Création de valeur dans l'industrie du
jeu-vidéo: Développement d'activités, convergence de
filières.
Analyse stratégique et opportunités de
développement du business unit Gaming & Network Services de Sony
Inc.
GOUYER Guillaume MORAND
Valentin
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Département LSO Université
Paris-Dauphine
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Table des matières
2
Diagnostic stratégique externe
1. Périmètre d'activité de l'industrie
du jeu vidéo 3
2. Analyse de l'offre 4
2.1. Spécificités culturelles et
économiques du secteur 4
2.2. Typologie et cartographie des groupes stratégiques
7
2.3. Modes de production et de distribution 9
3. Analyse de la demande 12
3.1. Structure et segmentation 12
3.2. Caractéristiques économiques et
évolution de la demande 16
4. Facteurs environnementaux et intensité
concurrentielle 19
4.1. Analyse PESTEL 19
4.2. Analyse des forces de Porter 20
Diagnostic stratégique interne
1. Chaîne de valeur de Sony Interactive Entertainment
22
2. Audit des ressources et compétences
stratégiques de SIE 23
2.1. Ressources immatérielles 23
2.2. Ressources physiques 23
2.3. Ressources humaines 23
2.4. Ressources financières 24
2.5. Compétences fondamentales 24
3. Analyse VRIO 25
4. Matrice BCG 26
5. Analyse TOWS 27
Recommandations
1. Consolidation des activités existantes 29
2. Développement de nouvelles activités 37
Introduction
3
Sony Interactive Entertainment (SIE) est la filiale du groupe
Sony et son domaine d'activité «Gaming & Network
Services», spécialisée dans la production et la
commercialisation de jeux-vidéos et de consoles de jeu, le
développement de services multimédia ainsi que la distribution
digitale des produits d'autres sociétés. SIE présente un
positionnement de leader et de price-maker de la filière des consoles
depuis son entrée sur le marché avec la première
itération de PlayStation. La firme définit sa mission comme celle
d'un challenge de créativité avec l'émergence d'un univers
de plaisir et de rêve pour ses clients, en les inspirant et en
satisfaisant leur élan de curiosité. Sa vision est guidée
par la philosophie du Kando, qui ne possède pas de définition
française mais qui correspond à un esprit d'inspiration et de
partage émotionnel. Kazuo Hirai, ancien président historique de
Sony, définissait cette philosophie du Kando(1) par la
création d'une «connexion émotionnelle» avec les
usagers. L'ambition première était de développer des
produits uniques et hautement sophistiqués en fonctionnalités et
en design pour construire ce lien particulier avec les consommateurs de la
marque japonaise. Sony cultive un positionnement haut-de-gamme, correspondant
majoritairement à une sophistication sans surprix sur l'horloge
stratégique Bowman & Faulkner.
Sony Interactive Entertainment Incorporation s'organise
à l'échelle mondiale en filiales réparties par zones
géographiques, avec Sony Interactive Entertainment Japon et Asie, Sony
Interactive Entertainment Europe et Sony Interactive Entertainment
Amérique où le siège des activités de
développement et de design PlayStation HQ est implanté. Les
domaines d'activités stratégiques de Sony sont divers et
complémentaires, mais depuis plusieurs années, celui du
divertissement et du jeu-vidéo a pris le pas financièrement sur
l'ensemble des activités du groupe. SIE a ainsi
généré un chiffre d'affaires de 1943,8 milliards de Yens
(14,7 milliards d'euros) en 2017, avec un résultat d'exploitation de
177,5 milliards de yens (1,35 milliards d'euros).
Si le secteur du jeu vidéo requiert des investissements
en capital technologique importants en raison de la production de biens et
services à forte valeur ajoutée pour les utilisateurs, cette
industrie demeure très concurrentielle et marquée par des cycles
d'innovation courts et par une constante destruction créatrice.
Néanmoins, malgré sa place de leader, SIE fait face à deux
autres groupes mondiaux intégrés, Microsoft et Nintendo, avec qui
elle se partage la filière de la production de consoles, tout en
étant en concurrence avec des éditeurs de jeux majeurs tels que
Electronic Arts, Ubisoft, Activision-Blizzard et Take-Two Interactive. Nous
avons ainsi choisi ce sujet en raison de la forte intensité
concurrentielle et des particularités économiques de cette
industrie, actuellement confrontée à l'apparition de nouveaux
acteurs et de nouvelles technologies menaçant les activités de
Sony Interactive Entertainment. Les risques concernent tant la perte de la
position concurrentielle de la société, que la possible
disparition de la filière des consoles face à l'émergence
du cloud gaming. Les enjeux relatifs sont ainsi la consolidation de sa
position, tout en considérant un possible pivot stratégique dans
la transformation de ses produits.
1.
Diagnostic stratégique externe
4
Périmètre d'activité de l'industrie du jeu
vidéo
Avec un chiffre d'affaires de 108,9 milliards de dollars, le
marché du jeu vidéo connaît une forte croissance de plus de
7% par an. Le marché n'est pas sensible à la conjoncture
économique et aux évolutions de l'environnement
macroéconomique. Malgré la baisse des dépenses en loisir
dans les pays développés, le jeu vidéo ne voit pas son
secteur fragilisé compte tenu de l'incertitude des foyers quant à
l'économie mondiale. De cela, le marché est en pleine expansion
et s'étend vers de nouveaux horizons.
On assiste à l'apparition de nouveaux acteurs (GAFA et
sociétés asiatiques) et à une expansion du
périmètre géographique grâce à l'ouverture de
nouveaux marchés, pour des raisons politiques en Chine
développées dans l'analyse PESTEL, ou liées à un
taux d'équipement croissant en Asie du Sud-Est. L'industrie du
jeu-vidéo présente des cycles d'innovation courts et un
renouvellement continu de l'offre, dynamisant en outre la demande, dus à
l'interdépendance avec d'autres secteurs hautement technologiques comme
la smart télévision, les infrastructures internet ultra-haut
débit et le développement de composants graphiques et de
processus.
2. Analyse de l'offre
2.1. Spécificités culturelles et
économiques du secteur
Une industrie historiquement marquée par la destruction
créatrice
À la fin des années 1970, l'industrie de
l'arcade et du jeu-vidéo était une filière
économique déjà importante au Japon. Nintendo était
à l'époque une société spécialisée
dans la vente de jouets ludiques ainsi que la création de machines
d'arcade pour bars et magasins de divertissement, avec des licences telles que
Donkey Kong et Mario (Jumpman). Avec la popularité croissante des
consoles de jeu américaines telles que les Atari 5200 et Mattel
Intellivision, Nintendo a vu l'opportunité de développer ses
propres jeux pour les consoles Atari et ses propres consoles pour le
marché local japonais, en déclinant l'univers de ses jouets sous
licence afin de créer une expérience de jeu nouvelle pour les
joueurs. Il s'agissait de dépasser le simple cadre de l'arcade pour
réaliser des jeux de plateforme et d'aventure, avec une trame et un
storytelling. Si le krach de l'industrie du jeu-vidéo en 1983
(2) a entraîné la chute des acteurs majeurs
transpacifiques et concurrents de Nintendo, la robustesse du marché
japonais par l'attrait important des consommateurs locaux pour ces nouveaux
modes de divertissement a permis à Nintendo de résister à
l'érosion des marchés financiers sur cette classe d'actifs.
Au-delà même, Nintendo a profité du recul des acteurs
américains comme une occasion d'exporter sa console-phare, la Famicom ou
NES (Nintendo Entertainment System) sur le marché international, lui
permettant alors de s'établir comme numéro un de l'industrie
mondiale du jeu-vidéo grâce à une expérience
qualitative pour les joueurs, en rupture avec la bibliothèque de jeux
certes quantitative mais de très faible qualité d'Atari
(3). On retrouve ainsi l'idée de destruction créatrice
dans la redistribution des rôles dans l'industrie mondiale du jeu
vidéo des années 1980.
5
Entre la fin des années 1980 et le début des
années 1990, la concurrence des sociétés
américaines éditrices de jeux était alors relativement
faible, dès lors que Nintendo avait procédé à la
mise en place de droits d'accès et d'exploitation aux prix prohibitifs
pour les éditeurs, avec en outre des normes techniques visant à
protéger son système propriétaire et son monopole
nouvellement acquis. À cela s'est joint une stratégie agressive
sur le plan juridique, Nintendo attaquant Atari pour atteinte à la
propriété intellectuelle, en réponse à des
poursuites venant d'Atari aux États-Unis sur les pratiques
anti-compétitives de Nintendo, dans le cadre de la législation
anti-trust. (4)
«Flipping back to the time when the NES is being
developed, President Yamauchi studies the video game crash of 1983-84 and
realizes that a big problem was the flooding of the market with inferior
product by numerous companies little concerned for quality. To avoid this,
Nintendo instigates a strict (some might say, draconian) third-party licensee
program, allowing only select developers make games for the NES. When you sign
up for this program, you play by Nintendo's rules. The company demands a 20
percent royalty on game sales, as well as a manufacturing fee of $14 per
cartridge, which Nintendo then farms out at a cost to them of $7 per
cartridge.»
Des nouvelles sociétés comme Sega et Sony se
sont développées en s'inspirant de l'écosystème et
des standards techniques de développement de Nintendo. Lorsque Sega
décidait de produire des nouvelles consoles comme la MegaDrive, Sony
s'alliait à Nintendo en développant des contenus additionnels
comme le système de son 8 canaux Sony Dolby pour la NES. Sony
était déjà une entreprise majeure dans le
développement de CD-Roms et de produits multimédia quand Nintendo
s'est rapproché de la société une nouvelle fois, pour
créer un système de lecture de CD-Roms pour sa console NES, et
développer les capacités en stockage mémoire
au-delà de celles particulièrement restrictives des
cartes-mémoire alors utilisées à l'époque, tout en
profitant du coût de production largement plus faible des CD-Roms par
rapport à celles-ci. Après un revirement de Nintendo en raison
d'éléments contractuels à son désavantage et
non-relevés en première instance lors de la signature, la rupture
de contrat a permis à Sony de capitaliser sur l'expertise technique
acquise lors de sa collaboration avec Nintendo en travaillant directement sur
les consoles NES, pour développer sa propre console de jeu PlayStation
en exploitant le succès grandissant de la 3D dans l'industrie du
jeu-vidéo(5).
Si Sony ne possédait pas les ressources et les
compétences pour développer ses propres jeux, l'entreprise a
décidé d'opter pour une stratégie d'alliance additive et
exclusive avec des acteurs japonais majeurs de l'industrie du jeu-vidéo
à l'instar de Namco, tout en bénéficiant de
l'attractivité liée aux possibilités étendues de
création de jeux-vidéos sur CD-Rom pour les éditeurs
mondiaux avec des coûts liés aux droits d'exploitation plus
faibles, tranchant avec les pratiques de prix prohibitifs de Nintendo. En
imposant un nouveau standard, Sony s'est ainsi constitué un avantage
concurrentiel temporaire mais suffisamment important pour
bénéficier d'un taux de pénétration de
marché spectaculaire et mettre fin au duopole Sega-Nintendo. Face aux
stratégies isolationnistes de Nintendo et de Sega qui
privilégiaient un développement interne de leurs propres jeux
sous licence et considéraient les éditeurs tiers comme des
clients particulièrement rémunérateurs, Sony a
préféré prendre le contre-pied de cette stratégie.
L'un des facteurs-clé de succès du développement de
l'activité de Sony dans la production et la vente de consoles a ainsi
été la constitution d'un écosystème ouvert et
durable d'éditeurs tiers de jeux.
Avec sa seconde itération de consoles
dénommée PlayStation 2, Sony a continué d'exploiter les
synergies liées à ses autres domaines d'activité
multimédia, mais également sa maîtrise des
stratégies de commercialisation en milieu hyper-compétitif.
L'entreprise a poursuivi sa stratégie de différenciation, en
s'ouvrant à des segments de consommateur à la fois plus jeunes
mais
6
également plus vieux, par une segmentation mass-market
face à la stratégie ciblée autour des 17-20 ans de
Nintendo, en proposant un catalogue de jeux variés grâce à
sa proximité avec les éditeurs de jeux. Avec cette nouvelle
console, la plus vendue à ce jour dans le monde, Sony a su
s'établir en tant que leader mondial de la filière de production
de consoles de jeu. En réponse, Nintendo a lancé une nouvelle
console Gamecube destinée aux cibles les plus jeunes, en se concentrant
sur son premier facteur-clé de succès, à savoir ses
licences internes au sein d'un univers ludique, avec un franc succès en
terme de contenu, mais derrière Sony tant dans les
caractéristiques techniques de son produit, dans l'attractivité
des éditeurs tiers que dans les parts de marché relatives
à l'international. La concurrence entre ces deux groupes s'est
également portée sur la filière des consoles portables,
historiquement monopolisée par Nintendo, mais bouleversée par
Sony lors de la commercialisation de la PSP (PlayStation Portable) et de la
PlayStation Vita, profitant de son expertise dans la création de
baladeurs Walkman pour dépasser l'univers du jeu-vidéo et
proposer un produit multimédia.
Convergence de filières industrielles et formation de
clusters
Dans l'autre zone géographique majeure de l'industrie
du jeu-vidéo, en Amérique du Nord, de nombreux éditeurs
avaient décidé de se focaliser sur les jeux-vidéos
destinés aux ordinateurs et macintosh du fait des pratiques abusives de
Nintendo, leader pendant plus d'une décennie entre 1984 et 1995. Si
certains ont également développé leur activité sur
console avec la sortie de la PlayStation et l'ouverture à des standards
techniques proches de la filière PC (CD-Rom, programmation en langage
C#), la majorité des activités restait concentrée sur les
jeux en ligne sur ordinateurs, alors que les consoles ne permettaient pas
encore un accès à internet. Si Microsoft a timidement
tenté une entrée sur le marché avec une console Xbox
première génération, la firme américaine n'a connu
le succès qu'avec l'entrée de sa seconde
génération, la Xbox 360, proche de la nouvelle Sony PlayStation 3
dans ses caractéristiques (accès à internet, moteur
graphique complexe et plateforme multimédia intégrée).
Avec cette quatrième phase dans la filière des consoles, on
assiste alors à un rapprochement des industries de production
d'ordinateurs, de consoles mais également des éditeurs de jeux
qui étaient relativement cloisonnés entre les univers consoles et
PC. Plus récemment, les consoles de dernière
génération lancées en 2013 correspondent à la
poursuite de cette convergence entre les PC et les consoles, avec des produits
de plus en plus développés technologiquement, et une ouverture
toujours plus forte vers les services multimédia annexes comme la
musique et les films, souvent en alliance supplémentaire avec d'autres
sociétés (comme Sony et Spotify sur la PlayStation 4, ou
Microsoft et Pandora sur la Xbox One).
À travers cet historique, on comprend les raisons de
l'émergence et de l'existence actuelle de deux zones
géographiques distinctes, correspondant à des places fortes de
l'industrie du jeu-vidéo, au Japon (avec Sony à Tokyo, Nintendo
à Kyoto), et en Amérique du Nord, avec Microsoft et de nombreux
éditeurs en Californie (Silicon Valley), mais également à
Montréal au Canada. Plus récemment, on note la naissance
d'acteurs de l'édition de jeux mobiles en Asie du Sud-Est (Chine,
Ta ·wan) avec Tencent et NetEase parmi les premiers éditeurs
mondiaux en chiffre d'affaires. Ces particularités industrielles ont
ainsi conduit à une convergence des filières de l'industrie du
jeu-vidéo dans un modèle de clusters industriels, défini
comme «la concentration géographique d'entreprises
interdépendantes, distributeurs spécialisés, prestataires
de services numériques, entreprises de support et universités
liées autour de technologies communes ou d'un produit final dans une
région donnée». (Porter, 1998) Néanmoins, avec les
générations de consoles les plus récentes, hautement
développées sur le plan technologique et la convergence des
filières PC et consoles, ces différences culturelles
disparaissent progressivement. Ce phénomène est aussi lié
à la mise en oeuvre d'une stratégie de développement
globalisé, que l'on retrouve dans la standardisation de la production et
de la commercialisation des consoles.
7
2.2. Typologie et cartographie des groupes
stratégiques
Typologie de l'offre
Aujourd'hui, le secteur du jeu-vidéo est
caractérisé par une structure oligopolistique, avec une
concentration toutefois moins importante que dans d'autres secteurs
technologiques comme celui des smartphones. Si Sony et Microsoft disposent des
parts de marché les plus importantes sur les consoles high-tech,
Nintendo cherche à consolider sa position de troisième acteur en
se différenciant fortement des deux autres par une approche ludique et
familiale du jeu vidéo à travers la Wii dont la manette fait
corps avec chaque joueur, puis la Switch à la fois console de salon
collective et console portable individuelle.
Au-delà de la filière des consoles, on retrouve
de nombreux acteurs majeurs et multinationaux dans l'édition de jeux,
tels que Square Enix, Sega, Bandai Namco originaires du Japon, ou Electronic
Arts, Activision et Take Two en Amérique du Nord. Les
sociétés des filières consoles disposent également
de leurs propres studios d'édition de jeux, avec Sony Interactive
Entertainment et Nintendo faisant partie des plus grands studios au monde en
terme de ventes de jeux et ce, sur d'autres plateformes que les leurs. Plus
récemment, de nombreux éditeurs de jeux mobiles ont vu le jour
grâce aux caractéristiques techniques particulièrement
développées des smartphones. En outre, l'édition de jeux
console et mobile est également caractérisée par de
nombreux studios de développement indépendants et
atomisés, dont le financement est lié aux solutions
émergentes de l'économie collaborative et la visibilité
est permise par les plateformes de distribution également
variées. La filière de l'édition présente des
dynamiques internes particulières, dès lors que le
développement d'un éditeur passe généralement par
l'acquisition d'un autre studio de développement, voire la fusion avec
une autre structure, afin d'acquérir de nouvelles ressources (licences
de jeux et ouverture vers de nouveaux marchés, principalement) et
compétences (expertise technique sur de nouveaux produits comme les jeux
mobiles). Ce fut ainsi récemment le cas de Facebook avec l'acquisition
de Zynga pour développer son portefeuille de jeux mobiles, de Microsoft
avec celle de Mojang AB, éditeur de Minecraft, un des jeux les plus
populaires au monde ; parfois, on assiste à des tentatives d'acquisition
de structures moins complémentaires et directement concurrentes, comme
l'entrée d'Electronic Arts et de Vivendi (Gameloft) dans le capital
d'Ubisoft pendant près d'une décennie.
Concernant la distribution, on assiste depuis plusieurs
années à la disparition des acteurs spécialisés de
distribution physique de consoles et de jeux, au profit des solutions
digitales. En outre, ces dernières sont intimement liées aux
solutions hardware (consoles, smartphones). Sur les consoles, les trois grands
groupes (Sony, Microsoft, Nintendo) disposent ainsi d'une distribution digitale
exclusive avec leur propre solution interne, respectivement PlayStation Store,
Xbox Store et Nintendo Game Store, permettant aux joueurs d'acheter et de
télécharger directement des contenus (jeux complets, contenus
additionnels, films, applications) tout en fonctionnant comme un réseau
social intégré pour renforcer les interactions entre joueurs. Sur
les PC, la société Valve dispose d'un quasi monopole en parts de
marché avec son application Steam, faisant office plateforme de
distribution de jeux et de réseau social pour les joueurs.
Néanmoins, on assiste à une certaine conßictualité
émergente, d'une part due aux grands éditeurs de jeux souhaitant
mettre en avant leurs solutions internes (Ubisoft avec Uplay, Electronic Arts
avec Origin) mais également liée à l'apparition de
nouveaux acteurs indépendants et différenciés,
généralement liés à la sphère
d'éditeurs indépendants (Itch.io, par exemple). Enfin, concernant
la distribution mobile, on retrouve les mêmes restrictions que sur les
consoles en terme d'exclusivité, avec l'App Store sur les terminaux
Apple et le Play Store sur les terminaux Android.
8
Par ailleurs, on constate l'apparition de nouveaux acteurs
proposant un nouveau modèle de distribution de jeux, non par l'achat
individuel de titres, mais par souscription d'un forfait permettant
l'accès à un catalogue sur le modèle du jeu à la
demande, proche des services de vidéo à la demande comme
Netßix. Ce modèle de développement présente la
dénomination de cloud gaming du fait d'un accès aux jeux
indépendamment de la plateforme hardware sur console ou PC (à
terme, car cette solution reste encore au stade de prototype), mais aussi
indépendamment des caractéristiques techniques requises pour
jouer aux jeux dès lors que le jeu est en réalité
exécuté sur des serveurs distants et non sur l'ordinateur ou la
console du joueur. Sont concernés tant les acteurs historiques qui ont
rapidement décidé d'intégrer ce nouveau segment à
leur chaîne de valeur (Sony avec le PlayStation Now, Microsoft avec le
Xbox Game Pass) que d'autres acteurs majeurs sur des marchés
multimédia (Google avec une solution dénommée Yeti, ou
encore Nvidia, société de manufacture de cartes graphiques, avec
sa solution GeForce Now). Ces sociétés tentent également
d'intégrer le développement du cloud gaming dans leurs solutions
de box TV (Android TV pour Google, ou Shield pour Nvidia).
Dynamiques industrielles et groupes stratégiques
Physique Canal de distribution Digital
Apple (App Store) Google (Play Store)
Distribution mobile
Facebook (Zynga), Temcent, NetEase, Sega, Supercell, King,
Netmarble
Nvidia (Shield) Amazon (Fire TV) Google (Android TV)
Fabricants box TV
Éditeurs mobile
Nvidia (GeForce Now), Google (Yeti), Sony (PlayStation Now),
Microsoft (Xbox Game Pass)
Distribution cloud gaming
Activision-Blizzard, Electronic Arts, Sony Interactive,
Take-Two,
Ubisoft, Bethesda, Nintendo,
Square Enix
Éditeurs console
Distribution console et PC
Sony (PlayStation Store) Microsoft (Xbox Live) Nintendo (Game
Store) Valve (Steam),
itch.io
Sony (PS4)
Microsoft (Xbox One) Nintendo (Switch)
Fabricants console
Faible Coût pour l'utilisateur final Élevé
Légende: Éditeurs et studios de
développpement Fabricants de produits hardware
Plateformes de distribution digitale Plateformes de cloud
gaming
La démarche méthodologique de la
détermination des groupes stratégiques actuels dans l'industrie
du jeu-vidéo a été effectuée à partir des
critères relevant du périmètre d'activité des
organisations ainsi que leur positionnement (Johnson, Stratégique, p.
112).
9
On observe ainsi une multitude de créneaux
stratégiques, dont certains historiques comme la production de consoles
qui sont à un stade de développement technique et
économique supérieur mais avec une croissance à
moyen-terme plus faible que les nouveaux créneaux comme le cloud gaming
et la production de box TV multimédia et gaming. Cette analyse sera
particulièrement utile pour déterminer le positionnement des
activités dans la partie 4, correspondant aux recommandations
effectuées pour Sony Interactive Entertainment.
2.3. Modes de production et de distribution
Structure productive
Les modes de production diffèrent selon le rôle
de l'entreprise dans la chaîne de valeur globale de l'industrie, de
fabricant hardware, à développeur de jeux ou plateforme de
distribution. Nous traiterons ainsi des deux premiers cas dans cette partie,
puis dédierons une seconde partie à l'analyse des réseaux
de distribution.
Les fabricants de consoles disposent d'une production mixte,
à la fois internalisée et externalisée, suite à des
acquisitions d'entreprises satellites dans une logique d'intégration
verticale de la chaîne de valeur. Elles disposent également de
fournisseurs externalisés pour des composants technologiques
particuliers, comme les processeurs fabriqués par Intel et AMD, et des
cartes graphiques produites par Nvidia ou AMD, en raison des économies
d'échelle que réalisent ces sociétés et la
réduction du coût d'acquisition par rapport au coût de
développement que requiert ces composants. Si la phase de conception et
de production est internalisé, du design au développement du
produit, l'assemblage est réalisé à la fois dans des
usines et bâtiments spécialisés détenus par les
fabricants mais également avec des partenaires au Japon, en Chine et
à Ta ·wan comme Foxconn en raison des volumes de production
importants et de la capacité de production de ces sociétés
spécialisées. Enfin le transport et la logistique est
majoritairement réalisé par des prestataires externes comme DHL
et United Parcel Service, deux entreprises mondiales du secteur de la
logistique (Kramberger, 2016, p. 362).
Avec les volumes de production réalisés sur la
manufacture de consoles, les fabricants réalisent des économies
d'échelle importantes, associées à un apprentissage
progressif sur l'efficience des processus de production. Au même moment,
le prix des composants décroît avec le temps, en raison d'une
meilleure maîtrise de la technologie de la part des
sociétés externalisées (AMD, Intel, Nvidia). Ces facteurs
expliquent la décroissance du prix et la stratégie
d'écrémage des fabricants de consoles dans les différentes
phases de vie de leurs produits commercialisés. Les marges
réalisées sur les consoles sont pourtant relativement faibles,
inférieures à 4% pour la PlayStation 4 et la Xbox
One(8) dans les deux premières années de
commercialisation, malgré des volumes de vente importants. Les leviers
de rentabilité principaux concernent en réalité la vente
de services comme la souscription premium Xbox Live ou PlayStation Network,
avec des coûts de mise en oeuvre très faibles, permettant aux
joueurs d'accéder aux contenus en ligne et d'interagir avec leurs
semblables au sein des jeux-vidéos. En outre, les fabricants de consoles
impactent leurs marges faibles sur la commercialisation de droits
d'accès à l'écosystème de leurs consoles pour les
éditeurs de jeu, dans des coûts de publication et de distribution
digitale qui concernent tant l'achat du jeu que l'achat de
fonctionnalités supplémentaires. La commercialisation
d'accessoires, comme les manettes et autres accessoires de jeux (volants de
course, casques audio officiels, caméra d'interaction, casque de
réalité virtuelle), permet également aux fabricants de
diversifier leurs leviers de rentabilité et de répartir les
coûts de production des consoles sur d'autres produits et services.
Concernant les développeurs et éditeurs de jeux,
les coûts et les durées de développement s'envolent en
raison de produits de plus en plus sophistiqués dans les graphismes
proposés, les fonctionnalités présentes (tant dans les
actions possibles par le joueur, que l'accès à des modes divers
tels que l'online ou la possibilité de jouer en coopération)
ainsi que les coûts marketing mis en oeuvre dans la commercialisation des
jeux. Avec des prix moyens de vente des packages autour de 69,99€ à
leur lancement sur consoles, les éditeurs ne perçoivent qu'une
part faible de la marge réalisée sur la vente des produits
(figure 1). Ainsi, l'un des plus grands succès des consoles de
dernière génération, Grand Theft Auto 5, présentait
des coûts de développement et marketing supérieurs à
235 millions de dollars (Gamesindustry, février 2013).
10 %
10 %
15 %
30 %
35 %
Figure 1 -- Distribution traditionnelle du revenu de la vente
d'un jeu vidéo (Dovey & Kennedy, 2006)
Légende:
Éditeur et développeur Revendeur
Distributeur Marketing
Fabricant de console
10
Pourtant, avec une baisse de la demande pour un produit dans
le temps, les éditeurs de jeux ne pourraient pas actuellement
rentabiliser leur développement en conservant ce modèle
traditionnel. Pour ces raisons, le business model des jeux-vidéos
évolue depuis une dizaine d'années, avec des nouveaux modes de
monétisation pour développer non seulement des revenus
additionnels, mais également améliorer l'engagement des
consommateurs dans le temps. Les DLC (downloadable content) viennent en aval de
la sortie du produit pour augmenter la durée de vie des
jeux-vidéos en créant des contenus supplémentaires
payants, permettant également plus de flexibilité dans la gestion
du projet et donc, in fine, dans la production.
Unités vendues (mio)
24
18 12 6 0
|
|
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018* 2019*
Marché mondial du jeu-vidéo en volume, par type de
business model (Statista, 2017)
Légende: Marché du DLC Marché des
packages / en millions d'unités vendues
|
11
On constate également l'essor des jeux F2P
(free-to-play), qui cherchent à diminuer les coûts de promotion
des produits tout en attirant plus de joueurs par la gratuité du jeu,
avec une rentabilité sur les contenus additionnels au sein du jeu sous
forme de microtransactions. Les studios de développement cherchent en
outre à développer les liens entre leurs licences et créer
un univers synergique comparable à ce qui existe actuellement chez
certains majors de l'industrie cinématographique, comme DC Entertainment
et Marvel. Ainsi, depuis plusieurs années, les éditeurs
dépassent leurs fonctions historiques de développement et de
publication de jeux, pour devenir des sociétés de management de
portfolio de produits.
Comparaison des modèles de monétisation
|
Packaging et DLC
|
Free-to-play
|
Coût d'achat
|
Plusieurs éditions proposées, avec un Season Pass
incluant les futures mises à jour
- 69,99€ jeu seul
- 79,99€ jeu et un DLC
- 99,99€ jeu et Season Pass
|
- Gratuit à l'acquisition
- Contenu supplémentaire sous forme de
microtransactions
|
- Physique (package)
- Digitale (jeu seul, et téléchargement des DLC et
autres mises à jour)
- Distribution physique: gestion des stocks - Distribution
digitale: disponibilité de la plateforme, promotion des produits
- Chaîne de production et revendeur
- Plateforme de distribution et éditeurs pour les
coûts publicitaires
Baisse du revenu sur la vente de produits physiques,
compensée marginalement par les contenus supplémentaires
Exclusivement digitale
Conversion des usagers en clients
- Développeur du jeu par l'attractivité du contenu
supplémentaire
- Plateforme de distribution par le design de
l'expérience utilisateur lors de l'achat
Un risque important sur la rentabilité des produits avec
des pertes au lancement et un horizon incertain selon le succès relatif
du jeu et la conversion effective
Joueur (coût d'achat élevé, sans
période d'essai ni possibilité de remboursement)
Développeur / éditeur (taux de conversion)
Détenteur du risque
Distribution
Défi principal
Parties
responsables
Impact financier
(Adapté de Kelly / Accenture, 2014, p. 115)
Structure et évolution des modes de distribution
Le modèle de distribution classique physique est en
profonde mutation vers un modèle de distribution digitale. Ce
phénomène lié à l'existence d'internet a
émergé dans les années 1980, mais connaît un
réel développement dans les années 2000 avec l'apparition
de l'e-commerce, et l'on voit que ce modèle digital occupe une place de
plus en plus importante dans l'industrie du jeu-vidéo face à la
distribution physique traditionnelle. En 2009, le modèle de
distribution
12
physique aux États-Unis concernait près de 80%
des ventes de jeux vidéos tandis qu'en 2016, il ne représente
plus que 26%.(12)
Le modèle de distribution digitale repose sur du B2C,
lorsque le modèle de distribution physique était de type B2B2C.
L'évolution du modèle réduit ainsi l'intermédiation
des acteurs par l'émergence de plateforme de distribution digitale
où la promotion et la commercialisation des jeux est assurée
directement auprès des consommateurs. Auparavant, le prix d'un jeu
vidéo se décomposait en une tranche comprise entre 10% à
12% qui revenait au distributeur, puis environ 3% à 12% couvrait le
coût de production du support matériel pour les jeux PC et
console, respectivement. En supprimant les intermédiaires, les
coûts de distribution des jeux diminuent de près de 20%. (13)
En outre, pour les fabricants de console qui disposent
généralement de leurs propres plateformes de distribution
digitale, l'absence de coûts de stocks, des coûts d'exploitation
bien plus faibles et l'absence d'intermédiation dans la distribution
leur permet de bénéficier d'une rémunération de
taxation sur la vente des produits, tout en consolidant davantage leur
chaîne de création de valeur. Un autre avantage non
négligeable de la digitalisation pour l'industrie du jeu vidéo
réside dans le fait qu'elle constitue une solution efficace contre le
piratage, que l'on évaluait à près de 66 milliards d'euros
en 2014. (14)
Le modèle de distribution digitale offre la
possibilité de proposer les jeux vidéos sans limite de stocks et
de disponibilité aux consommateurs mais aussi de proposer un catalogue
élargi face à la distribution physique qui pour des questions de
logistique et de rentabilité ne proposait qu'un catalogue
resserré de potentiels best-sellers. Les jeux indépendants ont
également la possibilité d'être distribués et de
connaître un plus grand succès. On peut ainsi atteindre tous les
segments de la demande, y compris les niches.
Concernant le consommateur, le jeu vidéo est
dématérialisé et accessible où qu'il soit, tout en
disposant d'une plus grande longévité dans la mesure où un
support physique pouvait s'endommager tandis qu'il peut
retélécharger le jeu digitalisé s'il est endommagé
sur son appareil. Les coûts d'achats sont égalements moindres dans
la mesure où les marges sont réduites en misant sur le volume. Le
seul réel désavantage est l'impossibilité de
re-commercialiser le produit lorsqu'il est «usé» mais ce
désavantage est largement compensé par le coût
réduit d'achat du jeu.
3. Analyse de la demande
3.1. Structure et segmentation
Segment B2B: éditeurs de jeux et annonceurs
publicitaires
La typologie de l'offre a en outre des conséquences
directes sur la structure de la demande du marché du jeu vidéo.
En tant que marché biface, il existe effectivement deux
clientèles distinctes, à commencer par les éditeurs de
jeux (mobile et console), qui payent une redevance liée à
l'acquisition d'une licence de développeur nécessaire au
développement et à la publication de jeux sur les plateformes
hardware (Apple, Google, Sony, Microsoft, Nintendo), des taxes sur la vente de
jeux sur les plateformes de distribution digitale (App Store, PlayStation
Store, par exemple) mais également l'achat d'espaces publicitaires sur
ces mêmes plateformes afin de sponsoriser leurs jeux.
Les interdépendances entre l'offre et la demande sur ce
segment génèrent ainsi des externalités de réseau
importantes, ayant également un effet direct sur les stratégies
mises en oeuvre par les exploitants de plateformes qui s'orientent
généralement vers une stratégie de pioneering, puis de
volume dans l'acquisition des consommateurs finaux. En termes
d'externalités, le nombre d'éditeurs de jeux (et donc, de jeux)
présents dans les réseaux de distribution digitale des consoles a
un impact positif sur l'attractivité commerciale de ces
dernières. Également, un nombre important d'utilisateurs sur une
console, à même d'utiliser la plateforme de distribution digitale
de celle-ci, aura un impact positif sur la demande en publicité des
éditeurs de jeux dès lors que la concentration des utilisateurs a
une corrélation directe avec les ventes de jeux. Au-delà des
effets de réseau, des travaux de recherche (R. Gretz, 2010) ont mis en
avant l'influence du critère de qualité du produit et des
composants hardware dans les résultats de parts de marché de
l'industrie, du nombre de jeux disponibles ainsi que son impact sur la taille
du réseau et des externalités en découlant, expliquant
ainsi en partie la position de Sony en tant que leader de la filière des
consoles hardware (depuis la PS2, soit près de vingt ans) dans
l'industrie du jeu vidéo. Une seconde étude (R. Gretz, 2013) sur
une période plus récente a confirmé ces résultats
tout en affirmant que les externalités de réseau directes et
indirectes constituaient aussi un facteur significatif d'évolution des
parts de marché dans les phases de croissance et de maturité des
cycles de vie des consoles de jeu.
Naturellement, ces facteurs d'offre ont un impact
considérable sur la demande du groupe de consommateurs institutionnels,
avec une confiance accrue des éditeurs de jeux dans les capacités
de commercialisation et de distribution de leurs jeux par les fabricants de
consoles. La promotion des jeux sur les plateformes de distribution digitale
des fabricants de consoles ou des sociétés
spécialisées (Valve, Itch.io) réduit effectivement les
coûts d'analyse des retours sur investissement, permet d'automatiser la
remontée de données et d'agréger la big data, avec de
nombreux KPI (visibilité et nombre de clicks, taux de conversion en
leads, parcours de l'utilisateur) tout en facilitant pour l'utilisateur final
les processus d'achat avec des moyens de paiement variés (Paypal, carte
bancaire, cartes-cadeaux) et un paiement puis une réception du jeu en
quelques minutes. Les éditeurs de jeu peuvent quant à eux payer
selon le nombre de vues ou de clicks (figure 2), voire acheter des espaces
publicitaires uniques (figure 3) avec des call-to-action et une charte
graphique personnalisés, puis les pages légales de description du
produit et de ses fonctionnalités (figure 4) et l'ajout rapide en panier
(figure 5), ces deux derniers éléments étant
partagés par l'ensemble des jeux et applications sur la plateforme.
13
Figures 2 et 3 -- Captures d'écran de la plateforme de
distribution PlayStation Store
Figures 4 et 5 -- Captures d'écran de la plateforme de
distribution PlayStation Store
Également, la hausse de la demande en publicité
des éditeurs de jeux sur les plateformes de distribution est liée
à la modification du modèle de production et de commercialisation
du jeu-vidéo vers un système de DLC (downloadable content), comme
nous l'avons vu dans l'étude de l'offre. La monétisation au sein
du jeu et l'achat de contenus additionnels sont ainsi effectués via les
plateformes de distribution du fait des contrats d'utilisation des plateformes,
qui souhaitent verrouiller leur propre marché et leurs circuits de
distribution. Les éditeurs de jeux, soumis à
l'intermédiation des plateformes de distribution, constituent ainsi le
premier segment de clientèle du marché biface.
Segment B2C: utilisateurs finaux
Si le segment de demande B2B existe depuis la naissance de
l'industrie du jeu-vidéo avec la vente de jeux aux magasins d'arcade,
aux bars et aux casinos, le segment le plus important est pourtant
constitué des consommateurs finaux des produits, soit les usagers des
consoles et jeux-vidéos. Les fabricants de consoles, face à la
hausse de la demande sur le marché mondial, optent
généralement pour une stratégie de ciblage mass-market
pour toucher de nombreux segments de consommateurs, avec des modalités
marketing générales en termes de publicité et de prix,
tout en proposant des services multimédia pour toutes les tranches
d'âge avec des stratégies d'alliances additives (BeinSports,
YouTube, Netßix, Spotify, Twitch, par exemple). À ses
débuts, le jeu-vidéo s'adressait généralement
à des individus jeunes, de 16 à 25 ans, mais aujourd'hui, toutes
les tranches d'âge sont représentées grâce à
la diversité des produits (figure 6).
14
Pourcentage de la population
30 22,5 15 7,5 0
|
|
|
|
|
< 18 ans 18-35 ans 36-49 ans > 50 ans
|
Figure 6 -- Distribution des joueurs par tranche d'âge
aux États-Unis
(Statista, 2017)
Légende:
Moins de 18 ans 18-35 ans
36-49 ans 50 ans et plus
15
La demande évolue également en fonction des
supports de jeux, avec une érosion marquée de la demande en
consoles portables face à la forte croissance du jeu sur smartphones et
tablettes (figure 7). Là encore, ces évolutions varient entre les
zones géographiques, avec une croissance en valeur en Asie du Sud-Est et
en Chine correspondant à celles de l'Europe, Moyen-Orient, Afrique et
Amérique du Nord cumulées. Une des raisons principales est
constituée du facteur de hausse du pouvoir d'achat en Asie, mais aussi
pour de l'évolution des facteurs politiques, lorsque la Chine
interdisait la vente de consoles de jeux étrangères jusqu'en
2015. Le taux d'équipement en smartphones en hausse importante en Asie
du Sud-Est explique également ces différences notables dans
l'évolution des différentes filières de l'industrie
mondiale du jeu-vidéo. Enfin, si la typologie core gamer / casual gamer
est aujourd'hui moins marquée que par le passé, les consommateurs
restent pourtant loyaux à leurs supports de jeu pour des raisons
techniques: la compétition eSport dans les jeux de shooting et de course
demeure ancrée dans la filière PC grâce aux performances
supérieures de ce support par rapport aux consoles et mobiles, quand les
jeux de rôle et d'action, autre volet important de l'eSport, sont
généralement distribués exclusivement sur PC (à
l'instar de League of Legends).
100
|
75 50 25 0
|
|
|
|
|
|
Figure 7 -- Évolution du poids des segments dans
l'économie mondiale du jeu vidéo, en pourcentage
(Accenture, 2017) Légende:
|
26
|
26
|
25
|
|
|
|
26
|
28
|
27
|
|
|
|
11
|
11
|
10
|
|
|
|
Smartphones Tablettes
Consoles Ordinateurs
|
30
|
32
|
34
|
2017 2018 2019
|
Concernant les éditeurs de jeux, les
sociétés indépendantes s'adressent
généralement à une niche pour se constituer une
clientèle stable avant d'entreprendre leur développement. Les
éditeurs majeurs comme Electronic Arts, Ubisoft, Take Two ou Sony
Interactive cherchent quant à eux à exploiter un catalogue de
licences et de genres variés (shooter, action, jeu de rôle, sport,
course), tout en proposant des jeux hybrides pour toucher plus d'utilisateurs,
à l'instar d'Uncharted (action, shooting, aventure) ou Rocket League
(racing, football) parmi les plus grands succès commerciaux sur PS4. La
demande varie ainsi selon les genres, et reste marquée par des
différences culturelles selon les zones géographiques: les jeux
de rôle sont bien plus plébiscités au Japon et en Asie avec
la culture anime/manga que dans le reste du monde, tandis que l'Europe et
l'Amérique du Nord partagent un fort goût pour les jeux d'action,
de shooting et de sport, représentant respectivement plus de 20%, 27% et
11% des ventes en 2016.
En outre, la perception des utilisateurs finaux évolue
selon le business model retenu par les éditeurs de jeu ou des
plateformes de distribution (Olsson et Sindenblom, 2010). En effet, suite
à un sondage, les utilisateurs mettent en avant l'achat «facile et
rapide» des éditions digitales des jeux sur les plateformes
digitales, quand d'autres plébiscitent plutôt la distribution
physique car ils apprécient la «possession physique du jeu, le
packaging et le manuel d'emploi». Majoritairement, ceux-ci ne sont pas
inquiets lors de leurs achats sur les plateformes digitales dès lors que
«les
16
vendeurs sont des entreprises réputées», ce
qui s'explique en partie par les effets des externalités de
réseau sur l'attractivité de Steam ou de Itch.io sur PC, et de
l'exclusivité des plateformes propriétaires comme l'App Store sur
les terminaux Apple, le PlayStation Store intégré au
système propriétaire des consoles Sony PlayStation et le Google
Play Store sur les terminaux et box de télévision Android.
Néanmoins, les utilisateurs identifient des
problématiques pouvant constituer des freins à la consommation
sur les business models du F2P (free-to-play), qui utilisent comme leviers
commerciaux les microtransactions (sur consoles et mobile) ou la
présence de publicité au sein du jeu (majoritairement sur
mobile). Les problématiques majoritairement soulevées sont ainsi
respectivement pour les modèles commerciaux de microtransactions et de
la présence de publicité au sein des jeux: «ces jeux
procurent moins de plaisir car les microtransactions donnent un avantage
déloyal dans le jeu aux joueurs qui possèdent le plus d'argent
réel», et «ces jeux sont de moins bonne qualité / ces
jeux sont détruits à cause de la publicité et du placement
de produits». Pourtant, ces modèles libèrent certains freins
à la consommation et disposent d'une demande croissante dès lors
que les prix d'accès pratiqués sont particulièrement bas,
voire gratuits pour l'utilisateur final, et la rentabilité s'exerce
généralement sur l'achat possible de fonctionnalités
supplémentaires (nouvelles zones à explorer, nouvelles missions,
nouveaux équipements, par exemple).
3.2. Caractéristiques économiques et
évolution de la demande
Saisonnalité et cycle de vie des produits
Les achats de consoles hardware et de jeux, bien que
différents en termes de prix et de contenu, présentent une
caractéristique commune dans la saisonnalité de la demande et un
volume de vente concentré lors de la hausse du pouvoir d'achat et
l'alignement des calendriers de production coïncidant avec la
période des fêtes de fin d'année (figure 8). Cette
concentration des ventes est nécessairement moins marquée sur la
filière mobile du jeu-vidéo (en ignorant le paramètre de
saisonnalité des ventes de smartphones), en raison des prix
d'acquisition plus faibles des jeux-vidéo et l'absence de
disponibilité ou d'offres promotionnelles en boutiques.
Unités vendues (mio)
Figure 8 -- Volume des ventes mondiales des consoles Sony, par
trimestre (Statista, 2017)
17
En outre, le syndicat américain de l'industrie du jeu
vidéo Entertainment Software Association organise chaque année
l'événement mondial majeur E3 (pour Electronic Entertainment
Expo) où les acteurs de l'industrie du jeu-vidéo se concentrent
pour présenter leurs innovations, les tendances des années
à venir mais surtout pour promouvoir leurs produits, qu'ils soient
développeurs, éditeurs de jeux ou fabricants de consoles et
d'accessoires. Cet événement a une influence considérable
tant sur la promotion et la publicité des produits que sur les
investissements financiers, dès lors que la presse mondiale et les
distributeurs constituent le public principal de l'événement et
alimentent ensuite leurs supports à partir de leurs observations et des
tests effectués durant ces trois jours. Les fabricants et les studios
d'édition majeurs disposent de créneaux de présentation
devant l'ensemble du public sur le modèle des keynote d'Apple,
d'où l'influence majeure de l'événement sur le cours de
l'action des acteurs de l'industrie. Grâce à la presse mondiale,
cet événement a une influence sur la demande mondiale et
constitue ainsi un canal d'acquisition important pour les acteurs de la
filière. Organisé en juillet, l'E3 renforce le facteur de
saisonnalité dès lors que les éditeurs de jeux de alignent
leur calendrier de promotion avec cet événement, ainsi que leur
développement et la commercialisation des jeux avec la saison des
fêtes, six mois plus tard.
Récemment, les éditeurs de jeux exploitent le
modèle de commercialisation des contenus additionnels sous forme de DLC
(downloadable content), de Season Pass (correspondant à un forfait
permettant l'acquisition de l'ensemble des contenus supplémentaires
à leur sortie) afin de gommer la saisonnalité de la demande et
d'étendre le cycle de vie et la rentabilité de leurs produits,
nécessitant des investissements conséquents en capital à
amortir sur une plus longue période qu'auparavant.
Face au mécontentement des consommateurs contre
l'obsolescence du hardware et du modèle traditionnel de
générations de consoles, dont l'utilisation des jeux est
incompatible de la précédente à la suivante, les
fabricants de consoles optent pour un modèle proche de l'industrie des
smartphones, en commercialisant progressivement des produits avec la même
base technique et totalement compatibles, mais avec un niveau de
technicité supérieur en introduisant une technologie nouvelle.
Sony a ainsi commercialisé en 2016 une PS4 Pro, avec un positionnement
haut-de-gamme, permettant une qualité graphique supérieure pour
l'utilisateur et compatible avec les nouveaux écrans 4k introduits
récemment sur le marché des téléviseurs. Microsoft
suit également le même modèle, avec le lancement en 2017 de
la Xbox One X, également destiné à anticiper la croissance
de la télévision 4k. Les fabricants de consoles s'adressent ainsi
à de nouveaux segments haut-de-gamme de consommation, en proposant une
gamme variée, avec un catalogue de jeux rétrocompatibles, gommant
les frontières entre les générations de consoles.
Élasticité et évolution de la demande
mondiale
L'élasticité de la demande est fortement
marquée par le facteur de saisonnalité mais également par
le nombre de jeux pionniers accompagnant une console à son lancement
(Derdenger, 2011). Avec la fidélité d'une base établie de
consommateurs aux marques Sony, Microsoft et Nintendo, on considère
généralement que le marché des consoles présente
une relative inélasticité-prix. Néanmoins, les fabricants
de consoles optent pour une stratégie d'écrémage le long
du cycle de vie de leurs produits, afin d'attirer de nouveaux consommateurs qui
présentent une plus forte sensibilité en prix, tout en
bénéficiant des économies d'échelle.
L'élasticité-prix de la demande suit une loi de puissance
à pente négative, en considérant le pourcentage
d'utilisateurs prêts à payer un certain prix. Cette courbe est
encore plus accentuée pour le business model des jeux en free-to-play
(figure 9).
1
0,75
0,5
0,25
0
Pourcentage de la population prête à payer
X€
18
|
Prix total des achats
|
Figure 9 -- Loi de puissance de la propension à
payer des joueurs dans le modèle de jeu F2P (Luton, 2013)
|
Afin de réduire le lien entre la sensibilité au
prix des consommateurs, les fabricants de consoles et les éditeurs de
jeux procèdent à des partenariats commerciaux en proposant des
packs promotionnels incluant une console et un jeu-phare à la sortie de
ce dernier, pour à la fois dynamiser les ventes de jeux tout en
stimulant la demande en consoles de jeu en dehors des périodes
saisonnières traditionnelles. Sur le même principe, pour
promouvoir des nouveaux produits, les fabricants de consoles proposent des
packs de vente incluant les dernières avancées technologiques
comme les casques de réalité virtuelle, en incluant plusieurs
jeux conçus spécifiquement à cet usage. Si la demande
demeurait faible sur ce dernier produit avec une commercialisation
récente et un catalogue de jeux réduits, on s'attend à une
évolution importante de la demande mondiale dans les prochaines
années (PwC, 2017), due à une réduction du prix de vente
grâce aux économies d'échelle et d'apprentissage
réalisées sur les volumes de production, et un attrait
grandissant des joueurs avec un catalogue plus étoffé et des jeux
à faible prix.
En somme, avec les stratégies multiples de segmentation
et d'acquisition des fabricants de consoles et des éditeurs de jeux,
conjuguées aux innovations techniques récentes à l'instar
de la réalité virtuelle, du cloud gaming et de l'eSport, la
demande mondiale des produits de l'industrie du jeu-vidéo est en hausse
constante et importante pour les prochaines années (PwC, 2017). Le
dynamisme du jeu sur mobile ainsi que l'expansion géographique en Asie
du Sud-Est constituent deux des facteurs de croissance les plus importants
à court-terme, et la convergence d'intérêts avec des
groupes stratégiques d'autres filières de l'industrie des
médias (comme l'alliance additive entre Sony et Marvel) augure des
opportunités positives d'évolution à moyen-terme.
19
4. Facteurs environnementaux et intensité
concurrentielle
4.1. Analyse PESTEL
Facteur
|
Tendances structurelles
Description
|
Intensité
|
Politique
|
- Stabilité politique sur les marchés existants
- Libéralisation socioéconomique dans les pays
émergents d'Asie - Contrôle des réseaux et protocoles
internet par certains régimes autoritaires(20)
- Cybersécurité et émergence de groupes de
hackers politiques - Fin du principe de net neutrality aux
États-Unis(21)
|
Moyenne
|
Économique
|
- Part croissante de la tertiarisation de l'économie
- Écosystème du jeu vidéo atomisé en
de nombreux acteurs
- Développement de l'économie de l'eSport(22)
- Raréfaction des terres rares
- Coûts de développement des jeux de plus en plus
élevés
- Croissance du pouvoir d'achat dans les pays émergents
- Démocratisation du «panier rapide»
|
Forte
|
Sociologique
|
- Acceptation de nouveaux modèles de jeux: DLC,
free-to-play et microtransactions, ainsi que souscription
- Développement de jeux de diversités culturelles
et de genres
- Les smartphones comme première plateforme de gaming
mondial(23)
|
Moyenne
|
Technologique
|
- Démocratisation des infrastructures internet très
haut débit en Europe,
plus lente en Amérique du Nord
- Dynamique du marché des téléviseurs 4k
- Évolution des normes de transfert de données
(HDMI, Wi-Fi, fibre)
- Développement de l'intelligence artificielle et des
objets connectés
- Des smartphones aux spécifications techniques de plus en
plus élevées
|
Forte
|
Écologique
|
- Empreinte écologique et consommation des ressources
importantes des serveurs de jeux en ligne
- Disparition des supports de jeux physiques
- L'exploitation des terres rares génère des
dégats écologiques majeurs (BBC, 2 avril 2015)
|
Moyenne
|
Légal
|
- Législation croissante autour des lootboxes et contenus
additionnels payants des jeux(25) - Règlement général sur
la protection des données personnelles en Europe en 2018(26) - Mise en
place de la législation aux États-Unis concernant la fin du
principe de neutralité du net, avec une application différente
selon chaque État et chaque ville - Loi sur les déchets
électroniques
|
Moyenne
|
De l'analyse PESTEL ressort des tendances
structurelles majeures sur l'industrie du jeu-vidéo constituant des
variables-pivots majoritairement politiques, technologiques et
légales.
20
Si l'émergence économique de nouveaux
marchés en Asie ouvre de nouvelles opportunités de
développement, la déclinaison de l'impératif de
cybersécurité dû à l'existence de groupes de hackers
politiques et des nouvelles lois sur la protection des données constitue
néanmoins une menace globale pour les acteurs de l'industrie.
Enfin, l'innovation technologique dans d'autres marchés
présentant de fortes synergies avec celui des jeux-vidéos
(télévision, intelligence artificielle, objets connectés
et composants PC) ainsi que l'accélération du
développement des infrastructures internet haut-débit peuvent
être bridés aux États-Unis par la mise en oeuvre du cadre
législatif autour de la fin du principe de neutralité du net,
avec des restrictions de bande passante et des pratiques d'accès
discriminatoires à des services digitaux selon des souscriptions pour
les consommateurs américains.
4.2. Analyse des forces de Porter
Force
|
Forces concurrentielles
Caractérisation
|
Intensité
|
Pouvoir de négociation des fournisseurs
|
- Hardware: pièces importées (processeurs,
mémoire vive et cartes graphiques AMD), mais l'essentiel de l'assemblage
est réalisé par Sony - Éditeurs de jeux-vidéos (EA,
Ubisoft, Take-Two, Activision Blizzard) en tant que fournisseurs de logiciels
pour les clients B2C
- eSport: Twitch (publicité des jeux
commercialisés, pour mettre en avant les exclusivités Sony:
développement de contrats commerciaux avec des joueurs eSport)
- Grande distribution (retail): boutique de jeux-vidéos,
grande distribution générale (Target, Best Buy, Fnac, Carrefour,
Auchan, par exemple)
|
Moyenne
|
Pouvoir de négociation des clients
|
- Clients B2C (acheteurs de console, souscripteurs online,
acheteurs sur le digital store)
- Éditeurs de jeux-vidéos (EA, Ubisoft,
Take-Two, Activision Blizzard) en tant qu'acheteurs d'espaces publicitaires sur
le PlayStation Store
|
Faible
|
Menace des produits de substitution
|
- Smartphones et tablettes
- Ordinateurs et mac
- Téléviseurs connectés et box Android TV /
Nvidia Shield / Android Fire TV
|
Forte
|
Menace d'entrants potentiels
|
- Barrières financières à l'entrée et
position des géants nippons et américains sur la filière
des consoles
- Brevet sur les technologies utilisées par Sony (octroi
de licences de protection des données AACS sur les Blu-Ray ; les
accessoires des consoles sont en outre soumis à licence de Sony,
Microsoft, Nintendo) - Nécessité de développer un standard
de programmation simple pour les éditeurs de jeux-vidéos et de
les convaincre du potentiel commercial d'une nouvelle console: en effet, le
coût de développement d'un jeu augmente pour les éditeurs
de jeux, qui doivent adapter et porter ce jeu sur cette nouvelle console
- Néanmoins, menace importante des nouveaux entrants
dans l'édition de jeux mobiles et tablettes du fait des faibles
coûts de développement
|
Moyenne
|
Pouvoir étatique
Forces concurrentielles
Force
Intensité concurrentielle
Intensité
Forte
Moyenne
Caractérisation
- Consoles hardware: Microsoft Xbox One, Nintendo Switch,
principalement
- Cloud-gaming: Microsoft Game Pass, Nvidia GeForce Now, Google
Yeti, Gameßy, LiquidSky
- Éditeurs de plateformes de distribution (Valve Steam,
itch.io, Ubisoft Uplay, Electronic
Arts Origin)
- Éditeurs mondiaux de jeux-vidéos concurrents des
studios Sony Interactive
- Éditeurs de jeux mobiles / multi-plateformes
|
- Législation européenne PEGI, américaine
ESRB, qui évaluent les jeux-vidéos sur leur contenu (violence,
caractères sexuels) et impose des restrictions commerciales et
publicitaires(27)
- Règlement général sur la protection des
données en Europe: impose des normes de cybersécurité
renforcées et étendues aux plateformes de distribution digitale
(comme le PlayStation Store)
|
21
Les facteurs-clés de succès déterminent
ici le rapport de forces entre les acteurs de l'industrie, avec des dynamiques
particulières liées aux nouveaux entrants provenant d'autres
filières technologiques et média comme les GAFA.
Ainsi, l'avantage concurrentiel repose sur les pivots de
diversification et l'intégration verticale ou horizontale de la
chaîne de valeur, avec la maîtrise de la distribution des produits
internes ou ceux développés par des sociétés en
amont ou en aval de la chaîne de production.
L'exploitation d'un système digital propriétaire
procure également un avantage lié à l'importance des
effets de réseau et de la concentration des filières satellites.
Sur le même principe, l'exploitation de synergies avec d'autres secteurs
présentant une haute intensité technologique accroît la
capacité d'innovation des acteurs ainsi que leur capacité
à se positionner de façon rapide et efficiente sur des nouveaux
créneaux stratégiques.
Diagnostic stratégique interne
22
1. Chaîne de valeur de Sony Interactive
Entertainment
Portail de jeu PlayStation Network
Développement
Édition de jeux
Consommateur
Manufacture
Distribution et vente PlayStation Store
Sony a ainsi procédé à
l'intégration verticale des processus de création de valeur
ajoutée dans sa chaîne de valeur, résidant dans le
développement et l'édition de jeux par l'acquisition de studios
de développement satellites, tout en développant des services
digitaux pour les consommateurs avec l'écosystème du PlayStation
Network et la distribution digitale dans le PlayStation Store
intégré au système propriétaire de ses consoles de
jeux.
Les processus créateurs de valeurs consistent ainsi
dans l'offre de services digitaux de Sony, grâce aux faibles coûts
d'exploitation, de stocks contrairement au modèle de distribution
physique traditionnel de l'industrie. Néanmoins, la manufacture de
consoles génère de faibles marges d'exploitation et des
problématiques annexes dans la gestion des stocks et de la
logistique nécessaires à l'activité de
commercialisation des produits.
2. Audit des ressources et compétences
stratégiques de SIE 2.1. Ressources immatérielles
Parmi les ressources immatérielles de Sony Interactive
Entertainment, nous pouvons nous intéresser à l'image de marque
et la réputation de l'entreprise.Sony bénéficie d'une
bonne image de marque et d'une notoriété internationale dû
à une présence sur plusieurs DAS mais aussi due à la
vision de l'entreprise et sa philosophie du Kando qui est intraduisible mais
rassemble les trois idées d'inspiration, d'émotion et
d'excitation.
Malgré des scandales isolés tels que
l'utilisation d'étudiants dans la chaîne de production pour
répondre aux impératifs de lancement de produit(28),
Sony reste une entreprise phare de l'industrie vidéoludique et est
toujours perçue comme leader sur le marché.
Sony accorde une grande importance dans le détail de
ses produits et par extension à ses consommateurs. Les consommateurs
disposent d'une confiance solide envers Sony et cette confiance constitue la
clientèle de Sony qui est une autre ressource immatérielle de
l'entreprise. En effet, les consommateurs de Sony se regroupent derrière
une identité à travers un esprit de réseau, le client
appartient à l'univers PlayStation. Cette confiance et cet engagement
restaient forts suite au hack du PlayStation Network, avec 99% des joueurs qui
ont déployés la mise à jour de sécurité et
resté fidèles à la société nippone.
2.2. Ressources physiques
Le Groupe Sony est bien implanté dans le monde avec un
important réseau d'industries, d'usines de production. Sony Interactive
Entertainment a la nécessité d'avoir une stratégie
globalisée pour répondre à la demande de chacune des zones
géographiques. De plus de disposer du réseau conséquents
d'industries, Sony investit constamment dans les infrastructures pour
répondre à la demande croissante des consommateurs.
Elle centralise la production de hardware en Chine et au
Japon. Les activités d'édition et de création de software
sont plus concentrées sur l'Amérique et l'Europe. De plus, Sony a
développé et construit un très grand complexe à San
Mateo où elle a établit son siège social. Ce nouveau
siège social regroupe tant les activités de gestion que les
activités d'édition de jeux vidéos et les activités
de production de produits marketing.
2.3. Ressources humaines
Selon Sony, les employés sont sa ressource la plus
précieuse et elle comprend la nécessité pour son
entreprise de mettre la diversité avant.Cette mise en lumière sur
la diversité implique pour elle de pouvoir adapter sa stratégie
globale aux enjeux et nécessités rencontrés dans les pays
où elle est implantée.De plus, au sein même de
l'organisation, les métiers de SIE sont très variés allant
du développeur à l'assembleur des chaînes de montage.
En 2017, SIE emploie donc près de 9000 personnes
à travers le monde, il va de soi que les politiques de ressources
humaines sont spécifiques à chaque pays dans la mesure où
les règles juridiques concernant les droits salariaux émanent du
gouvernement du pays.
En ce qui concerne le recrutement, Sony va chercher de
nouveaux talents dans les universités en plus du recrutement des
personnes déjà insérées professionnellement. Le mot
d'ordre est
23
24
toutefois le recrutement de la diversité en abattant
toutes les barrières sociales, culturelles, d'âge, de race et de
sexe. De plus, Sony communique sur une transparence la plus totale pour attirer
les jeunes diplômés. Elle a par exemple mis en place la
possibilité pour les jeunes diplômés de pouvoir communiquer
avec les personnes qui travaillent dans les services qui les attirent.
Sony travaille également pour former le personnel qui
travaille au sein de l'entreprise en voulant faire évoluer ses
employés par une promotion interne. En 2016, Sony a
dépensé près de 230 000 yen (1700 €) en moyenne par
employé en formation. La société nippone propose en outre
plus de 300 cours aussi bien techniques que théoriques par divers
moyens. Ces cours sont issus des expériences des salariés dans
l'entreprise en rapport avec les nécessités que leurs emplois
amènent et sont dispensés dans une logique de création de
l'innovation.
La gestion des ressources humaines au sein de Sony repose sur
un système de communication directe entre les employés et le top
management. Ainsi, pour gratifier le travail d'un employé, des
récompenses sont remis directement par le top management aux
employés. Au japon, recevoir une telle récompense constitue un
très grand honneur pour les employés.
En plus de cela, Sony organise sa gestion des ressources
humaines autour des questions de diversité, d'équilibre
vie-travail, de santé, de sécurité et de bien-être
au sein du lieu de travail.
2.4. Ressources financières
Sony est une société côtée à
la bourse de New-York, au Tokyo Stock Exchange, à l'indice Nikkei 225,
au Stoxx Asia-Pacific 50 et au Stoxx Global 200. Le résultat
opérationnel est de 5,5 milliards d'euros au 31 mars 2018, contre 2,18
milliards au 31 mars 2017.
Sony Interactive Entertainment présente un
résultat d'exploitation de 1,35 milliard d'euros, soit près de
24% du total du résultat d'exploitation du groupe Sony.
L'activité Gaming & Network Services, intégrée au sein
de SIE, représente en valeur une part importante de l'activité du
groupe et est l'activité à plus forte valeur ajoutée, avec
le meilleur rendement. La deuxième activité la plus rentable est
l'activité de services financiers qui fournissent des assurances et des
services de banque en B2B.
Les ressources financières et la politique de
financement du groupe sont soutenues par des réserves importantes. Sony
dispose en ce sens d'un avantage compétitif dans la mesure où
elle est capable de financer ses investissements en infrastructure à
l'échelle mondiale.
2.5. Compétences fondamentales
Les compétences fondamentales sont les activités
et les processus au travers desquels les ressources sont
déployées de manière à obtenir un avantage
concurrentiel difficilement imitable.
Concernant Sony, les compétences fondamentales sont les
suivantes:
- une stratégie globalisée pour les
opérations mondiales: Sony a une vision globale concernant la vente de
ses produits indifféremment des particularités des zones
géographiques où elle est. Elle crée en ce sens une
unification de sa clientèle ;
- une expertise technique du système de distribution
digital. En effet le Playstation Network, plateforme de services
multimédia et digitaux sur les consoles Sony, existe depuis 2006 permet
la connaissance des habitudes de consommation ainsi permet de mieux comprendre
les clients ;
25
- le bénéfice des synergies et du transfert de
compétences avec les autres DAS: SIE peut bénéficier des
avancées technologiques des autres DAS du groupe notamment en termes de
processeurs et de graphismes (DAS des téléviseurs
connectés, par exemple) ;
- le maintien d'engagement sociétal et valeurs
respectées: Sony à travers sa politique de recrutement
basé sur la diversité contribue à une vision positive de
l'entreprise, il existe une notion de management interculturel.De plus sa
vision de Kando et sa vision stimulée par l'innovation en font, en plus
d'être respectée, une entreprise novatrice tournée vers le
futur ;
- l'intégration des processus de distribution et de de
production dans la chaîne de valeur de Sony: Sony bénéficie
du développement de compétences internes de maitrise du produit
et de création de valeur ajoutée dans ses services.
3. Analyse VRIO
Ressources
Élément
|
et
Valeur
|
compétences
Rare
|
Non- imitable
|
Organisé
|
Impact sur l'avantage concurrentiel
|
Image de marque (pioneering)
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Avantage durable
|
Culture du Kando, avec un impact sur l'innovation technologie et
commerciale
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Avantage durable
|
Synergies et transfert de compétences avec les autres DAS
Sony
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Avantage durable
|
Capacité d'anticipation économique, d'ajustement et
de pivot industriel par les investissements et structures de R&D
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Avantage durable
|
Connaissance des autres secteurs média (cinéma avec
Sony Pictures, musique..)
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Avantage durable
|
Studio de développement mondial avec un positionnement
différencié
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Avantage durable
|
Intégration verticale de la chaîne de valeur
|
Oui
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
Avantage temporaire
|
Développement de produits innovants (casque VR,
plateforme cloud gaming)
|
Oui
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
Avantage temporaire
|
Ressources financières importantes
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
Oui
|
Parité concurrentielle
|
Implantation internationale
|
Oui
|
Non
|
Non
|
Oui
|
Parité concurrentielle
|
26
Ressources
Élément
|
et
Valeur
|
compétences
Rare
|
Non- imitable
|
Organisé
|
Impact sur l'avantage concurrentiel
|
Réseau de distribution digitale
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
Oui
|
Parité concurrentielle
|
Maîtrise de l'information dans
l'écosystème PlayStation grâce aux données
recueillies
|
Oui
|
Non
|
Non
|
Oui
|
Parité concurrentielle
|
Diversification des activités avec des services
multimédia intégrés aux consoles
|
Oui
|
Non
|
Non
|
Oui
|
Parité concurrentielle
|
Sony n'a pas de désavantage concurrentiel important sur
l'industrie des jeux-vidéos, et doit développer son
activité selon des stratégies qui mettent en valeur ses
ressources et compétences stratégiques afin de consolider ses
avantages concurrentiels durables, et exploiter voire améliorer ses
avantages temporaires.
4. Matrice BCG
Portefeuille d'activités
Étoiles
- PlayStation hardware
- Studio d'édition et de développement -
Distribution digitale B2C PlayStation Store - Vente d'espaces publicitaires B2B
sur le PlayStation Store
Vaches à lait
- Écosystème multimédia
intégré et banque d'applications
Dilemmes
- Cloud Gaming (PlayStation Now)
- Édition et développement de jeux mobiles
- eSport
- PlayStation Virtual Reality
- PlayLink et jeux sociaux
Poids morts
- Production de consoles portables (PSP, PS Vita)
Il s'agit ici pour Sony d'exploiter les vaches à lait
et les étoiles en perte de dynamique pour financer les dilemmes
après évaluation des risques et du potentiel commercial. Comme
nous l'avons vu dans l'analyse de la demande, les casques de
réalité virtuelle ainsi que le développement de jeux
mobiles présentent des dynamiques de croissance très fortes dans
les prochaines années sur le marché mondial.
27
5. Analyse TOWS
Stratégies forces-opportunités
Développer le service PlayStation Now pour se
positionner en placeforte sur le secteur du Cloud Gaming en Europe, en
exploitant la proximité avec les éditeurs de jeux pour enrichir
le catalogue de jeux avec des licences exclusives afin d'obtenir un avantage
concurrentiel temporaire.
Employer les ressources financières de la
société pour acquérir des studios de développement
mobiles en Asie du Sud-Est, qui détiennent des compétences
stratégiques rares par leur connaissance des caractères culturels
du marché local.
Exploiter l'expertise technique du centre de
compétences Sony Computer Science Labs pour anticiper l'évolution
de l'IoT (internet of things, objets connectés) et de l'IA (intelligence
artificielle) et leur impact sur le business model des fabricants de consoles
et des éditeurs de jeux.
Créer un univers de licences et développer
l'image de marque des jeux sur le modèle des autres majors de
l'édition du jeu-vidéo, en conservant le nom des titres à
succès et en les déclinant dans des zones géographiques
différentes avec une histoire différente, comme Ubisoft le fait
de Far Cry à Far Cry 5 depuis 2004 avec un fort succès
commercial
Renforcer les liens avec des acteurs majeurs de l'industrie
cinématographique comme Marvel, en alignant les calendriers de
production des films Sony Pictures et du studio de jeux Sony Interactive sur le
même modèle que la sortie du film et du jeu Spider-Man en 2017 et
2018.
Stratégies faiblesses-opportunités
Exploiter les synergies avec le domaine d'activité
stratégique mobile de Sony pour étendre les compétences
internes du studio de développement Sony Interactive sur la branche
mobile.
Développer les licences historiques (Crash Bandicoot,
Spyro, Gran Turismo), voire former une alliance complémentaire avec des
studios de développement japonais historiques (Sega, Capcom) pour
étendre l'écosystème de jeux sur la sphère
mobile.
Développer les compétences en data science et en
data analysis pour maîtriser la connaissance des besoins des
consommateurs et anticiper les évolutions de la demande pour proposer
une offre de jeux adéquate par le studio de développement Sony
Interactive.
Exploiter les contrats commerciaux avec des athlètes
eSport majeurs pour se positionner sur le marché des accessoires eSport
haut-de-gamme, en profitant de la notoriété de la manette Sony
DualShock et en développant des manettes spéciales pour la
compétition (en particulier, dans les FPS - first-person shooters) par
le placement de produit sur les chaînes Twitch et YouTube des joueurs
bénéficiant d'une forte exposition.
Réduire le prix du PlayStation VR (casque de
réalité virtuelle) trop élevé afin de toucher plus
de consommateurs, exploiter de nouveaux canaux d'acquisition comme celui des
serious games en complément des marchés de niches.
28
Stratégies forces-menaces
Exploiter les synergies avec le DAS des Smart TV pour
développer un système de box TV, face à l'émergence
d'autres acteurs (Nvidia Shield, Amazon Fire TV et Android TV) menaçant
l'existence de la filière des consoles.
Analyser le développement à moyen-terme du
PlayStation Now en Europe tout en poursuivant le lancement d'une offre plus
simplifiée aux Etats-Unis face à la menace de la fin du Net
Neutrality, afin de réduire les risques commerciaux.
Développer une gamme de consoles haut-de-gamme dans la
continuité de la sortie de la PS4 Pro pour le marché 4k, et
encourager les éditeurs à développer des jeux de haute
technicité et qui seront absents des offres de cloud gaming (à
cause des ressources importantes requises pour faire tourner les jeux, ainsi
que le coût d'acquisition et de maintenance des serveurs) pour
s'approprier un segment haut-de-gamme et priver les nouveaux entrants de
celui-ci.
Stratégies faiblesses-menaces
Consolider les opérations de
cybersécurité et de protection des données au sein de
Special Operations Centers dans chaque zone géographique majeure, et
exploiter les compétences locales en renforçant les liens avec
des écoles et universités technologiques.
Acquérir un studio de développement
spécialisé dans les jeux compétitifs destinés
à l'eSport, pour anticiper l'évolution de ce marché
(opportunité), mais surtout afin de développer des licences
exclusives sur sa plateforme de cloud gaming et ainsi renforcer l'image de
marque et l'avantage concurrentiel de Sony face à la menace de
l'entrée des GAFA dans l'industrie du jeu-vidéo et la
filière du cloud gaming.
Négocier une alliance additive avec l'un des GAFA comme
Amazon, qui développe un produit novateur sur le marché des box
TV et qui a récemment acquis une société de
création d'une plateforme de cloud gaming mais qui ne
bénéficie pas de l'expertise et l'image de marque Sony.
Synthèse du diagnostic
Avec les éléments analysés à
partir des ressources et des compétences de Sony Interactive
Entertainment, ainsi que l'analyse de l'environnement et de la structure de
l'offre et de la demande, nous avons pu établir des stratégies
croisées en exploitant les forces et faiblesses de Sony par rapport
à l'évolution générale de l'industrie du
jeu-vidéo, de la filière spécialisée des consoles
mais aussi par le développement possible de nouvelles activités.
Nous avons finalement établi des recommandations de consolidation et de
développement des activités de Sony Interactive Entertainment en
faisant le lien entre les stratégies développées dans
l'analyse TOWS. Il s'agira dans la prochaine partie de développer des
modalités de développement concrètes, pertinentes,
faisables et réalisables par la société,
conformément à sa culture et sa position.
Recommandations
29
1. Consolidation des activités existantes
1.1. Sur la filière de production et de
commercialisation des consoles Problématique
Depuis 2016, les dynamiques importantes de croissance à
moyen-terme du marché du jeu-vidéo intéressent de nouveaux
entrants, à l'instar des GAFA et d'autres acteurs majeurs d'industries
proches des filières PC et d'autres secteurs média à forte
concentration en capital technologique.
Google développe son propre service de jeu à la
demande nommé Yeti, avec un standard technique aisé à
appréhender pour les développeurs de jeux sur son système
d'exploitation Android TV, décliné sur de nombreuses box TV de
fournisseurs externes (à l'instar de Free, en France). Au même
moment, Amazon commercialise sa box propriétaire Amazon Fire TV pour
mettre en avant ses contenus digitaux, tout en ayant récemment acquis
une société de développement d'une plateforme de cloud
gaming. La société met en avant son standard technique AWS
(Amazon Web Services), de plus en plus répandu dans les
sociétés d'activité digitale (média et
jeux-vidéo), tout en proposant un accès simplifié à
sa plateforme de e-commerce grâce à un second standard, GameOn
(CNBC, 2018). Nvidia, leader de l'industrie de production de composants
graphiques et de solutions d'optimisation de la performance pour ordinateurs,
commercialise également une box TV sous le nom de Nvidia Shield, pour
promouvoir sa plateforme de cloud gaming Nvidia GeForce Now actuellement
présente sur PC et Macintosh.
L'émergence du cloud gaming représente
également une opportunité de développement importante pour
les acteurs historiques de la filière des consoles, et Sony comme
Microsoft développent leurs propres solutions de cloud gaming sur leurs
propres plateformes mais aussi sur PC, nommées respectivement
PlayStation Now et Xbox Game Pass. Néanmoins, ces nouvelles solutions de
jeu à la demande représentent une menace conséquente pour
la filière exploitée par ces deux acteurs en raison des prix
réduits des box TV par rapport aux coûts d'achat des consoles pour
les utilisateurs finaux, ainsi que l'érosion de la dynamique commerciale
de leurs plateformes de distribution digitales au profit des nouveaux entrants
et la perte de leur position dans l'industrie des jeux-vidéo et de leur
pouvoir de négociation avec les éditeurs de jeux.
Recommandations
A) Poursuivre le développement des gammes de consoles
pour cibler des segments haut-de-gamme et résister à
l'émergence du cloud gaming
Avec le lancement de la PS4 Pro, Sony répond au
mécontement des usagers du fait de l'absence de
rétrocompatibilité entre les différentes
générations de consoles (PS1, PS2, PS3 et PS4). D'un point de vue
technologique, cette nouvelle itération de la PS4 est compatible avec le
catalogue de jeux de la première version de la PS4, tout en permettant
aux éditeurs de proposer des graphismes plus détaillés en
raison des composants de plus haute performance présents dans cette
nouvelle console. Il s'agissait, pour rappel, d'anticiper la croissance du
marché des téléviseurs 4k, principalement en Europe et en
Amérique du Nord et d'étendre la durée de vie de sa
console et, donc, d'étendre sa rentabilité et l'amortissement des
coûts de production sur une
30
plus longue période. Sur le même principe, Sony
peut poursuivre cette logique en développant à l'avenir des
gammes de consoles de plus en plus qualitatives, pour plusieurs raisons
stratégiques.
Premièrement, le cloud gaming nécessite
l'amélioration des infrastructures internet ultra-haut-débit, et
s'adresse en premier lieu aux «casual gamers» ou joueurs occasionnels
qui ne disposent pas d'un PC ou d'une console de jeux à même de
faire tourner les titres les plus récents, et qui vivent
généralement au sein de métropoles qui disposent
d'infrastructures internet développées. Dans un second temps, les
solutions de cloud gaming disposent d'un prix de souscription relativement
abordable, dès lors qu'il suffit de disposer d'un ordinateur portable,
puis de payer des sommes mensuelles comprises entre 9,99€ pour les
solutions les plus abordables et 39,99€ pour les solutions les plus
chères. Le cloud gaming viendrait ainsi menacer le segment des joueurs
occasionnels, au même titre que l'émergence des jeux sur
smartphones.
Néanmoins, pour les prestataires de service, le cloud
gaming nécessite un investissement conséquent en acquisition ou
en location de serveurs et de machines virtuelles, ainsi que la maintenance
fréquente de ceux-ci, tout en acquérant une bande passante
suffisante pour transmettre une quantité d'information importante,
dès lors que les jeux sont en réalité
exécutés à distance sur ces serveurs, puis
«streamés» sur le support (PC, console) détenu par
l'utilisateur final. Pour ces raisons, il est difficile de proposer les jeux
les plus récents et les plus sophistiqués au sein des catalogues
des plateformes de jeu à la demande, en raison d'une consommation
importante de ressources et d'une hausse exponentielle du coût
d'exploitation des serveurs en fonction de la quantité de joueurs
présents sur ces plateformes.
Sony peut ainsi exploiter le segment haut-de-gamme des
joueurs, occasionnels ou non, qui s'intéressent aux titres les plus
récents développés par les éditeurs de jeux, et
toujours plus gourmands en ressources et sophistiqués d'un point de vue
technique. Pour asseoir sa position sur la filière des consoles et
résister à l'essor du cloud gaming, Sony devrait opter pour un
positionnement haut-de-gamme dans sa communication et dans le
développement de ses nouvelles itérations de consoles de jeux.
Cette option correspond également à un mode de
développement interne, ne nécessitant pas d'évolution
importante de la chaîne de création de valeur et ne
requérant pas de compétences que Sony ne possède pas
actuellement, dans son expertise de la production de consoles. Ce
positionnement a d'ailleurs été l'un des facteurs-clés de
succès récents de Sony sur la filière des consoles,
pérennisant l'avantage concurrentiel qui réside dans son image de
marque de pionnier et dans le fort engagement des utilisateurs des consoles
PlayStation. Cette stratégie de sophistication dispose d'un risque
commercial et financier faible du fait de l'attractivité des jeux les
plus récents et hautement sophistiqués sur consoles. Sur la
matrice d'Ansoff, elle correspond à un développement de produit
en se rapprochant des segments existants exploités par la filière
PC, avec des nouvelles gammes de produits.
B) Exploiter les effets de réseau entre Sony et les
éditeurs de jeux
Cette seconde option, bien qu'indépendante de la
première, reste liée à l'avenir des consoles face à
l'émergence du cloud gaming. Le business model privilégié
dans l'édition du jeu-vidéo est constitué du packaging et
des DLC, avec un coût d'acquisition important pour les utilisateurs, mais
avec un amortissement important des coûts de développement
dès la sortie du jeu, et la distribution des coûts de marketing
lors de la vente de contenus supplémentaires comme des zones de jeu ou
«map» additionnelles, des tenues ou des armes dans les
first-person-shooters, et des gains de temps par l'achat de points permettant
de débloquer des compétences dans les jeux d'action et
d'aventure.
Néanmoins, le business model du cloud gaming,
établi autour d'une souscription et réduisant ainsi fortement les
prix d'acquisition des jeux pour les utilisateurs disposant d'un catalogue de
jeux en accès illimité sans surcoût après paiement
mensuel, menace les business models et les leviers de rentabilité
traditionnels des éditeurs de jeux. Seule une part faible du prix de
souscription est distribuée aux éditeurs, qui font pourtant face
à un coût de revient de plus en plus important, lié
à la hausse des frais de développement et de marketing autour de
la production des jeux.
Également, le modèle de souscription sans
engagement renforce le caractère incertain de l'horizon temporel dans la
prévision de la rentabilité des jeux, en affaiblissant le
degré d'engagement et de loyauté des utilisateurs qui peuvent non
seulement arrêter de jouer à un jeu de façon plus libre
dès lors qu'ils n'ont pas payé directement l'acquisition de ce
titre, mais également arrêter de souscrire au service global. Par
cela, les éditeurs de jeux voient leur surplus diminuer fortement dans
ce business model, au profit des plateformes de cloud gaming et des
utilisateurs finaux de ces services.
Sony peut ainsi effectuer un lobbying intensif auprès
des éditeurs de jeux dès lors qu'ils disposent
d'intérêts communs, à savoir pour la firme japonaise la
consolidation de son activité commerciale sur la production de consoles
et de prestation de services digitaux y compris à l'égard des
éditeurs, et, pour ces derniers, la conservation d'un pouvoir de
négociation important et l'assurance de la rentabilité de leurs
produits. Avec les effets de réseau expliqués
précédemment dans la structure de la demande, Sony et les
éditeurs de jeux peuvent, par une alliance tacite autour de leurs
intérêts communs, consolider leur activité face à
l'émergence du cloud gaming dès lors que les utilisateurs finaux
des jeux resteront fidèles aux éditeurs de jeux et, donc, aux
consoles PlayStation. La proximité de Sony avec les éditeurs de
jeux constitue en outre l'un des principaux facteurs-clés de
succès de la première itération de consoles PlayStation,
face à Nintendo qui privilégiait l'appropriation des marges des
jeux présents sur ses consoles dans les années 1990.
A
B
- Développement de gammes de consoles sans modification de
la structure de la chaîne de production.
- Représente un pivot de sophistication face à la
menace du cloud gaming sur l'activité de production de consoles de
Sony.
- Consolidation des effets de réseau et du lien avec les
éditeurs de jeux.
- Consolidation du business model actuel.
Pertinence
Analyse des modalités de développement
- En outre, les compétences fondamentales de production de
gammes sophistiquées de consoles sont déjà parfaitement
exploitées et maîtrisées par Sony.
- Sony dispose des ressources en interne afin de déployer
cette modalité de développement.
- Cette option repose sur des compétences internes et sur
la proximité avec les éditeurs, ne nécessitant pas de
coûts d'exploitation majeurs dans sa mise en oeuvre
Faisabilité
- Un risque commercial faible en raison de l'attractivité
des titres avec un niveau de technicité élevé, d'où
l'approche haut-de-gamme.
- Avec les faibles marges que Sony réalise sur ses
consoles, la différenciation haut-de-gamme favorise une hausse de la
marge opérationnelle.
- Intérêts économiques convergents des
parties prenantes dans la défense de leur business model.
Acceptabilité
31
32
1.2. Sur le développement de la
propriété intellectuelle Problématique
La propriété intellectuelle dans l'industrie des
jeux-vidéos correspond non pas à une terminologie légale
traditionnelle, mais à la détention d'un «naming»
autour d'une licence de jeu par un studio de développement ou un
éditeur de jeu. Ces derniers ont ainsi recours à une
stratégie de déclinaison d'une charte graphique et d'une
identité de marque au sein même des licences qu'ils
détiennent.
Ubisoft propose ainsi plusieurs variations de ses jeux
à franc succès commercial, comme Assassin's Creed,
développé par la suite en Assassin's Creed 2, Assassin's Creed
Brotherhood, Assassin's Creed Black Flag, Assassin's Creed Origins,
correspondant à un univers commun et une histoire liée, mais
présentant des zones géographiques distinctes, à
l'incorporation d'une culture locale dans la trame du jeu à des
époques différentes, avec des fonctionnalités techniques
variées selon l'année de développement du produit, entre
2007 pour le premier Assassin's Creed et 2017 pour le dernier jeu sorti sous ce
naming.
Cet exemple illustre l'importance du développement des
catalogues de licences et, donc, de la propriété intellectuelle
par les éditeurs de jeux majeurs, comme Activision-Blizzard et sa
licence-phare Call of Duty, ou Electronic Arts et ses licences de sport comme
FIFA. La propriété intellectuelle permet d'encourager
l'engagement et la loyauté des utilisateurs avec une marque de confiance
et rapidement identifiable par ceux-ci, tout en s'assurant d'un succès
commercial au lancement d'une nouvelle version dans la série d'un jeu.
De plus en plus, les éditeurs cherchent en outre à
développer des liens entre les franchises qu'ils détiennent, avec
la présence d'easter eggs, correspondant à des
éléments présents dans un jeu faisant
référence à un autre jeu du même éditeur.
À l'avenir, les jeux-vidéos dépassent le simple cadre du
produit individuel pour s'insérer dans une suite logique et un univers
commun, proche du modèle de l'industrie cinématographique. Sony
Interactive Entertainment, avec son studio de développement, doit ainsi
participer à cette évolution pour consolider sa position parmi
les majors de l'édition du jeu-vidéo.
Recommandations
A) Développer les univers des franchises détenues
par Sony Interactive Entertainment
En 2017, parmi les dix jeux les plus vendus sur consoles, huit
correspondaient à des franchises, comme Tom Clancy's Ghost Recon
Wildlands (parmi la franchise Tom Clancy's de l'éditeur Ubisoft), The
Legend of Zelda: Breath of the Wild (franchise Zelda, développée
et éditée par Nintendo), ou encore Call of Duty: Infinite Warfare
(franchise Call of Duty, de l'éditeur américain
Activision-Blizzard).
Parmi ces huit franchises, toutes appartiennent à des
éditeurs de jeux majeurs, concurrents des studios de
développement détenus par Sony Interactive Entertainment. Si Sony
a placé deux titres dans ce classement, avec MLB The Show: 17 et Horizon
Zero Dawn, le second fait pourtant partie des deux seuls titres du classement
ne répondant pas à une logique de franchise.
Néanmoins, d'autres titres de Sony ont récemment
présenté cette caractéristique et un succès
commercial conséquent, tel que The Last Of Us ou Uncharted. La
société nippone doit à l'avenir savoir exploiter l'image
de marque de ses titres pour présenter de façon cyclique des
produits d'une même franchise et du même naming afin de
bénéficier commercialement de l'engouement constant des
consommateurs pour ces titres.
33
En outre, Sony doit décliner les valeurs du Kando au
sein de ses franchises, en insistant davantage sur les performances visuelles
des jeux afin de proposer une expérience hautement qualitative et
sensorielle aux joueurs, qui a constitué l'un des facteurs-clés
de succès de Horizon Zero Dawn en 2017. Ces différentes
stratégies correspondent dans la matrice d'Ansoff à des
nécessités de confortement des produits de Sony ainsi que la
performance des ventes de sa console PlayStation 4 grâce au
caractère exclusif de certains titres développés en
interne et proposés uniquement sur cette console. Sur ce point, Nintendo
a développé son avantage concurrentiel autour de
l'exclusivité des franchises Nintendo, présentes uniquement sur
ses propres consoles et constituant un argument de vente primordial de
l'entreprise de Kyoto. Ainsi, ce type de stratégie permet
également de consolider des parts de marché par un
mécanisme de verrouillage sur des segments de consommateurs sensibles et
loyaux à l'image de marque des entreprises.
B) Exploiter les synergies avec Sony Pictures pour proposer
une offre de jeux proche des univers présents dans l'industrie
cinématographique
Le groupe Sony dispose d'une filiale majeure dans l'industrie
cinématographique dans l'entité Sony Pictures, qui possède
un nombre de licences conséquent dont les droits d'exploitation des
films et de l'univers Spider-Man.
Si des synergies existent actuellement entre cette filiale et
Sony Interactive Entertainment sur les licences détenues par Sony
Pictures, conduisant à l'alignement des calendriers de production des
films et des jeux-vidéos, Sony pourrait en outre profiter de
l'importance de sa filiale de production cinématographique au sein du
«Big Six» et de son pouvoir de négociation pour
acquérir des droits de co-production sur d'autres licences majeures des
univers manga et comics incluant le développement de jeux sur consoles.
En bénéficiant d'un éventail large de franchises connues
du grand public au sein de son catalogue de jeux, Sony Interactive
Entertainment serait à même de consolider son statut en tant
qu'éditeur majeur de jeux-vidéos par une stratégie
d'alliances mixtes, à mi-chemin entre une modalité
dissymétrique par l'acquisition de droits d'exploitation des franchises
pour Sony Pictures sans menacer les droits propriété
intellectuelle des autres majors et une modalité additive par le
développement de jeux autour des univers des franchises.
Malgré le potentiel commercial important
généré par une collaboration, des freins
conséquents existent du fait de la difficulté de la
négociation d'un tel projet qui nécessite une définition
stricte et un équilibre dans le partage des droits de chacune des
parties. Cela requiert également l'identification des coûts
supportés par chacune des parties dans la création de valeur des
nouveaux produits et la distribution de leur rentabilité.
Enfin, Sony Interactive Entertainment pourrait
également apprendre des compétences détenues par Sony
Pictures et employer des techniques novatrices dans l'activité de
développement de jeux-vidéos, telles que le motion capture ou le
doublage de voix par des acteurs professionnels et adaptés localement
selon leur notoriété. Rockstar Games, studio de
développement de Take Two Interactive, a ainsi créé les
personnages principaux de son jeu-phare Grand Theft Auto 5 en s'inspirant
directement des caractéristiques physiques d'acteurs
célèbres aux États-Unis.
Analyse des modalités de développement
Pertinence
|
Faisabilité
|
Acceptabilité
|
A
- Le modèle commercial plébiscité par les
consommateurs est celui des franchises. Cette modalité correspond ainsi
à la consolidation de la position du studio de développement
SIE.
- Correspond au développement de nouvelles
compétences et à l'amélioration de la capacité
stratégique du studio de développement SIE.
B
- Diversification de l'activité conformément
à la philosophie du Kando de Sony.
- Sony détient la propriété intellectuelle
des titres, ainsi le développement en franchise ne soulève pas de
problématique de faisabilité majeure.
- La résistance des parties prenantes dans la
négociation des droits d'exploitation commerciaux nécessaires
à la création de nouveaux jeux.
- Une seconde option avec la synergie avec le DAS Sony Pictures
et ainsi l'exploitation de compétences et de ressources internes.
|
- Levier de développement commercial, avec un retour sur
investissement sur un modèle cyclique à court et moyen terme.
- Avec le succès commercial de ce modèle, le risque
financier paraît limité.
- Risques financier et commercial faibles en raison du
succès commercial des licences des majors de l'industrie
cinématographique et du branding dans le secteur des comics.
- Avec un positionnement novateur, la performance commerciale de
cette modalité devrait répondre aux problématiques de
coûts de développement engagés.
34
1.3. Sur la R&D et la diversification des
compétences technologiques Problématique
L'industrie du jeu-vidéo est marquée par des
cycles d'innovation courts et par une destruction créatrice constante,
avec la disparition historique d'acteurs majeurs. Dans un secteur avec une
telle concentration technologique, il est nécessaire de
développer des compétences pour anticiper les évolutions
du marché, dans la structure de l'offre comme dans celle de la demande.
En outre, avec l'apparition de nouveaux acteurs comme les GAFA qui disposent
d'une expertise importante dans des domaines à forte concentration
technologique (smartphones, réseaux sociaux, services multimédia
et systèmes d'information), Sony doit développer de nouvelles
compétences afin de répondre à sa volonté
d'innovation présente dans ses valeurs et d'être à
même de lutter contre l'entrée de ces acteurs sur son
marché, menaçant de fait son activité.
Par ailleurs, l'évolution des cadres législatifs
en Europe et en Amérique du Nord sur la protection des données
personnelles requiert la mise en place de procédures et de normes dans
les réseaux d'information des plateformes de distribution digitale,
comme le PlayStation Network et les services intégrés à
ses consoles (PlayStation Store, Music, Vue, par exemple). Enfin, ayant connu
des cyberattaques importantes sur ses réseaux à plusieurs
reprises, Sony doit développer une politique de
cybersécurité intégrée dans sa stratégie
à l'échelle globale, afin de protéger ses ressources, ses
clients mais aussi son image de marque du fait des répercussions
négatives dans la presse internationale.
35
Recommandations
A) Développer l'expertise économique et marketing
avec des compétences en big data
Avec l'intégration des solutions digitales telles
qu'une plateforme de jeu connectée et une plateforme de distribution au
sein de sa chaîne de valeur, Sony Interactive Entertainment dispose d'une
quantité importante de données concernant la distribution des
titres de jeux ainsi que le comportement des consommateurs dans les
jeux-vidéos sur sa console.
En traitant cette donnée brute et en la transformant
en information par le regroupement au sein d'indicateurs-clés de
performance, Sony est capable d'anticiper les comportements d'attrition des
consommateurs, analyser l'attractivité des différents genres de
jeux, comprendre les parcours d'achat au sein de sa plateforme digitale de
distribution PlayStation Store tout en vérifiant et en améliorant
progressivement l'efficience de l'UX design de ses services
connectés.
La big data constitue l'un des enjeux majeurs de la seconde
moitié des années 2010, et constitue un levier d'optimisation des
processus et d'amélioration des pratiques commerciales importantes, en
permettant par exemple d'analyser l'impact des offres promotionnelles sur la
demande des différents segments de consommation selon l'âge de
chaque joueur dont Sony dispose à partir des informations personnelles
fournies par les joueurs. La société peut ainsi développer
une expertise économique et marketing importante et mettre en avant sa
capacité de conseil et d'accompagnement des éditeurs de
jeux-vidéos pour renforcer son lien avec cette filière, tout en
bénéficiant de cette analyse pour ses propres studios de
développement en orientant stratégiquement les choix
créatifs de ses équipes.
Si elle dispose certainement de ces compétences en
interne au sein de ses équipes d'analystes de données et
marketing, Sony doit toutefois poursuivre le développement de ces
compétences particulièrement stratégiques dans un
environnement toujours plus digitalisé et intégré comme
celui de l'industrie du jeu-vidéo. En effet, le développement et
l'amélioration de ses solutions digitales par l'analyse de
données étend davantage la capacité stratégique de
Sony d'anticiper les évolutions du marché, et sa maîtrise
globale de la chaîne de valeur. Enfin, l'analyse présente une
modalité d'intégration globale, dès lors que les services
du PlayStation Network sont standardisés sur l'ensemble des zones
géographiques où opère la société.
Néanmoins, Sony doit veiller à la conformité de cette
activité en rapport avec l'évolution des facteurs légaux
concernant la protection des données personnelles, comme la
législation européenne du RGPD (règlement
général sur la protection des données), limitant la
communication de données personnelles aux tiers.
B) Renforcer les synergies avec les Sony Computer Science
Labs pour encourager l'innovation en intelligence artificielle et en objets
connectés dans le jeu-vidéo
Au-delà de la nécessité de
maîtriser et d'exploiter la big data au sein des sociétés
à forte concentration en services digitalisés, l'industrie du
jeu-vidéo bénéficiera à terme de l'innovation en
intelligence artificielle ainsi que de l'émergence des objets
connectés, présentant des possibilités de
développement de nouvelles activités particulièrement
intéressantes pour les sociétés ainsi que les
consommateurs.
Les Sony Computer Science Labs sont des structures
implantées dans des métropoles comme Paris, Londres, Tokyo,
Toronto ou Los Angeles, visant à développer une certaine
proximité avec les centres de recherche des universités
technologiques locales et de participer à la formation de talents, puis
à l'acquisition et au développement de ceux-ci. Les Science Labs
ne sont pas
36
directement des structures commerciales participant aux
activités de création de produits de Sony, mais interviennent en
tant que fonction support, avec une réelle emphase sur la recherche
scientifique et l'innovation technique. Récemment, différents
pôles ont été formés au sein des Science Labs afin
de concentrer certaines recherches sur le développement de
l'intelligence artificielle de l'Internet of Things (les objets
connectés) et leurs usages dans des filières
spécialisées, médicales et militaires, ainsi que
généralistes, dans le divertissement et le jeu vidéo ou la
musique.
Ces deux domaines d'innovation concernent
particulièrement l'activité de SIE, dès lors que
l'intelligence artificielle est progressivement employée pour
créer des jeux à univers évolutifs basés sur les
choix des joueurs sur le principe d'hyper-personnalisation du produit, avec une
expérience de jeu plus immersive, à forte valeur sensorielle et
émotionnelle. En outre, le développement des objets
connectés offre un nouvel horizon de pratiques de jeux, avec la
création de capteurs sensoriels et de casques de réalité
virtuelle comme le PlayStation VR, offrant également une nouvelle
expérience de jeu pour les utilisateurs. Cet usage correspond ainsi aux
valeurs fondamentales et à la mission de Sony, articulées autour
du Kando et de la création d'un lien émotionnel avec les
joueurs.
Enfin, cette option se traduit par un développement
interne et impacte directement la maîtrise des facteurs-clés de
succès de l'industrie à moyen-terme, par l'enrichissement de la
capacité d'innovation de Sony sur des produits à haute valeur
ajoutée et par un positionnement anticipé sur de nouveaux
créneaux stratégiques.
C) Anticiper les menaces en cybersécurité et sur
les données personnelles des clients en créant des Special
Operations Centers dans chaque zone géographique majeure
Avec les hacks successifs en 2011 et 2014 sur les PlayStation
Network et de Sony Pictures, avec un vol massif de données personnelles
mais aussi le piratage du catalogue de films destinés à une
commercialisation et détenus par le DAS de Sony dans l'industrie
cinématographique, Sony doit améliorer sa capacité de
protection des données personnelles ainsi que ses opérations par
une politique de cybersécurité renforcée.
Le risque est conséquent en raison de la digitalisation
importante des services autour de l'écosystème PlayStation, et
une panne du service provoquée par des parties externes
entraînerait des répercussions financières drastiques
à court-terme ainsi qu'une crise d'image dans la presse internationale.
Sony peut développer des Special Operations Centers pour piloter sa
politique de cybersécurité globale au plus près des
structures locales et vérifier ainsi la maîtrise des composants
des systèmes d'information, le respect des normes locales qui
diffèrent entre l'Amérique du Nord, l'Europe et le Japon ainsi
que les contrôles et consolidations du périmètre de
sécurité autour des infrastructures réseaux
nécessaires au bon fonctionnement des services du PlayStation
Network.
Cette option stratégique permet la dilution et la
maîtrise du risque international au sein de centres d'opérations
locaux, et est particulièrement pertinente du fait de la
nécessité d'éliminer une faiblesse majeure pour Sony et de
parer aux imprévus, comme traités précédemment dans
l'analyse PESTEL du macro-environnement. Néanmoins, cette option
présente une problématique dans l'acceptabilité en raison
de la difficulté de quantification des ressources à
déployer en fonction du niveau de risque, et ne peut pas s'analyser
traditionnellement selon des critères de rentabilité et de
coûts opérationnels.
37
|
Analyse
Pertinence
|
des modalités de développement
Faisabilité
|
Acceptabilité
|
A
|
- Anticiper les évolutions du marché par un savoir
et une expertise économique renforcée.
- Accroître la connaissance clients et les leviers de
rentabilité sur la plateforme de distribution.
|
- Compétences internes en data analysis, à
exploiter pour l'organisation dans une logique marketing et commerciale.
- Ressources (data) détenues à partir de
l'exploitation de l'écosystème PlayStation Network de Sony.
|
- Allocation différente de ressources et de
compétences, dans une logique commerciale, donc absence de risque
financier et génère nécessairement un retour positif.
|
B
|
- Améliorer la capacité d'innovation technique
- Anticiper les évolutions du marché sur
l'intelligence artificielle et les objets connectés,
complémentaires dans l'industrie du jeu-vidéo
|
- Renforcement des liens et des synergies afin d'accentuer le
transfert de compétences entre pôles d'excellence.
- Compétences et ressources internes déjà
présentes dans la structure de l'organisation Sony.
|
- Permet de développer de nouveaux créneaux
stratégiques grâce à l'appui des Science Labs, étant
une fonction support dans la chaîne de valeur globale de Sony ;
maîtrise du risque grâce au développement de l'expertise
dans ces domaines
|
C
|
- Anticiper les évolutions législatives sur la
protection des données personnelles.
- Se préparer face aux menaces majeures des prochaines
années
|
- Développement de
compétences stratégiques non- détenues par
l'organisation et fortement nécessaires à la sécurisation
de son activité.
|
- Une allocation de ressources et de compétences
centralisée dans chaque zone géographique afin de piloter
localement l'activité et réduire le risque
opérationnel.
|
2. Développement de nouvelles activités
2.1. Sur la filière du jeu mobile
Problématique
En 2016, un cap symbolique est franchi dans le marché
du jeu vidéo avec une part de marché en valeur plus importante
pour la filière mobile que celle des jeux sur consoles. Selon les
analystes, cette tendance va se poursuivre avec une estimation en valeur
dumarché du jeu mobile en 2019 de l'ordre de 52,5 milliards de dollars,
pour représenter près de 45% du marché global. Il est
impératif pour les industries vidéoludiques de s'adapter à
cette nouvelle tendance et de s'armer afin de riposter aux nouveaux acteurs qui
s'insèrent sur le marché.
En effet, le marché du jeu vidéo est un
marché en pleine santé et le smartphone a réussi à
s'intégrer comme catalyseur de cette croissance en permettant une
expérience de jeu plus simple pour les utilisateurs. Le marché du
jeu vidéo sur console nécessite l'acquisition d'une console et,
donc, un investissement conséquent, tandis que le smartphone a
réussi à devenir un objet technologique nécessaire au
quotidien. Également, les innovations constantes des smartphones rendent
leurs capacités de plus en plus étendues. Jouer sur son
smartphone est désormais une
38
réalité et l'expérience de jeu n'est plus
cantonnée à la simplicité, on assiste à la
création de véritables jeux s'approchant des
caractéristiques de leurs homologues sur consoles.
Recommandations
A) Développer les compétences internes en se
rapprochant du DAS mobile
Sony est présent sur plusieurs DAS notamment le DAS
mobile et peut bénéficier pour son édition de jeux
vidéos mobile de compétences internes qui lui permettront
d'adapter son offre de jeux vidéos au format mobile et s'insérer
sur le secteur du jeu mobile.
Elle possède face à ses concurrents un avantage
concurrentiel étant donné que le développement de ces jeux
sera facilité par ce rapprochement avec le DAS mobile lorsque Nintendo
par exemple doit totalement repenser et adapter ses licences au format
mobile
Sony devra se focaliser sur la production et l'édition
de jeux en liant deux domaines d'activités stratégiques, il y a
une nécessité émergente pour eux de faire preuve de
talents managériaux quant à la collaboration entre les deux et
bénéficier des effets de la synergie. Pour que ces effets soient
positifs pour l'organisation, la synergie mise en place doit être pourvue
en moyens suffisamment importants. Sony doit veiller à la mise en place
d'un intermédiaire de coordination entre les deux DAS et vérifier
que d'une part les ressources allouées soient suffisantes et bien
attribuées.
«Moreover, the transition phase before the creation
of a new industry involves the attraction of the workforce, which relies on
different social network. In fact, hobby clubs, meeting at shops, trade shows
and conventions were valuable tools to gather both the firms of an existing
industry willing to move on and the pioneers of the emerging industry.»
(Izuchi & Aoyama, 2006)
L'avantage de cette diversification quant à la force
de travail est qu'il n'est pas nécessaire de l'attirer dès lors
qu'elle est déjà présente. Le défi ne relève
pas tant de recruter pour développer ce secteur mais de coordonner les
compétences internes et en faire une utilisation optimisée pour
rendre cette diversification efficiente.
La stratégie de diversification liée
entraîne toutefois des coûts à court terme très
important pour l'entreprise en voulant pénétrer un marché.
Cependant à long terme, une telle alliance entre les DAS permettra de
palier au retard de l'entrée de Sony sur le marché mobile.
B) Exploiter sur la filière mobile les licences
historiques détenues par SIE
Sony peut profiter de l'attrait qu'ont les consommateurs pour
ces licences qui sont largement mis en avant dans les campagnes publicitaires
pour les consoles mais aussi complètement ancrées dans la culture
populaire. Les licences sony de jeux vidéos consoles ont
été le commencement du jeu vidéo et sur une période
de 20 ans, l'évolution et les changements ont été
conséquents.
Sony s'est imposé face à Nintendo sur le
marché du jeu vidéo en lançant la playstation qui eut un
succès inattendu. Elle a marqué les esprits par un contenu
réservé aux joueurs adultes en rompant les codes que Nintendo
avait auparavant établis.
Grâce à des licences comme Ratchet and Clank,
Crash Bandicoot ou Gran Turismo, Sony a connu un succès auprès du
grand public et ce sont ces licences qui aujourd'hui sont imprimés dans
la culture populaire.
39
Développer des versions mobiles de ces licences
représente pour Sony deux enjeux ; l'un est de jouer sur la nostalgie
des anciens joueurs et s'assurer des consommateurs qui voudront revivre cette
expérience que leur avaient apporté ces jeux vidéos ;
l'autre est de commercialiser des jeux qui ont déjà connu un
succès et qu'il faut uniquement remettre au goût du jour.
La majeure partie du développement sera l'adaptation au
format mobile, l'édition en elle même ne nécessite pas de
développer l'univers et les graphismes.
C) Acquisition ou investissement Media4Equity d'un studio de
développement mobile en Asie du Sud-Est
Les studios de développement tels que Tencent et
Netease sont les studios de développement mobiles les plus importants au
monde en 2017. Ils ont su se développer avec l'arrivée des jeux
mobiles et devenir leader sur le nouveau marché.
Sony peut se positionner sur le marché en
acquérant un studio de développement mobile en Asie du Sud-Est,
lieu géographique porteur dans l'industrie du jeu mobile.
Deux options s'offrent à Sony.La plus coûteuse
est d'acquérir un studio disposant de licences à
succès.Cette option implique de solliciter les ressources
financières de Sony et d'empêcher éventuellement les
investissements dans d'autres secteurs mais permet à Sony de s'assurer
son entrée sur le marché mobile avec la gestion d'un studio qui a
déjà fait ses preuves et en récupérer les
compétences.
L'autre moins coûteuse est d'acquérir un petit
studio qui promet une dynamique de croissance importante tout en disposant des
mêmes compétences rares mais avec un goodwill différent. La
volatilité sur ce type d'acquisition est très étendue et
propose des débouchées incertaines pour Sony quant à son
entrée sur le marché du jeu mobile.
Ces deux options proposent toutefois une similarité qui
est l'acquisition de compétences stratégiques. En premier lieu,
le développement des compétences mobiles et en second lieu,la
connaissance et la maîtrise des facteurs culturels de la demande en Asie
du sud-Est tant sur les genres de jeux appréciés que les business
models et options de monétarisation.
Le mode de développement peut être totalement
externe par acquisition ou dans le cas de la seconde option et afin de
réduire la volatilité par investissement en Media 4 Equity. Le
Media 4 equity correspond à un système de «troc» pour
les jeunes start-up dans lequel les grands groupes proposent une
visibilité à ces start-ups contre une entrée au capital de
celle-ci. Cette forme particulière d'investissement permet une
entrée au Capital du studio de façon moins risquée pour
Sony. Le coût d'acquisition d'un tel studio peut être
supportée par Sony et ainsi Sony peut réfléchir à
une acquisition totale, elle bénéficiera par la même
occasion des compétences stratégiques rares. Cependant une
problématique de management culturel apparaît donc Sony devra
réfléchir non pas à une intégration globale qui ne
serait pas pertinente mais à une logique d'adaptation locale et laisser
une certaine liberté pour minimiser le choc de la transition
d'acquisition.
L'acquisition des compétences de développement
mobile et de la maîtrise des facteurs culturels sud-asiatiques
correspondent à deux facteurs-clés de succès
indispensables pour cette filière industrielle et dans cette
région géographique. En se référant à la
matrice d'Ansoff, l'acquisition de studios de développement mobile
correspond à une diversification puisque le marché du jeu mobile
est nouveau pour Sony Interactive Entertainment.
Analyse des modalités de
développement
Pertinence
Faisabilité
Acceptabilité
A
B
C
Le rapprochement entre les deux DAS permet de créer une
synergie et de mettre en commun les compétences des deux DAS pour
développer les jeux mobiles.
Sony dispose de licences historiques qui ont connu un fort
succès auprès du public.Sortir une licence au format mobile joue
sur la nostalgie des consommateurs.
Permet d'acquérir des
compétences stratégiques d'un studio habitué
à l'édition de jeu mobile
|
La stratégie de diversification liée peut
fonctionner si les ressources allouées entre les deux DAS sont
suffisantes.
Le projet est réalisable dans la mesure où Sony
dispose déjà des licences, le développement au format
mobile représente un enjeu de simplification étant donné
que les mobiles sont moins performants qu'une console.
- Selon les options choisies, cela représente ou non une
charge financière pour Sony.
- L'acquisition d'un studio, que ce soit un studio établi
ou en développement, représenterait peu par rapport à la
structure de Sony qui dispose d'importantes ressources financières
|
Coût important à court terme mais synergies à
long terme pour la pénétration du marché du jeu
vidéo mobile
Coût du développement très faible pour
l'édition et la création du contenu, la simplification ne
représente pas un enjeu majeur pour les éditeurs du jeu
mobile.
Une telle stratégie serait intéressante et
représenterait un retour sur investissement intéressant.Le
marché mobile a fait ses preuves et son business model aussi. Le risque
sur un tel investissement dépend bien évidemment des produits
proposés mais représente un risque moyen.
40
2.2. Sur le développement de la solution de cloud
gaming PlayStation Now
Problématique
Des nouveaux acteurs entrent sur la filière
naissante du cloud gaming, alors que Sony et Microsoft se sont
déjà positionnés avec leurs plateformes respectives
PlayStation Now et Xbox Game Pass, pour faire le lien entre les consoles et la
filière PC.
Historiquement, l'Europe constitue une place forte
pour Sony, et la marque PlayStation est particulièrement
plébiscitée par les consommateurs dans cette région.
Microsoft, pour sa part, cherche à dominer son marché local en
Amérique du Nord tant sur la filière des consoles que sur le
cloud gaming, faisant face sur cette dernière à de nombreux
acteurs émergents comme Google, Amazon, Nvidia, Gameßy, LiquidSky
mais aussi Sony.
Pourtant, la fin du principe de neutralité du
net aux États-Unis donne la possibilité aux fournisseurs
d'accès à internet de limiter les bandes passantes des
consommateurs et des entreprises, tout en commercialisant des packs de bande
passante pour les services multimédia, les réseaux sociaux et le
gaming. La législation reste toutefois circonscrite à la zone
géographique
41
des États-Unis. Le cloud gaming nécessite une
bande passante très importante par un accès internet
ultra-haut-débit, et est ainsi menacé par la mise en oeuvre de la
nouvelle législation fédérale américaine
liée à la fin de la neutralité du net. Sony doit ainsi
être attentive à ce facteur politique et bientôt
légal aux États-Unis, et intégrer cette variable
économique dans son offre de jeu à la demande PlayStation Now.
Recommandations
A) Focaliser l'essentiel des moyens commerciaux de
développement de l'offre de cloud gaming PlayStation Now en Europe pour
y établir une place forte
La croissance récente du secteur de l'internet
ultra-haut-débit dans les métropoles européennes rend
possible le lancement d'un service opérationnel dans cette zone
géographique, qui constitue en outre une place forte historique pour
Sony. En termes de développement, la société nippone
dispose déjà d'un produit, toutefois peu attractif sur le
marché en raison du manque de visibilité et du produit et de
l'absence de publicité autour de celui-ci, encore en phase de
prototypage.
Afin de dynamiser le lancement effectif du service
PlayStation Now, Sony peut exploiter les liens commerciaux avec les
éditeurs de jeux pour développer des contrats
d'exclusivité et ainsi tester la sensibilité de la demande
à des prix de souscription relativement plus faibles. Malgré la
résistance des éditeurs de jeux face à l'érosion de
leurs leviers de rentabilité, Sony peut développer un catalogue
à partir de licences historiques des itérations
précédentes de PlayStation, demandant en outre des ressources
plus faibles aux serveurs de jeux, telles que Crash Bandicoot (SIE) ou par
alliance additive avec des acteurs de l'industrie japonaise comme Sega et
Capcom pour bénéficier de l'effet de nostalgie des consommateurs
friands de ces marques. Ici, le critère d'acceptabilité
présente moins de freins du fait de la disparition d'un grand nombre de
licences de ces marques de l'univers des consoles au profit d'autres
éditeurs comme Ubisoft et Electronic Arts. Une telle alliance serait
ainsi un levier de rentabilité intéressant pour les studios de
développement japonais pour relancer la commercialisation de leurs
licences, tout en diluant le risque.
B) Développer une offre plus simple et moins
coûteuse aux États-Unis afin de temporiser en attendant les
modalités de mise en oeuvre de la nouvelle législation
Aux États-Unis, les infrastructures internet
ultra-haut-débit sont actuellement moins développées qu'en
Europe pour des raisons socio-géographiques, avec une part rurale
importante dans le découpage territorial. Le facteur technologique
représente ici un premier frein à l'implantation et au lancement
rapide du service PlayStation Now dans cette zone géographique.
Également, le nombre de concurrents présents ou en
développement et prototypage sur le marché est
particulièrement élevé dès lors que la plupart des
acteurs de la filière du cloud gaming sont des entreprises
américaines (GAFA, Nvidia, Gameßy, LiquidSky). Il existe en outre
une incertitude et un niveau de risque commercial et financier
élevé à court et moyen-terme, selon les modalités
concrètes d'application législative de la fin du principe de la
neutralité du net aux États-Unis.
Néanmoins, développer une offre digitale
standardisée avec un catalogue réduit permet de réduire le
niveau de risque dans cette zone géographique en raison de coûts
d'exploitation faible. La concentration des moyens commerciaux et marketing
devra toutefois être focalisée en Europe qui dispose d'un bassin
de consommation plus élevé et d'un risque inférieur dans
la mesure où la fin du principe de neutralité du net a une
application territoriale exclusive aux États-Unis. Le
développement de l'offre en Europe permettrait ainsi d'analyser les
dynamiques commerciales et d'améliorer le positionnement sur le
marché américain pour un lancement opérationnel total
en
42
cas d'évolution positive sur le cadre législatif
mis en place par la FCC (Federal Communications Commission).
En terme de développement, cette option cherche
à réduire la part de risque élevée sur le
marché américain, en anticipant la mise en place de
barrières d'exploitation, mais nécessiterait un
déploiement de ressources financières plus conséquent dans
le cas contraire, bien qu'étant un scénario plutôt
improbable.
Pertinence
|
Faisabilité
|
Acceptabilité
|
Analyse des modalités de développement
Faire de l'Europe le centre de lancement du développement
du cloud gaming pour en montrer ses avantages et ensuite le développer
sur les marchés secondaires.
Anticiper l'évolution législative tout en
maîtrisant la commercialisation du produit dans une zone
géographique moins risquée.
- Sony bénéficie de licences historiques et peut
développer des alliances avec les éditeurs de jeu.
- L'exploitation de licences est moins gourmande en ressources de
serveurs et est aisément réalisable pour Sony.
- Stratégie moins risquée qui nécessite
moins d'investissement et l'attente de la maturité d'un marché,
ainsi que de l'évolution des facteurs technologiques et
législatifs aux États-Unis.
- Les coûts de
développement des licences sont nuls car
déjà existants.
- Sony jouerait sur la nostalgie des consommateurs tout en leur
proposant une formule d'abonnement.
Cela représente un levier de rentabilité
élevée.
- Cette modalité de développement réduit le
risque financier important en raison des facteurs législatifs aux
États-Unis.
- Également, face à la concurrence de nombreux
acteurs, un lancement à court-terme générerait des pertes
importantes.
A
B
2.3. Sur le développement de la
réalité virtuelle Problématique
L'essor de nouvelles solutions d'expérience immersive
autour de la réalité augmentée (Pokémon Go) et de
la réalité virtuelle (Oculus Rift) ces dernières
années a stimulé des opportunités de croissance dans
l'industrie du jeu-vidéo, par le caractère ludique et
complémentaire de ces nouveaux produits. Avec la commercialisation de
son casque PlayStation VR lié à sa console propriétaire,
Sony Interactive Entertainment dispose ainsi d'un produit fini à
même de conquérir ces nouveaux marchés et d'investir cette
filière en position de price-maker.
Néanmoins, le faible succès commercial du casque
PlayStation VR soulève des problématiques de positionnement en
prix, ainsi que le manque de licences proposées en réalité
virtuelle dans le catalogue de jeux associés à ce produit. Nous
l'avons vu précédemment, le nombre de jeux
43
pionniers accompagnant un produit à son lancement est
un facteur-clé de succès dans la commercialisation de nouvelles
consoles et de nouveaux produits dans l'industrie du jeu-vidéo.
Recommandations
A) Améliorer le positionnement du casque PlayStation VR
pour toucher plus de segments
La Réalité virtuelle désignée par
VR pour Virtual Reality est une technologie en laquelle tous les acteurs du
marché croient. Sony pense que le VR est une application dans laquelle
Sony pourra faire jouer sa force technologique dans l'imagerie digitale,
l'acquisition de contenu et la production ainsi que ses ressources dans le
divertissement.
Sony a développé un casque qui utilise cette
technologie en tant qu'accessoire de jeu pour les jeux immersifs. Cependant,
cette technologie reste toujours trop onéreuses pour les consommateurs.
En moyenne, un casque coûte presque autant que la console dont il est
l'accessoire. Sony tente de rendre cette technologie plus facile d'accès
avec notamment une baisse de 100€ en Mars 2018.
Cependant, il n'y a pas de réelle cohérence
quant au prix du casque et le prix des jeux de VR.En effet, le prix du casque
représente quasiment le prix d'une console tandis que les jeux
développés en VR sont peu coûteux à l'achat.
L'accueil du public à cette nouveauté technologique est
mitigé. Sony a dû revoir ses estimations à la baisse pour
la vente de cette technologie malgré le fait que Sony soit convaincue
que d'ici les année 2020, la technologie VR sera un
générateur de revenus et représentera en volume 50
millions d'unités vendues.
Il faut toutefois noter que Sony est bien positionnée
sur le marché haut de gamme de VR mais qu'au fil des années et de
l'arrivée de produits équivalents sur le marché, les
consommateurs vont accepter de plus en plus cette technologie mais Sony perdra
son avantage concurrentiel.
Il convient alors pour Sony d'ajuster le prix de son casque
où les marges réalisées sont conséquentes
même si toutefois l'intéressement au VR représente pour
l'instant peu de revenus pour Sony et d'accroître le prix des jeux afin
de dynamiser la demande à court-terme.
Sony bénéficie déjà d'une
position de leader sur le marché des casques VR, le casque VR le plus
proche de celui de Sony en termes de prix est déjà le double du
prix. Sony propose de plus un catalogue plus important en termes de contenus et
de fonctionnalités relativement à celui de ses concurrents. C'est
un objectif réalisable pour Sony que de rendre plus accessible en termes
de prix son produit dans la mesure où la marge est conséquente.
Elle pourra alors bénéficier d'une ouverture au public et
bénéficier d'une meilleure pénétration du
marché.
Si cependant, la marge réalisée paraît
trop peu significative sur le court terme, Sony réfléchira
à long terme en imposant une standardisation selon ses propres
critères à la concurrence. Cela découle de
l'expérience-produit et nécessite un design épuré,
des fonc
B) Développer le canal d'acquisition B2B en créant
des serious games en réalité virtuelle
Les serious games sont des jeux vidéos
développés à des fins d'enseignement et se
définissent par Michel et chen, concepteurs jeux vidéos (2005),
comme «Tout jeu dont la finalité première est autre que le
simple divertissement». Ainsi les applications sont principalement
professionnelles mais l'on remarque la pluralité des secteurs que peut
toucher ce genre de jeux.Les entreprises sont demandeuses de serious games
à des fins de recrutement et de talent acquisition, les
44
possibilités de la réalité virtuelle
peuvent ainsi s'adapter aux spécificités des entreprises et du
secteur.
En effet, les serious games en VR offrent la
possibilité de simuler les conditions où l'analyse de
l'environnement est nécessaire; cela représente un
intérêt pour les secteurs de la défense, de la
médecine et les secteurs où la mise en contexte et la prise de
décision sont requis.
Sony dispose des compétences nécessaires en
interne avec les jeux sociaux PlayLink et le département de
réalité virtuelle pour répondre à cette demande et
doit ainsi explorer cette opportunité. Elle utiliserait des ressources
et compétences internes mais le développement choisi amène
à deux options qui sont l'adaptation locale ou l'intégration
globale.
En adaptation locale, on repose sur un modèle de
développement et création personnalisé pour le client,
cela nécessite une quantité importante de ressources et de
compétences.On offre dans ce sens un service qui comprend toutes les
particularités de l'entreprise et rendre le serious game le plus
fidèle aux scenarii de l'entreprise.
L'intégration globale cible plusieurs clients en
proposant un serious game simple avec une personnalisation sommaire par les
clients, il y a une standardisation pour s'adresser aux firmes sans
réelle personnalisation.L'avantage pour Sony est des coûts de
développement moins élevés et un prix moins
élevés pour les clients.
Stratégiquement, cela représente l'attaque d'un
marché représentant 2,6 milliards d'euros en 2016 avec une
croissance importante qui prévoit un marché entre 5,2 milliards
d'euros et 6,9 milliards d'euros d'ici 2020.Cela constitue selon la matrice
d'Ansoff une stratégie de diversification dans la mesure où Sony
créerait le marché du serious game immersif en
réalité virtuelle en proposant un produit nouveau qui est le
software serious game en réalité virtuelle.
C) Développer des jeux et films interactifs et immersifs
au sein du studio SIE
L'univers des jeux interactifs amène un
caractère plus immersif au jeu vidéo qui devient plus similaire
à un film où on en devient le héros, le consommateur est
amené à se sentir plus partie prenante de l'aventure qui lui est
proposé. Le jeu Until Dawn a connu un franc succès au sein de la
communauté des joueurs qui l'ont très fortement
apprécié pour la vision novatrice qu'il offrait,la qualité
de l'histoire et l'interactivité avec celle-ci ont rendu
l'expérience des joueurs plus proche de celle que l'on peut retrouver en
regardant un film au cinéma.
Dans ce sens, un des facteurs clés de succès est
l'hyper-personnalisation du jeu qui s'adapte au consommateur en fonction des
décisions prises qui découlent elles mêmes des traits de
caractères du joueur. En ce sens, ce type de jeu est totalement conforme
à ce que représente le Kando, le jeu établit un
véritable lien qualitatif et émotionnel avec le consommateur.
L'expérience de jeu est transcendée et est totalement immersive.
Sony peut développer ce type de jeux avec la technologie VR qui offre
l'avantage d'être immersive par les sens. L'expérience de jeu en
serait encore plus profonde pour le joueur qui profiterait d'une coupure avec
la réalité pour s'intégrer complètement au jeu.
Sony dispose des compétences internes pour le
développement et la création ces jeux et des technologies de VR.
Elle devrait explorer ce segment pour le développement du casque VR et
exploiter ces jeux interactifs qui ont déjà faits leur preuve
auprès du public ; cela provoquerait un attrait pour la technologie qui
propose de rendre encore plus immersive que ne l'est déjà
l'expérience de jeu. Sony bénéficie de Sony Pictures qui
peut lui fournir les compétences nécessaires pour rapprocher
l'univers vidéoludique et l'univers cinématographique. Sony
Pictures
45
échangera sur ses techniques de production et de
création de film qu'elle pourra transposer aux techniques de
création de jeux vidéos.
Selon la matrice d'Ansoff, on se situe sur un
développement étant donné que le marché du VR en
B2C est déjà existant et en forte croissance mais que le produit
n'existe pas encore et peut être encore développé pour
amener de plus en plus de sens à être stimulés.
Stratégiquement, Sony procèderait à une sophistication
sans surprix du produit sur l'horloge stratégique Bowman & Faulkner.
On va chercher à développer le produit des jeux-vidéos
immersifs et les proposer en Réalité Virtuelle sans en modifier
le prix si ce n'est que l'achat du casque de VR au préalable.
|
Analyse
Pertinence
|
des modalités de développement
Faisabilité
|
Acceptabilité
|
A
|
Rendre un produit innovant plus accessible au marché en
général en baissant le prix pour s'imposer en leader sur le
marché de la réalité virtuelle et développer un
standard technique pour attirer les éditeurs.
|
Le casque VR chez sony est un produit où la marge est
importante et Sony peut baisser ses marges pour miser sur un volume de vente
accru.Il n'y a pas de manque à gagner pour Sony ni d'investissement
à réaliser.
|
Un positionnement ajusté pour Sony ne représente
pas un désavantage pour Sony dans la mesure où la principale
barrière à l'achat d'un casque VR est le prix. Une baisse de 100
euros serait significative pour augmenter la consommation.
|
B
|
Développer son offre de réalité virtuelle en
s'insérant sur un secteur existant tout en proposant une offre
novatrice.
|
La faisabilité dépend des options choisies.
Une personnalisation représente un investissement
conséquent pour un unique client tandis qu'une offre standardisée
représente un même investissement avec une potentialité de
clients.
|
Le marché des serious games suit la tendance du
marché des jeux vidéos.L'investissement dans les serious games en
VR représente une opportunité là où les concurrents
ne sont pas encore positionnés.
|
C
|
Apporter les compétences du domaine
cinématographique vers le domaine du jeu vidéo couplées
à l'immersion du VR pour donner une expérience d'immersion
unique.
|
Collaboration de DAS de Sony sans surcoût avec un
échange de compétences entre les deux.
Sophistication sans surprix.
|
Le marché des jeux vidéos interactifs montre ses
avantages et une expérience plus immersive représente une
opportunité pour Sony.
|
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46
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