WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La question de la performance des banques africaines au Cameroun.


par Jean Pierre Dany Menguele
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master professionnel en relations internationales 2017
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CONCLUSION GENERALE

106

La faiblesse de la concurrence qui caractérise nombre de marchés d'Afrique subsaharienne crée un environnement favorable pour les banques prêtes à mener des activités transfrontalières et à rivaliser avec les banques locales. En Afrique subsaharienne, ces banques locales transfrontalières sont appelées Banques Panafricaines. On compte à l'heure actuelle sept grandes Banques Africaines ayant une implantation dans dix pays d'Afrique subsaharienne au moins selon le FMI. Les BA ont établi leur siège dans divers pays de grands marchés bancaires comme le Nigéria, le Maroc, le Kenya, et l'Afrique du Sud, mais aussi plusieurs marchés de plus petite dimension. Ils jouent désormais le rôle de chefs de file de prêts syndiqués dans la région. Ces banques qui interviennent dans plusieurs pays devraient réaliser des économies d'échelle par la mise en oeuvre des fonctions à l'échelle du groupe et le transfert de savoir-faire et de compétences bancaires adaptées au marché local. Grâce à ces économies d'échelle, les BA stimulent la concurrence des marchés bancaires d'implantation. Ils sont à mesure de proposer des services bancaires de meilleure qualité à moindre coût et d'étendre l'intermédiation financière aux PME et aux particuliers jusque-là négligés. Ils se positionnent également comme des acteurs de premier plan du financement d'infrastructures transfrontalières et de manière globale de la croissance africaine.

Les BA ont donc impulsé une nouvelle ère au paysage bancaire africain qui pendant longtemps a été dominé par les banques originaires des anciennes puissances coloniales notamment les banques françaises et britanniques. De fait, l'essor des BA peut être considéré comme le corollaire financier de l'intégration régionale croissante des échanges commerciaux et des investissements, du fait que ces groupes suivent leurs clients et financent leurs opérations transfrontalières, ce qui leur permet d'accroitre de plus en plus leur performance.

A l'impulsion de la réforme du système bancaire entreprise à la fin des années 90, combinée à la volonté manifeste du pays d'optimiser son potentiel économique, de nombreuses BA se sont installées au Cameroun dans une optique de performance ; ce qui n'a pas tardé à se réaliser. En effet, en peu d'années, contrairement aux banques occidentales, les BA ont atteint des niveaux de rentabilité enviables et se positionnent à ce jour comme des acteurs incontournables du secteur bancaire camerounais. La SCB (Groupe Attijariwafa) par exemple détient le plus vaste réseau bancaire au Cameroun avec plus de 50 agences de banques ; et de plus en plus, l'Etat camerounais sollicite les BA pour l'arrangement de ses émissions obligataires. Les BA sont parmi les premières banques camerounaises en termes de rentabilité bancaire.

107

Cependant, à la lecture du classement des 200 premières banques africaines, on constate que les filiales des BA installées au Cameroun sont parmi les moins performantes par rapport à leurs consoeurs installées dans d'autres pays. Une situation qui mérite une attention particulière. Dans cette logique, l'objectif visé par notre étude était de comprendre les raisons de ce décalage. Ainsi, nous voulions montrer que, bien qu'elles soient rentables, les BA ne jouissent pas d'une performance optimale par rapports à leurs potentialités au Cameroun. Pour ce faire, nous nous sommes attelés à répondre à la question centrale suivante : « Au regard de leurs résultats financiers dans certaines zones du continent, quels peuvent être les facteurs explicatifs du faible niveau de performance des banques africaines au Cameroun ?»

Cette question centrale, combiné à la spécificité de notre étude nous a poussés à adopter une démarche précise s'appuyant sur l'analyse documentaire. A ce titre, un raisonnement déductif nous a conduit à formuler d'abord un certains nombres d'hypothèses. Ces dernières ont ensuite été testées empiriquement à partir de l'analyse des rapports annuels d'activités des BA au Cameroun pour la période 2010-2014. Au final nous avons tiré des conclusions sur la question de la performance des BA au Cameroun. Il nous échoit donc de présenter les résultats de notre recherche en précisant chaque fois si elles corroborent ou pas nos hypothèses de départ.

Hypothèse 1 : Les BA sont des entités particulières dont la structure organisationnelle et la philosophie d'entreprise sont adaptées aux valeurs africaines. Aussi, les BA se distinguent des banques occidentales en termes de positionnement et de stratégie. Les BA tendent essentiellement à concentrer leur activité sur le trade finance, sur le financement des grandes entreprises privées et étatiques et la banque de détail ; l'essentiel de leur activité concerne toutefois les PME qu'elles accompagnent tout au long de leur croissance, ce qui contribue à la fidélisation de leur clientèle.

C'est d'ailleurs cette capacité à satisfaire la clientèle qui a favorisé leur essor dans le continent. Attijariwafa Bank par exemple est la première banque du continent et même du Cameroun en termes de nombre d'agences avec respectivement 3 258 et 50 agences. Ecobank est la première banque de la Zone Franc avec un total de bilan de 24 280 millions d'USD et un PNB de 2 820 millions d'USD.

Nous avons pu constater que bien qu'ayant ces atouts, la performance des BA est fragilisée au Cameroun à cause des facteurs externes. La fragilité du système bancaire qui reste

108

surliquide alors que l'économie fait face à d'importants besoins de financement ; Les coûts de service bancaire élevés ; Par ailleurs, le taux de bancarisation reste faible, autour de 20% contrairement à certaines régions du continent comme en Afrique du nord (50%) ou l'Afrique australe (45%). De même, la croissance économique camerounaise est tirée par les PME qui font face à d'énormes problèmes de financement, mais restent des clients risqués pour les BA. De ces faits, une grande partie de la clientèle bancaire camerounaise demeure insatisfaite.

Toutes ces remarques confirment notre première hypothèse selon laquelle, l'incapacité à satisfaire la clientèle fragilise la performance des BA au Cameroun.

Hypothèse 2 : En tant que filiales des Banques panafricaines, les BA jouissent d'une certaine notoriété au Cameroun. BGFI Bank par exemple a réalisé en quelques années des résultats spectaculaires que certaines banques locales, bien qu'elles soient anciennement installées au Cameroun, ont de la peine à atteindre. La banque est présente au Cameroun seulement depuis 2011, mais en 2014, elle était classé 8ème sur 14 en termes de parts de marché sur les dépôts de la clientèle ; et 6ème sur 14 en termes de parts de marché sur les crédits. La banque jouit en effet d'un pouvoir de marché du fait qu'elle appartienne à une Holding (2ème groupe bancaire de la zone CEMAC en 2014) et d'une certaine efficience dans la réalisation des économies d'échelle à travers l'extension de son réseau au Cameroun pour financer les grandes entreprises sous régionales.

De même une banque comme Afriland (1er groupe bancaire de la zone CEMAC en 2014) jouit de la confiance de sa clientèle au Cameroun au point où depuis quelques années elle s'est hissée au rang de 1ère banque camerounaise en termes de Total de bilan et de PNB. Par ailleurs, nous avons pu constater qu'en peu d'années les BA ont atteint un niveau de rentabilité appréciable au Cameroun, avec un ROE moyen de 12%, un ROA de 1% et un CE autour de 65%. Cette rentabilité « rapide » est principalement due au fait qu'elles soient des filiales de banques panafricaines bien connues, et jouissent donc de cette notoriété.

Notre deuxième hypothèse selon laquelle la régionalisation africaine des BA a un impact positif sur leur performance au Cameroun est donc vérifiée.

109

Néanmoins, il convient de souligner que l'accélération de la croissance économique en Afrique subsaharienne depuis les années 90 s'est accompagnées d'un élargissement de l'accès aux services financiers, et en particuliers à ceux des banques commerciales, qui ont toujours été et demeurent l'épine dorsale des systèmes financiers dans la région. Le secteur bancaire a connu de profonds changements en Afrique subsaharienne au cours des 20 dernières années, parmi lesquels l'expansion des activités transfrontalières, avec le déploiement rapide des réseaux des BA qui ont complètement modifié le paysage bancaire et financier du continent.

En Afrique australe, la mise en place d'une réglementation favorable, combinée à une stabilité politique accrue, ainsi que l'appui technique apporté par le FMI afin de soutenir les efforts de renforcement des capacités de supervision du secteur financier, a créé un environnement favorable aux banques dans leur mission et objectifs. En Afrique de l'Est, l'expansion régionale des BA est fondée sur deux particularités : D'un côté un marché commun au sein de la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE), le mouvement étant dominé par un pays, à savoir le Kenya. D'un autre côté, ces banques contribuent amplement à l'intégration régionale, en financement les programmes d'infrastructure. En Afrique de l'Ouest, le poids économique du Nigéria et du Ghana, ajouté à cela une forte concurrence, augmentent la compétitivité des BA et donc leur performances dans cette région.

Nous avons pu constater que les BA dans ces régions réalisent de bonnes performances. Par exemple le secteur bancaire contribue respectivement de 50%, 31%, 31% et 75% au PIB régional en Afrique du Nord, en Afrique de l'Ouest, en Afrique de l'Est et en Afrique Australe ; contre seulement 19% en Afrique centrale. L'Afrique centrale demeure donc une zone « risquée » pour les BA.

A la lumière de ce qui précède, les résultats de notre étude s'avèrent pertinents ; Faute d'une croissance économique soutenue les BA se marginalisent au Cameroun et en zone CEMAC par rapport aux autres régions du continent. En effet, les BA sont certes rentables et réalisent un niveau de performance appréciable si l'on s'en tient à la dynamique du secteur bancaire camerounais. Toutefois, ces banques disposent des atouts majeurs capables d'optimiser cette performance ; Seulement, l'environnement économique du Cameroun et de la CEMAC ne leur est pas favorable, d'où cette marginalisation par rapport aux filiales opérant dans les autres zones géographiques et linguistiques du continent africain.

110

Par conséquent, les résultats de notre étude présentent un enjeu majeur pour le Cameroun dont les BA constituent les principaux acteurs du secteur bancaire, après les banques d'origine française. Au moment où le taux de bancarisation reste faible, et que l'économie fait face à d'importants besoins de financement, les BA qui accompagnent la croissance économique de la plupart des régions d'Afrique disposent des atouts que le Cameroun pourrait optimiser pour dynamiser davantage son secteur bancaire. L'attention particulière que ces banques accordent aux PME dans les autres régions, et leur proximité avec la clientèle à travers les produits comme le Mobile Banking sont parmi leurs principaux atouts ; L'Etat pourrait par exemple, comme nous l'avons proposé dans cette étude, ouvrir le système bancaire à d'autres types de fournisseurs de services financiers même si ce sont des sociétés non financières, comme les opérateurs de téléphonie mobile pour améliorer la bancarisation ; inciter la mise en place des fonds de garanties dédiée aux PME ; et renforcer la coopération avec les autorités de régulation des autres régions. Au niveau de la CEMAC, une intégration plus renforcée serait une aubaine pour ces banques qui disposent d'une forte expérience dans le financement des infrastructures transfrontalières.

Néanmoins cette étude présente des limites à certains niveaux. Nous n'avons pas pu mobiliser certaines données, notamment les données sur les indicateurs qualitatifs de la performance des BA, nous nous sommes limités uniquement sur les indicateurs quantitatifs. Aussi, certaines études semblent prouver que le faible dynamisme du secteur bancaire camerounais dans lequel évoluent les BA, tient plutôt à l'histoire de ce secteur qui a connu une crise systémique majeure dans les années 80 et 90 ; cette crise a entrainé un comportement d'aversion au risque de la part des banques en activité au Cameroun qui préfèrent se concentrer sur les investissements moins risqués et à faible rentabilité.

Au moment où nous terminons notre étude, nombreux autres BA veulent s'installer au Cameroun malgré le faible dynamisme du secteur bancaire. Il devient intéressant se s'interroger sur les mobiles de la régionalisation des BA au Cameroun.

111

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci