II - LES ACTIONS AVANT COUREUR DES CRISES D'INONDATION
À Ouagadougou et plus singulièrement à
Gounghin, la cause des inondations est très souvent liée à
l'installation d'habitations, de services ou de commerces à
proximité des canaux. L'installation et/ou l'occupation de ces zones
amène à se poser la question du mode d'occupation et
d'accès au sol.
II.1. L'occupation du sol dans le processus de risque
d'inondation
L'insuffisance de la production foncière publique est
à l'évidence un des facteurs de la formation d'aires
urbanisées hors lotissement légal, mais elle n'en explique
nullement les formes. La dévolution des droits d'usage relevait,
à l'origine, exclusivement des chefs de terre, descendants des premiers
occupants du sol, mais elle est, au moins depuis les années 70 si l'on
en croit Marcel Poussy, une prérogative de tous les chefs coutumiers
sans distinction, voire même de certains chefs de famille qui, en raison
de leur établissement ancien dans un quartier et de leur autorité
sociale, se sont arrogés ce droit (Poussy, 1975).
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À Ouagadougou, on distingue de nos jours deux types
d'occupations:
- l'occupation régulière dans le cadre des
aménagements légaux. Elle est régie par des cadres
juridiques et réglementaires en matière d'urbanisme.
- l'occupation irrégulière dans les quartiers
non lotis insalubres, aménagements non planifiés qui
échappent à toute réglementation17.
Avant la RAF (Réorganisation Administrative et
Foncière)18, l'occupation des terres était
assurée par le régime foncier coutumier en vertu du
caractère inaliénable de la terre et le régime
réglementaire dont les garanties étaient l'immatriculation, le
certificat administratif et le livret foncier. Avec la RAF, la
sécurité d'occupation est garantie par l'un des titres suivants :
le permis d'habiter, le permis d'exploiter, l'arrêté
d'affectation, l'arrêté de mise à disposition, le bail, le
titre de propriété et le titre foncier.
L'attribution des terrains est le premier mode d'accès
au terrain, ensuite viennent l'achat, l'héritage et le don. Le
système d'accession aux parcelles est tel que malgré le nombre de
parcelles existantes, la demande reste insatisfaite. Cela encourage parfois
certaines personnes à l'acquisition de parcelle par des pratiques
souvent douteuses.
II.1.2. Les pratiques d'acquisition de
parcelles
La difficulté d'accès des pauvres à la
terre urbaine est de plus en plus accentuée par des pratiques anormales
dans le foncier. Les pratiques anormales dans le cadre des lotissements et
d'attribution de permis de construire causent aujourd'hui le problème
d'installation anarchique des populations dans les zones inondables. En effet,
le constat sur le terrain témoigne d'une installation d'habitats, de
commerces, de services, dans le lit supérieur du canal du Moro Naba.
Selon le code de l'urbanisme et de la construction au Burkina Faso19
(Titre V : chapitre II ; Titre VI : chapitre I, II, et III), ces installations
démontrent le manque de rigueur et de fermeté, et des anomalies
dans les processus de lotissements et d'attribution des permis de construire.
Ces comportements posent également le problème d'assainissement
et d'environnement dans ces zones d'installations anarchiques.
17 Parfois dans les quartiers lotis, on constate
des installations illégales dans des surfaces hors zone de lotissement.
C'est le cas à Gounghin où nous avons constaté
l'installation d'habitat et d'infrastructures commerciaux dans les servitudes
des cours d'eaux.
18 Loi 014 /96/ADP du 23 mai 1996 portant
Réorganisation Agraire et Foncière et son décret
d'application du 06 février 1997. (RAF 1984, RAF 1991, RAF 1996).
19 Loi N°017-2006/AN du 18 mai 2006.
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II.2. L'environnement et l'assainissement urbain à
Gounghin
L'assainissement de la commune de Ouagadougou comprend trois
volets : le drainage des eaux pluviales, l'évacuation des eaux
usées et la gestion des ordures ménagères.
II.2.1. Le réseau de drainage des eaux
pluviales
Le réseau de drainage des eaux pluviales (tableau
n°3) est concentré au centre de la ville.
Tableau n°3 : Répartition des ouvrages hydrauliques
dans les différents arrondissements
Caniveaux longueur (m)
|
Bétonnés
|
Terre
|
collecteurs
|
Total
|
Pourcentage
(%)
|
Baskuy
|
124 286
|
4 307
|
5 514
|
134 107
|
41,04
|
Bogodogo
|
44 403
|
663
|
4 923
|
49 989
|
15,30
|
Boulmiougou
|
29 477
|
72673
|
0
|
102150
|
31,26
|
Nongremassom
|
39 217
|
900
|
0
|
40 117
|
12,27
|
Sig-Nonghin
|
218
|
135
|
0
|
353
|
0,11
|
Total
|
237 601
|
78678
|
10 437
|
326 716
|
100
|
Source: Mairie de Ouagadougou, DGSTM, 2004
L'évacuation des eaux pluviales se caractérise
par la faiblesse du réseau par rapport aux besoins.
Généralement construits à ciel ouvert, les ouvrages de
drainage sont rarement entretenus, et souvent encombrés par divers
matériaux solides et liquides jetés par les riverains,
empêchant l'écoulement correct des eaux de pluie. Dans le quartier
Gounghin nous avons constaté, un non dallage et un bouchage de certains
canaux par les ordures ménagères. Les ouvrages
réalisés n'ont pas été entretenus alors que les
populations urbaines n'ont cessé de croître. Aujourd'hui,
l'état défectueux de la plupart des ouvrages (canaux, routes,
réseaux d'égouts...) créent des problèmes
environnementaux et de santé publique.
En plus des rejets des eaux usées dans ces canaux, le
lessivage des murs construits en terre crue entraîne dans les canaux une
charge très élevée en sables et argiles qui les obstruent
(Compaoré, 1993). Ces actes d'incivisme s'accroissent au jour le jour
malgré leur interdiction par l'alinéa 4 de l'article 3 du
chapitre I, de l'arrêté municipal N° 2008-150/CO/SG/DP
portant interdiction de déverser des déchets sur le territoire de
la commune de Ouagadougou. Les observations de terrain révèlent
que certains canaux disparaissent sous les dépôts et d'autres sont
colonisés par la végétation qui pousse sur les apports
terreux non évacués.
Le réseau dans une proportion de 31,6% présente
un minimum de deux points d'obstructions par canal. Le constat sur le terrain a
montré des records de treize points d'obstructions sur l'Avenue
Josèphe Ouédraogo et de dix points sur la rue de l'Olympisme et
celle de Grenoble. Les obstructions sont le plus souvent le résultat des
ordures déposées par les ménages voisins et les riverains
(cf. planche photographique n°2). D'après les entretiens et
observations de
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terrain, 36,6% du curage des canaux sont effectués
à intervalle de 3 et 5 mois. Le plus récent date de moins d'un
mois et a eu lieu sur la rue "Kon deng wondbo"
situé dans la zone de Gandin au secteur 8.
Planche photographique n°2 : Présence d'ordures
dans des canaux sur la rue Kon deng Rogom Source : RABDO A. Avril 2011
Le manque d'entretien et de nettoyage régulier des
canaux rend de plus en plus difficile le passage des eaux de pluie. Cette
difficulté est aussi liée aux dimensionnements du réseau.
En effet, les caniveaux sont souvent sous dimensionnés pour des
événements plus rares mais le deviennent aussi au fil du temps
avec l'urbanisation progressive du milieu ou de la zone
(Maksimovic, 1993 cité par Hingray, 1999). Le
réseau d'évacuation des eaux pluviales dans ces conditions
déborde au sein de la ville du fait d'un dépassement local de sa
capacité. De fait, les ouvrages d'évacuation des eaux pluviales
deviennent une autre source d'inondation (Dupuy et al, 1987 cité par
Garry et al, 1996).
Selon les responsables municipaux chargés de
l'assainissement, l'entretien a lieu chaque année. Cet entretien se fait
en régie par les services municipaux, et en entreprise par des services
et structures externes exerçant dans le domaine (cf. planche
photographique n°3). Le curage en régie signifie que l'entretien se
fait tout au long de l'année par une équipe permanente de la
municipalité. En revanche le curage en entreprise est ponctuel et se
fait à l'approche de l'hivernage, par des entreprises recrutées
par la municipalité. Il faut noter cependant, qu'une priorité est
accordée aux canaux primaires. Dans la commune urbaine de Ouagadougou,
le curage des canaux est effectué par l'Association des Jeunes Sans
Frontière du Burkina (AJSFB) située dans le quartier Gounghin.
Cette tâche est faite en partenariat avec le service d'hygiène de
la municipalité qui accompagne l'association en matériel et
équipement d'assainissement.
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Planche photographique n°3 : Processus de curage de canal
sur l'avenu Naba Zombré
Source : AJSFB
Malgré le curage des canaux, lors de la saison des
pluies (3 à 4 mois par an), les inondations sont fréquentes et
peuvent entraîner des pertes aussi bien matérielles (habitations,
routes, ponts, infrastructures publiques et privées, etc.) qu'humaines
!
II.2.2. Processus d'évacuation des eaux
usées
Les marigots (réseau hydrographique) cités plus
haut constituent l'exutoire naturel. Ils coïncident avec ceux des eaux
usées, car le réseau est unitaire à Ouagadougou.
Le marigot du Moro Naba évacue les eaux de la zone
industrielle de Gounghin et celle des secteurs environnant vers le barrage
n°2. Toutes les eaux usées du centre ville et de la zone
industrielle sont en réalité déversées dans le parc
Bangré Wéogo.
II.2.3. Les aspects de la gestion des ordures
La production de déchets solides dans la ville de
Ouagadougou est estimée à plus de 300 000 tonnes par an depuis
l'an 2000. Seulement 50% de ces quantités sont évacuées
dont 35% par les services techniques municipaux, 10% par le secteur
privé et 5% par les groupements associatifs. Les déchets non
évacués s'entassent sur des terrains vagues ou dans des
décharges non contrôlés (Mairie de Ouagadougou, 2006).
Sur la base d'une production d'ordures ménagères
de 0,65 kg/habitant/jour, 0,24 tonnes/habitant/an et 0,24 m3/habitant/an en
1993, et tenant compte de la croissance de la population, les productions
globales attendues sont : (tableaux n°4)
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Tableau n°4 : Productions d'ordures ménagères
attendues
Année
|
Production (tonnes)
|
1995
|
225
|
862
|
2000
|
316
|
729
|
2005
|
444
|
227
|
2010
|
623
|
018
|
Source : DGSTM, 1998.
La gestion des ordures dans la commune de Ouagadougou reste
préoccupante face à leur présence massive dans les canaux
d'évacuation des eaux pluviales.
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