idylliques voire d'eux-mêmes, c'est dans une volonté de montrer ce que l'on fait mais surtout d'émotionner autrui. Lorsque les individus publient, il y a toujours un intérêt à toucher les autres, sinon nos photographies resteraient cachées dans nos téléphones : « Je publie pour la création de souvenir et faire profiter à mes amis de la beauté des choses » (Christophe)132. Les traces sont un moyen de renseigner les autres « J'aime le fait de pouvoir créer une galerie de souvenirs avec des annotations comme les personnes, les lieux, la date. » (Elise133). Seule une personne de l'enquête a répondu de manière franche : « C'est pour partager avec les autres, aussi pour montrer mes fringues, donc sûrement pour impressionner indirectement » (Maurane). Il ressort de plusieurs interviews ce besoin caché de tout de même essayer d'impressionner sa communauté. En effet, en partageant nos biens, nos activités, nos voyages, nous soumettons éventuellement aux autres ce qu'ils n'ont pas, mais que nous si. Cette hypothèse se confirme avec les déclarations de deux autres interrogés « C'est pour les souvenirs, partager avec les autres, faire découvrir des lieux et des activités à d'autres gens et leur faire vivre des événements auxquels ils ne peuvent pas forcément aller »

129 VOIROL, Olivier. Les luttes pour la visibilité. Esquisse d'une problématique, Réseaux, vol. 129-130, no. 1, 2005, pp. 89121.

130 Entretien Sophie, 20 juin 2019

131 Entretien Jonathan, 12 juin 2019

132 Entretien Christophe, 11 juin 2019

133 Entretien Elise, 15 juin 2019

47

(Sophie). Il y a derrière cela un besoin de se sentir reconnu par autrui et de se démarquer des autres pour ce que nous possédons.

1.1.4 La peur de l'invisibilité

Axel Honneth, dans les besoins d'être reconnu parle de la notion d'invisibilité ».134 Les individus se rendent visibles sur les réseaux sociaux et tentent de rendre une image positive d'eux car ils craignent de ne pas être identifié aux yeux des autres. Ils désirent se faire remarquer pour ne pas se sentir invisible. C'est parce que nous connaissons les formes positives, le fait que l'on fasse attention à nous que nous nous sentons isolés et humiliés lorsqu'elles ne sont pas présentes. La reconnaissance est le fait de montrer à l'autre qu'il possède une valeur sociale. L'invisibilité se traduit dans le fait que la personne ne reçoit pas d'expressions publiques de la part des autres. En effet, notre enquête montre que ces expressions sont attendues par les individus, qui vont jusqu'à se remettre en question s'ils n'en reçoivent pas. « Bah au bout d'un moment si je n'ai vraiment pas de j'aime, je vais me dire qu'il y a un problème et je vais l'enlever » (Justine)135. Ce sont des gestes expressifs dans lesquels les individus se témoignent une reconnaissance, une visibilité. La reconnaissance peut représenter une « méta-action », c'est-à-dire que le geste expressif envers une personne lui montre que nous avons une action vers elle bienveillante (Honneth par Santarelli, 2016). Afin de se rendre toujours plus visibles et de s'ancrer plus loin dans le quotidien des gens, Instagram permet de publier des « stories » courtes et éphémères : c'est un dispositif qui permet de publier en temps réel une photographie ou une vidéo qui dure quelques secondes sur lesquels les individus peuvent publier du contenu moins qualitatif et plus spontané. Au-delà de la photographie et à l'image d'un journal intime, ce type de contenu permet de dévoiler encore davantage son quotidien sur internet afin de le partager avec les autres, et ne jamais être oublié.

1.2 L'image de soi sur Internet 1.2.1 E-réputation sur Internet

La réputation est « la représentation sociale d'une personne partagée, provisoire et localisée », c'est une sorte d'évaluation sociale. Elle dépend de l'influence qu'on exerce sur l'autre pour avoir une réputation positive, provoquer une réaction chez l'autre (commentaire, partage, etc.). Nous allons parler de « réputation-action » car elle se joue en un temps et un domaine donné (Bollier et Lohard, 2015).136 L'e-réputation est une réputation construite en ligne avec un dispositif d'évaluation à partir

134 Axel Honneth, Invisibilité : sur l'épistémologie de la « reconnaissance. Réseaux 2005/1 (n° 129-130), p. 39-57.

135 Entretien Justine, 03 juin 2019

136 BOULLIER, Dominique, et LOHARD Audrey. Médiologie des réputations numériques. Mesurer pour agir. Terrains & travaux, vol. 26, no. 1, 2015, pp. 105-125.

48

des « traces des activités des internautes » sur les réseaux sociaux. (Djebli, Alexis, 2017)137. Elle réside dans le fait de faire attention à ce que l'on publie, afin de faire attention à l'image que l'on renvoie et éviter les rumeurs. (Granjon, 2014)138. La réputation est essentielle sur les réseaux sociaux car lorsque nous nous exposons, nous attendons la reconnaissance de notre identité via autrui, de par l'estime que l'on nous porte.

1.2.2 Estime de soi et estime sociale

Les « dérives de l'extimité » peuvent amener les individus dans des situations compliquées. A trop vouloir être remarqué, parfois l'on peut oublier de susciter des sentiments positifs plutôt que des sentiments tout court (Tisseron, 2011). Mais en général, l'individu va essayer de montrer le meilleur de lui-même, il va toujours chercher à se mettre en valeur aux yeux de ses pairs. L'estime sociale vient de la société et dépend de son système de valeurs. Nous pourrions penser que l'estime sociale et l'estime de soi sont différents, hors l'estime de soi découle de l'estime sociale car « sans reconnaissance, l'individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie » (Honneth par Santarelli, 2016)139. Nous ne pouvons pas avoir d'estime de soi si nous ne développons pas des valeurs propres à nous-mêmes, si notre contribution à la société n'est pas reconnue ou n'est pas estimée par les autres. Cela peut paraître ironique car nous ne pouvons pas avoir d'estime de nous-même si nous n'avons pas de valeurs propres mais il faut que ces dites-valeurs soient également partagées par la société. L'estime de soi qui se crée par la reconnaissance des qualités et capacités de l'individu selon ce système de valeurs. L'estime sociale, elle, permet aux individus de se voir et se raconter de façon positive grâce à la reconnaissance de « singularité » par les pairs. (Ils vont partager des choses ensemble). Les individus vont sur les réseaux sociaux pour montrer leurs goûts, leurs valeurs et rendre légitime leurs actions. Mais ces goûts se retrouvent au final partagés par d'autres individus dont on cherche la reconnaissance, ce qui créé une uniformisation de la société pour la recherche de la reconnaissance. Il faut se montrer pour se construire une estime de soi. Nous pouvons également parler de « respect de soi » (Mead par Honneth dans Santarelli, 2016)140 qui est lié à la reconnaissance de ses pairs. Le fait de se respecter donne à l'individu un sentiment de supériorité. C'est ce sentiment qui le fait se distinguer des autres et lui donne l'impression d'être un être singulier. Les abonnés interrogés ressentent tous ce besoin de recherche de reconnaissance car ils

137 DJEBLI Yasmine, ALEXIS Ophélie. Instagram : La réalité qui se cache derrière nos photos. Master SHS UPEM, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, Les mondes numériques. 21 janvier 2017 - Consulté le 04/03/19

138 GRANJON, Fabien. Du (dé)contrôle de l'exposition de soi sur les sites de réseaux sociaux. Les Cahiers du numérique, vol. vol. 10, no. 1, 2014, pp. 19-44.

139 SANTARELLI, Matteo. L'estime de soi : un cas particulier d'estime sociale. Terrains/Théories, 2016, mis en ligne le 17 août 2016

140SANTARELLI, Matteo. L'estime de soi : un cas particulier d'estime sociale. Terrains/Théories, 17 août 2016 (

49

ont accès à une certaine estime d'eux, déjà parce qu'ils ne s'exposent pas de manière impudique, qu'ils font attention à l'image qu'ils rendent d'eux.

1.2.3 Marque de reconnaissance des pairs : le système de j'aime et de commentaires

Instagram comme tout autre réseau social possède un système d'appréciation des contenus publiés : les anciens « j'aime » que l'on retrouvait sur Facebook sont représentés maintenant par un coeur, qui sert à montrer à l'utilisateur si l'on apprécie ce qu'il a publié. Axel Honneth (Honneth dans Santarelli, 2016)141 parle de « médiation expressive », c'est-à-dire que les individus, en s'exposant se portent à la connaissance d'autrui, puis cette existence va être légitimée par des actions ou expressions. Il y a également le système de commentaire où l'on peut exprimer ce que l'on ressent de la publication. En général, les individus attendent des commentaires positifs où l'on exprime l'adoration, la beauté, la qualité, etc. André Gunthert142 qualifie cela de « réponses collectives à un événement commun ou des occasions culturelles ». Il explique ensuite que le dispositif d'appréciation donne une légitimité à la fois sociale, critique et esthétique à la photographie. Il est étonnant de remarquer que le système de notation est presque devenu un moyen de communication à part entière. Lors des entretiens, lorsque nous demandons aux interviewés ce qu'ils feraient si une photo n'était pas «aimé» pas leur communauté, les réactions sont sans équivoques «Bah je trouve ça bizarre mais oui, si je n'ai pas de j'aime, je l'enlèverais» (Zélie143), les jeunes n'imaginent pas la possibilité de n'avoir aucune réaction de leurs abonnés. Ils sont tant dans la recherche incessante de réactions et le retour immédiat de celles-ci de la part de leurs amis qu'il n'est pas commun de n'obtenir aucun retour. Le fait de mettre en ligne notre apparence que les autres peuvent « juger », à partir du système de j'aime et de commentaires, est un moyen d'instaurer un système autorégulé pour la reconnaissance collective.144 Les likes « apaisent » car ils sont ressentis comme des marques d'attention de la part des autres, il peut être vu comme une unité de mesure de l'attention et de la bienveillance que les autres nous portent. Nous pouvons illustrer ces propos par l'exemple de l'épisode « Nosedive » de la série Black Mirror (épisode 1, saison 3) qui montre une société dominée par les réseaux sociaux, où les rapports entre humains sont calculés car tous évalués selon un système de notation que nous pouvons retrouver par exemple sur les sites d'achats en ligne. Le personnage principal tente de s'en sortir dans sa vie en essayant d'atteindre une note plus haute que celle qu'elle possède dans l'application pour être reconnue par la société et accéder à ce qu'elle désire. Nous ne sommes pas si loin de cette vision chaotique des rapports humains. Notre enquête révèle que les individus attendent des expressions positives, malgré qu'ils disent parfois le contraire, ils se contredisent pour ne pas avouer la vérité « Non je ne veux pas de like, je veux juste émerveiller les gens et déclencher des réactions

141 SANTARELLI, Matteo. L'estime de soi : un cas particulier d'estime sociale. Terrains/Théories, 17 août 2016

142 GUNTHERT André. L'image conversationnelle. Études photographiques, n°31. 2014

143 Entretien Zélie, 03 juin 2019

144 GUNTHERT André. L'image conversationnelle. Études photographiques, n°31. 2014

50

positives » (Christophe145) mais sur les réseaux sociaux, s'il y a réaction positive, il y a appréciation de la part de ses pairs avec le système des j'aime. A contrario, peu de personnes désirent de commentaires. Cela s'explique par le fait que le commentaire a moins un impact que la reconnaissance positive que le j'aime, réel symbole d'engagement et d'appréciation.

2. L'image de soi comme objet de marketing

2.1 Les techniques de promotion de soi pour la reconnaissance

2.1.1 Le personnal Branding

Dans l'e-réputation, nous pouvons parler de personal branding, ou le fait de se « promouvoir soi-même son image et ses compétences par le biais des techniques marketing et publicitaires utilisées habituellement pour promouvoir une marque. Dans cette démarche, l'individu vise à devenir lui-même une « marque reconnue » (définition-marketing)146. Sur les réseaux sociaux, les individus ont en effet recours à des techniques de marketing afin de se vendre, de se mettre en valeur. Comme nous avons pu l'étudier précédemment, les individus utilisent des techniques pour se mettre toujours en valeur et en scène tel un produit, sur les réseaux sociaux. Ils vont utiliser de jolis décors, postent de jolies images, on affiche ses goûts, ce qu'on aime, ses activités, les liens vers des sites professionnels ou vers les activités de la personne. Nous avons remarqué que les comptes Instagram sont parfois présentés tels des curriculums vitae : les personnes mettent en avant leur métier, leurs activités, les langues qu'elles parlent, les lieux où elles sont allées, etc. C'est pourquoi la photographie de profil peut être importante pour les utilisateurs des réseaux sociaux, car c'est la première choque qu'une autre personne voit de nous. Ainsi, chaque image doit refléter au mieux notre personnalité et nos caractéristiques. Il y a un but de se mettre en valeur et d'attirer la reconnaissance de ses pairs. C'est une technique d'idéalisation de soi en montrant le meilleur de ce que l'on est et de ce que l'on fait. (Brodin et Magnier, 2012).147

2.1.2 L'egocasting

Cette notion nous vient de l'anglais et se définit comme la « possibilité, via la technologie, de faire venir le monde à soi, où que l'on soit, afin qu'il s'adapte à nos envies ».148 Ce phénomène s'est développé avec internet, qui a permis à chacun de pouvoir diffuser des informations sur lui à travers le monde. Le but de l'egocasting est avant tout d'attirer l'attention sur soi en diffusant des informations nous concernant, et de se créer une certaine image de soi à travers l'impression que

145 Entretien Christophe, 11 juin 2019

146 BARTHELOT, B. Définition : Personal branding. 21 janvier 2018

147 BRODIN, Oliviane, et MAGNIER Lise. Le développement d'un index d'exposition de soi dans les médias sociaux : phase exploratoire d'identification des indicateurs constitutifs. Management & Avenir, vol. 58, no. 8, 2012, pp. 144-168.

148 L'egocasting, le dico du marketing

51

l'on va donner aux autres. (Cassan, 2015).149Sur les réseaux sociaux, cette technique est partout car chaque individu poste forcément de l'information le concernant, que ce soit ses humeurs, des selfies, des photographies de groupes ou un simple j'aime, ces informations révèlent des choses sur nous, mais toujours dans le but de trouver une estime de soi et la reconnaissance d'autrui. C'est une notion importante car tout ce que diffuse les individus se fait dans une démarche d'egocasting : nous choisissons ce que nous désirons montrer (d'où la notion de casting) et d'ego (ce qui nous concerne). Les publications sur les réseaux sociaux ne sont jamais diffusées pour rien ni personne, elles activent des réactions chez autrui que l'on recherche, on recherche un retour de notre communauté qui représente un retour sur soi et un besoin de reconnaissance. Nous pouvons recroiser ces affirmations avec le besoin de recevoir des retours de la part de sa communauté avec un système d'appréciation qui nous montre que ce que nous montrons est validé, et qu'ainsi, nous sommes nous-mêmes validés par les autres. Nous retrouvons cette notion d'egocasting lors de notre enquête de terrain de par la volonté pour les individus de vouloir montrer à l'unanimité des instants « Seulement des moments qui sortent de l'ordinaire ».150

2.1.3 L'ethos numérique

L'ethos se résume à des « traits de caractère que l'orateur doit montrer à l'auditoire pour faire bonne impression : ce sont ses aires » (Barthes dans Maingueneau, 2002)151. C'est « tout ce qui, dans l'énonciation discursive, contribue à mettre une image de l'orateur à destination de l'auditoire » (Leclerq par Maingueneau, 1992). C'est l'orateur qui décide de ses propos avec soin, afin de donner une certaine image de lui auprès de ceux qui l'écoutent. Désormais sur internet, de nouveaux langages existent, basés sur une autre forme de discours, celui de l'image. Nous pouvons parler d'ethos à travers l'image que l'on renvoi comme dialogue (Amossy, 2014)152. Dans les interactions sociales, chacun projette une image de soi sur l'autre. Ervin Goffman (1973)153 développe une théorie selon laquelle les individus doivent se montrer dans « un jeu théâtral », dans lequel il faut prendre davantage en compte le comportement plutôt que le discours, qui vise à « exercer une influence sur son interlocuteur » (Goffman par Amossy, 2014). Sur Instagram, nous allons prendre d'autres signes locutoires qui montrent que les individus utilisent un ethos numérique tourné vers l'image tels que la posture utilisée, les positions, mimiques, regards, les émoticônes ou hashtags utilisés, etc. D'après notre analyse de contenus, nous remarquons qu'il suffit de visionner la photographie d'une personne

149 CASSAN, Geneviève. L'égocasting sur Instagram : la génération Y à la découverte du monde. Mémoire de Sciences de la gestion, option Marketing, sous la direction de Christian Dussart, HEC Montréal, Novembre 2015

150 Entretien Claire, 18 juin 2019

151 MAINGUENEAU, Dominique. Problèmes d'ethos. In: Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°113-114, 2002. pp. 55-67.

152 AMOSSY, Ruth. L'éthos et ses doubles contemporains. Perspectives disciplinaires. Langage et société, vol. 149, no. 3, 2014, pp. 13-30.

153 GOFFMAN, Ervin. La mise en scène de la vie quotidienne 1. La présentation de soi. Paris : Les éditions de minuits, 1973, 368 pages

52

pour cerner qui elle et quelle image elle renvoi. Dans le numérique, l'auditoire est décuplé, et il faut tenir des « performances réelles liées aux destinataires différents et des mises en scène contextualisées » (Lachance, 2015)154. Il faut répondre aux différents interlocuteurs qui nous regardent via leurs écrans, qui nous amènent à diffuser différentes facettes de nous. Les jeunes individus cherchent le regard de l'autre dans les différentes relations qu'il a. Jocelyn Lachance insiste sur le fait que les jeunes et les adolescents sur les réseaux sociaux utilisent un ethos qui se « déploie » entre une production personnelle, et la mise en scène de cette réalité. Nous pouvons en tout cas conclure qu'il y a un besoin de plaire à la communauté malgré les contradictions. En effet, lorsque nous demandons si les photographies doivent plaire à autrui, la plupart des interrogés répondent par la positive « Oui j'attends qu'elles plaisent »155 et d'autres que les photos doivent servir à plaire à soi-même. Seulement, certains affirment ne pas désirer plaire aux autres mais déclarent se remettre en question si elle n'est pas aimée. Il y a un manque de cohérence entre les propos qui nous indique que les interrogés ne sont pas sincères face aux questions. Mais la plupart comme évoqué précédemment cherchent à échanger avec les autres et cherchent à montrer des paysages esthétiques. Le croisement de ces informations nous invite à comprendre que les individus, à travers la mise en scène de leurs clichés, leur volonté de partage et l'attente d'expressions de la part de ses pairs, veulent plaire à eux-mêmes, mais également à ceux qui regardent.

2.1.4 Les filtres et retouches photo comme contrôle de son image

L'analyse terrain nous montre que la majorité des abonnés modifient leurs photographies avant de les publier. La plupart utilisent les filtres Instagram proposés, certains modifient d'autres caractéristiques comme la luminosité, les floues, etc. Il est mis en avant que seules les personnes souhaitant se démarquer ou ayant un compte professionnel utilisent des logiciels de retouche de photographies. En effet, Jonathan veut se démarquer sur ses images « Je veux faire évoluer mon propre style »156 et donc n'utilisent pas les filtres mais retouche le reste avec son téléphone. Les autres, influenceurs ou mannequins, utilisent des logiciels plus performants que les filtres Instagram car ils doivent apporter un résultat professionnel et parfait. Cependant, nous avons décelé dans les entretiens qu'il y a une « normalisation » de l'utilisation du filtre sur Instagram telle qu'ils ne sont pas référencés par les abonnés dans les techniques de modification de photographies. Lorsque nous leur demandons s'ils « retouchent leurs clichés », certaines réponses vont dans ce sens : « Non, je mets uniquement des filtres » (Sophie157), « Euh bah je mets un filtre Insta c'est tout » (Justine158). La

154 LACHANCE Jocelyn. L'éthos de l'adolescent dans les mondes numériques : le rôle des destinataires, Itinéraires, 2015, mis en ligne le 01 juillet 2016

155 Entretien Claire, 18 juin 2019

156 Entretien Jonathan, le 12 juin 2019

157 Entretien Sophie, 20 juin 2019

158 Entretien Justine, 03 juin 2019

53

modification de la photographie par un grand nombre d'abonnés montre qu'il y a une nécessité d'améliorer la photographie pour les autres. C'est donc une volonté de mise en scène de son quotidien et de soi, surtout pour certaines personnes tels qu'Elise qui avoue utiliser les filtres lorsqu'il s'agit de selfie. Les individus veulent montrer une image d'eux et de leur vie plus esthétique que dans la réalité, comme un vernis mis sur le réel. Ces pratiques sont devenues anodines au point de ne plus apparaître comme un outil de retouche. Le besoin de montrer une image de soi positive nous amène à brouiller nos perceptions de la réalité et du faux. Cela prouve un besoin naturel de se mettre en scène pour apparaître sous son meilleur jour

3. Le sentiment d'appartenance dans la communauté d'Instagram 3.1 Les codes Instagram

3.1.1 Utilisation des mêmes codes pour le sentiment d'appartenance

Le réseau social Instagram présente des « formes sociales visuelles répétitives qui codifient les échanges » (A. Gunthert, 2014). Nous pensons que le fait que les utilisateurs du réseau social Instagram utilisent les mêmes codes visuels, les mêmes outils ou spécificités entraîne une volonté de créer un sentiment d'appartenance avec ses pairs. Instagram dicte en effet des tendances, les sujets à montrer, les hashtags à utiliser, jusqu'à créer un système de codes partagés. C'est un « univers codé dans lequel on s'identifie et on se ressemble » (Devosse, 2017), cela retransmet un sentiment d'appartenance dans une communauté dans laquelle on se sent exister. Yves Leroux, Psychanalyste159 a d'ailleurs déclaré que « Nous sommes des êtres sociaux et nous avons besoin de nous conformer à la société pour intégrer un mouvement, l'image est une colle sociale qui permet de partager des émotions et des paroles ». Il existe en effet des informations qui démontrent que les individus usent des mêmes références, ce qui homogénéise les contenus d'Instagram. Roland Barthes, reprit par les mots de Sylviane Conord160, nous dit que la photographie est un médium singulier, délimitée « par un cadre formel, subjectif construit par les choix techniques et esthétiques du sujet photographiant issus des relations que ce dernier entretient avec le monde et les sujets photographiés. Il y a une double position conjointe : de réalité et de passé ». L'analyse de contenu montre certains individus tentent d'être originaux et de se démarquer des autres en mettant en avant leur créativité ou leurs passions (exemple de la femme qui fait du yoga dans les rues) mais dans l'ensemble, il y a une forte homogénéisation des comptes et des photographies : une partie montre des personnes en train de s'exhiber devant des paysages, en train de poser, de montrer les meilleurs moments de leur quotidien, une autre partie montre des instants du quotidien améliorés, des instants captés, des paysages et d'autres qui sont moins créatifs et veulent simplement poster des

159 Devosse, Gabrielle. Instagram uniformise-t-il nos goûts ? Psychologies, 6 novembre 2017

160 CONORD, Sylvaine. Usages et fonctions de la photographie. Ethnologie française, vol. 37, no. 1, 2007, pp. 11-22.

54

selfies au quotidien. Les entretiens nous révèlent que 5 personnes sur 14 recherchent de l'originalité dans ses clichés. « Pour sortir de ce que les autres ont l'habitude de voir » (Camille), seulement, avec la masse photographique sur Instagram, il est désormais difficile de sortir du lot comme le souligne Claire « Ça ne sert à rien d'essayer d'être originale puisque tout le monde fait la même chose ». Qu'il y ait une volonté d'être original ou non, les individus réalisent tous des mises en scène de leurs photographies qui rendent les clichés similaires.

3.1.2 L'esthétique

Depuis l'enfance, les individus sont régis par des normes dans lesquelles ils évoluent : les normes familiales, scolaires, etc. ce qui va participer à la construction de l'image de soi de l'individu. Ces normes vont, en grandissant, prendre différentes formes. (Fourcade, 2018)161 Ils vont beaucoup s'attacher aux normes sociales, auxquelles ils adhèrent de par les liens sociaux, notamment les codes vestimentaires, physiques, etc. Instagram dans ses usages impose une recherche d'esthétique dans les photographies postées. Les individus recherchent désormais la perfection de l'image, du corps, afin d'être sûr de recevoir des retours positifs de la part de la communauté. Les réseaux sociaux diffusent des tendances esthétiques et des valeurs que nous suivons afin d'accéder à la reconnaissance et au sentiment d'appartenance des autres. Il faut utiliser les codes modernes afin de pouvoir intégrer des groupes « attractifs » ou pour être intégré. Il existe différentes catégories sur Instagram de personnes qui se reconnaissent entre elles et qui ainsi, renforcent leur sentiment d'appartenance. Nous y retrouverons les individus sportifs, qui partagent les codes de la mode et de la beauté, du voyage, etc. (Eglem, 2017)162. Il existe réellement une codification des usages sur Instagram. Les individus interrogés pour ce mémoire déclarent tous poster des photos qui leur plaisent, qu'elles trouvent jolies, selon leur propre esthétique, mais il y a toujours une recherche de la beauté « Euh c'est pour montrer mon quotidien quoi, parce que je trouve qu'une photo est super belle aussi. C'est vraiment pour montrer des belles photos quoi. » (Justine163), Ainsi les interrogés nous révèlent vouloir partager des clichés « beaux » ou « jolis ». 4 d'entre eux nous révèlent vouloir un compte esthétique. « J'aime le principe d'avoir une jolie galerie de photos » (Morgane)164.

3.1.3 Le hashtag

Le « Hashtag » est un mot précédé d'un croisillon (#) et permet de regrouper selon des groupes différents les données publiées sur les réseaux sociaux qui les utilisent (Instagram, Twitter, Facebook,

161 FOURCADE, Jean-Michel. Ces corps qui nous fascinent : une nouvelle étude souligne à quel point les émissions de télé réalité et les réseaux sociaux ont un impact redoutable sur l'image de soi des ados. Atlantico. 2018

162 EGLEM, Elisabeth. Représentations du corps et réseaux sociaux : réflexion sur l'expérience esthétique contemporaine. Sociétés, vol. 138, no. 4, 2017, pp. 99-110.

163 Entretien Justine, 03 juin 2019

164 Entretien Morgane, le 10 juin 2019

55

etc.) selon Metricool.com165. Sur Instagram, il n'existe pas d'algorithme de filtrage tel que sur Facebook. Pour pouvoir accéder à un contenu spécifique, il faut se servir des hashtags. Il en existe un nombre considérable. Il est le meilleur moyen d'acquérir de la visibilité auprès de la communauté et ainsi de se faire connaître. Cela entraîne un plus grand nombre d'abonnés et de « j'aime » et de commentaires. Mais au départ, les hashtags servent à « bien identifier » les photographies afin qu'elles apparaissent selon des castes lors des recherches des internautes. Il y a une codification à travers ce système de référencement de ses données car les effets de modes des termes à utiliser montre qu'il y a une uniformisation des hashtags utilisés. En utilisant les mêmes hashtags, par exemple, les individus vont se reconnaître dans les classifications et créer une communauté d'appartenance. Par exemple, les personnes vont se suivre car elles partageront les mêmes intérêts. Par exemple, ceux qui s'intéressent à la mode et aux marques et qui vont les référencer, aux activités et au sport (#fitgirl, #fitness), ceux qui vont créer un sentiment d'appartenance à leur ville (#lille) ou aux lieux qu'ils visitent (#bali, #balilife). Nous remarquons dans notre analyse que les personnes qui utilisent le plus les hashtags sont celles qui se montrent le plus sur les réseaux sociaux et qui cherchent le plus la visibilité mais les résultats de l'enquête restent mitigés. Les interrogés n'utilisent quasiment pas de hashtags excepté Agathe et Morgane voulant identifier des marques ou des lieux sur leurs photos. Cependant, l'analyse de contenus montre leur très forte utilisation. Certains d'ailleurs n'hésitent pas à utiliser des hashtags qui ne possèdent pas de lien avec leurs photographies. D'autres vont même jusqu'à utiliser plusieurs variantes d'un mot pour être sûr d'apparaître dans les recherches (#picoftheday, #photodujour, #pictureoftheday). Le réseau social instaure un réel sentiment d'appartenance en créant son propre langage qui réunit les individus au sein de la communauté « Instagram » tels que #instagood, #instalife, #instapic pour référencer le fait que les instant exceptionnels et agréables de sa vie sont des instants « Instagram ». Les photographies deviennent de véritables objets dédiés à Instagram, ce qui prouve que l'esthétique et le beau sont les maîtres mots du réseau social.

3.1.4 Ritualisation des stéréotypes et fausses réalités : montrer l'exceptionnel

D'après l'article d'Ervin Goffman (1977)166, nous nous rendons compte qu'il y a une ritualisation de la féminité dans les médias traditionnels (magazines, publicité, etc.) que nous retrouvons sur les réseaux sociaux. Nous retrouvons par exemple lors de notre étude le fait de modifier les images, de les rendre appréciables aux spectateurs, de jouer avec son image en se mettant en scène. Les images que certaines personnes montrent sur les réseaux sociaux renvoient aux stéréotypes visuels auxquels nous sommes confrontés sans cesse : la femme belle, des positions suggestives, des hommes torses-

165 MARTIN, Sarah. Instagram, les hashtags les plus utilisés. Metricool, 2019

166 GOFFMAN, Ervin. La ritualisation de la féminité. Actes de la recherche en sciences sociales. 1977, n°14, 34-50

56

nus et musclés, la sportive sexy, la mère épanouie, la mariée comblée, etc. les individus présentes des scènes du quotidien dans lesquelles chacun se reconnaît et peut s'identifier. A l'image des photographies au début des réseaux sociaux, les individus aiment à montrer leur quotidien mais toujours dans le côté événementiel, montrer une vie « normale » quotidienne idéale, dynamique. Les utilisateurs d'Instagram vont avoir tendance à insister sur les événements de la vie tels que les voyages, les fêtes, les mariages, les voyages, les vacances, etc. « Les moments qui sortent de l'ordinaire » comme le déclare Morgane dans son entretien. Lorsque dans les entretiens nous avons demandé aux interrogés quel sujet ils immortalisaient sur leurs photos, les réponses sont homogènes : « Photo de voyage ou d'animaux », « je mets des photos de mes vacances, de mes copains ou des concerts ». On met en avant le positif de sa vie. Nous pouvons remarquer qu'à l'unanimité, les individus préfèrent montrer ses situations exceptionnelles qu'anodines. Il y a derrière cette démarche une volonté de recherche de visibilité en cherchant l'intérêt de la communauté « Quand je publie des photos c'est justement pour changer de l'ordinaire, honnêtement je pense que les gens s'en foutent de savoir ce que tu manges le matin donc je ne vois pas l'intérêt » (Camille167). Il y a toujours cette recherche de mettre en avant des instants particuliers que l'on retrouve dans les thèmes photographiques : le voyage, les vacances, les activités. D'après l'analyse, une grande partie des personnes cherchent à mettre en avant l'aspect exceptionnel de leur vie, de montrer « des moments spéciaux » (Zélie et Justine168) pour intéresser sa communauté et sortir du lot.

3.2 Les risques pour l'image de soi dans la recherche d'appartenance et de reconnaissance

3.2.1 Complexes et image négative de soi

Cette recherche de la perfection sur les réseaux sociaux, de soi et de son quotidien, malgré une mise en scène très travaillée, peut amener les individus à développer des sentiments négatifs vis-à-vis d'eux-mêmes. Nous pouvons développer des troubles de notre image, face à des individus sportifs exposant continuellement leur physique et leurs performances. Parfois, nous utilisons la personnalité des autres comme moteur (Mayer, 2018)169 pour leur ressembler, pour espérer obtenir la reconnaissance de ces individus que l'on idéalise. Nous pouvons également parler de l'exemple des influenceurs. Les auteurs parlent d'une influence frappante des instagrammeurs professionnels sur les abonnés, mais nous nous rendons compte que certaines personnes « lambda » ont autant de pouvoir que ceux-ci. Nous pouvons en apporter la preuve avec le nombre d'abonnés : lors de notre analyse de contenus, nous remarquons que trois comptes « lambda » comptabilisent 50 500, 165 00 et 10 100 abonnés tandis que certaines influenceuses ne comptabilisent que 5346 ou 9029 abonnés.

167 Entretien Camille, 07 juin 2019

168 Entretien Zélie et entretien Justine, le 03 juin 2019

169 MAYER, Agathe. Complexes : Attention aux réseaux sociaux. Top Santé, 08 mars 2018.

57

Lors de nos entretiens, nous avons relevé que les influenceurs occupent une grande place dans le fil d'actualité des individus et les inspirent. Malgré le fait que les personnes regardent beaucoup les photos des autres personnes et des professionnels qui parfois, les font se sentir mal, il y a quand même une évolution positive sur Instagram. En effet, prenons l'exemple de Morgane et d'Elise170 qui ont su s'accepter et rejeter les dictats grâce aux influenceuses féministes qui les inspirent. Comme évoqué précédemment, Instagram créé des normes esthétiques auxquelles les individus doivent se plier afin de se sentir « comme les autres », amenant ainsi une pression sur soi et son image. Les stéréotypes de beauté diffusés sur les réseaux sociaux peuvent amener à complexer, notamment le tiraillement entre l'image que l'on voudrait avoir de soi et celle que l'on possède réellement. Nous remarquons d'après notre analyse que les individus continuent de se sentir complexés face aux canons de beauté diffusés sur les réseaux sociaux. Instagram demeure un média de l'image qui pousse les instagrammeurs à se comparer. Ils se questionnent sur eux-mêmes et leur apparence quitte rejeter son identité. Les photographies véhiculant les stéréotypes de beauté confrontent les personnes à des sentiments négatifs : la jalousie, les complexes et donc la peur de ne pas être reconnu par les autres « Ça me donnait l'impression d'être banale et en-dessous de la société » (Morgane171). Certaines personnes se remettent même en question « je me demandais si j'étais normale » (Elise172) Mais peu à peu certains prennent conscience de la non-réalité de ce qu'ils voient, de la mise en scène des clichés auxquels il ne sert à rien de se comparer. Instagram devient pour certains un lieu de revendication de soi et de sa différence, de son corps, de ses droits. Quelques personnes n'hésitent plus à s'exposer malgré leurs divergences face aux normes habituelles du réseau social. On essaye de renverser la tendance, de s'exprimer. Mais ce phénomène n'est pas externe à notre problématique. Certains tentent de ressembler aux clichés de beauté auxquels ils sont confrontés, et d'autres essayent de se créer une identité et d'être reconnus pour leurs particularités. Nous pouvons revenir sur le paradigme d'Axel Honneth expliquant le besoin des minorités collectives de faire accepter leur existence et leur différence auprès de la société. Le besoin d'être reconnu pour soi auprès de ses pairs est le sentiment qui anime chacun, qu'il soit conforme aux autres ou au contraire, qu'il revendique ses dissemblances.

3.2.2 Intoxication numérique et besoin de déconnexion

Malgré les avantages que peuvent apporter le web 2.0, tant dans la rapidité d'accès aux informations, l'immédiateté des échanges, etc. il amène également de nombreux désagrément. La possibilité d'être joignable à tout moment entraine la création d'un sentiment de présence continuelle au travail ou aux réseaux sociaux. Nous recevons sans cesse des notifications des réseaux

170 Entretien Morgane, 10 juin 2019 et entretien Elise, 15 juin 2019

171 Entretien Morgane, 10 juin 2019

172 Entretien Elise, 15 juin 2019

58

sociaux, des messageries instantanées, des mails pour nous dire que telle personne nous a identifiés sur tel réseau, etc. il y a un sentiment de devoir être continuellement joignable en toute circonstance, ce qui parfois peut empiéter sur les relations réelles. Il est commun souvent de croiser des individus à plusieurs, partageant un instant dans le monde réel, mais tous en pleine conversation virtuelle. Mickaël Stora173 est un psychanalyste qui soigne des patients dépendants des objets numériques. Il parle d'intoxication au numérique lorsque les individus sont amenés à éviter la réalité pour se construire à travers un monde numérique qu'ils idéalisent.

3.2.3 Présence sur les réseaux sociaux sous la pression sociale

Certains individus peuvent ressentir le besoin de se déconnecter pour échapper à l'emprise du web sur leur vie. Mais certains n'y parviennent pas justement à cause de l'influence qu'exercent les réseaux sociaux sur leur quotidien174. Les individus peinent à rompre le contact avec autrui car l'homme est un être social. Il y a une peur de rater des rencontres, des événements car une grande partie de notre socialisation se fait sur le web. Les individus veulent se sentir reconnus et intégrés dans la société et refusent de s'isoler des autres. Nous échangeons continuellement avec nos pairs via les messageries instantanées, nous pouvons avoir accès à tous nos amis via les réseaux sociaux, à nos contacts professionnels sur Linkedin, nos musiques sur Youtube, etc. (Jauréguiberry, 2013)175. Nous retrouvons la peur de l'invisibilité d'Honneth (2005)176 évoqué plus haut. Les individus ne veulent pas se sentir délaissés et mis à l'écart de la société. Par exemple, notre époque fonctionne pour les jeunes selon les réseaux sociaux qui s'adaptent de mieux en mieux à nous, à nos goûts avec le traçage de nos données. Nous nous voyons nous proposer sur les réseaux sociaux des contenus qui nous intéresseraient, des événements qui nous plairaient, etc. mais surtout, ce sont sur les réseaux sociaux que s'organise également la vie collective. Nous pouvons faire des conversations groupées, des événements fermés pour les anniversaires ou les fêtes, etc. Mais si une personne ne possède pas de compte sur un réseau social, il est déconnecté de cette sociabilité virtuelle, il est mis de côté. Tous les sujets d'actualité, les effets de modes, les « mèmes » qui sont les nouveaux supports de conversations créés du lien entre les individus auquel nous n'avons pas accès si nous sommes déconnectés. La déconnexion est une volonté de contrôle de la technologie et d'évitement de cette pression numérique et sociale, une fuite à la surcharge des informations, à l'hyperconnexion mais à laquelle personne ne veut s'y résoudre par peur de se retrouver seul. (Jauréguiberry, 2014)177

173 BROUZE Emilie. Publier beaucoup, c'est trahir une fragilité narcissique, L'Obs, Nos vies connectées, 1er septembre 2017 (Consulté le 19 décembre 2018) < https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-

174 JEHEL, Sophie. Les pratiques des jeunes sous la pression des industries du numérique. Le Journal des psychologues, vol. 331, no. 9, 2015, pp. 28-33.

175 JAURÉGUIBERRY, Francis. Déconnexion volontaire aux technologies de l'information et de la communication. 2013

176 HONNETH, Axel. Invisibilité : sur l'épistémologie de la « reconnaissance. Réseaux, 2005, n° 129-130, p. 39-57

177 JAURÉGUIBERRY, Francis. La déconnexion aux technologies de communication. Réseaux, vol. 186, no. 4, 2014, pp. 15-49

59

IV. Conclusion

Ce mémoire s'appuie sur une problématique actuelle qui met en avant un phénomène touchant les jeunes individus sur leur identité et leurs usages des médias sociaux : Instagram de par le partage de photographies, est un outil de construction identitaire et social des 18 - 30 ans.

Une première partie, autour de l'évolution des usages de la photographies, du développement d'internet et des appareils de représentation nous a permis de comprendre le contexte dans lequel ont grandi les utilisateurs des réseaux sociaux. Cela nous a amené à nous demander pourquoi ce désir de s'exposer et de se mettre en scène de la part d'individus sur un réseau social autrement professionnel. Afin d'y répondre, nous avons développé deux parties qui correspondent à nos trois hypothèses.

La première hypothèse s'appuyait sur le fait qu'Instagram était un outil de mise en scène et d'exposition de soi pour la reconnaissance et de construction identitaire. Les individus vont se montrer sous une mise en scène afin de découvrir leur identité et d'en construire une sur internet à présenter à leurs pairs, afin de se sentir reconnu et apprécié. Nous avons voulu, dans un premier temps, essayer d'écarter l'idée du besoin de se montrer des jeunes individus pour se construire de celle du narcissisme. Pour cela, nous avons pris l'exemple du selfie. Rappelons que Dominique Cardon178 défendait la thèse selon laquelle les selfies sont des mises en scène de soi, de ses qualités et compétences pour la reconnaissance de ses singularités ; tandis qu'André Gunthert179 parlait de trouble de l'image de soi poussant les individus à exhiber leur corps. L'enquête de terrain nous a prouvé que cette pratique photographique n'est pas réellement de l'ordre du narcissisme, mais bien du besoin d'exposer son image pour se montrer au monde. La présentation est la première phase avant la reconnaissance car il faut être vu pour être reconnu. C'est ainsi qu'intervient le besoin de se mettre en scène : afin de présenter une image améliorée de soi à autrui et espérer en contrepartie des retours positifs. Elise180 par exemple, ne retouche que les photographies qu'elle prend d'elle-même. Nous avons retenu que la majorité des clichés présentaient les valeurs et les passions des individus, de leurs compétences. Cette notion de mise en scène est très importante car elle est l'ultime fil rouge de ce mémoire. Ervin Goffman181 a développé ce paradigme en comparant les interactions sociales à des pièces de théâtre durant lesquelles les individus réalisent des performances. Notre enquête dévoile une réelle volonté de modifier les façades que l'on présente à ses pairs, en se montrant sous des postures particulières, en déguisant son apparence sous des

178 CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148.

179 GUNTHERT André. L'image conversationnelle. Études photographiques, n°31. 2014.

180 Entretien Elise,

181 GOFFMAN, Ervin. La mise en scène de la vie quotidienne 1. La présentation de soi. Paris: Les éditions de minuits, 1973, 368 pages

60

apparats. Chacun va exacerber une partie de lui-même dans le jeu des interactions sociales, en se créant une image davantage joyeuse, davantage présentable au monde. Il y a également une mise en avant du décor qui plante l'action dans son contexte et par lequel on va présenter des paysages exceptionnels. Dans cette recherche de l'identité, nous avons également abordé le thème des identités multiples, notamment avec la distinction entre l'identité numérique et réelle. Dominique Cardon182 parle de « design de la visibilité », c'est-à-dire de la manière dont on se rend visible, paradigme que nous confirmons. Les interrogés mettent en avant différentes facettes d'eux-mêmes en fonction du contexte, Agathe parle d'ailleurs de « soi intime « et de « soi public ». Les personnes ont conscience de jouer un rôle sur les réseaux sociaux. D'ailleurs, nous avons analysé une forme d'identité construite sur le web et développée par Antonio Casilli183 : les pseudonymes. Il est en effet vrai que les instagrammeurs modifient leurs informations pour se donner une nouvelle facette d'eux-mêmes : ils tronquent leurs noms, utilisent des pseudonymes en dehors de leurs données personnelles. Enfin, la notion d'espace public et d'espace privé nous affirme également que les individus veulent contrôler leur image pour axer leur identité. Serge Tisseron184 et l'exhibitionnisme de soi montrent que les individus vont s'exposer pour se trouver à travers le regard de leurs pairs. L'intimité et l'extimité permet sur les réseaux sociaux de choisir ce que l'on décide de montrer ou non. Notre analyse de terrain met en avant le fait que l'intégralité des les profils interrogés ne veulent montrer uniquement ce qu'ils veulent que l'on voie d'eux. L'analyse montre que certaines personnes sont plus enclines à s'exposer sur internet, à dévoiler leur physique mais sans jamais aller dans l'intime. Il y a un contrôle évident de son image qui prouve que chaque exhibition et chaque exposition est le fruit d'une mise en scène pour modeler la représentation de soi aux autres. Notre enquête terrain confirme qu'il y a bien dans la façon de s'exposer des individus une recherche identitaire, de par la mise en scène et la pluralité des facettes dont ils ne savent pas laquelle utiliser face à leurs pairs. Ils se créent différentes images, entre la réalité et le virtuel afin de se forger une identité idéale à présenter à autrui.

Notre deuxième hypothèse est : Instagram comme outil de reconnaissance sociale. Nous voulions montrer que les individus s'exposent afin de créer des relations avec les autres, afin de se sentir reconnus par eux. Car sans reconnaissance, les personnes ne peuvent se sentir incluent dans la société. Dominique Cardon (2011) nous parle de la recherche d'interactions avec les groupes que l'on peut affilier à un besoin de reconnaissance de la part de ses amis dans l'entretien des liens. En effet, notre enquête prouve que nombreux interrogés continuent d'échanger avec leurs amis sur internet après s'être quittés. Il y a un besoin d'être présents et prêts à échanger, ce que l'on fait via les

182 CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148.

183 CASILLI, Antonio. Être présent en ligne : culture et structure des réseaux sociaux d'Internet. Idées économiques et sociales, vol. 169, no. 3, 2012, pp. 16-29.

184 TISSERON, Serge. Les nouveaux réseaux sociaux sur internet. Psychotropes, vol. 17, no. 2, 2011, pp. 99-118.

61

photographies, usages qu'André Gunthert (2014) appelle « image conversationnelle ». Serge Tisseron (2011) affirme que les individus se redents visibles pour se raconter, affirmer leur existence. En effet, les utilisateurs d'Instagram revendiquent leurs goûts, leurs passions, défendent des valeurs, imposent leur personnalité, tentent d'impressionner leurs pairs. L'analyse terrain nous révèle qu'effectivement, les personnes veulent publier des contenus esthétiques, qui sortent de l'ordinaire, ce qui est une volonté d'interpeller le spectateur. Axel Honneth185 accorde le besoin de reconnaissance à la peur de l'invisibilité, ce qui est confirmé par le fait que les utilisateurs des réseaux sociaux attendent des retours positifs des autres, ce qui leur donne l'impression d'exister et d'être légitime à publier du contenu. Ils font également attention à leur image sur internet afin d'avoir bonne réputation et être reconnus. Serge Tisseron (2011) affirme cette hypothèse en liant la reconnaissance à l'estime sociale et l'estime de soi. Leur volonté d'impressionner autrui, de leur plaire voire « de les émerveiller »186 est le résultat du besoin d'obtention de retours positifs de la part de la communauté pour le sentiment de reconnaissance. Sans ces appréciations, ces « expressions collectives » (Tisseron, 2011), les individus vont jusqu'à se remettre en question et douter d'eux. Pour toujours présenter une image d'eux positive et se mettre en avant, nous remarquons que les personnes vont avoir recours à des techniques de marketing tels que le Personal branding développé par Brodin et Magnier187 ou encore l'egocasting. Les comptes étudiés nous montrent qu'ils représentent comme une sorte d'album de compétences des individus. Nous pouvons parler de la notion d'Ethos de Ruth Amossy188. L'image est en un sens un élément de dialogue pour se donner une certaine contenance auprès de la communauté, ce qui est confirmé par la volonté des interrogés de vouloir plaire à leurs pairs. Pour instaurer cette image d'eux améliorée, ils vont retoucher leurs photographies avec des filtres ou logiciels.

Enfin, notre dernière hypothèse est Instagram comme outil de sentiment d'appartenance. Nous avions voulu démontrer ce que les individus publient sur Instagram participe à montrer leurs goûts et valeurs, afin de se sentir inclue dans une communauté partageant les mêmes qu'eux, ce qui est le sentiment d'appartenance. Pour se sentir intégré, les individus vont partager les mêmes codes sur les réseaux sociaux, ce que Gunthert (2014) appelle « des formes sociales visuelles utilisées pour codifier les échanges ». Nous pouvons dire que les personnes utilisent en effet des codes communs sur Instagram tels que les filtres,

185 BERTEN André. Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance. Traduit de l'allemand par Pierre Rusch. In : Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 99, n°1, 2001. pp. 135-139

186 Entretien Christophe, le

187 BRODIN, Oliviane, et MAGNIER Lise. Le développement d'un index d'exposition de soi dans les médias sociaux : phase exploratoire d'identification des indicateurs constitutifs. Management & Avenir, vol. 58, no. 8, 2012, pp. 144-168

188 AMOSSY, Ruth. L'éthos et ses doubles contemporains. Perspectives disciplinaires. Langage et société, vol. 149, no. 3, 2014, pp. 13-30

62

Gabrielle Devosse189 parle d'un univers dans lequel on s'identifie et se ressemble. En effet, les hashtags, qui permettent de rassembler les individus autour de valeurs et de goûts communs pour créer des communautés autour des loisirs, des marques, etc. Les photographies révèlent des signes récurrents au niveau des postures (mains dans les cheveux, dos aux paysages), les mêmes expressions (joie, bonheur), une omniprésence de l'esthétisme au niveau du décor et des techniques photographiques (filtres, luminosité, flous, etc.) Nous remarquons lors de notre enquête qu'Instagram a même crée son propre langage avec les hashtags (instamoment, instagood) pour que les utilisateurs se sentent intégrés dans une même communauté. Une autre preuve que les individus désirent être reconnus et intégrés, est leur besoin de s'inspirer des autres et de se comparer. Parfois, en voulant absolument ne pas se sentir en isolé des autres, les personnes se retrouvent confrontées à l'image d'eux-mêmes. Agathe Mayer190 a émis le paradigme de la personnalité des autres comme moteur, que l'on s'inspire des autres. Parfois ces inspirations peuvent être positives comme nous l'avons vu, mais souvent, le réseau social est un moyen de pression sociale : la représentation de notre corps face aux normes de beauté de la société, la nécessité d'être présent sur les réseaux sociaux pour ne pas passer à côté d'événements et se sentir isolés et bien d'autres.

Les réponses à nos hypothèses révèlent bien que le réseau social Instagram est un outil de construction identitaire et sociale pour les jeunes individus, malgré que certaines questions restent en suspens. En effet, nous recommandons de poursuivre ce sujet d'étude intéressant mais biaisé, notamment entre les résultats des entretiens et de l'analyse de contenu qui montraient des disparités au niveau de l'analyse. Certains freins ne nous ont pas permis de pouvoir développer le sujet à notre convenance. Mais il serait intéressant d'analyser le sujet afin de confirmées certaines questions auxquelles nous n'avons pas pu répondre. Afin d'obtenir des résultats plus concrets, il serait judicieux de réaliser une enquête plus large au niveau du secteur géographique et plus diversifiée, avec un échantillonnage plus important.

189 DEVOSSE, Gabrielle. Instagram uniformise-t-il nos goûts. Psychologies, 6 novembre 2017

190 MAYER, Agathe. Complexes : Attention aux réseaux sociaux. Top Santé, 08 mars 2018

63

V. Bibliographie

BOURDIEU, Pierre, CASTEL Robert, BOLTANSKI Luc, CHAMBOREDON Jean-Claude « Un art moyen, Essai sur les usages sociaux de la photographie », Editions de minuit, 1965, 368 pages

CAUNE, Jean. La médiation culturelle : une construction du lien social. Les enjeux de l'information et de la communication, 1999, vol. 1.

GOFFMAN, Ervin. La mise en scène de la vie quotidienne 1. La présentation de soi. Paris : Les éditions de minuits, 1973, 368 pages

GOFFMAN, Ervin. La ritualisation de la féminité. Actes de la recherche en sciences sociales, 14, 1977, p.34-50.

64

VI. Sitographie

01. net. Qu'est-ce que la photo numérique, 2002 (Consulté le 8 janvier 2019) < https://www.01net.com/actualites/quest-ce-que-la-photo-numerique-194347.html>

01. net. De quand date le premier smartphone, 2010 (Consulté le 8 janvier 2019) < https://www.01net.com/actualites/de-quand-date-le-premier-smartphone-519318.html>

A-VOTRE-IDÉE. Comment l'algorithme d'Instagram fonctionne. Traduit de l'anglais. (Consulté le 25 mai 2019) < https://a-votre-idee.fr/comment-algorithme-instagram-fonctionne/>

BARTHELOT, B. Définition : Personal branding. 21 janvier 2018 (consulté le 10 juin 2019) < https://www.definitions-marketing.com/definition/personal-branding/>

BAUHAIN, Valérie. Réseaux sociaux: ce que révèlent nos photos de profil. Psychologies. 2019 (Consulté le 7 décembre 2018) < https://www.psychologies.com/Beaute/Image-de-soi/Soin-de-soi/Articles-et-Dossiers/Reseaux-sociaux-ce-que-revelent-nos-photos-de-profil>

BERTHOMIEN Sandy. Les selfies: expression contemporaine de soi. Les mondes sociaux. Société. 2017. (Consulté le 11 février 2019) < https://sms.hypotheses.org/10552>

BROUZE, Emilie. Publier beaucoup, c'est trahir une fragilité narcissique. L'Obs, Nos vies connectées, 1er septembre 2017 (Consulté le 7 avril 2019) < https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20170831.OBS4056/reseaux-sociaux-publier-beaucoup-c-est-trahir-une-fragilite-narcissique.html>

COEFFE Thomas. Les 50 chiffres à connaître sur les médias sociaux en 2018. Leblogdumoderateur, 28 décembre 2017. (Consulté le 25 octobre 2018) < http://socialonline.over-blog.com/2016/01/les-reseaux-sociaux-et-son-histoire.html/>

Les évolutions du web : le web 1.0, le web 2.0, le web 3.0 et le web 4.0. CLICK2CELL. (Consulté le 26 novembre 2018) < https://www.click2cell.com/blog/evolutions-web-web-1-0-web-2-0-web-3-0-web-4-0/>

DELEFOSSE, Marie-Sarah. Jeunes et médias sociaux - quels enjeux ? Collection, Au quotidien. Etude du Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation, décembre 2016 (Consulté le 04/04/19) < http://www.cpcp.be/medias/pdfs/publications/jeunes_medias_sociaux-1.pdf>

DEVOSSE, Gabrielle. Instagram uniformise-t-il nos goûts. Psychologies, 6 novembre 2017 (Consulté le 25/02/19) < https://www.psychologies.com/Culture/Ma-vie-numerique/Articles-et-Dossiers/Instagram-uniformise-t-il-nos-gouts>

JEHEL, Sophie. Les pratiques des jeunes sous la pression des industries du numérique. Le Journal des psychologues, vol. 331, no. 9, 2015, pp. 28-33. (Consulté le 27 janvier 2019) < https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2015-9-page-34.htm>

Jeunes et médias. Mise en scène de soi-même et idéaux de beauté. (Consulté le 27 mars 2019) < https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjKv9O2rNfhAhU HRBoKHYLxC_UQFjAAegQIBBAB&url=https%3A%2F% 2Fwww.jeunesetmedias.ch%2Ffr%2Fthemes%2Fimage-representation-de-soi.html&usg=AOvVaw0Sc_sYvtEZlZv2yUXzVMZa>

KABORE, Salimata, L'impact de la télévision. Centre avec. (Consulté le 25 mai 2019) < http://www.centreavec.be/site/limpact-de-la-t%C3%A9l%C3%A9vision>

LACHANCE Jocelyn. L'éthos de l'adolescent dans les mondes numériques : le rôle des destinataires, Itinéraires, 2015, mis en ligne le 01 juillet 2016 (Consulté le 06 juin 2019) < http://journals.openedition.org/itineraires/3156 ; DOI : 10.4000/itineraires.3156>

LALO, Vanessa. Pourquoi regarde-t-on la télévision. 2011. PDF (Consulté le 12 février 2019) < http://vanessalalo.com/wp-content/uploads/2011/12/Pourquoi-regarde-t-on-la-t%C3%A9l%C3%A9vision.pdf>

Larousse. Média_médias. (Consulté le 02 juillet 2019)

< https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/m%C3%A9dia_m%C3%A9dias/50085>

La télévision aurait un impact négatif sur l'estime de soi des enfants. Magic Maman, 2012 (Consulté le 25 janvier 2019) < https://www.magicmaman.com/,la-television-aurait-un-impact-negatif-sur-l-estime-de-soi-des-enfants,2224,2140011.asp>

65

MARTIN, Sarah. Instagram, les hashtags les plus utilisés. Metricool, 2019 (Consulté le 19 janvier 2019) < https://metricool.com/fr/hashtags-plus-populaires-instagram/>

MAYER, Agathe. Complexes : Attention aux réseaux sociaux. Top Santé, 08 mars 2018. (Consulté le 7 avril 2019) < https://www.topsante.com/forme-bien-etre/bien-dans-ma-peau/estime-de-soi/complexes-attention-aux-reseaux-sociaux-624747>

NUMERAMA, Instagram. Polaroïd numérique filtré. (Consulté le 25 mai 2019) https://www.numerama.com/startup/instagram

Overblog. L'histoire des réseaux sociaux. 28 janvier 2016. (Consulté le 28 décembre 2018) < https://www.blogdumoderateur.com/50-chiffres-medias-sociaux-2018/>

PETIT, Pauline. Adolescents et réseaux sociaux : c'est grave docteur. Consoglobe, 9 juin 2016. (Consulté le 13 janvier 2019) < https://www.consoglobe.com/adolescents-reseaux-sociaux-relation-maitriser-cg>

PLASSIER, Pierre, Passé, présent et futur des #médias. Communication. 2015 (consulté le 23 mai 2019) < https://www.spotpink.com/2015/03/26/passe-present-futur-medias/>

ROUSSEAU, Nicolas, LASCH Christopher. La culture du narcissisme. 12 Juillet 2014, Actu Philosophia (Consulté le 15 avril 2019) < http://www.actu-philosophia.com/Christopher-Lasch-La-culture-du-narcissisme>

STORA, Michaël. Téléréalité : miroir mon beau miroir. Psychologies, 2017 (Consulté le 25 janvier 2019) < https://www.psychologies.com/Culture/Medias/Articles-et-Dossiers/Tele-realite-miroir-mon-beau-miroir/7>

WIKIPÉDIA, Histoire de la photographie, 2019. (Consulté le 27 mai 2019) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_photographie

ZERROUKI, Rachid. La télé-réalité, du divertissement à l'abrutissement. Slate. 2018 (Consulté le 25 janvier 2019) http://www.slate.fr/story/160213/television-tele-realite-anges-marseillais-chtis-influence-jeunes-divertissement-valeurs-stereotypes-intimite

Articles

AMOSSY, Ruth. L'éthos et ses doubles contemporains. Perspectives disciplinaires. Langage et société, vol. 149, no. 3, 2014, pp. 13-30 (Consulté le 25/02/19) < https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2014-3-page-13.htm>

AZAM, Martine, et AINHOA de Federico. Sociologie de l'art et analyse des réseaux sociaux. Sociologie de l'Art, vol. opus 25 & 26, no. 1, 2016, pp. 13-36 (Consulté le 27 novembre 2019) < https://www.cairn.info/revue-sociologie-de-l-art-2016-1-page-13.htm>

BERTEN André. Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance. Traduit de l'allemand par Pierre Rusch. In : Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 99, n°1, 2001. pp. 135-139. (Consulté le 16 mars 2019) < https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_2001_num_99_1_8017_t1_0135_0000_1>

BEAUDOUIN Valérie, VELKOSKA Julia. Constitution d'un espace de communication sur Internet (forums, pages personnelles, courrier électronique). In : Réseaux, volume 17, n°97, 1999. Internet, un nouveau mode de communication ? pp. 121-177. (Consulté le 16 avril 2019) < https://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1999_num_17_97_2169>

BOULLIER, Dominique, et LOHARD Audrey. Médiologie des réputations numériques. Mesurer pour agir. Terrains & travaux, vol. 26, no. 1, 2015, pp. 105-125. (Consulté le 3 mai 2019)

< https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2015-1-page-105.htm>

BRODIN, Oliviane, et MAGNIER Lise. Le développement d'un index d'exposition de soi dans les médias sociaux : phase exploratoire d'identification des indicateurs constitutifs. Management & Avenir, vol. 58, no. 8, 2012, pp. 144-168. (Consulté le 5 juin 2019) < https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2012-8-page-144.htm>

CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148. (Consulté le 26 avril 2019). < Https://www.persee.fr/doc/comm_0588-

8018_2011_num_88_1_2594?q=la+photographie+dans+les+r%c3%a9seaux+sociaux>

CASILLI, Antonio. Être présent en ligne : culture et structure des réseaux sociaux d'Internet. Idées économiques et sociales, vol. 169, no. 3, 2012, pp. 16-29. (Consulté le 6 février 2019)

< https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2012-3-page-16.htm>

66

CONORD, Sylvaine. Usages et fonctions de la photographie. Ethnologie française, vol. 37, no. 1, 2007, pp. 11-22. (Consulté le 5 avril 2019) < https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2007-1-page-11.htm>

DJEBLI Yasmine, ALEXIS Ophélie. Instagram : La réalité qui se cache derrière nos photos. Master SHS UPEM, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, Les mondes numériques. 21 janvier 2017 (Consulté le 04 mars 2019) < https://lesmondesnumeriques.wordpress.com/2017/01/21/instagram-la-realite-qui-se-cache-derriere-nos-photos/>

EGLEM, Elisabeth. Représentations du corps et réseaux sociaux : réflexion sur l'expérience esthétique contemporaine. Sociétés, vol. 138, no. 4, 2017, pp. 99-110. (Consulté le 09/05/19) < https://www.cairn.info/revue-societes-2017-4-page-99.htm>

FLUCKIGER Cédric. Blog et réseaux sociaux, outils de construction identitaire adolescente. 2010, Diversité, n°162, p.38-43 (Consulté le 8 février 2019) < https://hal.univ-lille3.fr/hal-01373990/document>

FOURCADE, Jean-Michel. Ces corps qui nous fascinent : une nouvelle étude souligne à quel point les émissions de télé réalité et les réseaux sociaux ont un impact redoutable sur l'image de soi des ados. Atlantico. 2018 (consulté le 12 février 2019) < https://www.atlantico.fr/decryptage/3470272/ces-corps-qui-nous-fascinent--nouvelle-etude-souligne-emissions-tele-realite-reseaux-sociaux-impact-redoutable-image-de-soi-des-ados-jean-michel-fourcade>

FUGIER, Pascal. Alain Caillé, La quête de reconnaissance. Nouveau phénomène social total. Lectures. Les comptes rendus, 18 avril 2008 (Consulté le 18 avril 2019) < http://journals.openedition.org/lectures/562>

GEORGES, Fanny. Représentation de soi et identité numérique. Une approche sémiotique et quantitative de l'emprise culturelle du web 2.0. Réseaux, vol. 154, no. 2, 2009, pp. 165-193. (Consulté le 22 novembre 2019) < Https://www.cairn.info/revue-reseaux-2009-2-page-165.htm>

GRANJON, Fabien, et DENOUEL Julie. Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives sur les sites de réseaux sociaux. Sociologie, vol. 1, no. 1, 2010, pp. 25-43 (Consulté le 04 avril 2019) < https://journals.openedition.org/sociologie/68>

GRANJON, Fabien. Du (dé)contrôle de l'exposition de soi sur les sites de réseaux sociaux. Les Cahiers du numérique, vol. 10, no. 1, 2014, pp. 19-44. (Consulté le 3 mai 2019) < https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-numerique-2014-1-page-19.htm>

GUNTHERT André. L'image conversationnelle. Études photographiques, n°31. 2014. Mis en ligne le 10 avril 2014 (consulté le 15 mars 2019) < http://journals.openedition.org/etudesphotographiques/3387>

GUNTHERT, André. La consécration du selfie, une histoire culturelle. Études photographiques, n°32, Printemps 2015 (Consulté le 8 février 2019) < http://journals.openedition.org/etudesphotographiques/3529.>

HÉMON Jacques. Les réseaux sociaux et le marché de la photographie. In: Cahier Louis-Lumière n°7, 2010. Nouvelles perspectives pour les photographes professionnels. pp. 18-26. (Consulté le 13 juin 2019) < https://www.persee.fr/doc/cllum_1763-4261_2010_num_7_1_927>

JAURIGUIBERRY, Francis Jauréguiberry. Déconnexion volontaire aux technologies de l'information et de la communication. 2013 (Consulté le 26/02/19) < https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00925309/document>

JAURÉGUIBERRY, Francis. La déconnexion aux technologies de communication. Réseaux, vol. 186, no. 4, 2014, pp. 15-49 (Consulté le 15 janvier 2019) < https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01427536/document>

LARDELLIER, Pascal, BRYON-PORTET Céline. « Ego 2.0 ». Quelques considérations théoriques sur l'identité et les relations à l'ère des réseaux », Les Cahiers du numérique, vol. 6, no. 1, 2010, pp. 13-34. (Consulté le 8 avril 2019) < https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-numerique-2010-1-page-13.htm>

LEE, Sang-Hoon, et YO-HAN Kim. L'expression de soi et les réseaux sociaux. Sociétés, vol. 133, no. 3, 2016, pp. 49-60. (Consulté le 17 mars 2019) < https://www.cairn.info/revue-societes-2016-3-page-49.htm>

L'egocasting. Le dico du marketing (Consulté le 26 mai 2019) < http://www.ledicodumarketing.fr/definitions/Ego-casting.html,>

LIPIANSKY, Edmond-Marc. L'identité dans la communication. Communication & Langages, volume 1993, no. 97, 1993, pp.31-37. (Consulté le 18 avril 2019) < https://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1993_num_97_1_2452> PEREA, François. L'identité numérique : de la cité à l'écran. Quelques aspects de la représentation de soi dans l'espace numérique. Les Enjeux de l'information et de la communication, volume 2010, no. 1, 2010, pp. 144-159. (Consulté le 7 février 2019) < https://www.cairn.info/revue-les-enjeux-de-l-information-et-de-la-communication-2010-1-page-144.htm>

67

PRADO DE OLIVEIRA, Luiz Eduardo. Axel Honneth : La société du mépris. Vers une nouvelle Théorie critique. Figures de la psychanalyse, vol. 18, no. 2, 2009, pp. 267-268. (Consulté le 16 mai 2019) < https://www.cairn.info/revue-figures-de-la-psy-2009-2-page-267.htm>

SANTARELLI, Matteo. L'estime de soi : un cas particulier d'estime sociale. Terrains/Théories n° 4, 2016 (Consulté le 09 février 2019) < http://journals.openedition.org/teth/667>

SION, Brigitte. Agathe LICHTENSZTEJN, Le Selfie. Aux frontières de l'égoportrait. Questions de communication, n°31, 2017, 495-496. (Consulté le 8 avril 2019) < https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/11290#quotation>

TISSERON, Serge. Les nouveaux réseaux sociaux sur internet. Psychotropes, vol. 17, no. 2, 2011, pp. 99-118. (Consulté le 5 février 2019) < https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2011-2-page-99.htm#>

TISSERON, Serge. Les jeunes et la nouvelle culture Internet. Empan, vol. 76, no. 4, 2009, pp. 37-42. (Consulté le 5 février 2019) < https://www.cairn.info/revue-empan-2009-4-page-37.htm>

TORDO, Frédéric. Séduire à l'ère du numérique : une séduction polymorphe à l'adolescence. Enfances & Psy, vol. 68, no. 4, 2015, pp. 83-92. (Consulté le 28 novembre 2019) < https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2015-4-page-83.htm>

VAUCELLE, Alain. Jeunesse et réseaux sociaux, le nouvel éthos postmoderne. La jeunesse comme culture. Colloque, Oct 2010, Carthage, Tunisie. (Consulté le 16 mai 2019) <hal-01305035f>

VIAL, Stéphane. L'être et l'écran. Comment le numérique change la perception. Presses Universitaires de France, 2013 (Consulté le 23 mars 2019) < https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01164617>

VOIROL, Olivier. Les luttes pour la visibilité. Esquisse d'une problématique, Réseaux, vol. 129-130, no. 1, 2005, pp. 89-121. (Consulté le 4 avril 2019) < https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2005-1-page-89.htm>

WEIBEL, Peter. Le pouvoir des images: des médias visuels aux médias sociaux, Perspective, n°1. 2012. p.5-7 (Consulté le 16 avril 2019) < https://journals.openedition.org/perspective/406#quotation>

Mémoires

BATY, Julie. Impacts des réseaux sociaux et applications sociales sur la représentation d'un soi pluriel. Mémoire information communication spécialité médias option Communication et technologie numérique, sous la direction de François Trousset, Celsa Paris-Sorbonne, 2016.

CASSAN, Geneviève. L'égocasting sur Instagram : la génération Y à la découverte du monde. Mémoire de Sciences de la gestion, option Marketing, sous la direction de Christian Dussart, HEC Montréal, Novembre 2015

CHOOEUM Sophie, GUEMAS, Marion. Le selfie au-delà de la simple représentation de soi. Mémoire en master 2 Culture et métier du web, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, 2017 (Consulté le 16 avril 2019) < https://lesmondesnumeriques.wordpress.com/2017/02/13/le-selfie-au-dela-de-la-simple-representation-de-soi/>

DAGNAUD, Monique. Génération Y. Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion. Presses de Sciences Po, 201. (Consulté le 28 mars 2019) < https://www.cairn.info/generation-y--9782724611953.htm>

HUYNH-MAI, Nam-anh et PERETOU Charlotte. Snapchat et Instagram : outils de communication et de reconnaissance sociale pour les adolescents. Master SHS UPEM, Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Les mondes numériques. 13 février 2017 (Consulté le 04/03/19) < https://lesmondesnumeriques.wordpress.com/2017/02/13/snapchat-et-instagram-outils-de-communication-et-de-reconnaissance-sociale-pour-les-adolescents/>

MARCHAND, Sarah. Instagram ou la dictature consentie. Genre, sexualisation et marketing sur le réseau de l'image carrée. Master 1 Arts du spectacle, communication audio et médias, Sous la direction de Marlène Coulomb-Gully, Université de Toulouse Jean Jaurès, 2016

PAILLARD Julie. La »photo ordinaire» : récit des banalités quotidiennes sur les réseaux sociaux en ligne. Analyse des usages photographiques sur Instagram. Sciences de l'information et de la communication. 2014. (Consulté le 11 mai 2019) <dumas-01064899>

PAUL Jolianne. Réseaux sociaux et image corporelle. Mémoire de maîtrise en service social. Sous la direction d'Alexandre Baril, Ph.D. Université d'Ottawa, 31 août 2018

68

VII. Annexes

Annexe 1 : Questionnaire / guide d'entretien 71

Annexe 2 : Exemple entretien 73

Annexe 3 : Grille d'entretiens 76

Annexe 4 : Grille d'analyse de contenu 77

Annexe 5 : Hypersexualisation sur les photographies Instagram 78

Annexe 6 : Maddisonyates 78

Annexe 7 : Fitjudi 79

Annexe 8 : Luci.ella193 79

Annexe 9 : Montrer des lieux beaux et monuments exceptionnels 80

69

Annexe 1 : Questionnaire / guide d'entretien

Entretien

Thème 1 : Présentation de l'interviewé

Sous-thème 1 : Présentation générale

Question 1 : Prénom / pseudonyme - si pseudonyme, pourquoi avez-vous fait ce choix ?

Question 2 : Âge

Question 3 : Métier / activité / études

Question 4 : Loisirs, passions ?

Sous-thème 2 : Fréquence d'utilisation

Question 1 : Temps d'utilisation d'Instagram ?

Question 2 : Type de compte (lambda, influenceur) ?

Question 3 : Nombre de personne qui vous suivent ?

Question 4 : Combien de fois allez-vous sur Instagram par jour ? Semaine ?

Question 5 : Publiez-vous souvent du contenu sur Instagram ?

Question 6 : Quel type de contenu publiez-vous ? (Des photos, vidéos, etc.)

Thème 2 : Utilisation d'Instagram à caractère individuel

Sous-thème 1 : Mise en avant de soi

Question 1 : Photos de façon spontanée ou élaborée ?

Question 2 : Retouchez-vous les photographies ? Fréquence ? Manière ? (Filtres, luminosité, avec un logiciel de retouche de

photo)

Question 3 : Si vous publiez des photos, quel type de photo montrez-vous ? (Selfie, photo de voyage, photo d'animaux, des

amis, etc.) ?

Sous-thème 2 : Décor

Question 1 : Mettez-vous plutôt en avant des personnes ou le décor ?

Question 2 : Mettez-vous en scène le décor, le paysage ou est-ce spontané ?

Question 3 : L'arrière-plan de la photo est-il important ? Plus important que l'objet ?

Thème 3 : Utilisation d'Instagram à caractère social

Sous-thème 1 : Objet de photographie : photo de groupe

Question 1 : Photos seul ou accompagné ? Que préférez-vous ?

Question2 : Faites-vous des vidéos « storie » de vos amis ou de votre famille ? De vos acticités avec les autres ? Sous-thème 2 : Intérêt social de la photo sur Instagram

Question 1 : Dans quel but prenez-vous des photos pour les publier sur Instagram ? (Partage avec les autres, création de souvenirs, montrer son quotidien, montrer des moments qui sortent de l'ordinaire, impressionner sa communauté, etc.) Question 2 : Prenez-vous des photos pour créer un lien avec les autres, créer de la communication avec les autres, une interaction ?

Question 3 : Parlez-vous sur internet à davantage de personnes que dans la réalité ?

Thème 4 : Intérêt social de la photo sur Instagram

Sous-thème 1 : Publications publiques et privées

Question 1 : Montrez-vous tout de vous ? Ou seulement ce que vous voulez que l'on voie de vous ?

Question 2 : Est-ce que les photos vous permettent de vous exprimer, de montrer vos passions, vos valeurs ?

Sous-thème 2 : Montrer l'intime

Question 1 : Montrez-vous des choses intimes ? Dans un décor intime (la chambre à coucher, etc.) ? Question 2 : Montrez-vous votre quotidien tel qu'il l'est ou seulement des moments exceptionnels ?

Thème5 : Identités multiples

Question 1 : Avez-vous l'impression d'être quelqu'un d'autre sur Instagram ? De fonctionner différemment de la réalité ? Question 2 : Essayez-vous de faire de publier des choses originales, de vous démarquer des autres ?

Thème 6 : Influence des réseaux sociaux

Sous-thème 1 : Les utilisateurs et les influenceurs

70

Question 1 : Regardez-vous beaucoup de photos d'autres personnes sur Instagram ?

Question 2 : Suivez-vous des influenceurs/influenceuses sur Instagram ?

Question 3 : Vous-êtes-vous déjà inspirés de celles/ceux-ci ?

Sous-thème 2 : Sentiments positifs et négatifs par rapport aux autres

Question 1 : Vous comparez-vous à ces personnes ?

Question 2 : Avez-vous le sentiment de vous sentir mieux ou moins bien sur les réseaux sociaux vis-à-vis des autres ou de

vous-même ? (Jalousie, envie, sentiment d'être mieux ou moins bien que les autres)

Thème 7 : Besoin de reconnaissance

Question 1 : Lorsque vous postez du contenu sur Instagram, attendez-vous quelque chose de la part des autres ?

(Commentaires, likes)

Question 2 : Que faites-vous si une de vos photos n'est pas liké, ni commentée ?

Question 3 : Attendez-vous de ces photos de plaire à de nouvelles personnes ou à votre entourage ?

Thème 8 : Besoin d'appartenance

Question 1 : Utilisez-vous tous les codes d'Instagram ? (Utiliser les hashtags, les filtres, etc.) ? Question 2 : Taguer-vous souvent des personnes sur Instagram ?

Thème 9 : Téléréalité

Question 1 : Est-ce que tu regardes la téléréalité ?

Question 2 : Si oui, reprends-tu des expressions ou t'inspires-tu de leur façon d'être ou de s'habiller ? Question 3 : Suis-tu des personnalités de la téléréalité sur Instagram ?

71

2. Annexe 2 : Exemple entretien

Entretien Zélie

Le 03 juin 2019 - Entretien par téléphone

Introduction : présentation de l'enquête, de l'enquêteur, rappel des règles et droits de l'enquêté, de l'anonymat de l'enquête, de son déroulement.

Thème 1 : Présentation de l'interviewé Sous-thème 1 : Présentation générale

Maïwenn : Est-ce que tu as un pseudonyme Instagram ?

Zélie : Comment ?

Maïwenn : Est-ce que tu as un pseudonyme Instagram ?

Zélie : Ah oui ! C'est euh Zélie et euh il y a un «S» à la fin

[Maïwenn] Ok et euh pourquoi t'as choisi ce pseudonyme-là ?

[Zélie] Bah parce que Zélie tout seul ça n'allait pas [rire] et euh bah le S parce que c'est la première lettre de mon nom de

famille donc euh enfin voilà

[Maïwenn] Ok donc euh en fait c'était un moyen plus facile pour qu'on te retrouve ?

[Zélie] Oui aussi quoi enfin comme sur Facebook, tu mets ton nom et ton prénom et genre prénom en entier quoi

[Maïwenn] Ok ça marche et du coup t'as quel âge ?

[Zélie] J'ai 18 ans

[Maïwenn] Ok et du coup t'es en étude de quoi ?

[Zélie] Je suis en terminale ES

[Maïwenn] Ok ça marche. Et sinon à côté des cours, tu as des passions, des loisirs ?

[Zélie] Et bah je fais du Handball et euh j'adore les animaux [rire]

Sous-thème 2 : Fréquence d'utilisation

[Maïwenn] D'accord, et du coup, depuis combien de temps tu utilises Instagram ?

[Zélie] Euh ça doit faire trois ans ou quatre ans

[Maïwenn] Ok ça marche et sinon, ton compte Instagram c'est un compte... comment dire, t'as un thème précis, tu es

influenceuse ou un c'est un compte lambda ?

[Zélie] Non non pas du tout, euh je mets des photos de mes vacances, de mes copains ou des concerts

[Maïwenn] D'accord attends, on reviendra là-dessus après. Combien de personnes te suivent ?

[Zélie] Eu je crois qu'il y en a 900, un truc comme ça

[Maïwenn] Ah oui, et combien de fois tu vas sur Instagram par jour à peu près ?

[Zélie] Oula euh je pense que j'y vais une dizaine de fois, j'y vais beaucoup

[Maïwenn] Très bien, et euh est-ce que tu publies souvent du contenu ou non ?

[Zélie] Euh je publie une fois par mois maximum

Thème 2 : Utilisation d'Instagram à caractère individuel

Sous-thème 1 : Mise en avant de soi

[Maïwenn] Euh du coup, en général, quand tu prends des photos, c'est plutôt de façon spontanée ou tu vas essayer de

chercher le meilleur angle, la meilleure lumière, etc. Est-ce que ça va être un peu élaboré ?

[Zélie] Bah en fait les photos que je mets sur Insta c'est plus des photos que j'ai sur mon téléphone, que je n'ai pas fait gaffe

à ça en fait

[Maïwenn] Ok donc c'est après, une fois que tu regardes tes photos sur ton téléphone tu te dis après «ah ça, ça ferait bien

sur Instagram» ?

[Zélie] Ouais voilà

[Maïwenn] Et du coup, est-ce que tu retouches tes photos en général ?

[Zélie] Euh bah je mets un effet sinon je ne retouche pas plus que ça quoi

[Maïwenn] Tu mets juste des filtres

[Zélie] Oui des filtres

[Maïwenn] Ok ça marche et euh est-ce qu'en général quand tu te mets en photos, tu vas faire des postures, avoir des

positions particulières ?

[Zélie] Euh non, je mets rarement des photos de moi et du coup bah quand j'en mets bah...bah je souris quoi [rire]

Sous-thème 2 : Décor

[Maïwenn] Et du coup quand tu prends des photos, tu mets plutôt en avant les personnes ou le décor derrière ?

[Zélie] Euh bah souvent c'est les personnes

[Maïwenn] Ok donc tu ne mets pas souvent en scène le décor quand tu es devant un paysage, ou etc.

[Zélie] Bah non j'avoue c'est plus le visage des personnes avec qui je vais être quoi. Après s'il y a un beau paysage j'aime

bien mettre en valeurs aussi quoi voilà

[Maïwenn] Ok mais en général, le paysage tu le prends de façon spontanée ou tu vas plutôt essayer de le mettre en scène

genre, prendre un joli horizon, etc.

72

[Zélie] Ouais c'est plutôt travaillé

Thème 3 : Utilisation d'Instagram à caractère social

Sous-thème 1 : Objet de photographie : photo de groupe

[Maïwenn] Ok et donc en général tu te prends plutôt accompagnée et pas vraiment seule alors

[Zélie] Oui

[Maïwenn] Ok et donc tu préfères prendre des photos des autres alors.

[Zélie] Oui j'aime bien !

[Maïwenn] Ça marche, est-ce que tu fais des stories de toi, ta famille, etc. ? Et est-ce que tu en fais souvent ?

[Zélie] Ouais bah c'est plutôt sur Snap du coup (ndlr : Snapchat) c'est plus pour faire comme les autres quand je fais les

stories

Sous-thème 2 : Intérêt social de la photo sur Instagram

[Maïwenn] Ok ça marche, et euh en général quand tu prends des photos sur Instagram, il y a un but derrière ? C'est pour

faire quoi, partager avec les autres, te faire des souvenirs ou montrer un peu ton quotidien ?

[Zélie] Non bah c'est plus pour le côté souvenir parce que souvent je mets des événements un peu marquants, quand on

part en voyage ou à une soirée, c'est plus en mode souvenir quoi

[Maïwenn] Ouais ce n'est pas pour montrer aux autres ce que tu fais...

[Zélie] [tousse] Ouais non ça non

[Maïwenn] Et du coup quand tu prends des photos en général, c'est pour créer des liens avec les autres ?

[Zélie] Ah non, pas du tout

[Maïwenn] Genre pour créer des messages, des interactions, etc.

[Zélie] Non non, enfin si avec les potes avec qui les, enfin que j'ai pris en photo si mais sinon non

[Maïwenn] Ok et justement, quand tu prends les photos de tes potes, est-ce que t'attends justement que derrière ils

mettent, enfin qu'il y ait une interaction, qu'ils mettent des commentaires, etc.

[Zélie] Oh bah ouais, enfin oui enfin qu'ils répondent quoi

[Maïwenn] ça marche est-ce que t'as l'impression que tu parles avec plus de gens sur Instagram qu'en vrai ?

[Zélie] Non je ne pense pas c'est juste que sur Insta, on ne parle pas plus souvent mais on peut parler à des gens à qui on ne

parle pas en vrai mais je ne pense pas à plus de personnes. Plus à des gens qu'on ne voit pas souvent par exemple.

[Maïwenn] Parce qu'ils sont éloignés ou parce que t'as pas l'occasion de leur parler ?

[Zélie] Oui parce qu'ils ne vivent pas près de chez nous enfin voilà quoi

Thème 4 : Publications publiques ou privées?

Sous-thème 1 : Publications publiques et privées

[Maïwenn] Ok et du coup, est-ce que t'es prêtes à montrer n'importe quoi de ta vie, de ton quotidien ou euh il y a des

choses que tu ne montreras jamais sur Instagram ?

[Zélie] Euh bah je ne sais pas, ça dépend ce que tu sous-entends mais je ne serais pas capable de tout montrer quoi, il y a

certaines limites enfin...

[Maïwenn] Ouais tu vois il y a des gens qui vont se mettre sur Instagram en maillot de bain, vont montrer leur intimité, vont

être dans leur chambre, avec leur famille enfin ça dépend un peu les contextes mais y'en a qui vont tout montrer d'eux et

d'autres qui vont faire attention parce qu'ils se posent des limites quoi

[Zélie] Ouais bah moi je ne pense pas que je serais capable de tout montrer non plus quoi. Il y a des trucs c'est bien que ça

reste dans la sphère privée

[Maïwenn] Ok, comme quoi par exemple ?

[Zélie] Bah enfin euh, la nudité, les trucs un peu personnels, genre si on a perdu un proche, les trucs comme ça, il y a des

gens qui affichent un peu tout ce qui se passe dans leur vie et enfin, même des déceptions des trucs comme ça, bah moi je

ne le ferais pas quoi

[Maïwenn] Ok parce que tu penses que ça doit rester que pour toi et que les autres n'ont pas à le savoir

[Zélie] Bah s'ils ont à le savoir, ça sera en vrai et sans passer par les réseaux quoi

Thème 5 : Identités multiples

Sous-thème 1 : Les différentes facettes d'un utilisateur d'Instagram

[Maïwenn] Ok et euh comme tu t'exposes sur Instagram, est-ce que t'essayes de fonctionner différemment, de jouer un

rôle en quelque sorte

[Zélie] Non je ne pense pas parce que ce que je mets sur Instagram, c'est comme si ça sortait en vrai, enfin ce n'est pas

modifié quoi

[Maïwenn] Ok donc quand tu publies sur Instagram ne t'essayes pas de montrer un peu des choses originales ou de te

démarquer des autres

[Zélie] Bah j'avoue que j'aime bien quand mes photos sont originales

[Maïwenn] Ok donc tu peux dire que tu es pareil dans la réalité et sur les réseaux sociaux, y'a rien qui change ?

[Zélie] Oui voilà

Thème 6 : Influence des réseaux sociaux

Sous-thème 1 : Les utilisateurs et les influenceurs

[Maïwenn] Est-ce que tu regardes souvent les photos d'autres personnes sur Instagram ?

73

[Zélie] Euh ouais ça m'arrive oui

[Maïwenn] Ok et, est-ce que tu suis des influenceurs et influenceuses

[Zélie] Non pas vraiment

[Maïwenn] Donc en fait tu ne t'inspires de personne pour publier tes photos ou faire quoi que ce soit.

[Zélie] Oula non [rire]

Sous-thème 2 : Sentiments positifs et négatifs par rapport aux autres

[Maïwenn] Est-ce que ça t'arrive quand tu regardes les photos des autres de ressentir des sentiments positifs ou négatifs ? [Zélie] Euh oui des fois des complexes et des envies

Thème 7 : Besoin de reconnaissance

Sous-thème 1 : La reconnaissance par les interventions de la communauté

[Maïwenn] Ok donc ça tu m'en as déjà parlé tout à l'heure que quand tu publies sur Instagram tu attends un concerne

quoi

[Maïwenn] Ok et qu'est-ce que tu ferais si par exemple tu publiais une photo ou une vidéo et qu'il n'y avait aucun j'aime,

aucun commentaire ou quoi que ce soit ?

[Zélie] Bah je ne sais pas c'est bizarre [rire]

[Maïwenn] Mais est-ce que tu la retirerais, tu la laisserais ?

[Zélie] Bah je pense que je la retirerais ouais [rire] c'est un peu bizarre de dire ça mais oui je pense que je l'enlèverais.

Thème 8 : Besoin d'appartenance

[Maïwenn] Est-ce que tu utilises sur Instagram des codes particuliers ? Est-ce que tu utilises beaucoup d'hashtag ?

[Zélie] Pas du tout

[Maïwenn] Ok et donc du coup tu ne mets pas en avant des loisirs en particulier ? Par exemple tu me dis que tu aimes le

handball et les animaux mais tu ne mets pas ces sujets en particulier en avant sur les photos ?

[Zélie] Euh donc non pas forcément de Hand et pas d'animaux non, en fait j'ai juste une chèvre chez moi et du coup des fois

je prends des photos avec elle mais bon, enfin voilà quoi [rire]

[Maïwenn] [rire] D'accord, ça marche

Thème 9 : La téléréalité

[Maïwenn] Et euh, est-ce que tu regardes la téléréalité ?

[Zélie] Non pas du tout. A part Koh-Lanta mais je ne sais pas si on peut dire que c'est de la téléréalité

[Maïwenn] Ah si si, c'en est !

[Zélie] C'est le seul truc que je regarde quoi

[Maïwenn] Ok ça marche. Bon du coup c'est allé vite, on a fini ! Merci de m'avoir aidé pour mon mémoire.

74

3. Annexe 3 : Grille d'entretiens

75

4. Annexe 4 : Grille d'analyse de contenu

76

5. Annexe 5 : Hypersexualisation sur les photographies Instagram

6. Annexe 6 : Maddisonyates

77

7. Annexe 7 : Fitjudi

Ludivinee_s

8. Annexe 8 : Luci.ella193

78

Annexe 9 : Montrer des lieux beaux et monuments exceptionnels

79

VIII. Résumé

E-réputation et image de soi sur les réseaux sociaux, entre réalité et mise en scène.
Le cas d'Instagram

Ce mémoire, met en avant les usages des réseaux sociaux chez les jeunes individus. Il est mis en avant la nécessité pour les utilisateurs des médias sociaux de se créer une image de soi sur internet. Cette étude mettra en place dans un premier temps une analyse de l'évolution de la photographie et des médias afin de parvenir à comprendre l'évolution de ces usages dans le temps et en quoi cela a influé sur les comportements actuels. Ensuite seront développé deux parties correspondantes chacune à trois hypothèses de réponse à notre problématique. En premier lieu sera développé les techniques de mise en scène des individus sur les réseaux sociaux. Il y est démontré la volonté de modifier pour les individus leur représentation d'eux-mêmes et de leur quotidien, d'utiliser une multitude de facettes de leur personnalité afin de se construire une image valorisante auprès de leurs pairs. Ensuite sera mis en exergue le phénomène d'exposition des individus sur internet, toujours dans le but de se créer une image améliorée d'eux-mêmes via l'ethos et l'adhésion aux codes d'Instagram pour répondre à un besoin de reconnaissance et d'appartenance à une communauté.

Mots clés : image de soi - reconnaissance - appartenance - mise en scène - réseaux sociaux

80






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984