1.2 Le solde finance publique
La gestion des finances publiques en RDC a longtemps
été soldée par des déficits chroniques, dont le
financement était réalisé par des recours excessifs aux
avances du système bancaire, essentiellement de la Banque Centrale.
Cette option est même la seule possible, parfois, vu le
sous-développement du marché des effets publics. Cette
monétisation des déficits publics débouche sur
l'inflation, qui est en soi un obstacle développement d'un marché
des instruments de la dette.
La loi n° 005 relative à la constitution, à
l'organisation et au fonctionnement de la B.C.C, interdit la B.C.C d'accorder
des avances au Trésor dès 6 mai 2002. Fort malheureusement, cette
disposition salutaire tant pour la stabilité que pour la population,
semble « mourir de sa belle mort ». L'autorité
monétaire loin de rompre avec les émissions au profit du
Trésor, elle en a fait partie intégrante de son action comme en
témoigne le tableau ci-après.
Tableau n°08. Financement des déficits
publics en RDC en millions USD
Année
|
Besoin de financement(1)
|
Financement monétaire
(2)
|
Financement non monétaire (3)
|
(2)(1)
|
(3)(1)
|
1980
|
-237,454
|
194878,8
|
-956004
|
-82,0701
|
-17,9299
|
1981
|
-291,829
|
230480,1
|
-36140,1
|
-78,9779
|
-21,0221
|
1982
|
-710,096
|
713774,1
|
0,000613
|
-100,518
|
-0,5179
|
1983
|
-151,68
|
183295,2
|
1,9205
|
-120,843
|
220,8434
|
1984
|
-113,527
|
87029,62
|
-0,03352
|
-76,6596
|
176,6569
|
1985
|
-210,539
|
29090,13
|
4,7606
|
-13,817
|
113,817
|
1986
|
39276,84
|
168946,2
|
0,000156
|
430,1419
|
-530,142
|
1987
|
-32855,6
|
74403,91
|
-444,667
|
-226,457
|
326,4575
|
1988
|
-624,21
|
331794
|
0,471698
|
-53,1542
|
153,1542
|
1989
|
158925,7
|
-122786
|
0,381679
|
77,2598
|
-22,7402
|
1990
|
-721,614
|
602,1834
|
-956004
|
-83,4495
|
-8,505
|
1991
|
-1440,84
|
1453,435
|
-36140,1
|
-100,04
|
-1306
|
1992
|
-18226051,95
|
1146
|
0,000613
|
-97,4359
|
2850,427
|
1993
|
-324715042,98
|
375
|
1,9205
|
-98,8936
|
-1,2572
|
1994
|
-92295.85
|
473625
|
-0,03352
|
-100,04
|
-0,033
|
1995
|
3527,333
|
-3083,33
|
4,7606
|
-87,4126
|
-12,6063
|
1996
|
-33438,7
|
33438,21
|
0,000156
|
-99,9986
|
-0,00141
|
1997
|
-203888
|
203887,4
|
-444,667
|
-99,9998
|
-0,00019
|
1998
|
-155109
|
155907,5
|
|
-100
|
0
|
1999
|
-655453
|
655453,2
|
|
-100
|
0
|
2000
|
-210803
|
210803,3
|
|
-100
|
0
|
2001
|
3958,409
|
-3958,41
|
|
-100
|
0
|
Source : Rapports Annuels BCC 1980-1998 et Condensés
d'informations statistiques 1999-2001, p.90
Il ressort de l'analyse de ce tableau que les déficits
budgétaires caractérisant la gestion des finances publiques au
cours de la période analysée ont été
financés en grande partie par les avances de la BCC au Trésor. Ce
qui a entrainé des
Serge KASEREKA KANYAMA Page 84
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
fortes inflations, ainsi qu'une crise de liquidités,
frappant négativement l'intermédiation financière du pays
et par conséquent la politique monétaire.
Par contre, les excédents budgétaires
observés ont servi au remboursement d'une partie des emprunts du
Trésor vis-à-vis de la BCC, des BCM et des détenteurs des
effets publics.
Le financement démesuré du financement
monétaire des déficits budgétaires a entrainé une
baisse sensible des crédits intérieurs orientés vers
l'économie, au profit des crédits de plus en plus croissant au
secteur public qui lui, les utilisant souvent aux dépenses moins
productives, comme le montre le tableau n°08.
? Le poids de la dette extérieure
Aussi nécessaire puisse-t-elle être pour financer
l'investissement, l'accroissement de la dette externe constitue un fardeau
d'une lourdeur exceptionnelle pour la République Démocratique du
Congo.
Elle constitue une source de contrainte pour la gestion de la
politique monétaire et contrarie celle-ci car son accumulation par
l'Etat fait que toute variation du taux de change risque de se traduire par une
hausse de l'inflation. La RDC est confrontée à une lourde charge
du service de la dette par rapport à ses recettes et à ses
réserves de change et le poids de celle-ci est sans conséquence
sur la gestion de la politique de monétaire de la Banque Centrale.
En effet, la dette extérieure est payée en
devise étrangère, ce qui pousse les autorités
monétaires à recourir au marché de change pour convertir
la monnaie nationale en devises étrangères. Mais, dans le
contexte congolais, étant donné que la BCC ne dispose pas d'un
stock en devises suffisant, elle est obligée de recourir à la
planche à billet afin de disposer de la monnaie à convertir sur
le marché de change pour payer sa dette extérieure. Ainsi, comme
le stock des devises (demande) est limité alors que la masse
monétaire en devise domestique augmente, cela va se traduire par une
dépréciation de la monnaie nationale sur le marché de
change. Et comme les prix de plusieurs biens et services sont libellés
en devises étrangères, cela aura pour conséquence une
hausse des prix. Ainsi, il se crée un conflit entre la gestion de la
politique monétaire d'une part, et le financement de la dette
extérieure d'autre part.
Le tableau ci-dessous renseigne que notre pays se trouve
caractérisée par une situation de surendettement et
d'incapacité à faire face au service de sa dette
extérieure33.
33 A. ZONON, Les déterminants de l'inflation au
Burkina Faso, Document de travail N°02/2003, Centre
d'Analyse des Politiques Economiques et Sociales, CAPES, 2003, p. 33.
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
Tableau n°09. L'évolution de la dette
publique et ratios de soutenabilité
Paiements de la dette publique et soutenabilité
de la extérieure
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
Dette publique
|
8,672
|
9,967
|
9,44
|
9,427
|
9,878
|
9,878
|
9,945
|
PIB
|
2,415
|
0,338
|
0,259
|
0,207
|
0,079
|
0,006
|
0,001
|
Exportations
|
1,118
|
1,107
|
1,006
|
1,077
|
1,085
|
1,103
|
1,246
|
Ratio dette sur PIB
|
3,59
|
29,49
|
36,45
|
45,54
|
125,04
|
1646,33
|
9,945
|
Ratio dette sur exportations
|
7,757
|
9,004
|
9,384
|
8,753
|
9,196
|
8,956
|
7,982
|
Source : BCC, Rapports Annuels de 1995-2001 (en milliards
USD), p.113
Il ressort de ce tableau que le poids de la dette
extérieure par rapport au PIB et aux recettes d'exportation est en
constante augmentation. Toutefois, il faudra noter que le ratio dette sur PIB,
ainsi que le ratio dette sur exportations sont toujours supérieur aux
seuils de tolérance qui sont estimés respectivement à 0.3
et à 1.5 pour les pays pauvres très endettes (PPTE). Donc la
dette publique est non soutenable34.
C'est ainsi que nous pensons qu'un allégement de la
dette extérieure de la RDC dans le cadre de l'initiative
PPTE35, est nécessaire afin de lever les différentes
contraintes qu'impose celle-ci sur l'activité économique du pays
en général et sur la politique monétaire en
particulier.
? Le manque de communication et
d'information
Le manque de communication entre la Banque Centrale et les
banques commerciales, problème typique des systèmes peu
développés (comme c'est le cas en RDC) fait obstacle à la
formulation et à la mise en oeuvre efficace de la politique
monétaire. En R.D. Congo, les autorités monétaires
n'envoient pas de signaux clairs sur l'orientation de la politique
monétaire, et les banques commerciales sont souvent perplexes devant la
politique conduite par la Banque Centrale. Enfin, le public a peu accès
aux informations sur le taux d'intérêt et le volume des
transactions sur les marchés.
? Les systèmes de paiement
inefficients
L'inefficience du système de paiement en R.D. Congo
oppose un obstacle majeur aux règlements le jour même ou à
court terme des opérations entre investisseurs et réduit d'autant
la liquidité des effets négociés.
En outre, l'importance du flot créé par ses
carences, conjuguée à l'exigüité du marché
interbancaire, oblige les banques commerciales à détenir des
réserves excédentaires considérables sur le compte courant
à la Banque Centrale afin d'éviter les pénalités
élevées qui peuvent les frapper lorsqu'elles ne s'acquittent
pas
34 Donc la RDC est dans une crise de d'endettement car
l'économie congolaise est dans l'incapacité de
produire ou de générer les sommes d'argent qu'il
faut pour rembourser la dette contractée ainsi que payer son service.
35 PPTE : Pays Pauvres très Endettés.
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Serge KASEREKA KANYAMA Page 86
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
de l'obligation de règlement des opérations de
compensations quotidiennes. L'ampleur du flot et ses fluctuations erratiques
sont un des principaux obstacles à la transmission des signaux de la
politique monétaire.
Ainsi, pour bien mener sa politique, la Banque Centrale du
Congo a besoin d'un système financier intégré, efficace,
stable, couvrant toute l'étendue du pays et acceptant des instruments de
paiement autres que le fiduciaire et le chèque. Le dénouement des
transactions financières devrait s'effectuer en un temps réel.
? Le disfonctionnement du système
financier
Pendant qu'au niveau international les tendances sont telles
qu'il faut mettre en place des nouveaux produits afin d'adapter l'environnement
bancaire et financier par rapport aux exigences des innovations rapides et
celles de l'internationalisation des flux financiers, le système
financier congolais a été affecté par une longue crise et
reste dans une phase de financement traditionnelle caractérisée
par la collecte de dépôt et de l'octroi de crédit au niveau
de banques36.
Cependant, la désintermédiation
financière en RDC est attestée par une insuffisance de la
mobilisation de dépôt bancaire et a eu tendance à
s'accélérer à cause de l'instabilité
économique. Les agents économiques étant rationnels, leurs
préférences sont tournées vers les actifs financiers
(devises) que d'aller vers le circuit bancaire. Les taux d'intérêt
n'étant plus attractif, ils sont restés longtemps négatifs
du fait de l'inflation.
Ainsi, la pénurie des billets dans les banques
apparaît comme la principale cause conjoncturelle de la
déchéance du système bancaire congolais. En dépit
d'une forte expansion des liquidités, liée à la
monétisation des déficits publics par la Banque centrale, les
banques commerciales se trouvent privées de versements en
espèces. Par ailleurs, ne pouvant actionner leurs disponibilités
à la Banque Centrale, elles sont dans l'impossibilité de
transformer les crédits octroyés aux clients en espèces.
Incapables de répondre aux demandes pressantes de retraits de fonds, les
banques commerciales, démunies en outre de devises, ne disposent d'aucun
élément susceptible d'attirer les espèces détenues
par les agents économiques.
Parmi les facteurs qui favorisent une forte circulation
fiduciaire hors banque, il y a les nombreux paiements en espèces aux
guichets de la Banque Centrale au profit de divers fournisseurs de l'Etat.
L'environnement des affaires des banques commerciales
congolaises a été marqué par une succession
d'événements auxquels celles-ci semblent ne pas s'adapter : le
jeu des placements spéculatifs appelé « bindo », les
deux vagues de
36 KIYANGA KI N'LOMBI, Notés de Cours de gestion des
institutions financières, 2ème Licence EMI,
Université Protestante au Congo2010-2011, p.24.
Serge KASEREKA KANYAMA Page 87
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
pillages qui ont affecté leurs clients et la
pénurie persistante des billets dans le circuit
bancaire37.
Notons par ailleurs qu'avant 2001, les banques commerciales
ont connu des difficultés en raison de l'hyperinflation, de la
décote, de l'insolvabilité et l'illiquidité bancaire, du
non-financement des activités de production ainsi que de la naissance de
la désintermédiation financière et de la dollarisation.
Du fait de ces événements, l'on remarque
aujourd'hui une prédominance du secteur informel.
Cette situation n'est pas sans conséquence sur la
conduite de la politique monétaire de la BCC ; étant donné
que celle-ci n'a pas un contrôle sur une partie de la masse
monétaire en circulation dans l'économie.
En effet, étant donné que la Banque Centrale ne
contrôle que de la monnaie scripturale, la prédominance de la
monnaie fiduciaire peut constituer un frein à l'efficacité de la
politique monétaire.
Tableau n°10. L'évolution de la
circulation fiduciaire et de la circulation bancaire en %
Années
|
Circulation Fiduciaire
|
Circulation banques
|
1980
|
44,7
|
55,3
|
1981
|
45
|
55
|
1982
|
40,74
|
59,26
|
1983
|
55,4
|
44,6
|
1984
|
55,02
|
44,98
|
1985
|
57,02
|
42,98
|
1986
|
59,02
|
40,98
|
1987
|
56,39
|
43,61
|
1988
|
56,13
|
43,87
|
1989
|
70,53
|
29,47
|
1990
|
84,29
|
15,72
|
1991
|
96,9
|
3,1
|
1992
|
38,61
|
61,39
|
1993
|
45,24
|
54,76
|
1994
|
33,09
|
66,91
|
1995
|
48,39
|
51,61
|
1996
|
38,25
|
61,75
|
1997
|
46,43
|
53,57
|
1998
|
60,89
|
39,11
|
1999
|
85,22
|
14,78
|
2000
|
67,76
|
32,24
|
2001
|
40,73
|
59,27
|
Source : l'auteur sur base de données de la BCC,
Rapports Annuels 1980-2001
37 KABUYA KALALA, Op. cit., p.
74.
Serge KASEREKA KANYAMA Page 88
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
En conclusion, il sied de souligner que la politique
monétaire durant cette (sous) période n'a pas obtenu des
résultats satisfaisants. L'évolution des taux d'inflation en est
une illustration.
Cet échec tire son origine de l'incohérence et
l'irrationalité dans l'agencement des instruments de politique
monétaire, bien que l'Etat Congelais ait aussi une part de
responsabilité importante.
La BCC a maintenu la grille de ses instruments lesquels n'ont
pas eu d'effet au regard de l'ampleur du déficit budgétaire,
source d'hyperinflation ». Notons que, c'est de la politique
budgétaire que dépend, en dernier ressort, la possibilité
de mettre un terme à l'hyperinflation : quand le problème est
devenu tellement apparent, l'Etat est contraint de réduire ses
dépenses et d'accroître ses recettes. Il peut, de ce fait,
émettre moins de monnaie, et donc ralentir la croissance
monétaire. On voit donc que, même si l'inflation est partout et
toujours un phénomène d'ordre monétaire, la fin de
l'hyperinflation est généralement d'ordre budgétaire et
monétaire.
Cette situation a conduit les agents économiques
résidents à adopter un comportement en faveur des monnaies
étrangères au détriment de la monnaie nationale.
C'est-à-dire, ils ont opté pour l'utilisation des devises dans la
quasi majorité de leurs opérations financières, parfois en
abandonnant même la monnaie nationale. Cette attitude a consacré
ainsi le régime de dollarisation de « facto » en RDC,
régime qui était officialisé par les mesures
légales.
Serge KASEREKA KANYAMA Page 89
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
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