AVANT-PROPOS
La relation Médecin-Patient, surtout en unité
psychiatrique, est très souvent difficile et complexe. La
vulnérabilité du patient découlant de la consommation des
drogues peut fortement nuire à la qualité des rapports
intrinsèquement liés devant exister entre ces deux personnes, ce
qui peut susciter des questionnements et des incertitudes dans les choix
à retenir en vue d'administrer une thérapie adéquate au
patient concerné.
C'est dans ce contexte que, pour tenter d'apporter, tant soit
peu, des pistes de solutions dans la gestion des crises psychiatriques qui en
découlent lorsque le patient, drogué, se présente aux
urgences des structures médicales, le présent travail a
été réalisé.
Ce mémoire qui consacre l'issue d'une formation de
Diplôme Universitaire (D.U.) en Urgences psychiatriques rassemble des
faits et observations que nous avons retenus lors de nos différents
passages aux stages, non seulement, auprès des médecins
psychiatres faisant partie de certaines structures hospitalières de
l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris , à
savoir, Sainte-Anne, Georges Pompidou et Saint- Joseph, mais
aussi et surtout, les expériences acquises en faisant fonction, d'une
part, d'interne aux urgences médico-chirurgicales du CASH Nanterre et,
d'autre part, en qualité de praticien attaché au service de
médecine sociale CHAPSA du même hôpital, et ensuite à
l'unité d'addictologie de l'hôpital de Rambouillet.
Aussi, convient-il de mentionner les expériences et
expérimentations que nous avons pu effectuer au poste de consultation de
tabacologie, respectivement, au centre hospitalier de Saint-Denis et à
l'hôpital Delafontaine mais aussi à celui de toxicomanie à
l'hôpital Casanova section le Csapa le corbillon.
Ce travail retrace, donc, dans son premier chapitre, un
échantillon de la manière dont sont présentement pris en
charge les patients toxicomanes aux urgences psychiatriques de la région
Ile-de-France et tente de circonscrire, dans son second chapitre, des
recommandations dont les pouvoirs publiques devraient tenir compte à la
lumière des perspectives d'avenir dans le secteur de la gestion, en
urgence, des prises en charge psychiatriques des personnes droguées.
Enfin, ce travail n'a pas la prétention d'apporter des
solutions définitives à ce problème récurrent, mais
constitue un chantier qui pourra être complété, dans
l'avenir, par d'autres travaux postérieurs afin de tendre, toujours,
dans l'amélioration positive de la prise en charge efficace et
adéquate de cette catégorie des patients vulnérables.
REMERCIEMENTS
Je tiens, de prime abord, à remercier les infirmiers,
les infirmières et les médecins seniors, que j'ai pu rencontrer
lors de la réalisation de cette oeuvre scientifique. Leurs conseils
pratiques et théoriques, implications et simplicité m'ont
tellement émerveillé que j'en garderai une pensée
inoubliable.
J'adresse également mes profonds remerciements à
l'ensemble des professionnels opérant dans le milieu hospitalier, qui,
malgré leurs multiples occupations, ont pu consacrer leurs temps et
disponibilité à l'accueil des stagiaires que nous étions
et ce, dans un élan de convivialité, démontrant par ce
geste, leur ouverture d'esprit en vue de nous accueillir à l'issue de
notre stage, nos cours et formation dans les diverses structures
médicales au sein desquelles ils prestent leurs services. Qu'ils
trouvent ici l'expression de mon attachement à leurs êtres
respectifs qui ont su façonner et contribuer, chacun à leur
manière, à l'acquisition et à l'affermissement de mes
compétences dans le domaine médico-psychiatrique.
Je serai ingrat de ne pas avoir une pensée
particulière au corps professoral qui a participé, de
manière remarquable, à ma formation et, en particulier, aux
Docteurs PIERRE LANA et Mosconi ainsi qu'à tous les autres tuteurs qui
m'ont accueilli lors de l'accomplissement de mon stage dans les unités
médico-psychiatriques. La confiance qu'ils m'ont apportée m'a
incité à me dépasser lors de mes différents stages
si bien que j'ai pu, tant soit peu, parfaire ma formation en urgence
psychiatrique.
Par ailleurs, je m'en voudrai de ne pas remercier, de
façon tout à faire particulière, le Docteur RAPHAËL
GOUREVITCH, directeur du présent mémoire qui a accepté,
nonobstant ses innombrables occupations, de me conduire, pas à pas, dans
la réalisation de cette oeuvre scientifique.
Vos remarquables et avisés conseils ainsi que votre
sens élevé de critique scientifique ont enrichi, de
manière significative, le contenu du présent travail si bien que
j'en garderai tout au long de ma vie une pensée pieuse.
Enfin, que Madame Thullo Emmanuelle, la secrétaire du
coordonnateur de la formation, le Dr Gourevitch Raphaël, les membres des
équipes pédagogiques ainsi que tous les secrétaires des
hôpitaux au sein desquels j'ai eu à exercer mes stages trouvent,
ici, l'expression de ma profonde gratitude et remerciements pour les moments
partagés ensemble en vue de rendre concrète la réalisation
de ce travail.
INTRODUCTION
Au terme de ses études, tout récipiendaire est
appelé à réaliser une oeuvre scientifique devant couronner
son parcours dans le domaine où il est formé.
C'est dans cette optique que nous avons souhaité,
à l'instar de nos prédécesseurs, parfaire nos
connaissances en effectuant une formation continue dans le domaine des urgences
psychiatriques afin de pouvoir en acquérir des compétences
spécialisées et, par ce fait, compléter et
améliorer notre fonction de médecin généraliste.
Nos recherches effectuées auprès des services
d'accueil des urgences psychiatriques nous ont permis de comprendre les enjeux
de la prise en charge des usagers de drogues aussi bien en termes de demande de
soins qu'à la crise d'ordre psychiatrique qui les frappe lorsqu'ils
atteignent le seuil d'addiction.
Etant acteur actif dans la pathologie addictive, nous nous
sommes intéressés aux comorbidités psychiatriques
sous-jacentes aux prises de drogues. Aussi, avons-nous estimé utile de
procéder par une méthode d'observation de ces patients atypiques
si bien que nous nous sommes confronté assez souvent aux situations
où les patients exprimaient la crise psychiatrique alors même que
nous étions en consultation dans la salle d'attente ou dans le box y
dédié.
Par ailleurs, il sied de mentionner que les urgences de
l'hôpital sont encore et toujours la voie d'entrée de la plupart
de nos patients en phase aiguë de la maladie ou en état de crise.
Cependant, bien que la gamme des psychotropes ne cesse de s'élargir et
que les psychiatres augmentent en nombre, beaucoup de personnes aux prises avec
une maladie mentale se présentent aux urgences partout en France en
quête d'un traitement et de soins psychiatriques.
C'est ainsi que nous avons pu constater au cours de nos
descentes sur terrain que des modèles de prestation de soins au patient
psychiatrique aux urgences ont évolué tant sous l'angle
systémique que thérapeutique.
De nombreux programmes offrent la formation à d'autres
sites, notamment aux urgences psychiatriques d'un hôpital psychiatrique,
à une clinique de suivi de la situation de crise ou aux urgences d'un
hôpital général sans zone réservée aux
urgences psychiatriques.
Les résidents interviennent de concert avec divers
professionnels de la santé durant leur formation en psychiatrie
d'urgence, mais dans certains cas, l'équipe se compose seulement de
psychiatres (certains formés en psychiatrie d'urgence, d'autres pas) et
de travailleurs en intervention d'urgence ou de travailleurs sociaux.
Les établissements de santé affiliés
à une université ayant à leur disposition des ressources
additionnelles comptent des équipes interdisciplinaires formées
d'infirmières spécialisées en santé mentale pour
certaines, de psychologues, de préposés aux
bénéficiaires, de gardiens de sécurité et de
traducteurs. La plupart des répondants indiquent que leur programme
offre de la formation sur la sécurité et une gamme
complète de mesures de sécurité.
Il s'ensuit que la psychiatrie d'urgence se pratique, de nos
jours, dans divers milieux allant de l'hôpital -- général
ou psychiatrique -- à l'organisme communautaire, au centre de crise ou
à l'équipe d'intervention mobile.
Est-ce que cette multiplicité des structures proposant
des soins en urgence aux toxicomanes sont-elles mieux outillés en termes
de personnel qualifié pour prendre en charge de manière
efficiente ces spécificités de ces patients ? ; les habitudes de
consommation de différents produits psychoactifs à toutes les
catégories des usagers des drogues ? ; ces patients sont t-ils addictifs
ou malades Psychiatriques ? Ya-t-il une démarcation entre la notion de
base des interventions urgences aux pathologiques psychiatriques qui puissent
établir des connaissances pouvant diagnostiquer de façon claire
un vrai addictif à un patient purement psy avec consommation d'autres
produits dangereux ? N'est-il pas nécessaire d'uniformiser la formation
clinique et l'enseignement didactique au pays pour satisfaire au mieux les
besoins des personnes toxicomanes qui se présentent aux urgences ?
Autant des questions qui constituent la problématique
de notre étude que nous nous proposons d'aborder en deux points,
à savoir, d'une part, la prise en charge des patients toxicomanes aux
urgences et, d'autre part, les perspectives et recommandations à
observer pour une meilleure prise en charge de ces usagers des drogues.
CHAPITRE 1. LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS
TOXICOMANES AUX URGENCES.
De plus en plus, l'on s'accorde sur la nécessité
de procéder à l'évaluation du patient en détresse
psychologique dans un environnement sécuritaire pour lui et le personnel
soignant.
En théorie, le lieu parfait de l'évaluation de
la situation d'urgence serait un endroit de l'hôpital
réservé aux patients chez qui l'on décèle une
problématique de santé mentale au triage 5.
L'hôpital général a ceci d'avantageux que
l'urgentologue examinera d'abord le patient et pourra détecter les
problèmes médicaux aigus, le cas échéant. De plus,
l'hôpital est doté d'un laboratoire où les analyses
pourront être effectuées d'autant plus que les épreuves
diagnostiques et les médecins consultants sont facilement
accessibles.
L'urgentologue sera en mesure de prendre en charge ou
d'orienter les cas non urgents vers les ressources appropriées sans
qu'il soit nécessaire de faire intervenir l'équipe de
psychiatrie.
En effet, alors que les urgences de l'hôpital
général jouissent du soutien d'une équipe médicale,
tel qu'il est mentionné ci-dessus, l'hôpital psychiatrique peut
compter sur une équipe des spécialistes aptes à prendre en
charge les urgences psychiatriques.
Le patient sera examiné par des professionnels
compétents, sachant l'évaluer et le traiter avec toute l'empathie
et l'efficacité requises. Quel que soit le milieu, l'équipe de
psychiatrie d'urgence devrait se composer de psychiatres, d'infirmières
psychiatriques, de cliniciens (en travail social et en psychologie, par
exemple) et de préposés en santé mentale avec accès
au service de sécurité 5.
Le lit en observation prolongée demeure la ressource
idéale pour le patient qui n'a pas forcément à être
hospitalisé, mais dont l'évaluation nécessite une certaine
période ou qui n'aura qu'à séjourner brièvement
à l'hôpital le temps d'apaiser la crise 5. La période
d'observation peut être bénéfique également au
patient intoxiqué, car ses symptômes s'atténueront au fil
de la disparition du toxidrome.
Il est essentiel que toute la gamme des mesures de
sécurité soit offerte dans le milieu où se déroule
l'évaluation du patient en situation d'urgence, que ce soit à
l'hôpital général ou à l'hôpital
psychiatrique.
Dans l'aménagement d'une unité d'urgences
psychiatriques, il est recommandé de prévoir une pièce
réservée à l'entretien avec le patient et à son
évaluation, dotée d'une alarme sonore, d'un système de
vidéosurveillance, d'un mobilier conçu pour cet usage (lourd ou
fixé au sol ou au mur), de portes impossibles à barricader et
d'où il est possible de voir le poste de soins infirmiers.
Outre le modèle classique de l'évaluation du
patient en situation d'urgence en milieu hospitalier, d'autres modes
d'évaluation sont à prendre en considération. De
nombreuses personnes atteintes d'une maladie mentale n'ont pas accès
à un médecin de famille ou ne sont pas fidèles à
leurs rendez-vous à la clinique communautaire.
Bien des hôpitaux dans les petites municipalités
ou en région rurale n'ont pas les ressources financières ou
humaines pour mettre en place un service d'urgences psychiatriques. D'autres
options existent, notamment l'équipe d'intervention mobile,
l'hébergement en centre de crise communautaire et l'unité de
santé mentale spécialisée du service de police qui
intervient dans les situations d'urgence en santé mentale 7,8.
L'exposition des résidents à ces autres
modèles varie selon le lieu du programme en question et la région
qu'il dessert. L'enseignement de base pourrait couvrir ces modes d'intervention
et le programme prévoir des stages au choix dans la mesure du
possible.
Aux termes des dispositions de la circulaire de la direction
des hôpitaux du 14 Mai 1991, les Urgences sont définies comme le
lieu de « l'accueil de tout patient arrivant à l'hôpital pour
des soins immédiats et dont la prise en charge n'a pas été
programmée, qu'il s'agisse d'une situation d'urgence lourde ou d'une
urgence ressentie ».
I.1.1. L'urgence
Le terme « urgence » vient du latin urgere qui signifie
« pousser, presser, dont on doit s'occuper sans retard 6 ». En effet,
dès le Ve siècle, il est employé dans le même sens
qu'aujourd'hui.
- Classification internationale des maladies de
l'Organisation Mondiale de la santé, dixième version (CIM-10)
;
Par ailleurs, selon le dictionnaire Larousse, le mot «
urgence » est défini, dans le langage courant, comme étant
le « caractère de ce qui est urgent » et la «
nécessité d'agir vite».
L'urgence exprime également une « situation
pathologique dans laquelle un diagnostic et un traitement doivent être
réalisés très rapidement ».
Selon la définition médicale du terme, on entend
par « urgence », « toute circonstance qui, par sa survenue ou sa
découverte, introduit ou laisse supposer un risque fonctionnel ou vital
si une action médicale n'est pas entreprise immédiatement.
L'appréciation de l'urgence est instantanée et appartient autant
à la victime qu'au soignant ».
Cette définition introduit les notions de ce que sont
l'urgence réelle, vitale, telle qu'elle est interprétée
par le soignant, et l'urgence ressentie, telle qu'elle est vécue par le
patient.
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