Patrimoine culturel Bandjoun. Destruction et stratégies de protection (1904-2005).par Jacques Simo Djilo Université de Dschang Cameroun - Master 2 2018 |
3.2 LES FACTEURS INTERNES DE LA DESTRUCTION DU PATRIMOINE CULTUREL BANDJOUNSi l'argumentaire qui précède a montré à suffisance que la destruction du patrimoine culturel Bandjoun est le résultat des forces extérieures, il n'en demeure pas moins que cette destruction est davantage liée aux mobiles d'origine interne. Dans le sillage de ces facteurs internes, nous aborderons tour à tour la participation de Bandjoun au grand commerce entre le XV et XIXème siècle, les querelles de succession, la mauvaise conservation des objets patrimoniaux, la fantaisie dans l'attribution des titres de notabilité, la rupture de transmission des savoirs. 3.2.1 La participation au Commerce entre le XVème et le XIXème siècle sur la côteEntre le XVème et le XIXème siècle, le commerce était florissant dans le golfe de guinée plus précisément sur les côtes Camerounaises175(*). Bandjoun n'échappa pas à ce vaste circuit commercial. La chefferie entretenait des relations commerciales avec surtout la partie septentrionale notamment le Bornou et l'Adamaoua. A ce sujet, Jean Paul Notué écrit : Dans le cercle du commerce atlantique, Bandjoun envoyait vers la côte principalement des ivoires, des esclaves et des peaux de bêtes. Les produits d'importation qu'il recevait en contre-valeur étaient principalement le sel, des perles, des fusils, et de la poudre. Les rois et les notables qui participaient activement à l'économie de la traite s'enrichirent puis accumulèrent des objets d'art, signe de prestige et symbole de réussite matérielle dès le XVIIIème siècle176(*). Cette participation au commerce de traite a contribué d'une manière ou d'une autre à la déportation des biens patrimoniaux. 3.2.2 Le caractère hautement mystique et considéré comme diabolique par une partie de la populationDans l'univers du patrimoine immatériel Bandjoun, il existe des sociétés sécrètes qui n'existent plus de par leur qualité extrêmement mystique. D'ailleurs, ces sociétés sécrètes ont fait germer autour d'elles une construction des schèmes de pensées néfastes. C'est le cas de la société bèjyeh que Albertin Koupgang et Nouaye caractérisent ainsi « cette société à caractère magique et religieux est très proche du msop au niveau des pratiques. Elle utilisait la magie noire ou famla, qui voudrait qu'un membre désireux d'atteindre un grade élevé livre en sacrifice au moins 7 personnes de sa propre famille »177(*). 3.2.3 Les questions de succession et ses incidences sur le patrimoine Bandjoun.Parmi les chefferies Bamiléké, Bandjoun est sinon le cas le plus atypique du sous titre ci-haut évoqué. S'il est établi que dans certaines monarchies et tribus le successeur du défunt est connu d'avance, chez les Bamiléké en général et Bandjoun en particulier c'est un mystère car chaque prince est candidat à la succession. Mais alors, si dans la quasi-totalité des chefferies Bamiléké la succession s'est opérée suivant la logique de l'hérédité, à Bandjoun, c'est un véritable melting pot de procédure successorale. C'est une chefferie qui, depuis sa création a évolué sur la base des contestations successorales. C'est pourquoi Pierre Thoutezo qualifie cette attitude de « Qui sème le vent récolte la tempête »178(*). Il voudrait par cette affirmation signifier que cette manière dont la chefferie Bandjoun procédait dans le cadre de la succession des monarques était déjà un support lointain aux cataclysmes qui devaient arriver. Le schéma suivant nous renseigne davantage. * 175 Warmier, J-P., Echanges, développement et hiérarchie dans le Bamenda précolonial, Wiesbaben et Stuttgant, Franz Steiner Verlag, 1985, p. 15. * 176Notue, J.P., « Le royaume Bandjoun (Leng Djo ou Gung Djo ) : Histoire, contexte de la création artistique, arts et traditions dynamiques » ..., p.46. * 177 Koupgang, A., et Nouaye, A., « les sociétés sécrètes de Bandjoun » ..., p.132. * 178 Tchoutezo, P., les royaumes Bamiléké des origines à la mondialisation..., p.208. |
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