B- L'amélioration de l'observation
internationale des élections
La réussite d'un véritable ancrage des principes
démocratiques et de l'Etat de droit résulte du succès des
processus électoraux notamment des pays qui connaissent ou ont connu des
situations conflictuelles. Dans ces processus électoraux, on peut noter
l'observation internationale des élections qui constitue un
élément essentiel à la crédibilité du
scrutin et à la légitimité des élus. Celle-ci
présente des avantages en matière de consolidation de la
démocratie si elle se passe dans de bonnes conditions et que les
recommandations font l'objet d'un suivi dans leur mise en oeuvre. Cependant,
cette observation connait des lacunes auxquelles il faut apporter des approches
de solutions.
En effet, si la démocratisation des Etats est un
thème majeur de l'agenda politique de la communauté
internationale111, l'efficacité des missions d'observation
internationales des élections doit être recherchée et
organisée. Or l'observation internationale des élections se
trouve décrédibilisée par un certain nombre de limites.
Ces limites, très préoccupantes doivent être
corrigées afin de rendre effective et réalisable, en partie,
l'instauration de la démocratie libérale. Il importe donc de
débattre des conditions juridiques et institutionnelles
111 Voir Bretton (Ph.), « La notion de grand
problème politique international contemporain », Mél. B.
Jeanneau, Les institutions contemporaines du droit public, Dalloz, 2002, (719
p.), p. 293-304 in Contribution à l'étude de l'observation
internationale des élections, K. Dodzi Kokoroko, Thèse de
doctorat en droit, 17 mars 2005, p.304.
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qui seraient susceptibles de faire de l'observation
internationale des élections un moyen légitime et efficace de
renforcement de l'Etat de droit et des droits fondamentaux.
Nous convenons que ces correctifs doivent prendre en compte
non seulement la nature juridique du mandat délivré aux
observateurs internationaux à travers une détermination
rigoureuse mais également tenir compte de l'adhésion ferme et
sincère de la classe politique de l'Etat hôte et des partenaires
internationaux à ces objectifs.
Il y a des controverses autour de la problématique de
la nature juridique de l'observation internationale des élections.
Fondamentalement, le problème avec les missions d'observation
résulte de la difficulté de la détermination exacte de
leur nature. Pour certains, le mandat confié aux missions d'observation
doit être restrictif alors que pour d'autres, il doit être
général (Executive or Non Executive Role)112. Mais
nous sommes convaincus que de sa détermination juridique,
dépendront la crédibilité et l'efficacité desdites
missions.
Consolider la démocratie, revient à envoyer des
observateurs impartiaux pour superviser les élections mais la
réussite de telles opérations reste largement tributaire de la
bonne volonté des Etats. Ceux-ci doivent cesser de voir en ces
opérations qu'ils ont d'ailleurs eux-mêmes sollicitées, une
atteinte à leur souveraineté. Les Etats à travers l'acte
de sollicitation de ces opérations émettent leur consentement.
Ils devraient alors faire preuve de volonté
réelle en honorant les divers engagements souscrits et tout comme les
modifications constitutionnelles et institutionnelles qui doivent être le
fruit d'un large consensus national du moins de la part de la classe politique,
l'observation internationale devrait être discutée et
partagée afin de réduire le risque de suspicion entre les
gouvernements et l'opposition. La bonne foi113 et partant le
consensus politique permettraient une observation électorale
parfaite.
112 Pour les tenants d'une conception restrictive, par leur
présence et les avis qu'ils vont donner, les observateurs internationaux
vont éclairer la communauté internationale sur la manière
dont s'est déroulée une élection. Cet avis n'aura pas de
valeur juridique en soi, mais il permettra de renforcer ou d'affaiblir la
légitimité des élus au regard de la société
internationale. Voir en ce sens, Abbink (J.), Hessling (G.), Election
Observation and Democratisation in Africa, p. 114-125. Alors que pour les
tenants de la conception extensive, la validité d'un scrutin dans
certains pays en transition démocratique serait liée à
l'avis donné par les organismes officiels représentant les
observateurs internationaux. Voir Johnson (R.-W.), Schlemmer (L.), Launching
Democracy in South Africa. The First Open Election. April 1994, New-Haven,
Y.U.P., 1996, (412 p.), p. 289-299.
113 Selon l'article 26 de la Convention de Vienne de 1969
« tout traité en vigueur lie les parties et doit être
exécuté par elles de bonne foi ». L'exécution de
bonne foi et le respect de la règle pacta sunt servanda sont ainsi
intimement liés pour constituer les deux aspects complémentaires
du même principe. L'exécution de bonne foi doit être
définie comme celle qui exclut toute tentative de « fraude à
la loi », toute ruse, et exige positivement fidélité et
loyauté aux engagements pris. Certes, toute définition serait
abstraite, elle doit donc
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En outre, l'observation internationale ne peut connaître
véritablement de réussite que si la communauté
internationale dans son ensemble adhère. La communauté
internationale se doit d'adhérer à un suivi rigoureux des
rapports d'observation et de renouveler son engagement en faveur du droit
à des élections libres et honnêtes.
L'OIF elle-même après avoir reconnu que le suivi
accordé aux rapports des missions d'observation internationales des
élections visant à instaurer un ordre démocratique
international est en deçà des espérances, a
souhaité revoir son dispositif d'observation internationale des
élections dans lequel il n'existe pas de lien codifié entre ce
qui a pu être constaté sur place et une réaction politique
de l'ensemble francophone 114. Dans cette optique, le voeu
imploré est que les Etats de tradition démocratique mais
également des OIG et ONG accordent une dimension politique plus
accentuée aux rapports d'observation des élections. Roland Adjovi
trouve cette option pertinente d'où ces propos : « si les
élections ont été supervisées par des observateurs
internationaux et que tous s'accordent à dire que le peuple s'est
réellement exprimé librement dans le sens des résultats
proclamés, l'Afrique ne peut que se soumettre à la volonté
populaire qui aura entériné le changement. Dans le cas contraire,
le régime reste[rait] anticonstitutionnel et donc soumis à la
clause de l'article 4 (p) 115 » 116.
La communauté internationale devrait en outre
réaffirmer son adhésion à l'organisation
d'élections libres, transparentes et honnêtes et prendre la mesure
de la chose. Aussi, elle doit éviter comme le dit R. Kolb d'être
claudicante : affirme mais ne se donne pas les moyens correspondant à
ses affirmations117. Ce constat se vérifie à travers
le suivi limité des rapports d'observation en dépit du fait
qu'ils contiennent des observations et des recommandations pertinentes. Cette
situation s'explique par le fait que la communauté internationale se
trouve dans un état de primitivisme. Il n'existe pas aujourd'hui de
législateur, ni de juge ni de
être éclairée par la pratique. acte
simplement inamical (CIJ, arrêt du 27 juin 1986, Activités
militaires au Nicaragua, Rec., 1986, p. 138).», K. Dodzi Kokoroko in
Contribution à l'étude de l'observation internationale des
élections, Thèse de doctorat en droit, ibid., 17 mars 2005,
p.318.
114 Dans ce sens voir Champin (Ch.), Perret (Th.),
«Élections en Afrique francophone : des progrès relatifs
», p. 190 ; Nzinzi (P.), « Stabilité politique et alternance
démocratique en Afrique », Colloque de Ouaga, p. 1-16 ; Combacau
(J.), « Le droit international, bric à brac ou système ?
», op.cit, p. 85-105 ; Synomidès (J.-I.), Human Rights :
International Protection, Monitoring,Enforcement, op.cit., p. 256-267
115 Voir « Article 4-p) condamnation et rejet des
changements anti-constitutionnels de gouvernement », O. de Schutteret
al..., Code de droit international des droits de l'homme, p. 737-747.
116 Consulter Adjovi (R.), « L'Union africaine :
Étude critique d'un projet ambitieux », p. 9 et s ; Kodzo Amenyo
(D), Tsagai (T.), « Essai de réflexion sur la génèse,
l'évolution et l'état actuel du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes et sa signification actuelle dans le contexte
africain », p. 49-63.
117 Kolb (R.), Réflexions de philosophie du droit
international. Problèmes fondamentaux du droit international public.
Théorie et philosophie du droit international, Bruxelles, Bruylant,
2003, (434 p.), p. 31 et s.
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gouvernement centralisé, ce qui explique que les normes
internationales s'appliquent de manière décentralisée,
plurielle et hétérogène.
Globalement, l'instauration et la consolidation de la
démocratie en Afrique noire et plus particulièrement dans la
partie ouest par l'OIF nécessite de revoir l'assistance notamment la
généralisation des conditionnalités ainsi que
l'amélioration de l'observation internationale des élections. Ce
n'est qu'à cette condition que ses actions connaitront une réelle
efficacité.
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